Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 23 juin 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • centrale
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La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend M. Henri Proglio, président d'EDF, sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Sur ce projet de loi, notre rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, a déjà mené plus d'une trentaine d'auditions. Nous avons jugé que les plus importantes devaient être menées dans le cadre de la commission, élargie au groupe d'étude sur l'énergie. Le texte, qui s'inscrit dans la ligne du rapport que M. Paul Champsaur présenté en avril 2009, a été adopté en conseil des ministres le 14 avril dernier. L'Assemblée nationale l'a voté en première lecture le 15 juin. Le projet comprenait à l'origine 11 articles, portés à 18, d'inégale importance. Le coeur du texte est constitué par l'article 1er, qui définit le dispositif d'accès régulé à l'électricité de base (ARB), renommé par les députés « accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (ARENH).

L'Assemblée nationale a supprimé l'article 10, qui habilitait le gouvernement à transposer par ordonnances les directives du troisième paquet énergie. Elle a inséré un article 12 très copieux qui réforme le régime des taxes locales d'électricité afin de le mettre en conformité avec le droit communautaire.

Nos auditions sur ce projet de loi se poursuivront mercredi 30 juin puis l'examen du rapport et l'adoption du texte de la commission aura lieu le mercredi 7 juillet - le délai limite pour le dépôt des amendements étant fixé au vendredi 2 juillet à 11 heures. La discussion du projet de loi NOME en séance publique aura lieu durant la session extraordinaire de septembre, sans doute après le 15 septembre.

Pour débuter ce cycle d'auditions devant la commission, élargie au groupe d'études sur l'énergie, j'ai le plaisir d'accueillir M. Henri Proglio, président d'EDF, entreprise qui est au coeur du dispositif du projet de loi, en tant que producteur d'énergie nucléaire. J'ai d'ailleurs, à l'occasion de discussions préliminaires avec le ministre sur le contenu de ce texte, combattu l'expression de « rente » nucléaire qui n'est pas du tout conforme à la réalité.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président d'EDF

En vous remerciant de votre accueil, et avant mon propos introductif sur le projet de loi, j'apporterai la précision suivante : même si le mot est maladroit, il existe une forme de rente nucléaire en France. Mais, elle est le résultat de la capacité d'anticipation, de l'audace, du courage de notre pays, ces cinquante dernières années, pour constituer un outil nucléaire unique en une période où l'énergie fossile était beaucoup moins chère qu'aujourd'hui. Depuis, nous possédons le premier parc mondial et cette réussite donne un atout de compétitivité à notre territoire. La rente est redistribuée aux Français par le biais des tarifs. C'est ce que nous essaierons collectivement de préserver. Et c'est ce que les autres pays européens veulent voir supprimer. L'énergie électrique est chez nous 30 à 40 % moins chère que la moyenne européenne. Ce n'est pas un mince avantage dans la bataille économique !

Je porte une grande attention aux conséquences de cette future loi pour EDF. Elle est en effet fondée sur un mécanisme économique fort inhabituel et dont la mise en oeuvre, si l'on n'y prend garde, pourrait empêcher EDF de remplir sa mission. Je me dois de défendre les intérêts d'EDF et de préparer l'avenir de l'entreprise, dans l'intérêt de la nation.

Mon ambition, pour la production en France, est de rétablir et développer la performance du parc nucléaire mais aussi hydraulique, thermique et celle des filières renouvelables. Nous allons nous en donner les moyens et les compétences. J'entends également renforcer la proximité avec les consommateurs et rétablir une relation de qualité avec nos clients et leurs élus. C'est en partie une question d'organisation. A l'international, il nous faut améliorer notre performance, notamment dans le domaine nucléaire. Vous connaissez ma position sur ce sujet et sur l'efficacité qui peut être celle d'EDF. Ces ambitions stratégiques reposent sur une mobilisation de tous au sein du groupe.

Aucun de ces objectifs ne pourra être atteint si EDF doit subventionner ses concurrents en vendant sa production en dessous du coût de revient économique. Comment justifier que des opérateurs n'ayant pas investi et n'assumant pas les risques d'exploitation de nos centrales puissent acquérir l'électricité produite par EDF en dessous de son coût de revient ? J'ai exprimé quelques convictions fortes liées à une vision industrielle de long terme. La rédaction initiale, marquée par le seul souci de développer la concurrence à court terme, a été en partie rééquilibrée, les enjeux d'investissement pris en compte dans une certaine mesure. L'enjeu majeur pour le pays, c'est bien l'investissement.

Quel que soit le modèle de marché retenu, concurrence ou monopole, sans un certain niveau d'investissements ni la sécurité d'approvisionnement, ni la compétitivité du prix de l'électricité ne seront au rendez vous. Le projet de loi actuel incite-t-il les opérateurs à investir? Laissera-t-il à EDF les moyens d'investir? EDF est favorable à la concurrence et à un marché ouvert, pas à une répartition de force des parts de marchés. Tous les opérateurs doivent être incités à investir dans des moyens de production. Une concurrence artificielle sur la seule activité de commercialisation ne serait pas viable. Aucun commercialisateur ne dure sans être également producteur.

Or je ne retrouve pas dans le projet de loi l'exigence d'investissements au-delà des moyens de pointe. La concurrence ne sera pas équilibrée. Plus grave, la sécurité d'approvisionnement du pays sera à terme menacée. La nouvelle organisation doit maintenir la gestion intégrée du parc de production d'EDF, sans isoler le parc nucléaire, comme cela fut envisagé. S'il a été possible de faire face cet hiver, malgré la faible disponibilité des centrales nucléaires, à des situations climatiques aussi tendues, c'est grâce à l'optimisation de la production nucléaire, thermique et hydraulique, de l'achat-vente sur les marchés et des échanges avec les pays voisins. Ne désarticulons pas le parc de production ! Enfin, le prix payé pour l'accès à la production nucléaire d'EDF devra donner à ce groupe la capacité d'exploiter son parc en industriel responsable, en réalisant des investissements considérables - de maintenance, de démantèlement des installations, de prolongation de la durée de vie des centrales au-delà de 40 ans. Les références internationales sont plutôt de 60 ans.

Les échanges avec le gouvernement ces derniers mois puis l'examen par l'Assemblée nationale ont rééquilibré en partie le projet de loi. Je souhaite que l'examen par le Sénat soit l'occasion de l'améliorer encore. Quel est en effet l'objet de la loi? Il est d'organiser la disparition du tarif TaRTAM, puis des tarifs jaunes et verts, pour tenir compte des procédures européennes en cours. Mais l'Europe ne demande pas le subventionnement des fournisseurs alternatifs ; elle ne demande pas de démanteler ni d'endetter EDF ; elle demande seulement la fin des tarifs aux entreprises. Les tarifs bleus ne suscitent aucun contentieux et sont du reste confirmés par la loi.

Le dispositif retenu pour répondre à cette prescription est tellement interventionniste envers EDF qu'il doit être encadré et effectivement transitoire. Sur la question centrale, le prix de l'accès régulé à l'énergie nucléaire d'EDF, vous allez voter une loi qui va forcer mon groupe à vendre sa production à ses concurrents à un prix régulé. C'est une forme d'expropriation ! Si le prix payé pour cette énergie ne couvrait pas le coût de revient économique de chaque MWh nucléaire concerné, cela représenterait une spoliation d'EDF. Dans aucun secteur de l'économie il n'est possible d'utiliser un outil de production sans en rémunérer le coût économique complet. Or, pour couvrir le coût de revient économique du parc nucléaire, autrement dit le « coût courant économique », le prix devra représenter la somme de deux termes : le premier, variable, bien défini dans le projet de loi, correspond à la somme des coûts supportés chaque année par l'entreprise à compter de la promulgation de la loi ; le second, fixe en euros constants, correspond à la couverture et à la rémunération du capital investi dans le parc et il est fixé une fois pour toutes, ce qui nous évitera d'entrer chaque année dans une discussion sur le montant déjà amorti, les intérêts, etc.

