Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».
La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » s'appuiera, en 2012, sur une enveloppe de 2,739 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en progression de 11,8 % par rapport à 2011. Cette progression ne doit toutefois pas faire illusion : elle résulte surtout de transferts et de changements de périmètres ainsi que des crédits nécessaires à l'organisation du cycle électoral particulièrement chargé de l'année prochaine.
Hors compte d'affectation spéciale « Pensions », la mission enregistre un dépassement du plafond de crédits de paiement arrêté par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 : de 16 millions d'euros à périmètre constant et de 25 millions d'euros une fois intégrés les changements de périmètre et les transferts.
La déclinaison de la RGPP se poursuit - rationalisation du processus de délivrance des titres d'identité ; création du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) ; recentrage du contrôle de légalité ; mutualisation des fonctions support - et se traduira par la disparition de 529 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT), dont 475 concernent le seul programme « Administration territoriale », soit les préfectures, qui perdront 150 ETPT sur les permis de conduire, 179 ETPT sur le contrôle de légalité et 50 ETPT sur les cartes nationales d'identité et les passeports.
Je regrette, au vu de cette prochaine vague de suppressions d'emplois, que mes précédentes mises en garde n'aient pas été entendues. Une nouvelle fois, les emplois disparaissent avant que les gains de productivité ne soient confirmés dans les faits. Les précédents exercices ont pourtant démontré les dégâts causés par de telles décisions, en particulier pour les activités de guichet des préfectures - passeports et SIV. Au Sénat, les travaux de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia ont, par ailleurs, mis en évidence le risque d'insécurité juridique très lourd pesant sur les maires, lorsque le contrôle de légalité fait défaut.
Le risque, bien réel, est celui d'une dégradation sérieuse du niveau de qualité des services publics en préfecture.
Sur le programme « Administration territoriale » et de son opérateur l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), cheville ouvrière de tous les nouveaux programmes de titres d'identité sécurisés, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel visant à prélever 41,8 millions d'euros sur le budget de l'Agence. Disposition qui semble fondée, au vu de l'importance du fond de roulement de l'ANTS, qui avoisine les 100 millions d'euros. Mais comment une structure dont la création ne remonte qu'à 2007 a-t-elle bien pu créer un fonds de roulement qui représente 48,7 % de son budget pour 2011 ? Là est la vraie question, et il y a lieu de s'inquiéter de la sincérité des comptes présentés à la représentation nationale : ni les projets annuels de performances, ni les rapports annuels de performances, ni les réponses aux questionnaires budgétaires adressés au ministère en application de la LOLF, ni les auditions du responsable du programme « Administration territoriale » n'ont, au cours des exercices précédents, permis de détecter cet accroissement très conséquent du fond de roulement.
Le cycle électoral induit une forte augmentation de l'enveloppe du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui fait un bond de 131,6 % avec 428 millions d'euros de crédits de paiement. L'année 2012 sera, en effet, marquée par l'organisation des élections présidentielle et législatives, pour un coût prévisionnel évalué, respectivement, à 217,3 millions d'euros et 122,3 millions d'euros, soit un coût moyen par électeur de 4,96 euros et de 3,85 euros. L'élection sénatoriale, en regard, paraît extrêmement « bon marché » : 13 centimes d'euro par électeur...
J'ose espérer qu'il n'en fera pas augmenter le coût...
Les crédits de paiement du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » s'élèvent à 651,7 millions d'euros, en augmentation de 6,6 %. Si les effectifs de ce programme progressent de 71 ETPT pour se fixer à 5 170 ETPT, cela résulte essentiellement de transferts d'emplois en provenance d'autres programmes. A périmètre constant, les effectifs prévus pour 2012 baissent de 61 ETPT.
Pour 2011, les dépenses liées au contentieux devraient atteindre 123 millions d'euros. Comme chaque année, malheureusement, on peut s'inquiéter du respect de l'autorisation budgétaire accordée pour cette action et de la sous-évaluation de ce poste de dépense pour l'exercice à venir - 82 millions d'euros, soit une baisse de 1,2 % par rapport à la dotation initiale pour 2011.
S'agissant du contentieux de la gestion des cartes nationales d'identité et des passeports par les communes, 509 requêtes étaient en cours, au 1er septembre 2011, pour un montant total de 138,2 millions d'euros en demandes indemnitaires. Il serait bon de saisir l'occasion du prochain passage à la carte nationale d'identité électronique pour remettre à plat les relations entre l'Etat et les communes concernant la délivrance des titres d'identité.
En conclusion, et eu égard aux réserves que je viens de vous exprimer, je propose à la commission de rejeter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».
Faut-il conclure de vos propos sur l'ANTS que vous souhaitez engager un contrôle ?
Il faudrait du moins éclaircir la manière dont est abondé le fond de roulement, ce que n'ont pas permis nos recherches, pourtant assez fouillées. Et sur les motifs qui ont conduit à cet abondement. S'il s'agissait de constituer une provision, encore eût-il fallu le dire.
Nous avions travaillé avec l'Agence sur la mise en route pratique de la délivrance des titres : choix des communes, mise en place des stations, savoir-faire des employés. L'action du Sénat avait été bénéfique. Je regrette d'autant plus le manque de sincérité qui affleure ici.
Cette question des réserves dormantes est, de fait, un effet pervers du système des opérateurs. Le débat sera l'occasion d'interroger le ministre.
Vous relevez, dans votre rapport, que le droit de timbre imposé aux demandeurs, dont le produit revient à l'ANTS, est supérieur au coût de revient du passeport biométrique. Pouvez-vous apporter quelques précisions ?
Le ministère des finances nous avait indiqué que le prix du droit de timbre tenait aux frais de fabrication du passeport. La Cour des comptes, à laquelle nous avions demandé de mener une mission complémentaire, avait donné une évaluation divergente du juste coût... Le prix du timbre fiscal est très largement supérieur au coût de fabrication : les communes transfèrent les demandes aux préfectures, qui les renvoient à l'ANTS pour validation, laquelle transmet à l'Imprimerie nationale, qui fabrique, à la suite de quoi le passeport est renvoyé aux communes qui le délivrent sur vérification d'empreintes. Je rappelle que je m'étais interrogée sur la question de la conservation des empreintes, et que le Conseil d'État a jugé, il y a quelques jours, qu'il n'était pas concevable de conserver huit empreintes quand seules deux sont nécessaires.
