Intervention de Nicolas About

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 juin 2008 : 1ère réunion
Constitution — Modernisation des institutions de la ve république - echange de vues

Photo de Nicolas AboutNicolas About, président :

a précisé que le projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, puis actuellement examiné au fond par la commission des lois, ne justifiait pas que la commission des affaires sociales s'en saisisse pour avis. Ceci étant, celle-ci doit être tenue informée des dispositions qu'il contient, notamment celles qui peuvent directement influer le travail de commission. Le président Jean-Jacques Hyest, qui en est le rapporteur, a d'ailleurs auditionné tous les présidents de commissions permanentes pour apprécier les conséquences du texte sur les conditions futures d'examen des projets et propositions de loi.

Un certain nombre de dispositions n'emportent pas d'effet direct sur le travail en commission mais concernent les sénateurs, à titre personnel de citoyens et en tant que parlementaires. On peut signaler notamment la limitation à deux mandats présidentiels successifs, le plafonnement du recours à l'article 49-3 ou la reconnaissance constitutionnelle d'un médiateur rénové, devenu défenseur des droits des citoyens. Deux dispositions nouvelles du même ordre ont été adoptées par l'Assemblée nationale : la reconnaissance des langues régionales et la création d'un référendum d'initiative commune Parlement - électeurs.

En ce qui concerne les articles touchant cette fois directement le rôle du Parlement, on citera l'article 9 qui reconnaît formellement sa double mission : voter la loi et contrôler l'action du Gouvernement, à laquelle l'Assemblée nationale a ajouté qu'il apporte son concours à l'évaluation des politiques publiques. Au passage, l'Assemblée nationale a également fait inscrire dans cet article l'effectif maximal des députés : 577, soit son niveau actuel, mais pas celui des sénateurs. Cette précision n'est pas sans effet direct lorsqu'on la rapproche de celle qui dispose que les Français établis hors de France seront également représentés à l'Assemblée nationale. Il faudra donc supprimer des circonscriptions législatives actuelles pour permettre cette représentation à effectif constant. Les découpages seront d'ailleurs décidés désormais après avis d'une commission indépendante (article 10).

L'article 11 du texte procède à des ajustements de la définition du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution : c'est dans cet article que figure, à l'initiative de l'Assemblée nationale, la parité hommes-femmes « aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Enfin, l'article 12, qui autorisait le vote de résolutions dans le texte initial, a été supprimé par l'Assemblée nationale, ce qui ne semble pas être une bonne idée.

Abordant ensuite les dispositions modifiant les conditions de travail des commissions, M. Nicolas About, président, a signalé :

- l'article 10 bis, ajouté par l'Assemblée nationale, qui propose que toutes les auditions soient désormais publiques, sauf avis contraire, ajout auquel il n'est pas favorable ;

- l'article 16 qui prévoit que désormais, le débat en séance publique se fera sur la base du texte adopté par la commission et non sur le texte du projet du Gouvernement en première lecture, exception faite des projets de loi de finances et de financement. Sur le plan pratique, cette mesure pose différents problèmes : conditions d'application de l'article 40, présence éventuelle du Gouvernement en réunion de commission, difficultés techniques liées au montage du texte, question des délais limites de dépôt des amendements... Elle donnerait en revanche plus de poids au travail effectué en commission puisqu'il appartiendra au Gouvernement de défendre des amendements s'il veut en revenir à son texte initial ;

- la fixation d'une sorte de « délai de prévenance » pour laisser au Parlement le temps de travailler : six semaines minimum entre le dépôt d'un texte et sa première lecture ; trois semaines après la transmission à la seconde assemblée saisie. Les délais initiaux qui s'établissaient respectivement à quatre et deux semaines ont donc été allongés par l'Assemblée nationale. Des exceptions sont toutefois prévues : l'urgence (qui s'appellera désormais procédure accélérée), les projets de loi de finances et de financement et l'état de crise. Si l'intention est louable, on peut se montrer plus dubitatif sur l'effectivité de cette mesure ;

- l'article 22 qui organise un ordre du jour réservé pour moitié au Gouvernement, pour moitié à chaque assemblée. Le calcul s'effectuerait sur la base de deux semaines d'ordre du jour réservé au Parlement sur quatre. Cette mesure appelle des précisions sur le calage technique de ce décompte, d'autant que l'Assemblée nationale a prévu de surcroît qu'une semaine sur quatre sera réservée au contrôle et à l'évaluation des politiques publiques ;

- enfin, les articles 17 et 32 qui prévoient respectivement de fixer à huit le nombre des commissions permanentes, au lieu de six, et de créer une commission des affaires européennes, mais qui ne s'impute pas sur les huit, semble-t-il. Si tel est bien le cas, il serait sans doute préférable d'en revenir à l'appellation d'origine de « comité » pour éviter l'ambiguïté.