Le projet de loi prévoit une période transitoire pendant laquelle le prix sera arrêté par le gouvernement, lequel passera ensuite le relais à la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Le prix de départ sera fixé « en cohérence » et en continuité avec le niveau actuel du tarif réglementé transitoire d'adaptation du marché (TaRTAM), soit 42 euros par mégawatt-heure. Le respect de ce prix plancher de départ de 42 euros est fondamental pour EDF. C'est le prix régulé auquel nous vendons aujourd'hui notre électricité. Toute baisse représenterait une perte immédiate de recette pour l'entreprise, sans aucun bénéfice pour les consommateurs.

Il est essentiel aussi que l'accès régulé au nucléaire profite en priorité aux industriels. Ce sont eux qui vont perdre la protection des tarifs : le TaRTAM tout de suite, puis les jaunes et verts dans cinq ans, tandis que les bleus vont perdurer. L'électricité compétitive, c'est de l'emploi industriel. L'accès régulé au nucléaire, s'il est calé sur le niveau de prix du TaRTAM actuel puis évolue vers la couverture du coût économique complet du parc nucléaire existant, permettra de concilier des offres en concurrence et maintien de la compétitivité du nucléaire pour les clients.

L'accès régulé au nucléaire doit être calibré pour répondre aux attentes des industriels et non pour satisfaire aux schémas marketing des fournisseurs spécialisés sur le segment des clients résidentiels. Ni Bruxelles, ni la commission Champsaur, ni même les particuliers ne font une priorité du développement de la concurrence sur le marché des clients domestiques. Une concurrence vive peut en revanche se développer sur toutes les autres catégories de clients.

L'essentiel des volumes de nucléaire régulé qui sera mis en vente doivent donc bien être dédiés à la fourniture des entreprises. Il convient d'éviter les effets d'aubaine, voire les enrichissements sans cause au détriment d'EDF. J'en donnerai seulement deux exemples.

Il existe des énergéticiens disposant en France de moyens de production - non nucléaires - dont les coûts sont très inférieurs à ceux du parc nucléaire historique. La compétitivité exceptionnelle d'un tel fournisseur avait ainsi conduit le législateur de 2006 à ne pas lui reconnaître le droit à une compensation, considérant qu'en vendant au TaRTAM il ne subissait pas de préjudice. La loi l'a même astreint à contribuer, aux côtés d'EDF, au financement de la compensation. Comment justifier que l'on offre aujourd'hui à ce principal concurrent d'EDF l'accès régulé à la production nucléaire d'EDF sans décompter au préalable les volumes qu'il produit à un coût inférieur?

Deuxième exemple d'effet d'aubaine à encadrer : certains fournisseurs, par décision de l'Autorité de la concurrence, ont accès à des volumes d'énergie à prix régulé, sous la stricte condition de les destiner à des clients finals en France - dans le cas contraire, ils auraient à payer un complément de prix. Or la rédaction actuelle du projet de loi n'interdit pas que la même clientèle finale soit mise en avant pour obtenir un accès à la fois à cette énergie régulée et au nucléaire régulé. Une partie des volumes obtenus serait revendue sur le marché de gros, sans que le complément de prix puisse s'appliquer. Il s'agit tout de même de dix térawatts-heure...

Enfin, le caractère transitoire d'un tel système est absolument fondamental. Il importe donc d'écrire dés maintenant la phase de sortie. La décroissance progressive des volumes d'électricité fournis par l'accès régulé doit être inscrite dans la loi. Seule cette réduction programmée incitera les fournisseurs à investir ou passer des accords industriels avec des producteurs. Si aucun dispositif de sortie n'était prévu, aucun opérateur n'aurait intérêt à investir et la sécurité d'approvisionnement du pays serait mise en danger. Le paysage électrique français va donc évoluer fortement avec la loi NOME.

EDF va se retrouver amputé pendant 15 ans d'une part importante de sa production. Non pour avoir été défaillant, non pour avoir été mal géré, non pour avoir abusé d'une position dominante, mais parce qu'il est trop compétitif.

Soyons conscients que les ménages et les entreprises, en France, bénéficient de prix de l'électricité 30 à 40 % plus bas que la moyenne européenne - le prix est presque double en Allemagne. Ce que l'on qualifie de rente nucléaire est intégralement transféré aux consommateurs, toutes catégories confondues. Le maintien de cet avantage compétitif suppose de poursuivre une politique fondée sur une logique industrielle de long terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Vous êtes dans votre rôle en défendant votre entreprise et en exprimant vos inquiétudes pour l'avenir. L'Europe a considéré que le marché ne s'était pas ouvert pour les clients entreprises, restés vos clients à 96% : elle nous a imposé de faire quelque chose. Quant à moi je défends les consommateurs et souhaite donc qu'ils continuent à bénéficier du tarif régulé. Je ne suis pas certain que le mécanisme mis en place dans le projet de loi les protège. Il faut préserver le fleuron industriel qu'est EDF ; je suis hostile à toute menace de démantèlement. Il faut faire très attention à ce mécanisme qui pourrait se révéler très perturbant. Tous les parlementaires français se préoccupent également de l'indépendance énergétique de notre pays. J'ai noté votre souci que les autres fournisseurs investissent. La loi n'est pas suffisamment précise pour les y inciter. Si le nouveau système donne des parts de marché aux concurrents sans contrepartie en investissements, nous aurons tout raté.

Le prix ARENH sera défini en tenant compte de la rémunération du capital, du coût d'exploitation, de l'investissement de maintenance et de la charge du nucléaire, gestion des déchets et démantèlement. A-t-on tout intégré ? Le compte y est-il ? Les 42 euros seront-ils suffisants ?

Vos concurrents, pour obtenir l'accès régulé, devront fournir des informations sur leurs clients. Comment cela peut-il fonctionner ? Comment le régulateur pourra-t-il opérer des vérifications ? Vous saurez tout de suite quelle entreprise, quel site, est passé chez le concurrent !

Les contrats de gré à gré conclus avec tel ou tel fournisseur viendront en déduction des 100 térawatts-heure. Pourquoi signer de tels contrats, avec Poweo ou tel grand concurrent étranger ? En quoi est-ce une « fenêtre » ?

Si les autres fournisseurs n'investissent pas, nous allons dans le mur. S'ils investissent, la donne est différente. J'ai assisté à l'inauguration par Poweo de sa centrale de Pont-sur-Sambre, centrale à gaz pour la pointe. Ce fournisseur a signé un accord avec vous, un échange de base et de pointe. Je précise qu'avec des investissements sur la pointe uniquement, on manque l'objectif d'indépendance énergétique de la France. Comment organiser de bons échanges ?

Le taux de disponibilité des centrales françaises est mauvais au plan européen ou mondial. Il est inférieur à 80 % chez nous mais supérieur dans la plupart des autres pays. Cela signifie sans doute que les investissements nécessaires n'ont pas été réalisés auparavant. Si EDF est demain amputé de 25 % de sa production par l'ARENH et que ses disponibilités sont inférieures à celle des concurrents étrangers, elle sera mal en point. La priorité est d'améliorer le parc de centrales.

Enfin, quelles sont les conditions d'un bon développement des capacités d'effacement. Le rapport de MM. Bruno Sido et Serge Poignant se conclut par des propositions fortes que je serais tenté de reprendre dans des amendements : seraient-ils selon vous prématurés ?

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président d'EDF

Les modalités de définition du prix sont cruciales pour la survie de l'entreprise. Qui accepterait de perdre des parts de marché ? Comment imposer à ses collaborateurs des pertes de parts de marché décidées par la loi ou par un règlement ? Nous mettrons, sous la contrainte, une partie de notre production à disposition de nos concurrents, à un prix que vous déterminerez. Mais je me battrai pour qu'EDF ne perde pas de parts de marché dans un marché ouvert.