Je m'interroge sur le coût respectif de la présidentielle et des législatives : 217 millions d'euros d'un côté, 122 millions d'euros de l'autre ; pourquoi un tel écart ? Même chose pour le remboursement des frais d'impression de la propagande : 43 millions d'euros d'un côté, 12 millions d'euros de l'autre. J'observe, de surcroît, que notre système est assez généreux. Le moment ne serait-il pas bien choisi de proposer quelques économies ?
Les hypothèses ayant conduit à ces estimations sont fondées sur le déroulement des précédentes élections.
Mais l'électorat, la superficie sont les mêmes dans le cas des législatives et de la présidentielle : comment expliquer la différence ? Même chose pour les frais de propagande : ce sont les affiches officielles des candidats qui sont, dans l'un et l'autre cas, remboursées.
Nous pourrions y travailler. Ce serait l'occasion d'évaluer la manière dont sont prises en compte les dépenses.
J'observe que la retenue pour non respect des règles de la parité s'élève, pour l'UMP, à 4,13 millions d'euros.
Vous évoquez là un sujet douloureux pour la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les hommes et les femmes que j'ai longtemps été. La femme auvergnate qui est en moi m'avait poussée à me pencher sur ces chiffres, et je n'avais depuis de cesse d'attirer l'attention sur le fait que les partis sanctionnés ne semblaient nullement gênés par le manque à gagner.
Votre rapport est explicite sur la dégradation de la situation dans les préfectures, touchées dans leurs fonctions comme dans leurs services. Les moyens manquent à tel point pour assurer le contrôle de légalité que bien des actes passent au travers des mailles.
A constater que 32 partis et groupements bénéficient de l'aide publique, 22 pour la seconde fraction, on est en droit de se poser des questions sur le soutien apporté aux micropartis, difficiles à identifier. L'opinion publique s'interroge sur les modalités et la justification de ces aides, assorties, qui plus est, d'avantages fiscaux qui avaient fait tiquer la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Disposez-vous d'éléments d'information complémentaires sur ce dispositif, et envisagez-vous d'approfondir vos réflexions ?
La liste des formations concernées est publiée en décembre de chaque année. Figure donc dans mon rapport celle de 2010. J'y ai fait des découvertes. J'avoue que j'ignorais tout d'une formation comme Le Trèfle...
Il sera bon, en effet, de nous y pencher de plus près, car il serait dommageable de voir fleurir trop d'élucubrations autour d'une vie politique qui souffre déjà du discrédit qui s'attache aux élus, accusés de tous les maux.
Vous m'interrogez, enfin, sur le contrôle de légalité. Je dénonce pour la deuxième fois les suppressions de postes. Tous les préfets disent qu'ils sont « à l'os ». Une pause eût été bienvenue. Un contrôle de légalité qui laisse à désirer, c'est l'insécurité juridique pour les élus.
Nous connaissons tous les services préfectoraux de nos départements. Au regard de la qualité des cadres de jadis, beaucoup plus polyvalents, on a le sentiment que, même à effectifs identiques, les services ont perdu en mémoire, en expertise, en capacité de négociation. Partagez-vous cette analyse ?
L'un et l'autre problème se posent. Quand on voit à quoi se réduit le nombre de cadres de catégorie A dans les sous-préfectures - parfois à rien - on ne peut s'étonner que les missions de conseil en souffrent.
La question se pose de l'organisation administrative. Si les capacités comptent, le nombre compte aussi. D'autant que seuls 20 % des actes sont dématérialisés. Il faut une présence sur place, et je comprends mal que tant de sous-préfets s'en aillent chaque matin travailler à la préfecture, pour ne revenir que le soir.
En ce qui concerne le contrôle de légalité, je m'interroge : qui donne les consignes ? Est-ce le ministère ? Est-ce le préfet ? Le fait est qu'à part les marchés publics importants et les actes d'urbanisme, beaucoup d'actes passent au travers.
Vous avez dit le sentiment d'abandon qui prévaut là où la RGPP est passée. Le rapport de Legge avait déjà donné l'occasion de souligner la contradiction entre l'affirmation du bien-fondé de la réforme et les difficultés que suscite sa mise en oeuvre. Compte tenu de l'état des effectifs, quelles missions pourraient être, selon vous, abandonnées et lesquelles pourraient être transférées sans dommage aux collectivités ?
Le réseau consulaire, qui délivre 250 000 à 300 000 passeports biométriques par an, connaît les difficultés qui ont été évoquées. La charge est d'autant plus lourde que se pose la question du transfert des documents. Quant au contrôle de légalité, s'il ne pose pas encore de difficultés, nous avons atteint la limite.
Nous avions abordé la question des micropartis lors des débats sur le projet de loi relatif à la transparence financière ; on sait pertinemment qu'une quarantaine de formations ne sont pas autre chose que des rabatteuses créées au profit de telle ou telle personnalité. Le Sénat ferait bien de travailler à mettre fin à ces errements qui n'honorent pas la démocratie.
Les maires se plaignent de l'insuffisance de la contrepartie financière attachée à la délivrance des titres d'identité. Avez-vous été saisie de telles réclamations ?
J'observe que Mme André ne nous a pas parlé, cette année, des photographes.
Le Conseil d'État a jugé que, dès lors que les photographies sont destinées à un usage précis, elles pouvaient être faites dans les mairies. Dont acte.
Quelles missions pourraient être reprises par les collectivités, me demande M. Patriat. Pour les cartes grises, on a vu que la création d'un réseau de garagistes agréés n'a pas été sans poser quelques difficultés. On a parlé d'élargir le dispositif aux véhicules d'occasion, mais il faut savoir que les garagistes font payer, jusqu'à 150 euros. Et puis, le ministère a dû, pour prévenir le trafic de véhicules, embaucher des contrôleurs pour vérifier les bonnes pratiques. Comme quoi il ne serait peut-être pas mauvais, en effet, que l'État reprenne langue avec les collectivités, mais en confiance, sans se poser en donneur d'ordres et prétendre les ravaler au rang d'exécutantes.
