Intervention de Philippe de Ladoucette

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 23 juin 2010 : 1ère réunion
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Audition de M. Philippe de laDoucette président de la commission de régulation de l'énergie

Philippe de Ladoucette, président de la CRE :

J'en viens à la construction d'un tarif réglementé de vente. Le projet de loi NOME dispose que, dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente doivent être établis en tenant compte de l'addition du prix ARENH, du coût du complément à la fourniture d'électricité, qui inclut la garantie de capacité, des coût d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale. Pour que la concurrence se développe de manière effective, sur l'ensemble des segments de clientèle, les tarifs réglementés de vente doivent intégrer le prix ARENH et la proportion du volume d'électricité de base vendue à ce prix, dès l'entrée en vigueur de la loi. Dans le cas contraire, les concurrents d'EDF ne seront pas dans des conditions économiques équivalentes à celles d'EDF. Comme l'indique l'Autorité de la concurrence dans son avis, cette règle de calcul des tarifs règlementés s'avère indispensable pour garantir la neutralité de ces tarifs quant aux conditions de concurrence entre les fournisseurs mais son efficacité est amoindrie par le report de son application à quasiment cinq ans. Dans sa lettre aux commissaires européens à la concurrence et à l'énergie, le Premier ministre a souhaité que ce soit le régulateur qui fixe le prix ARENH.

Le VI de l'article 1er du projet de loi prévoit une période transitoire de trois ans pendant lesquels la CRE donnera un avis sur une proposition du ministre. Il paraîtrait cohérent que l'autre période transitoire concernant les tarifs réglementés, actuellement de cinq ans, soit elle aussi fixée à trois ans par souci de cohérence entre les deux.

La consultation du Conseil supérieur de l'énergie, en soi louable, pose un problème de faisabilité. Sur quel texte le consulter ? Ce ne peut être sur une délibération de la CRE car cela viendrait trop tard et, avant, il n'y a pas vraiment de texte. Ce ne peut donc être que sur des éléments très généraux. On se retrouve là dans le même cadre que la CRE qui consacre beaucoup de temps à des consultations publiques. Par exemple, sur la construction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), elle est amenée à consulter l'ensemble des acteurs par voie électronique, par courrier, par le biais d'auditions ou de tables rondes. Donc, j'ai l'impression que la consultation du Conseil supérieur de l'énergie est un peu redondante. Je sais bien qu'il s'agit de compenser l'éviction des commissaires représentant les consommateurs mais je ne suis pas certain que cela réponde à cet objectif.

Quelques mots sur la CRE elle-même. Celle-ci, qui a aujourd'hui dix ans d'existence, a connu plusieurs lois sur l'énergie et vu sa gouvernance modifiée déjà trois fois. Le projet de loi NOME prévoit donc une quatrième modification - en dix ans - de la composition de son collège. Je ne crois pas que l'on rencontre une telle instabilité dans aucun pays européen comparable au nôtre. La dernière modification remonte à la loi votée en décembre 2006 : le Parlement a souhaité ajouter deux commissaires aux sept existants, afin que les consommateurs soient représentés au sein du collège. Vous aviez également décidé la création de postes de vice-président pour deux des membres nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et ramené à trois le nombre de commissaires à plein temps. Votre réforme est achevée et effective depuis avril dernier. Le collège de la CRE est donc composé de neuf commissaires, dont trois à temps complet. On y dénombre deux conseillers d'État, un ancien sénateur, deux ingénieurs généraux des mines, un ancien responsable syndical, un ancien président d'entreprise publique du secteur de l'énergie, un industriel représentant les grands consommateurs et un responsable d'association de consommateurs domestiques. Le projet de loi actuel, voté par l'Assemblée nationale, prévoit un collège réduit à trois membres à temps plein. Ce nombre de trois ne me semble pas optimal et celui de cinq, que prévoyait le texte initial, correspond davantage à ce qu'est un collège et, surtout, aux besoins de la CRE. Avec un effectif de trois et un quorum de trois, il suffit qu'un des membres soit malade ou effectuant un des nombreux déplacements que requiert son activité internationale, pour que la Commission de régulation ne puisse fonctionner.

Mais, surtout, il faudrait désormais cesser de modifier sa composition et la stabiliser pendant plusieurs années ! Aucune autre autorité de régulation économique n'est soumise à un tel rythme de changements en si peu d'années.

Un régulateur n'est pas là pour faire plaisir aux entités qu'il régule. Il applique la loi et les directives européennes. Il est donc normal qu'il dérange car il est obligé de justifier ses positions sur le plan juridique et économique, celles-ci étant toujours attaquables devant les juridictions compétentes. Il est rare qu'un régulateur soit apprécié au même moment par tous les acteurs du marché. Mais s'il est successivement apprécié et critiqué, c'est qu'il a trouvé un juste équilibre.

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