Mais tout de même... Imaginons que quelqu'un achète une vieille voiture, pour prendre une licence de taxi. Le coût de revient comptable de sa production, le coût marginal de la course, est très faible... jusqu'au jour où le véhicule est bon pour la casse. S'il vend sa course à ce coût comptable, alors ce chauffeur n'aura pas les moyens d'acheter une nouvelle voiture et disparaîtra. Il en va de même ici. L'outil industriel est aux trois-quarts amorti. Prendre en compte un coût de revient comptable est un non-sens total. Le coût de revient effectif est différent du coût de revient comptable. Il reste en moyenne une quinzaine d'années d'exploitation sur les centrales nucléaires. Vais-je m'efforcer d'obtenir un prolongement de leur durée de vie et dans le même temps m'engager à vendre pendant quinze ans la production à tel prix ? Prolonger la durée d'exploitation des centrales pourrait coûter 600 millions d'euros par tranche, soit un total de 35 milliards d'euros pour 58 tranches.

A l'issue d'une période transitoire de 15 ans, les centrales auront 15 ans de plus et l'outil de production et d'indépendance énergétique du pays sera compromis. Il faudra renouveler le parc, pour un coût, alors, de 4 milliards d'euros par tranche. Le coût de revient complet doit donc inclure le coût d'exploitation courante, la maintenance courante, le démantèlement, l'élimination des déchets, l'extension de la durée de vie. Il se situe entre 42 et 45 euros ; le niveau de 42 euros garantit la continuité avec le TaRTAM, mais n'enrichira pas EDF, et ne contribuera pas au financement des investissements liés au renouvellement des centrales. Je le dis solennellement. J'ajoute qu'un pillage par le biais d'un prix inférieur au coût de revient porterait un lourd préjudice à tous les acteurs économiques. De 42 euros, le prix doit être progressivement porté à 45 euros, point d'équilibre, incluant le coût de l'extension de durée de vie - mais non le coût du renouvellement.

J'en viens aux échanges d'information, ce n'est qu'a posteriori que nous saurons quels clients ont conclu un contrat avec nos concurrents. Quant aux contrats de gré à gré, ils ont surtout l'avantage d'être pluriannuels et de donner à chacun une meilleure visibilité à moyen terme.

La capacité de base est la plus importante et la pointe peut être couverte par des moyens différents. Je suis favorable aux conclusions du rapport Sido-Poignant.

Le taux de disponibilité n'est pas identique à la capacité de production, c'est un taux moyen sur une période, qui tient compte des arrêts programmés et subis. Plus le taux est élevé, meilleures sont la capacité théorique de production et l'efficacité économique de l'outil. Il faut apprécier la pertinence du taux en fonction de la saison. Par exemple, j'ai accepté que le taux soit réduit cet été afin que les centrales soient en fonction l'hiver prochain. J'ampute le taux à court terme mais j'améliore la situation économique du groupe. Un taux de disponibilité s'apprécie aussi au regard de l'utilisation qui est faite du nucléaire. Dans les pays où la part du nucléaire ne dépasse pas 20 ou 25 %, il est plus facile d'utiliser les centrales, en base seulement, à 90 %. Il n'y a pas de comparaison possible avec la France. Le meilleur taux jamais atteint par EDF est 83,5 % ; en 2009, nous étions à 78 %. Et je me suis engagé à porter ce taux à 85 % en cinq ans. Objectif ambitieux !

En 2009, le taux effectif faible a été dû aux mouvements sociaux. Je compte récupérer en 2010 les journées d'exploitation perdues en 2009. La maintenance a été renforcée, la gestion de proximité est plus efficace. L'effacement est un sujet important, il s'agit d'optimisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Il est facile de dire que c'est l'Europe qui nous oblige ! Nous aurions pu revisiter la directive sur la concurrence à la lumière des articles 90 et 160. Et mettre en place la fameuse directive-cadre sur les services d'intérêt général prévue en 2002. Le projet de loi incite-t-il les opérateurs à investir ? La concurrence n'est-elle pas artificielle ? Les commercialisateurs peuvent-ils durer sans produire ? Nous partageons à 100 % vos réflexions sur ces sujets. Le texte est censé améliorer la concurrence - toujours ce fameux dogme ! En réalité, il cherche à colmater les effets négatifs de la libéralisation du marché de l'énergie. Je crains hélas qu'il ne décourage les investissements et ne mette en péril la sécurité d'approvisionnement du pays. Nous proposons donc, pour créer une incitation à l'investissement, d'organiser la décroissance des volumes cédés autour de 2020 ou 2025.

Quelles garanties a-t-on que les fournisseurs alternatifs ne vendront pas à l'étranger une partie des volumes que leur cèdera EDF ? La traçabilité de l'électricité est difficile : impossible de l'estampiller « made in France » !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Avant de m'intéresser à l'électricité, je m'étais penché sur le secteur des télécommunications. Or, la concurrence n'a entraîné aucune création de valeur.

En 2006, j'ai participé à la rédaction d'un rapport sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de notre pays. Nous nous étions rendu à La Mecque du marché - Londres, où l'on nous avait expliqué que le marché de l'électricité ne marchait pas, que les opérateurs s'alignaient toujours sur les prix les plus hauts et non pas les plus bas. Peut être les choses ont-elles changé depuis...

En Allemagne où il y a quatre opérateurs, chacun a sa part et la concurrence n'existe pas vraiment.

Et puis, il faut bien reconnaître que depuis 1946, c'est la France qui a payé EDF ! Je vous rappelle qu'il était un temps où l'on payait l'électricité plus cher dans notre pays qu'ailleurs ! Ce qui est essentiel, c'est l'indépendance française et sa sécurité d'approvisionnement. A partir du moment où les Français sont hostiles à l'interconnexion, il nous faut développer une capacité nationale de production pour couvrir nos besoins. Je serai donc très vigilant lors de l'examen de cette loi : il faudra prévoir une sortie en sifflet en exigeant des nouveaux opérateurs des investissements croissants tous les ans.

En ce qui concerne les 42 euros, êtes-vous sûr d'être au meilleur prix, d'autant que de nombreuses incertitudes continuent de peser sur EDF ? On ne sait toujours pas quel sera le coût du stockage des déchets à haute activité et votre entreprise doit affronter une inflation de normes, notamment en ce qui concerne la sureté nucléaire. On vous demandera bientôt d'enfouir à 500 mètres de profondeur les bétons contaminés. Vous êtes donc confrontés à des incertitudes phénoménales.

Alors, certes, nos concitoyens attendent des prix compétitifs, mais ils veulent surtout que la sécurité d'approvisionnement soit préservée.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J'ai noté l'inquiétude de notre rapporteur sur cette loi. Mais il a handicap par rapport à nous, son appartenance à la majorité !

M. Henri Proglio a parlé en tant que président d'EDF. Nous, nous parlons au nom de nos concitoyens. Il s'agit non d'une expropriation mais d'une spoliation d'un patrimoine national car ce sont bien les Français qui ont payé cette entreprise. De quel droit peut-on obérer ainsi une partie du patrimoine de la Nation en le mettant à la disposition de concurrents alternatifs ? La Commission européenne, mais aussi notre pays, sont touchés par le dogme de la concurrence. Mais il s'agit d'un véritable TOC : un trouble obsessionnel de la concurrence !

Dans tous les pays où l'on a organisé la concurrence dans le secteur énergétique, et notamment pour l'électricité, les problèmes ont été innombrables, dont la multiplication des effets d'aubaine pour les concurrents. Le prix du mégawatt est fixé à 42 euros, soit, mais cela ne comprend pas la marge d'investissement. Avec cette loi, les concurrents n'auront aucun intérêt à investir : ils vont tout simplement bénéficier d'un cadeau de la Nation !

Bruxelles nous impose donc cette loi : j'aurais souhaité que le gouvernement négocie pied à pied, surtout lorsqu'on sait les aides qu'apportent les Landers à leurs entreprises ! L'Europe reproche à la France d'aider EDF. Mais avec cette loi, nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied !

Toute la question tourne autour de notre indépendance énergétique et c'est d'autant plus d'actualité lorsqu'on voit ce qui se passe dans le secteur gazier, avec Gazprom. Durant les années 1980, la France a beaucoup investi pour assurer son indépendance énergétique. Quelle sera la capacité d'investissement d'EDF lorsque cette loi aura été votée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Gaz-de-France-Suez dispose d'une production d'électricité hydraulique très compétitive, notamment avec la Compagnie nationale du Rhône, et elle doit en faire bénéficier ses clients avant de revendiquer la production nucléaire d'EDF. Or, GDF revend 90 % de sa production sur le marché de gros : c'est compréhensible, compte tenu du prix de revient extrêmement compétitif de l'hydraulique. Mais cette entreprise ne peut revendiquer en même temps une part de l'électricité nucléaire d'EDF sous prétexte qu'elle ne dispose pas de moyens de production compétitifs ! Si nous acceptions cela, nous entérinerions purement et simplement un transfert financier d'EDF vers GDF-Suez.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il serait dommage que cette loi en vienne à handicaper l'avenir alors qu'EDF a mené une remarquable politique énergétique et en matière de coûts. Je rappelle que souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique sont étroitement liées. Cette loi, qui va réduire les investissements d'EDF de 2 milliards par an, ne peut, ne doit pas être votée, d'autant qu'elle organise une concurrence artificielle dans le secteur énergétique. Pourquoi casse-t-on les monopoles ? Parce qu'ils imposent des prix trop élevés. Ici, c'est exactement l'inverse !

En outre, si le nucléaire permet de réduire les émissions de CO2, il pose de graves problèmes de sécurité. Un sous-investissement pourrait avoir des conséquences non-négligeables sur la sécurité. Enfin, la question énergétique est capitale pour mener à bien une grande politique industrielle. Nous devons tout faire pour garder ce fleuron de l'industrie énergétique française, d'autant que nous ne sommes pas obligés de nous incliner systématiquement devant une Commission européenne aux mains d' ayatollahs du néolibéralisme qui veulent instaurer la concurrence partout, y compris lorsqu'elle ne sert à rien. Pourquoi ne pas continuer avec ce qui marche bien ? Ce projet de loi hypothèque purement et simplement l'avenir.

Je souhaiterais également savoir combien British Energy a coûté à EDF et combien lui coûtera le démantèlement des centrales britanniques en fin de vie. Mais comme il s'agit d'un autre sujet, je vous écrirai.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Je souffrirais vraiment de voir débarquer des compagnies low-cost dans notre pays !

Comment va-t-on traiter la cogénération, notamment pour l'industrie papetière ? La cogénération représente 5 gigawatts, elle coûte 600 millions du fait de la contribution du service public électricité. Elle est cependant vertueuse puisqu'elle crée de la vapeur et de l'électricité. Elle concerne 50 sites et 25 000 emplois. Alors, quid de la cogénération ? Bénéficiera-t-elle d'un traitement particulier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Vous avez expliqué la genèse de la loi en expliquant qu'elle était voulue par la Commission européenne. Mais il en va de cette dernière comme des gros bateaux : une fois les moteurs arrêtés, ils continuent longtemps sur leur erre. Le contexte économique et énergétique n'est pourtant plus le même qu'il y a trois ou quatre ans : l'énergie est devenue un bien précieux.

Comment peut-on nous demander de faire jouer la concurrence pour faire baisser les prix alors que certains, et non des moindres, estiment que cette loi les fera augmenter ? Les consommateurs vont être en outre assujettis à une double peine puisque ils seront spoliés d'une partie de leur effort et qu'ils devront payer plus cher leur électricité. J'aimerais, monsieur le Président, que vous puissiez nous en dire plus sur cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Je constate l'enthousiasme de tous les participants devant cette loi ! En France, l'effacement représente 1 % alors que les États-Unis atteignent 15 à 20 %. C'est un véritable gisement.

Je vous félicite, M. Henri Proglio, d'avoir souligné l'intérêt du lien entre énergie et industrie. Alors que cette loi va être examinée, le renouvellement des concessions hydrauliques va intervenir et on évoque un texte sur l'industrie ; cette conjonction offre une grande opportunité.

J'étais hier avec un gros industriel de l'électro-intensif qui me disait qu'avec une bonne gestion de l'effacement, il dégagerait de 15 à 20 millions supplémentaires, marge qui lui permettrait de rester en France.

J'avais interrogé il y a deux ans Mme Lagarde sur le cas de Rio Tinto : il s'agit d'un véritable scandale car cet industriel a repris Pechiney avec ses 30 000 emplois. Aujourd'hui, il en reste moins de 4 000 et il a l'intention de fermer l'aluminium en Europe et surtout en France. Le site de Saint-Jean-de-Maurienne aura disparu dans deux ou trois ans et il en ira probablement de même à moyen terme pour Dunkerque. Cet industriel fait un chantage à l'énergie : il est rentré dans Exceltium pour bénéficier d'une énergie à bon marché et la revendre deux fois plus cher. Il aurait suffi qu'on lui interdise de revendre cette énergie pour constater qu'il n'avait pas l'intention de rester en France. Aujourd'hui, il fait du chantage aux barrages hydrauliques. J'ose espérer que nous ne nous laisserons pas avoir. Nous avons encore la possibilité de maintenir l'aluminium en France, encore faut-il conclure des accords entre la filière énergétique et le secteur industriel.

Le gouvernement doit tout faire pour éviter que les lois en cours n'aboutissent à nous faire abandonner une partie de notre industrie et de notre production hydroélectrique qui passerait aux mains des Espagnols et des Italiens qui, eux, ne sont pas soumis au renouvellement des concessions hydrauliques.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

On nous dit que la concurrence doit être libre et non faussée. Or, ce n'est absolument pas le cas puisque ne sont pas pris en compte les montants des investissements.

Il y a quelques temps, un grand quotidien a procédé à « une mise en accusation » des réseaux. Certes, il s'agit d'une filiale d'EDF, ERDF, mais comment maintenir les investissements d'EDF en faveur du transport de l'électricité ? Dans le monde rural, les incidents se sont multipliés ces derniers temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Globalement, nous sommes tous d'accord au sein de cette commission sur la stratégie énergétique française et nous estimons que cette loi risque de fragiliser EDF. Certes, la vie politique va reprendre ses droits mais nous allons tous faire en sorte que cette loi soit la meilleure possible.

Nous pouvons nous nous retrouver sur le triptyque : indépendance énergétique, sécurité d'approvisionnement et excellence industrielle. L'indépendance énergétique est la priorité absolue sans laquelle notre pays ne pourra pas jouer son rôle. Évidemment, la sécurité d'approvisionnement implique de nombreux investissements. Enfin, sans excellence industrielle, la filière de l'énergie ne pourra pas fonctionner.

On a beaucoup entendu parler du fiasco de l'équipe de France, mais on s'en contrefiche. En revanche, on a beaucoup moins parlé du fiasco d'Abou Dhabi qui est bien plus grave : il a montré que notre pays ne disposait pas en matière énergétique d'une véritable stratégie industrielle. C'est inquiétant alors que nous nous préparons à examiner cette loi. Aujourd'hui, on ne sait pas comment augmenter la durée de vie des centrales, alors que c'est une nécessité. Parallèlement, notre pays doit investir pour en construire de nouvelles.

Je m'inquiète des conséquences de cette loi sur le prix payé par nos concitoyens en matière d'électricité. Une augmentation des tarifs leur poserait de graves problèmes.

Étant élu de la Drôme, je souhaite que vous nous parliez, monsieur le Président, des conséquences des relations entre Areva et EDF sur le site d'Eurodif : plusieurs centaines d'emplois sont en jeu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Vous savez ce que nous pensons de la concurrence « libre et non faussée », mais cela fait du bien de vous entendre parler de spoliation et de pillage du patrimoine qui appartient aux Français. Cette loi organise le transfert de ce patrimoine aux amis du Fouquet's et compagnie.