La contrepartie financière à la délivrance de titres, monsieur Botrel ? Nous avons obtenu le forfait de 5 000 euros, mais le problème tient beaucoup au fait que certaines mairies font énormément de titres, d'autres très peu. Et il est vrai que les maires des grandes communes centres ont sans nul doute eu la main un peu forcée. Le premier contentieux est venu de l'absence de dédommagement. Quand viendra la carte d'identité électronique, par définition en plus grand nombre que les passeports, il y aura surcharge. Pour l'heure, en tout état de cause, le ministère n'est pas prêt. Sans compter que l'on peut s'interroger sur la pertinence du biométrique pour un document qui n'est pas fait pour le voyage international, comme sur le problème de la puce commerciale, sur laquelle la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) se pose des questions. D'où l'intérêt de notre présence en séance cet après-midi pour le débat sur la carte d'identité électronique.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Richard Yung et Roland du Luart, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'Etat ».
Pour cette première présentation conjointe, puisque la charge de rapporteur spécial était jusqu'à présent confiée à notre ancien collègue, Adrien Gouteyron, nous avons choisi de ne rien scinder, pour assumer chacun la tâche de co-rapporteur de l'ensemble.
La mission « Action extérieure de l'Etat » rassemble les moyens du ministère des affaires étrangères, hormis ceux dévolus à l'aide publique au développement : il s'agit donc de la diplomatie générale et du réseau des ambassades, soit le programme 105, que Roland du Luart évoquera plus précisément, de la diplomatie culturelle et « d'influence », avec le programme 185 et de l'action du réseau consulaire ou en faveur des Français à l'étranger avec le programme 151. A quoi s'ajoute, ponctuellement, le petit programme 332, appelé à s'éteindre en 2012 puisqu'il porte, hors dépenses de sécurité, les crédits destinés à financer la présidence française du G 20 et du G 8.
Au total, cette mission regroupe un peu moins de 3 milliards d'euros de crédits de paiement. Le plafond des emplois rattachés aux programmes de la mission s'élève à 12 644 équivalent temps plein travaillés (ETPT), mais au vu du fonctionnement concret des services, il est plus pertinent de s'intéresser à l'ensemble du personnel du ministère : à ce niveau, le plafond d'emplois demandés en 2012 s'élève à 15 024 ETPT, soit une diminution de 94 ETPT hors transferts par rapport à 2011.
Le Quai d'Orsay s'est lancé, avant même que ne débute la révision générale des politiques publiques (RGPP) - et l'on peut d'ailleurs se demander s'il a bien fait -, dans une réforme de ses structures qui s'est traduite par une réorganisation de l'administration centrale, la redéfinition des ambassades en trois catégories à formats et missions distincts et l'évolution de la carte du réseau consulaire, marquée par une réorientation de l'Europe vers les pays émergents, Asie et Amérique latine notamment.
Cette démarche s'est traduite, depuis 2006, par la suppression de quelque 1 400 emplois au sein du ministère. A l'issue de la réforme en cours du réseau culturel, il faudra considérer que le processus a atteint sa limite. Au-delà, de grandes difficultés surgiraient, en même temps que se poserait la question de l'universalité du réseau. A vrai dire, celle-ci se pose dès à présent : avons-nous par exemple les moyens de maintenir une ambassade au Timor Oriental, quand notre partenaire portugais y assure une présence forte ?
J'en viens au programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », qui regroupe 758,7 millions, soit un gros quart des crédits de paiement de la mission, en diminution, à périmètre constant, de 0,3 % par rapport à 2011.
La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) n'évolue quasiment pas, à 422,5 millions d'euros. Or, l'Agence doit supporter une charge pour pensions civiles en augmentation de 8 millions. Certes, elle a mis en place une sorte d'impôt extraordinaire pour y faire face, les établissements devant reverser 6 % des frais d'écolage. Mais, du coup, l'augmentation de ces frais ne viendra pas financer l'ajustement de l'indemnité spécifique de vie locale (ISVL), qui égalise les conditions de ressources d'un pays à l'autre, et les besoins d'investissements immobiliers de l'AEFE. Les emprunts auxquels recourait jusqu'à présent l'Agence pour faire face à ces derniers besoins lui étant dorénavant interdits, se met en place, pour 2012, un mécanisme d'avance auprès du Trésor. Mais quid de sa pérennité ? Et son niveau sera-t-il suffisant pour faire face à la demande - très forte, puisque les effectifs pourraient progresser de 6 % à 8 % chaque année si nous étions en mesure de les accueillir et de répondre ainsi à un fort enjeu de notre diplomatie culturelle.
Ensuite, la nouvelle agence culturelle, l'Institut français, se met en place. Son président, Xavier Darcos, devrait recevoir sa lettre de mission d'ici à la fin de l'année. L'expérimentation dans douze pays du rattachement direct à l'Institut du réseau culturel français commence à être mise en oeuvre. Et la fusion des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) et des établissements à autonomie financière (EAF) se poursuit.
Les choses semblent, en revanche, plus difficiles pour la mise en place de Campus France, l'agence dédiée à la gestion des programmes de mobilité internationale de l'Etat et à l'accueil des étudiants étrangers en France. Les craintes exprimées l'an dernier par Yvon Collin et Adrien Gouteyron restent d'actualité. La mise en place de l'agence se heurte à la résistance du ministère de tutelle du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS), qui refuse de transférer les ETP correspondants. Le ministre devra nous indiquer clairement, en séance, comment va évoluer ce dossier dans les prochaines semaines.
J'en viens au programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », dont les crédits s'élèvent à 368,5 millions d'euros, soit une progression de 4,9 % à périmètre constant, sachant que 10,3 millions sont inscrits au titre des prochaines élections législatives, dont 8 viennent du ministère de l'Intérieur.
Un mot, enfin, sur la Caisse des Français de l'étranger. La loi de modernisation sociale a prévu un mécanisme d'aide à cotisation en faveur des plus démunis. Or, L'État ne prend plus en charge qu'un cinquième du coût induit, soit 500 000 euros, les 2 millions restant demeurant à la charge de la Caisse. Manquant d'éléments quant à la capacité financière de la CFE de faire face à cette dépense, j'entends interroger le Gouvernement, en séance, sur ce point.