Enfin, M. Nicolas About, président, a évoqué les propositions d'amendements envisagées susceptibles de concerner directement la commission des affaires sociales. Il a d'abord indiqué que le président de la commission des finances souhaite déposer deux amendements de ce type :

- dans l'article 11, qui précise le champ du domaine de la loi au sens de l'article 34 de la Constitution, il pourrait être établi une sorte de monopole de la fixation des règles fiscales en loi de finances et des règles applicables aux contributions et cotisations sociales en loi de financement. Un sujet similaire a d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de loi organique cosignée avec Alain Vasselle et précédemment adoptée en première lecture par le Sénat dont les intentions sont assez proches. Sous réserve d'une réécriture du texte de l'amendement, il serait peut-être judicieux de s'allier à la commission des finances pour faire valoir cette proposition auprès du Gouvernement ;

- en revanche, une seconde proposition qui consisterait à instaurer un « projet de loi de finances publiques » mêlant projet de loi de finances et projet de loi de financement inspire de profondes réserves. La commission, et notamment sa Mecss, a étudié l'an dernier les risques que présenterait cette suggestion et a conclu à son absence de bien-fondé. L'argument de ses défenseurs est qu'il ressortirait d'une intégration ou d'un rapprochement entre ces deux lois financières « un meilleur pilotage des finances publiques ». Or, c'est bien le contraire qui en résulterait, en ne permettant plus de savoir clairement quelles ressources financent quelles politiques. Que l'on puisse juxtaposer, matériellement, les tableaux présentant les ressources du budget de l'Etat et celles de la sécurité sociale, pour en avoir une idée d'ensemble, est une bonne chose : tel est d'ailleurs l'objectif du débat annuel d'orientation budgétaire et des finances sociales, ainsi que de celui consacré aux prélèvements obligatoires. En revanche, que l'on mélange les unes et les autres serait source d'opacité, de dilution des responsabilités et d'absence de rigueur financière.

a ensuite évoqué les amendements qu'il serait susceptible de déposer, à titre personnel, pour susciter le débat.

Il s'est notamment déclaré favorable à ce que l'on impose un équilibre constitutionnel des comptes sociaux sur une période pluriannuelle de quatre ans. A l'Assemblée nationale, il avait été envisagé, un temps, d'inscrire dans la Constitution le principe de comptes équilibrés, pour l'Etat comme pour la sécurité sociale. Finalement, il n'en est resté qu'une formule assez approximative, à l'article 11, selon laquelle : « des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Certes, on peut estimer irréaliste, voire angélique, et partant dangereux, d'imposer l'équilibre annuel des comptes, mais il est peut-être possible de se montrer un peu plus ambitieux que ne l'est le texte actuel en prévoyant que cet équilibre sera constaté sur quatre ans. Cela autoriserait des déficits dès lors qu'ils sont compensés, lors des exercices suivants, par des excédents. Cette solution est d'ailleurs celle précédemment préconisée par la Mecss.

Dans un autre ordre d'idée, il serait souhaitable d'autoriser le Parlement à saisir le Conseil économique et social - qui s'appellerait désormais le Conseil économique, social et environnemental - pour avis sur des propositions de loi. La commission s'était heurtée à cette impossibilité lorsqu'elle avait voulu requérir l'avis du Conseil économique et social sur la proposition de loi « minima sociaux » présentée par Valérie Létard, car cette faculté n'est pour l'instant pas ouverte au Parlement. Puisque le texte prévoit de permettre au Parlement de saisir le Conseil d'Etat pour apprécier les propositions de loi, il semble qu'établir le même parallélisme des formes à l'égard du Conseil économique et social serait une règle de bon sens et de logique.

Par ailleurs, dès lors que la parité hommes-femmes dans le cadre professionnel et social serait affirmée dans le texte de la Constitution, il ne paraît pas illégitime de prévoir une obligation similaire d'accès à l'emploi au profit des personnes handicapées et des seniors.

Enfin, en ce qui concerne l'examen des textes en commission, il serait utile de préciser que cet examen se fera hors la présence du Gouvernement car des ambiguïtés existent sur ce point dans le texte actuel.

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