Les fournisseurs alternatifs tireront profit de l'accès au parc nucléaire à prix coûtant sans pour autant investir. Certains analystes pensent que ce projet de loi ne permettra pas à EDF d'investir de façon optimale dans son parc nucléaire. Nous allons donc perdre sur les deux tableaux car les investissements sont les emplois de demain. Avec cette loi, ne signe-t-on pas le scénario d'un échec annoncé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Tout ceci n'est pas réjouissant, mais comme nous partageons votre sentiment, nous allons essayer de faire pour le mieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Quel étrange moment ! Nous avions un modèle intégré, régulé, de qualité, qui fonctionnait bien et nous sommes en train de nous demander comment casser ce modèle, mais de la moins mauvaise façon possible. Cet exercice peut intellectuellement avoir son charme, mais il est quand même surprenant alors que l'on parle d'indépendance énergétique, de politique industrielle, de prix payés par nos concitoyens. Avec cette loi, faisons-nous une bonne ou une mauvaise action ?

D'abord, Bruxelles demande-t-elle vraiment cette loi ? En ce qui concerne les particuliers, la réponse est négative. Ne devrions-nous pas avoir une attitude un peu plus responsable ? Lorsqu'on voit comment les États-Unis tentent de corriger l'erreur fondamentale qu'ils ont commise, peut être faudrait-il s'interroger avant de nous lancer dans la voie qu'ils ont emprunté avant nous.

Les investissements liés à la croissance verte et au développement des énergies renouvelables ne vont-ils pas être freinés du fait de cette loi ? De quelle protection disposerons-nous en cas de revente spéculative à l'étranger ?

Monsieur le président, vous avez parlé d'une loi rééquilibrée : ne pensez-vous pas que la seule façon de la rendre plus équilibrée serait de la retirer purement et simplement ? Je dis cela sans polémique aucune. Quel serait l'impact sur EDF si cette loi n'était pas votée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Cette loi va mettre en difficulté EDF. Je suis plus sensible à sa capacité d'investir massivement dans les énergies renouvelables que dans le parc nucléaire. Je partage aussi les inquiétudes de Bruno Sido sur les coûts du traitement des déchets nucléaires. Mais il faut aussi s'interroger sur celui du démantèlement. Personne ne maîtrise cette technique. La capacité industrielle d'EDF passe-t-elle par le développement de cette technologie qui serait d'ailleurs exportable puisqu'aucune centrale de part le monde n'a été démantelée ? Celles qui ont été arrêtées sont restées en l'état. En Alsace, nous avons la plus vieille centrale nucléaire française qui connaît des pannes de plus en plus fréquentes. Ne pourrait-elle servir de laboratoire à la nouvelle technologie du démantèlement, ne serait-ce que pour en connaître le coût ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Deneux

M. Henri Proglio a tenu un langage qui nous réconforte. Je partage les inquiétudes de Bruno Sido sur les coûts futurs du traitement des déchets et sur les incertitudes comptables du bilan d'EDF. Vous savez ce que l'on peut faire dire aux chiffres.

Nous devons mettre en place une vraie filière industrielle pour les gros consommateurs. Si l'on veut avoir une industrie de l'aluminium en France, il faudra revoir les tarifs. Ensuite, nous devrons définir une politique d'effacement, car la France est en retard. Nous ne pouvons que nous opposer à ce texte : notre devoir est de le rééquilibrer car, en l'état, il n'est pas bon.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Je tiens à féliciter M. Henri Proglio pour la qualité de son intervention. Tout d'abord, rien ne sert de regretter l'échec d'Abou Dhabi. La centrale qui a été vendue coûtait 45 % moins cher que la nôtre. Il était impossible dès lors de décrocher le marché.

J'en reviens à la politique énergétique de la France. Le problème est bien réel : ce matin dans la presse, on pouvait lire que le président d'Alstom ne pouvait plus s'entendre avec Areva. Or, la politique énergétique de la France passe par Areva, Alstom, EDF et Gaz-de-France. Quand est-ce que ces quatre-là finiront par s'entendre ? Allez-vous être le fédérateur ou faut-il en trouver un autre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

En obligeant EDF à rétrocéder à ses concurrents jusqu'à un quart de sa production à prix coûtant, l'effet d'aubaine sera indéniable. Pour la première fois, une loi ne va-t-elle pas autoriser l'enrichissement sans cause qui est, je vous le rappelle, pénalement sanctionnable ? Vos conseils juridiques ont-ils examiné cet aspect de la question ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Avec toutes ces interventions, il est certain que le projet de loi doit pouvoir évoluer.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président d'EDF

On peut être exproprié et spolié : j'essaye, quant à moi, d'être exproprié sans spoliation. Cette loi aura de toute façon des conséquences négatives sur EDF.

La question des investissements doit être intégrée dans le texte. Pour l'instant, elle n'est évoquée qu'à l'occasion d'une clause de revoyure dans cinq ans. Le plus sage serait d'imposer à ceux qui bénéficieront de cette mise à disposition de contrebalancer cet avantage par des investissements propres.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président d'EDF

Merci !

Il n'y a pas de garantie possible pour éviter des exportations d'électricité. Une clause de destination serait illégale.

Sur la question du prix, je vous ai parlé des prix de revient. Aucune forme d'expertise ne peut conduire à un prix inférieur à celui que j'ai mentionné. Toute autre déclaration relèverait d'une méconnaissance des prix de revient du groupe. 42 euros est le prix d'équilibre minimum qui intègre une quote-part des investissements d'extension. Aucun prix inférieur n'est réaliste. Il n'y a pas de corrélation directe entre le prix de mise à disposition de la capacité de production par EDF et les tarifs aux clients. Si nous étions amenés à vendre en-dessous du prix de revient une part significative de notre production, nous serions obligés, pour assurer la survie du groupe, d'augmenter nos prix de vente aux clients. La corrélation n'est donc pas directe entre les prix de cession et les tarifs, mais elle est inverse !

La cogénération est un élément important, je me suis beaucoup battu pour elle, et elle n'a pas de rapport direct avec cette loi.

Sur la Compagnie nationale du Rhône, il n'est moralement pas acceptable que les volumes d'hydroélectricité produits par tel ou tel concurrent ne soient pas déduits lors du calcul des droits à l'ARENH dont ils disposeront. Les règles du jeu doivent être équitables. Pourtant, cette intégration a été refusée au moment de la rédaction du projet de loi. La simple équité exige qu'il en soit tenu compte dans ce texte.

Il n'est bien évidemment pas question de sacrifier à la sécurité, notamment dans le nucléaire. Quelles que soient les conditions qui nous serons imposées, aucun élément de sécurité ne sera négligé.

Le démantèlement des centrales de British Energy est à la charge des pouvoirs publics britanniques.

Bien évidement, l'incitation à l'investissement dans l'effacement est inversement proportionnelle au prix. Si l'effacement est moins développé en France, c'est que les prix étant très compétitifs, la rentabilité de l'effacement est par définition moindre. Il ne me viendrait pas à l'idée de vous proposer une forte augmentation des prix pour accroître l'intérêt de l'effacement. Il nous appartient donc de faire un effort particulier dans ce domaine afin d'optimiser l'efficacité économique du parc existant. C'est d'ailleurs ce que nous faisons.

J'aimerais que les réflexions qui ont été faites sur l'entreprise Rio Tinto soient connues du ministre d'État (Sourires). Cela me rendrait service.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Je suis intervenu en séance il y a deux ans sur cette question. J'interrogerai ce soir M. Jean-Louis Borloo.

Debut de section - Permalien
Henri Proglio, président d'EDF

Nous sommes effectivement dans une situation ubuesque.

Nous nous sommes mobilisés en faveur des électro-intensifs. Nous avons signé l'accord Exceltium pour leur donner plus de visibilité tarifaire. Notre pays restera durablement compétitif en ce domaine. Les électro-intensifs doivent adhérer à ce contrat qui leur offre une grande compétitivité par rapport aux autres pays européens. En revanche, certains États aident substantiellement leurs industriels, mais vous savez que cela nous est interdit.

Cette loi amputera la capacité d'investissement d'EDF : espérons que cela ne soit que marginal. Je prends l'engagement que ce texte n'aura aucun impact sur les réseaux. J'alerte néanmoins les élus sur la nécessité que les investissements d'ERDF soient efficaces et que les élus, propriétaires des réseaux, ne séquestrent pas une part de plus en plus importante des sommes en jeu vers des investissements de confort plutôt que productifs. Il en va de l'efficacité du réseau. Nous avons augmenté de 50 % les investissements dans la distribution depuis près de trois ans. Je souhaite que cet effort ne soit pas sans lendemain.