Je voudrais tout d'abord indiquer que je partage les observations de Richard Yung, sauf sur l'amendement qu'il présentera tout à l'heure sur la prise en charge des frais de scolarité.
Je ne m'attarderai pas sur le programme 332 « Présidence française du G 20 et du G 8 », qui ne porte plus aucune autorisation d'engagement et seulement 20 millions d'euros de crédits de paiement en 2012 afin de solder les dépenses non effectuées en 2011. C'est donc la loi de règlement du budget 2011 qui constituera, pour ce programme, le dernier rendez-vous à enjeu.
En revanche, le programme « Action de la France en Europe et dans le monde », qui finance une grande partie de l'administration centrale du Quai d'Orsay ainsi que le réseau des ambassades, appelle plusieurs observations.
Il regroupe 1 786 millions d'autorisations d'engagement et 1 788 millions de crédits de paiement, soit un peu plus de 60 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. A périmètre constant, les crédits du programme diminuent de 0,8 % en autorisations d'engagement et de 1,3 % en crédits de paiement par rapport à 2011.
Ce budget reste serré. Richard Yung a évoqué la RGPP en matière d'organisation et d'évolution des emplois. J'ajouterai que les dépenses de fonctionnement sont globalement bien tenues, même s'il convient de distinguer entre celles qui ne peuvent être réellement maîtrisées par le ministère, comme, par exemple, les crédits du centre de crise, fixés pour trois ans à un plancher de 2,1 millions par an mais qui, en cas de nécessité, peuvent être complétés grâce à la fongibilité ; celles qui ont atteint leur étiage, telles que les dépenses de protocole, qu'il serait très difficile de faire descendre en dessous de 7 millions ; celles, enfin, qui offrent encore une marge de manoeuvre - moins 15 % sur les crédits de communication depuis 2010, moins 8 % sur l'informatique, moins 10 % sur les frais de représentation en France et moins 15 % pour ces mêmes frais à l'étranger.
Restent deux points essentiels. En premier lieu, pour la contribution de la France aux organisations internationales, et plus précisément aux opérations de maintien de la paix, les crédits demandés sont en diminution de 66,4 millions par rapport à 2011, soit un recul de 14,3 %. On ne peut que se réjouir d'une telle évolution, qui rend au ministère une petite marge de manoeuvre sur certaines lignes particulièrement tendues, à la stricte condition que ces prévisions soient sincères. On se souvient de la lutte menée par Adrien Gouteyron contre la sous-estimation systématique de ces crédits, dont il avait souligné, en avril dernier, que de 2006 à 2010, ils avaient augmenté d'environ 10 % par an.
Néanmoins, la diminution aujourd'hui prévue s'explique par un élément tangible, la fin du mandat de la Minurcat, la Mission des Nations Unies en République centrafricaine et au Tchad, qui devrait entraîner une baisse du montant des crédits globaux des opérations de maintien de la paix. Elle s'explique aussi par l'évolution du taux de change retenu, à 1,40 dollar pour un euro, au lieu de 1,35 en 2011.
Je prends acte de ces explications tout en relevant que, dans un monde où de nombreux conflits perdurent, cette diminution est un pari. Espérons qu'il sera remporté.
J'en viens à la politique immobilière du ministère. Le projet de « foncière » portant les immeubles de l'État localisés à l'étranger a été abandonné par le Conseil de modernisation des politiques publiques au profit d'une expérimentation avec la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) sur trois projets de rationalisation des implantations de l'État à Madrid, Séoul et Abou Dhabi.
Depuis 2010, la mission ne portait plus aucune dotation au titre du gros entretien, les crédits provenant du compte d'affectation spéciale « Contribution aux dépenses immobilières », alimenté par des produits de cession. Ce mode de financement aléatoire ne permet pas une programmation pluriannuelle des travaux. Il était donc tout à fait opportun de recréer une ligne de 5 millions dédiée à ces travaux.
En outre, il ne faudrait pas que le financement par le produit de cessions conduise les postes à céder à tout prix un patrimoine qu'il serait plus raisonnable de conserver. Ainsi, la vente du logement du ministre conseiller à Brasilia n'aurait pas profité à l'Etat en raison de la forte augmentation des loyers sur place. Heureusement, le projet de cession est ajourné. Je m'interroge aussi sur d'autres exemples, comme la résidence consulaire de San Francisco.
De manière générale, vendons-nous toujours à bon escient ? La nécessité de financer les travaux de gros entretien par les cessions conduit-elle à mener certaines opérations déraisonnables ? Nous en parlerons avec le ministre en séance publique. Citons encore la vente du consulat général à Hong Kong, une « pépite » qui a rapporté 52 millions d'euros...
À l'issue de cet examen, et sous le bénéfice de ces observations, je recommande à la commission d'adopter les crédits de la mission.
Les étudiants étrangers se tournent de plus en plus vers les universités anglo-saxonnes ou allemandes. Est-ce dû au faible montant des bourses que nous leur accordons ?
La prise en charge des frais de scolarité des Français de l'étranger n'est-elle pas au-dessus de nos moyens ?
Pourquoi ne supprime-t-on pas les consulats dans les pays de l'Union européenne ? Ce serait une source d'économie, et obéirait à une logique politique.
La France possède le deuxième réseau diplomatique du monde ; n'est-ce pas disproportionné ? Ne faudrait-il pas plutôt privilégier des ambassades régionales et européennes ?
Le rapport insiste sur la nécessité de procéder avec discernement en matière immobilière. Plutôt que de chercher à vendre systématiquement notre patrimoine à l'étranger, ne vaudrait-il pas mieux le moderniser ?
Notre réseau d'enseignement relève de la diplomatie d'influence. Les Français de l'étranger tiennent à ce que leurs enfants bénéficient d'un système éducatif de qualité. Or si certains établissements sont très performants, d'autres le sont moins, notamment quand on s'éloigne des grandes agglomérations. Ne pourrait-on s'appuyer sur la plus grande école de France, le Centre national d'enseignement à distance (CNED), en prévoyant un simple encadrement des élèves sur place ? Cela serait source d'économies.
