L'Assemblée nationale a profondément remanié le texte, qui est passé de 68 à 122 articles. Je me contenterai donc d'une présentation générale.
Le financement de notre protection sociale a subi des transformations importantes au cours des deux dernières années. En 2010, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint un record : 29,6 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB, trois fois le déficit de 2007. En 2011, malgré une réduction de 5,6 milliards d'euros, grâce à la modération des dépenses, à une bonne tenue de la masse salariale et à d'importantes recettes supplémentaires provenant de la réforme des retraites, le déficit total s'établit encore à 24 milliards d'euros, soit 1,2 point de PIB. Le tendanciel 2012 est préoccupant : hors mesures de redressement, le déficit total serait de 27,4 milliards, dont 21,2 milliards pour le régime général.
Cette situation est certes due en partie à la crise et au ralentissement de la croissance, mais la crise n'explique pas tout. Selon la Cour des comptes, les facteurs structurels expliquent 0,7 point du déficit du régime général en 2010, un déficit qui a représenté 1,2 point de PIB.
L'accumulation de ces déficits a eu pour conséquence la modification du rôle des deux acteurs intervenant dans la gestion de la dette sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
La loi organique relative à la gestion de la dette sociale ainsi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont procédé à l'opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la Caisse en 1996. Ce transfert, de 130 milliards d'euros sur la période 2011-2018, est exceptionnel par son ampleur, son étalement dans le temps, et son mode de financement. Celui-ci repose sur l'allongement de quatre ans de la durée d'amortissement de la dette sociale, l'adossement du Fonds de réserve des retraites à la Cades et l'affectation de 0,28 point de CSG en provenance de la branche famille. Il en résulte un accroissement des ressources de la Caisse de 7 milliards et une diversification de celles-ci : la CRDS, ressource originelle de la Caisse, ne représente plus que 40 % de son financement ; la CSG, plus du tiers.
L'article 20 du présent projet loi prévoit une nouvelle reprise de dette en provenance de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, à hauteur de 2,5 milliards.
Pour financer ce transfert, la loi de finance rectificative votée en septembre a aménagé le régime fiscal des plus-values immobilières. En outre, le présent texte a réduit l'abattement des assiettes de CSG et de CRDS pour frais professionnels.
Il est à prévoir que de nouvelles dettes seront prochainement transférées à la Cades, car le schéma esquissé il y a un an n'apporte pas de solution au déficit des branches maladie et famille, qui pourrait excéder 20 milliards d'euros sur la période 2012 - 2015.
J'en viens à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
En principe, cette institution doit absorber les décalages de trésorerie subis par les branches de la sécurité sociale, un objectif régulièrement détourné pour couvrir à court terme certaines dettes allant être transférées à la Cades. C'est pourquoi le plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS a connu en 2010 un niveau record - 65 milliards d'euros - ayant contraint l'agence à diversifier son mode de financement et à recourir aux marchés financiers. La reprise de dette décidée à l'automne dernier a soulagé la trésorerie de l'agence. Son plafond d'avances de trésorerie a été ramené à 18 milliards d'euros en 2011 et est fixé à 21 milliards d'euros pour l'an prochain par le présent projet de loi.
La dernière modification importante de notre système de protection sociale concerne son financement.
La tendance à la fiscalisation de ses ressources est incontestable sur le long terme ; une nouvelle étape a été franchie l'an dernier, puisque des recettes fiscales supplémentaires, pour 5 milliards d'euros, ont été affectées à la sécurité sociale. Ainsi que l'a noté notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale, dans son rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, les organismes de sécurité sociale auront été les destinataires quasiment exclusifs des augmentations nettes de recettes décidées pendant cette législature. En 2012, la sécurité sociale bénéficiera de presque 60 % des mesures de réduction du déficit public annoncées en août dernier par le Gouvernement.
J'en viens au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année prochaine.
Les mesures présentées sont censées réduire de 8 milliards d'euros le déficit tendanciel des régimes obligatoires de base, avec un important effort sur les recettes. Il reste que le déficit à venir demeure inquiétant.
Commençons par les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent le cadrage du texte. Le PLFSS pour 2012 prévoit une croissance du PIB de 1,75 % et de la masse salariale de 3,7 % en 2011.
Ces hypothèses semblent extrêmement optimistes, puisque la croissance économique atteindra au maximum 1 % et qu'elle sera peut-être nulle. Dans ces conditions, comment la masse salariale pourrait-elle progresser de 3,7 % ? Les comptes sociaux sont extrêmement sensibles à ce paramètre, puisqu'une variation d'un point de masse salariale engendre un déficit supplémentaire du régime général de 2 milliards d'euros, dont la moitié environ pour l'assurance-maladie. Un dérapage d'un point par rapport à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) entraîne un déficit supplémentaire d'1,4 milliard d'euros. Enfin, compte tenu de l'indexation de certaines prestations sur la hausse des prix, une variation d'un point de prévision d'inflation conduit à 1,2 milliard de dépenses supplémentaires.
Les mesures de recettes pour 2012 pour la sécurité sociale s'élèvent à 6,4 milliards d'euros, dont 4,1 milliards pour la branche maladie. La moitié environ de ces mesures ont déjà été adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2011, votée en septembre : soit l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, le nouveau régime fiscal des plus-values immobilières et le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dite « taxe sur les mutuelles », qui a été relevée de 3,5 % à 7 %.