Je suis convaincu que notre pays doit redécouvrir les vertus de l'industrie. Il convient de définir des politiques à long terme pour donner plus de visibilité aux entrepreneurs. Une commission a été réunie autour de François Roussely à cet effet et ses conclusions seront bientôt connues. Je suis déterminé à ce qu'EDF joue son rôle dans ce domaine. Je le fais déjà au quotidien, mais avec un succès mitigé, du fait d'un manque de cohérence, voire de solidarité, des acteurs de cette filière. Je le déplore.

J'aurais beaucoup de chose à dire sur Eurodif, mais ce serait un peu long en commission. Nous pourrons le faire plus tard.

Je crois au service intégré, je crois à l'efficacité de l'outil économique qui a un été un des grands atouts de ce pays au cours des 50 dernières années. Bruxelles demande une désintégration du service : cela coûtera cher et réduira la performance. Nous ferons néanmoins tout notre possible pour améliorer la qualité de service de proximité sans perdre pour autant la qualité d'expertise que nous possédons dans les différents segments de la filière. J'investis massivement en R&D et dans l'outil industriel afin que nous soyons capables, partout dans le monde, d'être la référence.

Faut-il ne pas voter la loi ? Certainement pas, car l'incertitude serait grande, et vous savez qu'il s'agit de la pire ennemie de tout entrepreneur. Je préfère une loi imparfaite, qui respecte cependant les équilibres économiques, à une absence de loi qui conduirait Bruxelles à interférer dans le paysage industriel de façon incontrôlée. Je vous incite donc à amender ce texte, mais non à le rejeter. Le plan d'investissement d'EDF pour les années 2011-2013 est réduit pour tenir compte de la situation actuelle Il exclut également toute acquisition, tout investissement purement financier. Or, il représente encore 57 à 58 milliards d'euros ! Il s'agit donc d'un engagement massif. Pour piloter ce navire, vous comprenez qu'il est indispensable de disposer d'une visibilité à moyen et long terme.

En ce qui concerne les coûts, les chiffres que je vous ai donnés me semblent réalistes.

Je vous suis très reconnaissant de tenir compte de nos caractéristiques propres et de nos contraintes particulières. Je crois avoir répondu à vos principales questions.

Vous allez décider des conditions dans lesquelles EDF, et donc, notre industrie énergétique seront conduites dans les 20 à 50 années à venir. Cette loi, dont j'aurais peut-être souhaité que les prémices soient différentes, sera donc déterminante pour le groupe EDF, pour ses 170 000 collaborateurs et pour la place de la France dans le monde de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

La grande majorité de la commission partage vos préoccupations. Le nucléaire est un avantage compétitif qu'il convient de préserver et je partage tout à fait votre analyse sur les charges d'EDF et sur les provisions qu'elle doit constituer pour construire de nouvelles centrales. Dans deux semaines nous aurons le rapport sur ce projet de loi et nous nous prononcerons sur les amendements qui prépareront le texte de la commission. Je pense que vous avez été entendu. N'oublions pas que c'est le Parlement qui fait la loi. Ce projet de loi ne sera pas retiré car la décision appartient au gouvernement mais, comme vous l'avez dit, l'absence de loi serait encore pire pour l'avenir d'EDF.

Puis, la commission entend M. Philippe de Ladoucette, président de la commission de régulation de l'énergie (CRE), sur le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME).

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Merci de m'accueillir. Cette loi est la conséquence d'une mise en demeure de Bruxelles d'avril 2006 et d'un avis motivé de décembre 2006 relatifs à la transposition de la directive de 2003 ; et par ailleurs une enquête sur les tarifs règlementés de vente pour les moyennes et les grandes entreprises sur le TaRTAM a été lancée en juillet 2007. C'est dans ce contexte que le gouvernement à confié à Paul Champsaur la présidence d'un groupe de travail dont le rapport final a inspiré les grandes orientations du projet de loi NOME. Le Premier ministre a pris des engagements auprès de la Commission européenne afin de régler les contentieux en cours, par une lettre en date du 15 septembre 2009. Aujourd'hui, pour Bruxelles, cette lettre est un document de référence. Il est donc intéressant de vérifier ce que le projet de loi reprend des engagements contenus dans cette lettre.

La nouvelle organisation du marché de l'électricité proposée dans le projet de loi NOME poursuit un triple objectif. Il s'agit d'abord de permettre à la concurrence de s'exercer sur l'ensemble des segments de clientèle - particuliers et professionnels - dès l'entrée en vigueur de la loi. Je souligne ce point car il pourrait y avoir des ambiguïtés dans certaines déclarations. Il s'agit bien de l'ensemble des segments comme le précise le Premier ministre en pages 3 et suivantes de sa lettre : il s'agit bien de l'ensemble des consommateurs, et donc des particuliers, qu'ils soient au tarif bleu, jaune ou vert.

Il s'agit ensuite d'assurer le financement du parc de production existant en permettant à EDF, dans un premier temps, de sécuriser ses engagements à long terme pour le démantèlement des centrales nucléaires et la gestion des déchets, dans un deuxième temps - soit en 2020-2025 - de réaliser les investissements nécessaires à l'allongement de la durée d'exploitation des réacteurs de son parc nucléaire historique et, dans un troisième temps, de préparer le renouvellement de son outil de production.

Il s'agit, enfin, de préserver, pour l'ensemble des consommateurs, le bénéfice de l'investissement réalisé dans le développement du nucléaire par des prix reflétant la réalité industrielle du parc de production. La loi doit atteindre ces trois objectifs au plus tard à la fin de 2015.

Trois éléments important dans cette loi : le prix de cession, c'est-à-dire de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, dit prix ARENH ; les volumes d'énergie qui pourront être vendus à ce prix aux fournisseurs alternatifs et, enfin, la construction d'un tarif réglementé de vente établi de telle sorte qu'il place tous les fournisseurs d'électricité dans des conditions économiques équivalentes.

Le projet de loi prévoit que les volumes d'énergie qui seront attribués par la CRE à chaque fournisseur au prix ARENH, qu'on peut également appeler « part ARENH », seront calculés sur les prévisions d'évolution du portefeuille de clients de chaque fournisseur. La « part ARENH » représente un certain pourcentage de la consommation d'électricité annuelle de ce portefeuille. Elle doit être évaluée de telle sorte qu'elle ne crée pas de distorsion de concurrence entre le fournisseur alternatif et EDF. Imaginons en effet que soit attribuée au portefeuille d'un fournisseur alternatif une part ARENH représentant 60 % de la consommation de son portefeuille. Si EDF utilise en réalité 70 % d'électricité nucléaire historique pour fournir ce même portefeuille, elle bénéficiera dès lors d'un avantage en termes de coût de fourniture, dans la mesure où le fournisseur alternatif devra faire appel au marché pour 10 % de plus qu'EDF, générant ainsi un surcoût. Inversement, si le fournisseur alternatif bénéficiait, au titre de ce même portefeuille, d'une part ARENH de 80 %, c'est EDF qui supporterait un surcoût. Le développement d'une concurrence effective dépend donc de la « part ARENH » qui sera attribuée à chaque fournisseur, en fonction des caractéristiques de son portefeuille. Le calcul de ce volume d'énergie doit être effectué de telle sorte qu'EDF et les fournisseurs alternatifs se trouvent dans des conditions de fourniture équivalentes pour un portefeuille de clients donné.

L'actuelle rédaction de l'article premier mériterait d'être clarifiée et harmonisée car, tel quel, il sera un peu compliqué à interpréter par la suite.