Enfin, une question sans doute naïve : qu'est-ce qu'un « consulat d'influence », et en quoi se différencie-il d'un consulat général ?
- Présidence de M. Yvon Collin, vice-président -
Dispose-t-on d'éléments permettant de comparer notre représentation diplomatique avec celle de l'Allemagne et du Royaume-Uni ? En tant que président de commission, j'ai rencontré beaucoup d'ambassadeurs et de consuls ; je sais que le nombre n'est pas nécessairement synonyme de qualité. Une comparaison avec nos voisins serait instructive.
La France a 750 kilomètres de frontières avec le Brésil, 400 kilomètres avec le Surinam. Difficile pour la Guyane de faire face aux problèmes que pose ce voisinage. L'État compte-t-il renforcer ses moyens dans ce territoire, petit mais convoité, confronté à une forte immigration illégale, et surtout aux ravages de l'orpaillage ? Autre problème : si les Guyanais n'ont pas besoin de visa pour se rendre au Brésil, le visa est en revanche obligatoire pour l'entrée des ressortissants brésiliens en Guyane. Les grands accords franco-brésiliens semblent avoir occulté la donne. M. du Luart, qui m'a accompagné en Guyane, connaît les enjeux !
Je partage les conclusions du rapport, malgré quelques approximations : si une majeure partie du réseau d'enseignement français à l'étranger est bien contrôlé par l'AEFE, il ne faut pas oublier les autres établissements homologués, à commencer par la Mission laïque française, qui aurait mérité d'être citée. Idem pour l'Alliance française, par égard pour le travail qu'elle réalise aux côtés de l'Institut français. Ces deux institutions doivent travailler en synergie, non en concurrence.
Il faut accélérer la mise en place de Campus France, qui a trop tardé.
Si le financement du réseau de l'AEFE est assuré pour 2012 grâce aux 12 millions de France Trésor, la réflexion est en cours pour 2013. Une idée serait de créer un fonds, de 50 millions d'euros, destiné à financer le développement immobilier de l'AEFE.
D'autre part, je crois, comme Roland du Luart, que nous risquons de céder des biens immobiliers qu'il serait préférable de conserver. Par exemple, à Sydney, le consul général n'a plus qu'un appartement en ville. Son important travail de représentation aurait pourtant justifié que l'on conserve l'une des deux villas, d'ailleurs remarquables...
Pour répondre par avance à l'interrogation « naïve » de Joël Bourdin sur les consulats d'influence, je crois qu'il faut accélérer l'évolution du profil de nos diplomates. Nous avons, certes, toujours besoin de profils traditionnels, mais aussi de personnes capables de gérer des postes d'influence : dans ces endroits, parfois éloignés des capitales, le représentant de l'État doit être capable de rassembler la communauté française, de faire émerger des leaders, bref, d'être le « capitaine de l'équipe de France » sur place. Cela suppose de recruter des profils idoines ; les ressources humaines du Quai d'Orsay ont encore des progrès à faire en la matière.
Je m'interroge sur l'universalité de notre présence à l'étranger. Est-il vrai que nous avons vingt ambassadeurs itinérants coûtant chacun 300 000 euros par an ? Et si oui, à quoi servent-ils ?
Le budget de l'élection des onze députés des Français de l'étranger me paraît démesuré : 10,3 millions, contre 112 millions pour la France entière ! Quitte à en choquer certains, j'estime qu'il y déjà trop de parlementaires, et ne suis donc pas favorable à ce budget.
Enfin, l'état de notre patrimoine à l'étranger est-il à jour ? Avons-nous d'autres « pépites » comme celle de Hong Kong ? Étant donné notre endettement, il peut être intéressant de les vendre !
Merci pour ce rapport fouillé et documenté.
À mon tour de plaider pour la mutualisation : au Botswana, on compte six délégations de pays européens, ainsi qu'une délégation de l'Union européenne ! C'est sans doute trop et il vaudrait mieux opérer des rapprochements.
Par ailleurs, alors que l'on cherche à faire des économies, pourquoi avoir créé un secrétariat d'État aux Français de l'étranger ?
Les rapporteurs portent-ils un jugement sur la qualité de nos ambassades ? Tous les diplomates sont excellents, bien sûr, mais il y a des degrés dans l'excellence : lors de nos missions, j'en ai rencontré de remarquables, et d'autres qui étaient complètement dépassés...
D'autre part, notre collègue Vincent Delahaye veut réduire le nombre de parlementaires ? Dans ces conditions, qu'il donne l'exemple en démissionnant, et je le suivrai !
Roland du Luart et moi-même allons essayer de répondre de manière synthétique à ces questions, nombreuses et pertinentes.
La dotation qui finance les bourses accordées aux étudiants étrangers devrait augmenter de 2 millions d'euros dans cette loi de finances, mais nous souffrons de la concurrence internationale, et notamment des universités canadiennes francophones. Les étudiants sont rebutés par la difficulté à obtenir un visa.
De plus, dans ce contexte, il est dommage que la mise en place de Campus France piétine.
Leur montant est bien plus élevé qu'en France, où il dépasse rarement 600 à 700 euros par mois.
Nous devons faire des progrès en matière de coopération consulaire. Celle-ci se heurte toutefois à la résistance des administrations, qui ne manquent jamais d'argument pour s'y opposer ! On devrait du moins imposer des « bureaux Schengen » communs, sachant que les pays concernés délivrent tous le même visa, même si les services de l'Etat nous disent le contraire.
Pour le reste, la principale difficulté tient à ce que la France offre incomparablement plus de services, administratifs ou sociaux, à ses nationaux que les autres pays. Ce serait donc elle qui porterait le poids de la coopération. En outre, étant donné la complexité des différentes législations en matière d'état civil, il est inconcevable que le consulat d'un État puisse traiter les questions d'état civil des vingt-six autres ! On pourrait toutefois imaginer des guichets communs, des bureaux régionaux, faire preuve d'imagination...
Merci de l'intérêt que vous avez porté à ce rapport. Avons-nous les moyens de conserver le deuxième réseau diplomatique au monde ? La question de l'universalité sera au coeur de notre réflexion l'année prochaine.
