a indiqué que ce texte, déposé le 22 février 2008 par Mme Catherine-Morin-Desailly, a été cosigné par de nombreux sénateurs issus de différents groupes politiques. Cette initiative rappelle celle qu'avait prise en 2002 M. Nicolas About pour rendre à l'Afrique du Sud la dépouille mortelle de Saartjie Baartman, dite la « Vénus Hottentote ».
Il a ajouté que les têtes humaines momifiées et tatouées, tradition du peuple Maori, avaient fait l'objet d'un trafic sordide avec l'arrivée des colons européens en Nouvelle-Zélande, et que certaines d'entre elles se sont ainsi retrouvées dispersées dans des musées. En octobre 2007, le conseil municipal de la ville de Rouen a adopté, à l'unanimité, une délibération visant à rendre aux autorités néo-zélandaises -qui en avaient fait la demande- une tête maorie conservée dans les réserves de son Muséum d'histoire naturelle. Or, saisi par le préfet à la demande de la ministre de la culture, le juge administratif a annulé cette décision : en effet, le muséum, ayant obtenu l'appellation « musée de France », est régi par les dispositions de la loi du 4 janvier 2002, aux termes desquelles les biens constituant les collections de ces musées sont inaliénables et toute décision de déclassement ne peut être prise qu'après avis conforme d'une commission scientifique. Le juge a considéré que les dispositions du code civil issues des lois « bioéthique » de 1994, qui prévoient que le corps humain ne peut faire l'objet d'un droit patrimonial, n'étaient pas applicables en l'espèce. M. Philippe Richert, rapporteur, a relevé que, lors des débats sur la « Vénus Hottentote », le ministre de la recherche s'était pourtant appuyé sur ces dispositions pour justifier, alors, qu'une loi était selon lui inutile.
Il a précisé que la proposition de loi permettait de déroger à la procédure spécifique de déclassement prévue par la loi de 2002. Six musées -dont celui du Quai Branly et cinq musées territoriaux- ont, d'après les informations transmises par le ministère, une ou plusieurs de ces têtes dans leurs réserves, soit au total une douzaine. Il reviendra ensuite aux responsables des musées concernés et aux collectivités propriétaires des collections de définir, en étroite coopération avec le musée Te Papa de Nouvelle-Zélande, les modalités de la restitution. Il a indiqué ne pas avoir entendu, au cours de ses auditions, d'argument valable pour s'opposer à la restitution de ces têtes maories. Plusieurs critères en justifient le bien-fondé :
- d'abord, la Nouvelle-Zélande souhaite le retour des têtes maories, même si cette demande est exprimée avec beaucoup de précautions ; le musée national Te Papa est chargé de piloter le programme de rapatriement et de conduire les négociations avec les musées étrangers ; depuis 1987, dix pays ont déjà répondu favorablement à cette sollicitation ;
- ensuite, la restitution se justifie au regard du principe de dignité humaine, de l'éthique et du respect dû aux cultures et croyances d'un peuple vivant : d'une part, il s'agit de restes humains, et non de biens culturels ordinaires ; d'autre part, l'objectif du retour est d'offrir aux ancêtres une sépulture digne, conforme aux rites ancestraux ;
- enfin, les têtes maories n'ont jamais fait l'objet en France de recherches scientifiques ; il conviendrait, néanmoins, de conserver la trace de ce témoignage historique, comme le permettent les techniques de numérisation, pour ne pas aboutir à des « trous » dans la connaissance de l'humanité dont les musées sont aussi responsables.
a reconnu, cependant, que cette démarche pouvait susciter des craintes, en particulier celle d'une dérive vers de nouvelles revendications. Il a souligné que les mêmes réserves s'étaient exprimées en 2002 mais qu'elles n'ont pas été suivies de telles demandes.
Puis, tout en proposant à la commission de souscrire à la proposition de loi, il a souhaité que ce texte soit aussi l'occasion de faire avancer les choses sur des sujets majeurs pour la politique des musées. En effet, ce débat a révélé le retard de la France sur les questions de gestion éthique des restes humains. Par ailleurs, il a permis de constater que la procédure de déclassement des biens des collections des musées, introduite dans la loi de 2002 à l'initiative de la commission, était restée virtuelle.
Certes, une commission scientifique nationale des collections des musées de France a été instituée par le décret du 25 avril 2002. Toutefois, si cette commission a tenu plusieurs réunions, consacrées à des questions de restauration et d'acquisition, elle n'a jamais eu à statuer sur un problème de déclassement. Elle n'a pas davantage engagé de réflexion pour définir des critères en vue d'éventuels déclassements, comme le législateur l'avait pourtant invitée à le faire au moment des débats en séance publique.
Il a rappelé que M. Jacques Rigaud, chargé par Mme Christine Albanel d'une mission sur la question de l'aliénation des oeuvres collections publiques, avait indiqué, dans son rapport, tout en réaffirmant la portée du principe d'inaliénabilité, que cette procédure aurait au moins mérité d'être expérimentée.
Aussi, M. Philippe Richert, rapporteur, a-t-il proposé de compléter la proposition de loi en vue de « réactiver » cette procédure de déclassement, tout en l'encadrant de fortes précautions. Il a jugé utile, en ce sens, d'élargir la composition de la commission compétente, pour qu'elle ne réunisse pas uniquement des professionnels de la conservation, et de préciser sa « feuille de route ». Renommée « commission nationale scientifique des collections », son champ de compétence est étendu, au-delà des seules collections des musées de France, à d'autres collections publiques et notamment aux oeuvres du Fonds national d'art contemporain. Cette commission aura également vocation à définir une doctrine générale en matière de déclassement, permettant d'éclairer les propriétaires et gestionnaires de collections dans leurs décisions. Elle devra rendre compte de ses réflexions devant le Parlement, en remettant un rapport dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi. Compte tenu de l'importance des enjeux sur lesquels elle aura à se pencher (par exemple s'agissant des restes humains), la composition de cette commission est élargie aux représentants du monde politique, de l'Etat et des collectivités territoriales (en tant que propriétaires de collections publiques), et à des personnalités qualifiées notamment dans le domaine scientifique.
Enfin, il a proposé d'introduire dans la proposition de loi une disposition de nature à simplifier et clarifier la gestion de certaines oeuvres inscrites au Fonds national d'art contemporain (FNAC).
Un large débat a suivi l'intervention du rapporteur.