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

J'en viens à la construction d'un tarif réglementé de vente. Le projet de loi NOME dispose que, dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente doivent être établis en tenant compte de l'addition du prix ARENH, du coût du complément à la fourniture d'électricité, qui inclut la garantie de capacité, des coût d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale. Pour que la concurrence se développe de manière effective, sur l'ensemble des segments de clientèle, les tarifs réglementés de vente doivent intégrer le prix ARENH et la proportion du volume d'électricité de base vendue à ce prix, dès l'entrée en vigueur de la loi. Dans le cas contraire, les concurrents d'EDF ne seront pas dans des conditions économiques équivalentes à celles d'EDF. Comme l'indique l'Autorité de la concurrence dans son avis, cette règle de calcul des tarifs règlementés s'avère indispensable pour garantir la neutralité de ces tarifs quant aux conditions de concurrence entre les fournisseurs mais son efficacité est amoindrie par le report de son application à quasiment cinq ans. Dans sa lettre aux commissaires européens à la concurrence et à l'énergie, le Premier ministre a souhaité que ce soit le régulateur qui fixe le prix ARENH.

Le VI de l'article 1er du projet de loi prévoit une période transitoire de trois ans pendant lesquels la CRE donnera un avis sur une proposition du ministre. Il paraîtrait cohérent que l'autre période transitoire concernant les tarifs réglementés, actuellement de cinq ans, soit elle aussi fixée à trois ans par souci de cohérence entre les deux.

La consultation du Conseil supérieur de l'énergie, en soi louable, pose un problème de faisabilité. Sur quel texte le consulter ? Ce ne peut être sur une délibération de la CRE car cela viendrait trop tard et, avant, il n'y a pas vraiment de texte. Ce ne peut donc être que sur des éléments très généraux. On se retrouve là dans le même cadre que la CRE qui consacre beaucoup de temps à des consultations publiques. Par exemple, sur la construction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), elle est amenée à consulter l'ensemble des acteurs par voie électronique, par courrier, par le biais d'auditions ou de tables rondes. Donc, j'ai l'impression que la consultation du Conseil supérieur de l'énergie est un peu redondante. Je sais bien qu'il s'agit de compenser l'éviction des commissaires représentant les consommateurs mais je ne suis pas certain que cela réponde à cet objectif.

Quelques mots sur la CRE elle-même. Celle-ci, qui a aujourd'hui dix ans d'existence, a connu plusieurs lois sur l'énergie et vu sa gouvernance modifiée déjà trois fois. Le projet de loi NOME prévoit donc une quatrième modification - en dix ans - de la composition de son collège. Je ne crois pas que l'on rencontre une telle instabilité dans aucun pays européen comparable au nôtre. La dernière modification remonte à la loi votée en décembre 2006 : le Parlement a souhaité ajouter deux commissaires aux sept existants, afin que les consommateurs soient représentés au sein du collège. Vous aviez également décidé la création de postes de vice-président pour deux des membres nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et ramené à trois le nombre de commissaires à plein temps. Votre réforme est achevée et effective depuis avril dernier. Le collège de la CRE est donc composé de neuf commissaires, dont trois à temps complet. On y dénombre deux conseillers d'État, un ancien sénateur, deux ingénieurs généraux des mines, un ancien responsable syndical, un ancien président d'entreprise publique du secteur de l'énergie, un industriel représentant les grands consommateurs et un responsable d'association de consommateurs domestiques. Le projet de loi actuel, voté par l'Assemblée nationale, prévoit un collège réduit à trois membres à temps plein. Ce nombre de trois ne me semble pas optimal et celui de cinq, que prévoyait le texte initial, correspond davantage à ce qu'est un collège et, surtout, aux besoins de la CRE. Avec un effectif de trois et un quorum de trois, il suffit qu'un des membres soit malade ou effectuant un des nombreux déplacements que requiert son activité internationale, pour que la Commission de régulation ne puisse fonctionner.

Mais, surtout, il faudrait désormais cesser de modifier sa composition et la stabiliser pendant plusieurs années ! Aucune autre autorité de régulation économique n'est soumise à un tel rythme de changements en si peu d'années.

Un régulateur n'est pas là pour faire plaisir aux entités qu'il régule. Il applique la loi et les directives européennes. Il est donc normal qu'il dérange car il est obligé de justifier ses positions sur le plan juridique et économique, celles-ci étant toujours attaquables devant les juridictions compétentes. Il est rare qu'un régulateur soit apprécié au même moment par tous les acteurs du marché. Mais s'il est successivement apprécié et critiqué, c'est qu'il a trouvé un juste équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Que se passera-t-il lorsque le volume global maximal fixé par la loi sera atteint ? D'autre part, dans un petit ajout du texte de l'Assemblée nationale, les députés ont introduit un serment. De quoi s'agit-il ? Qu'en pensez-vous ?

Pour diminuer le nombre de membres de la CRE, on a supprimé la représentation des consommateurs. En compensation, on leur a accordé la consultation du Conseil supérieur de l'énergie. Créer une usine à gaz pour répondre à une demande, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Cela va alourdir les procédures, alors même que la CRE consulte tout le monde, y compris les consommateurs. Je souhaiterais qu'on ne garde pas cette disposition, mais je sais que cela va poser un problème au gouvernement qui a pris des engagements.

Je suis moi aussi partisan d'en revenir à une CRE comprenant cinq membres mais, ce qui me gêne dans le texte initial du gouvernement, c'est que celui-ci désignerait trois membres tandis que les présidents des assemblées n'en désigneraient qu'un seul chacun. Cette sur-prédominance du gouvernement me pose problème. Je serais tenté de laisser au gouvernement la désignation du président de la Commission de régulation et de confier aux présidents des assemblées le soin d'en désigner chacun deux membres. Mais je n'ai pas tranché et j'aimerais connaître l'avis de mes collègues.

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Sur le serment je n'ai pas de commentaires à faire... Je m'en remets « à la sagesse du Sénat » pour savoir si c'est utile ou non.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il faut expliquer le contexte. C'était le moment où un rapport sur les réseaux avait été divulgué dans la presse avent même que la CRE l'ait examiné, signé par deux vice-présidents. Cela avait, à juste titre, énervé les députés mais ceux-ci ont imposé ce serment comme sanction. C'est ridicule.

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Que se passera-t-il quand le volume global sera atteint ? Actuellement, c'est une répartition du volume global en fonction d'un développement équilibré de la concurrence. Rien de plus n'est prévu dans la loi et on laisse aux décrets d'application le soin d'aller plus loin. On peut imaginer que cela se fera au prorata des parts de marché mais je n'en ai pas encore discuté avec les services du gouvernement.

Sur la composition de la CRE, vous pourriez aussi imaginer, en restant dans l'hypothèse de cinq membres dont trois nommés par le gouvernement, de faire désigner les deux vice-présidents par les présidents des deux assemblées...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Vous êtes donc le gardien du temple, chargé de faire appliquer la loi et les directives européennes.... La concurrence devait favoriser la baisse des prix. Or, malgré les dénégations du ministre, on entend tout et le contraire de tout et j'aimerais avoir votre sentiment à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le président de la CRE, à la fois juge et partie, doit être dans une position inconfortable face à ce projet de loi. Nommé par le gouvernement, il ne vous est pas facile d'avoir une vision critique. D'ailleurs vous savez ce que nous pensons des autorités indépendantes en général : elles posent des problèmes aux parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Seulement à certains d'entre eux ! Pas à moi par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous en reparlerons à la fin 2011... M. Ladislas Poniatowski a posé un vrai problème, celui des volumes. Comment le règlerez-vous ? Quoiqu'il en soit, si nous en sommes là avec ce projet de loi, c'est que l'ouverture du marché a été un échec ; d'où la création du TaRTAM. En outre, ce qui me gêne beaucoup dans ce projet de loi, c'est que le rôle du régulateur et des gestionnaires de réseau - RTE et consorts - sera défini par ordonnance. Vous savez notre peu de sympathie pour cette procédure et je n'apprécie pas que le rôle d'une autorité dite indépendante soit défini ainsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il est rare que la mise en place d'une concurrence aboutisse à faire monter les tarifs. Un monopole de fait est en général à l'origine de prix élevés. Là, c'est l'inverse : on avait une entreprise publique en situation de monopole qui vendait son électricité 30 % moins cher que tous nos voisins. Et voilà que le projet de loi NOME propose de reverser une partie de cette énergie peu coûteuse à des concurrents d'EDF qui, eux, la revendraient à l'étranger au prix du marché ! Cela risque de compromettre les capacités d'investissement d'EDF, sachant que notre politique énergétique a une force - faible coût et peu de gaz à effet de serre - et une faiblesse - les contraintes de sécurisation de la technique nucléaire.