Avec moins d'ambassades, nous aurions moins de besoins immobiliers. Il s'agit de cibler les grands pays actuels ou émergents dans lesquels la France souhaite investir, et de privilégier une politique immobilière à long terme, car il serait maladroit de vendre aujourd'hui pour ensuite racheter plus cher !
Aujourd'hui, le Quai d'Orsay ne peut entretenir ses bâtiments que s'il vend quelque chose et affecte le produit de la cession aux travaux. C'est le cas à Brasilia. On marche sur la tête... Il faut avoir une gestion rationnelle de notre présence.
Les ambassadeurs itinérants ou thématiques ne sont souvent pas issus de l'administration des affaires étrangères. Ils sont une vingtaine, dont des personnalités comme Brice Lalonde, qui fut jusqu'à une date récente ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique. Sans doute ces dépenses pourraient-elles être mieux maîtrisées...
Je connais bien la Guyane, pour m'y être rendu avec M. Patient. J'ai saisi le Quai d'Orsay sur la question des titres permettant aux frontaliers de traverser le fleuve Oyapock. Vu l'immensité des distances, le contrôle des titres de transport serait confié à une vingtaine d'agents de la Police aux frontières, pour éviter d'avoir à ouvrir un consulat à Oyapock.
Avec l'envolée du cours de l'or, l'orpaillage clandestin prospère, et les confrontations avec les autorités françaises ont fait des morts. J'ai visité avec M. Patient un camp d'orpailleurs. Des militaires en armes nous gardaient de près, on se serait cru en temps de guerre ! C'est un problème aussi grave que difficile à résoudre. Les réglementations sont telles qu'il faut à une société deux ans et demi pour obtenir l'autorisation d'extraire de l'or légalement. Entre-temps, les clandestins ont « vampirisé » le site !
Avec M. Yung, nous allons travailler l'an prochain sur le degré d'excellence de notre représentation. Il faut faire mieux avec les moyens existants. Toutefois, le Quai d'Orsay avait anticipé sur la RGPP, et est aujourd'hui « à l'os »...
Je propose à la commission de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption de ces crédits.
Merci pour cette présentation passionnante. Je vais mettre aux voix les crédits de la mission.
La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Je vous propose un amendement, portant article additionnel avant l'article 48 du projet de loi de finances pour 2012, qui revient sur les aides à la scolarité des Français à l'étranger. Celles-ci prennent deux formes : des bourses, à caractère social, pendant toute la scolarité et, au lycée, une prise en charge (PEC) totale de ces frais par l'État pour tous les élèves français.
Les crédits dévolus à ces aides ont considérablement augmenté depuis 2007 et devrait atteindre, en 2012, 125 millions d'euros : 94 millions pour les bourses et 32 millions pour la PEC, contre respectivement 84 millions et 33 millions en 2011. C'est 13 millions de plus que ce qui était prévu dans la loi triennale.
Certes, le Parlement a agi : le Sénat a ainsi introduit, dans la dernière loi de finances, le principe du plafonnement de la PEC. Celle-ci se limite désormais au niveau des frais constatés lors de l'année scolaire 2007-2008, afin d'éviter l'envolée des frais d'écolage. Malgré ce plafonnement, nous risquons de nous retrouver dans une impasse financière dès 2013 : le coût des aides à la scolarité devrait excéder de 23 millions d'euros les crédits prévus par la loi de programmation.
Je vous propose donc de compléter le plafond existant par l'instauration d'un plafond de revenus, à définir par décret : au-delà d'un certain niveau de revenus, les familles ou leurs employeurs devront, comme avant, assumer les frais de scolarité des lycéens. Les économies ainsi dégagées, qui pourraient s'élever à 10 millions d'euros en année pleine, serviront à financer l'augmentation des bourses.
Je soutiens cet amendement de justice et d'économie. Ce dispositif, instauré en 2007, est en réalité un cadeau aux entreprises qui assumaient jusqu'ici les frais de scolarité de leurs employés. Ce n'est pas à l'État de supporter cette charge. Mon seul regret est que nous ne fixions pas nous-mêmes le plafond de revenus...
Cette prise en charge sans conditions de ressources faisait partie des engagements de campagne du Président de la République. Il s'agissait de traiter les Français de l'étranger sur le même pied que les Français établis en France.
Je soutiendrai cet amendement de justice sociale. S'il n'est pas maîtrisé, ce dispositif inflationniste risque d'être remis en cause, ce qui pénaliserait les familles les moins aisées.
Je ne peux voter cet amendement, qui doit encore être travaillé. Il faut d'abord définir le coût normal de la prise en charge.
Je voudrais simplement préciser que l'amendement ne fixe pas le plafond car le niveau des revenus et les frais d'écolage varient énormément d'un pays à l'autre. Je ne pouvais pas déterminer moi-même le niveau pertinent pour 190 pays.
Cet amendement est très modéré. Des députés proposent, eux, de supprimer carrément la prise en charge !
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par M. Richard Yung, rapporteur spécial, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 48 du projet de loi de finances pour 2012.
La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 73 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2012.
EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
L'Assemblée nationale a profondément remanié le texte, qui est passé de 68 à 122 articles. Je me contenterai donc d'une présentation générale.
Le financement de notre protection sociale a subi des transformations importantes au cours des deux dernières années. En 2010, le déficit de l'ensemble des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint un record : 29,6 milliards d'euros, soit 1,5 point de PIB, trois fois le déficit de 2007. En 2011, malgré une réduction de 5,6 milliards d'euros, grâce à la modération des dépenses, à une bonne tenue de la masse salariale et à d'importantes recettes supplémentaires provenant de la réforme des retraites, le déficit total s'établit encore à 24 milliards d'euros, soit 1,2 point de PIB. Le tendanciel 2012 est préoccupant : hors mesures de redressement, le déficit total serait de 27,4 milliards, dont 21,2 milliards pour le régime général.
Cette situation est certes due en partie à la crise et au ralentissement de la croissance, mais la crise n'explique pas tout. Selon la Cour des comptes, les facteurs structurels expliquent 0,7 point du déficit du régime général en 2010, un déficit qui a représenté 1,2 point de PIB.