Vous avez fait une déclaration sur les futurs prix de l'électricité alors même que les impayés se multiplient sur les factures de gaz, comme en témoigne un article des Échos. Nos concitoyens subissent en effet les effets de la crise. Si vous avez fait cette déclaration sur les tarifs de l'électricité, c'est sans doute que vous avez évalué les conséquences de ce projet de loi NOME ? Enfin, que pensez-vous d'un prix de gros à 42 euros ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

A terme, c'est la CRE qui proposera au gouvernement les tarifs de l'électricité. Donc le débat porte sur la prise en compte des coûts de cette électricité - rémunération des capitaux, coûts d'exploitation, d'investissement, de maintenance, d'extension du réseau, charges nucléaire sur le long terme. Tout cela est bien encadré. Mais il y aura une difficulté si EDF doit céder son électricité à un prix qui ne prend pas en charge ses provisions pour investissements dans les futures centrales nucléaires. Dès lors, EDF sera mal placée pour soumissionner sur le futur marché de construction des centrales nucléaires.

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Sur les volumes, je n'ai pas plus de réponse que tout à l'heure. La CRE n'est pas chargée d'élaborer la loi, on lui demande seulement de l'appliquer, ce à quoi j'ai dit oui, sans enthousiasme. Je ne peux que commenter l'application de la loi, non sa rédaction.

Je n'ai pas compris l'objection de M. Raoul sur la fixation par ordonnance des rôles du régulateur et des gestionnaires de réseau. Ce n'est plus d'actualité car cette partie du projet de loi a été retirée - il s'agit du « troisième paquet » du Grenelle. Je regrette qu'on ne puisse le transposer immédiatement car il faut l'avoir fait avant le 31mars 2011 et, pour la CRE, cette transposition est une charge de travail beaucoup plus lourde que l'application de la future loi NOME.

Sur les tarifs, M. Martial Bourquin, je n'ai fait aucune déclaration. Lors de mon audition à l'Assemblée nationale, je n'ai pas parlé des prix de détail mais seulement du prix de cession de l'accès régulé à la base (ARB). Un schéma été diffusé auprès des parlementaires, document interne à la CRE, expliquant ce qu'il en serait si on voulait, dès 2011, aligner les tarifs réglementés sur les prix ARENH. Ce n'était pas une prévision - la décision relevant du Gouvernement - c'était un schéma théorique. Ce qui est dans la loi, c'est que, fin 2015, les tarifs réglementés devront prendre en compte les prix ARENH. Si les prix augmentent, ce sera à cause des nécessaires investissements, lesquels feront augmenter l'ARENH. Aujourd'hui le débat porte sur la cohérence par rapport au TaRTAM. Là-dessus nous avons des analyses, pas totalement partagées par EDF. Mais les écarts ne sont pas très grands, nos chiffres varient de 38,6 à 39,8 euros le kwh tandis que M. Henri Proglio parle de 42 euros. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas la CRE qui fixera le niveau de l'ARENH pour la première fois, en 2011 ; c'est le gouvernement. Celui-ci peut lui demander une expertise mais cela s'arrête là. Ensuite, jusqu'en 2013, c'est toujours le gouvernement qui fixera l'ARENH, avec un avis de la CRE ; alors, on ne sera plus dans la cohérence par rapport au TaRTAM mais dans un calcul réellement économique. Pour la troisième période, celle du renouvellement des centrales nucléaires, il y a débat entre le gouvernement et la Commission de Bruxelles qui, elle n'envisage pas que l'ARENH prenne en compte ce renouvellement. C'est ce que le Premier ministre a écrit !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Il n'aurait pas dû ! Il n'y a pas de provisions pour les investissements !

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Pour l'instant les 38, 39 ou 42 euros prennent en compte les prolongements des centrales nucléaires. Mais la question du renouvellement ne se posera pas avant 2030 au plus tôt. Les engagements du gouvernement français ne prennent pas en compte les charges pour renouvellement mais, dans la loi, c'est prévu pour 2020/2025. Si l'augmentation des prix est inéluctable, c'est que le renouvellement du parc est inéluctable. EDF estime le prolongement à 600 millions par réacteur, d'où un investissement de 35 milliards qui peut expliquer l'écart entre les tarifs réglementés d'aujourd'hui - 34/35 euros - et le futur prix ARENH.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Les 2 milliards que perdra EDF chaque année en revendant son électricité à bas coût n'iront pas vers l'investissement. Il faudra au moins 200 millions pour entretenir les centrales. Or, EDF a provisionné 10 millions ! Je crains que le vieillissement des centrales n'étrangle EDF. Le prix doit donc en tenir compte, malgré les engagements du Premier ministre. Car après tout, le Parlement est là pour contrôler le gouvernement. C'est lui qui vote la loi ! Il ne faut pas transférer cette charge de l'entretien et du renouvellement des centrales, sur les générations futures. Le Premier ministre a pris un engagement : il arrive à tout le monde de se tromper mais perseverare diabolicum.

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Tout fournisseur alternatif qui revendrait, à l'étranger et au prix du marché, l'électricité achetée à EDF, devra reverser à EDF le bénéfice qu'il en retirerait. En outre, il y a eu une sorte d'accord tacite, dans les courriers entre les deux commissaires européens et le Premier ministre, pour limiter ces profits au territoire français.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Sur la libre circulation des produits, principe fondateur de l'Europe, vous venez de dire qu'on va s'arranger en douce, qu'on a noué des accords tacites. Tout cela montre la difficulté à sortir du processus fou dans lequel nous nous sommes engagés avec la dérégulation et la désintégration d'un service public performant. Pour Bruxelles, la question des particuliers est mineure, l'important, ce sont les consommateurs industriels. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été préférable et plus simple de procéder par conventions de service public ? Vous avez dit il y a quelques mois que le niveau de fixation de l'ARENH sera déterminant pour l'évolution des tarifs réglementés. Voilà qui n'est pas anodin....

Debut de section - Permalien
Philippe de Ladoucette, président de la CRE

Oui, c'est un sujet important. Le niveau de l'ARENH sera fixé en fonction d'une cohérence TaRTAM mais aussi en fonction des besoins économiques d'investissement. On ne se basera pas uniquement sur les déclarations d'EDF mais aussi sur des contre-expertises. Vous auriez le même débat sans cette loi, car il faudra bien qu'un jour EDF investisse et que, donc, les prix suivent. Il n'y a pas d'ambiguïté : la loi prévoit que, fin 2015, les tarifs devront intégrer le prix ARENH.

S'il n'y avait pas les contentieux européens, on ne serait pas obligé de faire une loi. Dans la commission Champsaur, deux hypothèses ont été évoquées : celle à laquelle vous êtes aujourd'hui confrontés ; et une autre, plus simple, plus avantageuse pour EDF : on supprime les tarifs réglementés et on compense cette perte pour le consommateur sous forme d'impôt négatif. Mais personne n'a voulu de cette solution. D'abord parce qu'il aurait été difficile de faire accepter la suppression des tarifs réglementés et, ensuite, parce que nos concitoyens risquent d'être incrédules quant à la capacité de l'État à leur rendre de l'argent sur la durée.

L'alternative est donc soit cette loi, soit la Cour de justice de l'Union européenne devant laquelle nous pourrions être déférés pour les deux contentieux en cours, celui des aides à travers d'Etat, les tarifs règlementés, et celui plus général du défaut de transposition de la directive 2003/54/CE sur la libéralisation des marchés de l'électricité. La Commission a suspendu ces contentieux dans l'attente de cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Merci de ces éclairages sur le rôle de la CRE et sur la fixation des tarifs.