L'accumulation de ces déficits a eu pour conséquence la modification du rôle des deux acteurs intervenant dans la gestion de la dette sociale : la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
La loi organique relative à la gestion de la dette sociale ainsi que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont procédé à l'opération de reprise de dette la plus importante depuis la création de la Caisse en 1996. Ce transfert, de 130 milliards d'euros sur la période 2011-2018, est exceptionnel par son ampleur, son étalement dans le temps, et son mode de financement. Celui-ci repose sur l'allongement de quatre ans de la durée d'amortissement de la dette sociale, l'adossement du Fonds de réserve des retraites à la Cades et l'affectation de 0,28 point de CSG en provenance de la branche famille. Il en résulte un accroissement des ressources de la Caisse de 7 milliards et une diversification de celles-ci : la CRDS, ressource originelle de la Caisse, ne représente plus que 40 % de son financement ; la CSG, plus du tiers.
L'article 20 du présent projet loi prévoit une nouvelle reprise de dette en provenance de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles, à hauteur de 2,5 milliards.
Pour financer ce transfert, la loi de finance rectificative votée en septembre a aménagé le régime fiscal des plus-values immobilières. En outre, le présent texte a réduit l'abattement des assiettes de CSG et de CRDS pour frais professionnels.
Il est à prévoir que de nouvelles dettes seront prochainement transférées à la Cades, car le schéma esquissé il y a un an n'apporte pas de solution au déficit des branches maladie et famille, qui pourrait excéder 20 milliards d'euros sur la période 2012 - 2015.
J'en viens à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
En principe, cette institution doit absorber les décalages de trésorerie subis par les branches de la sécurité sociale, un objectif régulièrement détourné pour couvrir à court terme certaines dettes allant être transférées à la Cades. C'est pourquoi le plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS a connu en 2010 un niveau record - 65 milliards d'euros - ayant contraint l'agence à diversifier son mode de financement et à recourir aux marchés financiers. La reprise de dette décidée à l'automne dernier a soulagé la trésorerie de l'agence. Son plafond d'avances de trésorerie a été ramené à 18 milliards d'euros en 2011 et est fixé à 21 milliards d'euros pour l'an prochain par le présent projet de loi.
La dernière modification importante de notre système de protection sociale concerne son financement.
La tendance à la fiscalisation de ses ressources est incontestable sur le long terme ; une nouvelle étape a été franchie l'an dernier, puisque des recettes fiscales supplémentaires, pour 5 milliards d'euros, ont été affectées à la sécurité sociale. Ainsi que l'a noté notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale, dans son rapport préalable au débat sur les prélèvements obligatoires, les organismes de sécurité sociale auront été les destinataires quasiment exclusifs des augmentations nettes de recettes décidées pendant cette législature. En 2012, la sécurité sociale bénéficiera de presque 60 % des mesures de réduction du déficit public annoncées en août dernier par le Gouvernement.
J'en viens au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année prochaine.
Les mesures présentées sont censées réduire de 8 milliards d'euros le déficit tendanciel des régimes obligatoires de base, avec un important effort sur les recettes. Il reste que le déficit à venir demeure inquiétant.
Commençons par les hypothèses macro-économiques qui sous-tendent le cadrage du texte. Le PLFSS pour 2012 prévoit une croissance du PIB de 1,75 % et de la masse salariale de 3,7 % en 2011.
Ces hypothèses semblent extrêmement optimistes, puisque la croissance économique atteindra au maximum 1 % et qu'elle sera peut-être nulle. Dans ces conditions, comment la masse salariale pourrait-elle progresser de 3,7 % ? Les comptes sociaux sont extrêmement sensibles à ce paramètre, puisqu'une variation d'un point de masse salariale engendre un déficit supplémentaire du régime général de 2 milliards d'euros, dont la moitié environ pour l'assurance-maladie. Un dérapage d'un point par rapport à l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) entraîne un déficit supplémentaire d'1,4 milliard d'euros. Enfin, compte tenu de l'indexation de certaines prestations sur la hausse des prix, une variation d'un point de prévision d'inflation conduit à 1,2 milliard de dépenses supplémentaires.
Les mesures de recettes pour 2012 pour la sécurité sociale s'élèvent à 6,4 milliards d'euros, dont 4,1 milliards pour la branche maladie. La moitié environ de ces mesures ont déjà été adoptées dans la loi de finances rectificative pour 2011, votée en septembre : soit l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, le nouveau régime fiscal des plus-values immobilières et le doublement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, dite « taxe sur les mutuelles », qui a été relevée de 3,5 % à 7 %.
La première de ces mesures devrait rapporter 1,3 milliard d'euros, l'incidence de la deuxième avoisinant 553 millions.
S'agissant des mesures proposées par le PLFSS pour 2012, celles-ci concernent la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul du coefficient des allégements généraux sur les bas salaires, la réduction de l'abattement des assiettes de CSG et CRDS pour frais professionnels et l'augmentation du forfait social de 6 % à 8 %. Une curiosité : l'assujettissement à la CSG du complément de libre choix d'activité a été supprimé par l'Assemblée nationale, mais gagé une première fois par la commission des finances et une seconde fois par le Gouvernement. Il faudrait donc supprimer le gage du Gouvernement.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2012 comporte d'autres mesures de redressement en faveur de la sécurité sociale, comme la taxe sur les boissons sucrées. S'ajouteront certaines dispositions réglementaires, comme la hausse du prix des tabacs.
L'action sur les dépenses concerne principalement l'ONDAM, qui devrait n'augmenter que de 2,8 %, grâce à des mesures d'économies atteignant 2,1 milliards d'euros. Les dispositions proposées à cette fin sont traditionnelles, comme la maitrise médicalisée ou la baisse de prix de certains produits de santé.
Malgré ces efforts considérables en recettes et en dépenses, - dont certaines mesures ne me paraissent pas acceptables - le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV atteindra encore 19,4 milliards d'euros l'an prochain, soit le double du montant constaté en 2007. Cette situation est préoccupante, puisque ce montant devrait s'élever à 20 milliards d'euros en 2013, avant de s'établir à 17 milliards d'euros en 2014 et à 14 milliards d'euros en 2015. Faute de mesures supplémentaires, un nouveau transfert de dette sera donc inévitable.
J'observe à ce propos que certaines réformes engagées demeurent inabouties sur le plan financier - c'est le cas de la réforme des retraites - ou ont été reportées. Dans son dernier rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes estime que le Gouvernement a surévalué l'impact de la réforme des retraites. Elle a insisté sur l'optimisme des hypothèses macro-économiques retenues.
Merci pour la concision de ce rapport si bien documenté.
Je regrette de ne pas avoir signalé plus tôt la présence de M. Daudigny, rapporteur général de commission des affaires sociales.
Je tiens à souligner la clarté de l'exposé, ainsi que la très grande pertinence des observations faites. Nous sommes parfaitement en phase avec l'analyse et les amendements présentés. Merci de m'avoir invité.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR POUR AVIS
Article additionnel avant l'article 10 A
L'amendement n° 1 tend à supprimer le doublement de la taxe sur les mutuelles, car nous craignons sa répercussion sur les assurés.
Dans son rapport, le comité d'évaluation des niches fiscales et sociales, dit « Comité Guillaume » a donné à cette exonération la note maximale en termes d'efficacité.
La suppression de la majoration de la taxe entraînera une perte de recettes de 1 050 millions d'euros, d'où les gages qui accompagnent cet amendement : une hausse du forfait social et des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Au total, le gage est plutôt supérieur à la recette perdue.
L'amendement n° 1 est adopté.
Article additionnel avant l'article 11
Avec l'amendement n° 2, nous supprimerons l'article premier de « la loi Tepa », un dispositif amputant de 3,4 milliards les recettes des organismes de protection sociale. Curieusement, il n'a pas été possible d'identifier le manque à gagner imputable aux cotisations patronales, compris entre 800 et 1 300 millions d'euros... L'efficacité de cette exonération pour l'emploi est tout sauf avérée, le conseil des prélèvements obligatoires allant jusqu'à penser que l'incidence pour le PIB pourrait être inférieure au coût du dispositif !
Article 36
Cet amendement n° 3 concerne le nouveau fonds d'intervention régional, qui globalisera les crédits en provenance aujourd'hui de différents autres fonds de financement. Selon le Gouvernement, il s'agit de donner davantage de marges de manoeuvre aux agences régionales de santé.
Quoi qu'il en soit, l'amendement n° 3 dispose que la dotation de ce fonds sera fixée non par arrêté ministériel, mais dans la loi de financement de la sécurité sociale, ce qui rétablit le contrôle du Parlement sur l'alimentation du fonds et l'utilisation de ses crédits.
Cet amendement indispensable nous permettra un meilleur suivi des crédits. Songez que le directeur de l'ARS d'Auvergne a déclaré n'avoir pas de comptes à rendre aux élus, puisqu'il était nommé par le Président de la République en conseil des ministres !
L'amendement n° 3 est adopté à l'unanimité.
Article 40
L'amendement n° 4 tend à supprimer l'article 40, dont le dispositif autorise tout établissement de santé à pratiquer un « tarif VIP » lorsqu'il accueille des « patients étrangers fortunés » non assurés sociaux.
Aujourd'hui, un riche étranger paye un tarif unique, déterminé par ailleurs au niveau national. Chaque établissement de santé serait en mesure de fixer de manière discrétionnaire les prix qu'il applique.
Par ailleurs, l'article n'exclut de ce dispositif que les patients étrangers pouvant prétendre à l'aide médicale d'État, soignés au titre de l'aide humanitaire ou atteints d'une urgence médicale évidente. Sa rédaction est extrêmement floue. Son rendement semble limité, puisque le Gouvernement l'estime à 5 millions d'euros.
Pourquoi un hôpital public ne devrait-il pas profiter budgétairement du fait qu'il soigne une personne très riche ? Je ne perçois pas bien les motivations de l'amendement.
Il est normal que le service public s'occupe des personnes dénuées de ressources, mais pourquoi ne pas faire payer ceux qui ont de l'argent ?
Qu'entend-on par « étrangers fortunés » ?
Au demeurant, il s'agit de séjours programmés. Si le patient présente des exigences particulières, la facturation de suppléments est ipso facto justifiée.
L'article ne définit pas la notion d'étrangers fortunés, sinon, en creux, par le fait d'avoir des ressources supérieures au plafond de l'aide médicale d'État. Je ne vois pas d'objection à l'idée de faire payer une personne riche, mais la rédaction est trop imprécise.
L'amendement a sa pertinence s'il a pour but de contraindre le Gouvernement à expliciter une disposition mal rédigée.
Notre commission a voté hier un amendement identique, mais pour des raisons quelque peu différentes. En effet, par principe, les remboursements de la sécurité sociale ne sont pas liés aux revenus. La commission des affaires sociales n'a donc pas souhaité introduire une distinction de ce type. Le terme «VIP », qui figure dans l'étude d'impact accompagnant ce texte, pose un problème de principe.
L'amendement n° 4 est adopté.
Article 51 septies
L'amendement n° 5 a pour objet de supprimer l'article 51 septies, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, qui propose d'étendre à l'ensemble des étrangers non communautaires la condition de résidence préalable pour l'accès à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et de porter la durée de celle-ci à dix ans, au lieu de cinq. Il est regrettable que cette mesure soit mise en parallèle avec le coût du dispositif.
L'amendement n° 5 est adopté.
Article 58 bis
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 13 du projet de loi initial, qui aurait assujetti à la CSG et à la CRDS le complément de libre choix d'activité. Cette décision ayant diminué les ressources sociales de 140 millions d'euros, l'abattement pour frais professionnels appliqué aux revenus d'activité soumis à la CSG a été réduit de 2 % à 1,75 %. Mais le Gouvernement a gagé une seconde fois la suppression de l'article 13 en reportant de trois mois la revalorisation des prestations familiales. L'amendement n° 6 tend à supprimer le gage introduit à l'initiative du Gouvernement.
L'amendement n° 6 est adopté.
Le rapport pour avis est adopté.
Nous examinerons en séance le texte dans la rédaction de l'Assemblée nationale. Je fais confiance à la commission des affaires sociales pour nous proposer des amendements autrement plus nombreux que les six discutés aujourd'hui. Je propose d'attendre le résultat des délibérations pour déterminer notre vote final.