D'abord, les taxes comportementales, que M. Kerdraon a fortement critiquées : elles sont tout à fait cohérentes dans une logique de prévention. D'après les études de l'OMS, le lien entre tabac, alcool fort et cancer, de même qu'entre consommation régulière de sodas et diabète est avéré. Pour être à l'origine du plan recherche sur l'obésité, je veux rappeler que ces boissons viennent en « plus » du régime de base et qu'elles favorisent l'obésité, notamment chez l'enfant. Certes, ce n'est pas le seul produit dans ce cas. La taxe peut être élargie, travaillons-y ensemble. Cette taxe préventive n'a rien d'un gadget quand les pays du Nord et les Etats-Unis, pays qui voit son espérance de vie reculer pour la première fois du fait de l'obésité, l'ont adoptée. Au contraire, elle constitue un signal fort aux familles comme aux fabricants. Dans les années 2000, nous avons augmenté les prix du tabac et supprimé les produits sucrés dans les distributeurs automatiques des lycées. Continuons à prendre nos responsabilités ! J'y insiste car la commission des affaires sociales devrait être sensible à cet argument de santé publique.
Aucune réforme structurelle ? Faux ! Prenons la politique du médicament. La baisse de tarifs - 670 millions dans ce texte - est indispensable dans un pays où les médicaments sont trop chers et prescrits en trop grand nombre. Le contrat d'amélioration des pratiques individuelles permet de contrôler la pertinence des prescriptions des généralistes au regard des pathologies. Autres éléments structurels de la réforme, la convergence tarifaire et la réforme des hôpitaux.
L'harmonisation des indemnités journalières est une mesure de clarification qui pèsera essentiellement sur les entreprises. Quatre ou cinq modes de calculs selon qu'il s'agit de la maternité, d'une maladie ou d'un accident du travail, n'était-ce pas aberrant ?
Le report de la réforme de la dépendance ? Avec 1 700 milliards de dette, notre priorité est la réduction du déficit. Je veux le dire clairement à Mme Pasquet. Inutile de se renvoyer la responsabilité de la dette : d'après la Cour des comptes, 50 % sont liés à l'héritage de 2007, dont nous sommes tous comptables, 40 % à la crise, au plan de relance et aux stabilisateurs sociaux. Je l'affirme avec solennité devant vous : pas une maille du filet de protection sociale n'a été distendue durant la crise. Au contraire ! Depuis le début du quinquennat, nous avons augmenté les dépenses sociales de 37 % avec la création du RSA, la revalorisation de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) et du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans. Grâce à ces stabilisateurs sociaux, les Français ont moins souffert que les autres. Il faut le porter au crédit du Gouvernement qui a su faire des réformes courageuses, telle celle des retraites, pour sauvegarder notre système de protection sociale. Autre raison pour laquelle nous n'aurons pas de plan dépendance dès cette année : nous devons mener une réflexion en amont avec tous les acteurs - vous y reviendrez avec Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp. Pour autant, nous réalisons un effort considérable sur le secteur médico-social : son Ondam progresse de 4,2 % avec, entre autres, 600 millions supplémentaires pour le plan handicap, 50 millions pour l'aide à l'investissement et 140 millions pour la médicalisation des établissements accueillant les personnes âgées et handicapées, sans parler des ressources dégagées pour la création de cent nouvelles maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia).
J'en viens à la population renonçant à des soins. Désolée, madame Cohen, les chiffres de la commission des comptes de la santé sont différents des vôtres. Pour la troisième année consécutive, le reste-à-charge, qui est de 9,4 %, diminue pour la consommation de soins et de biens médicaux. Certes, il demeure élevé pour les soins optiques et dentaires, mais il est l'un des plus faibles au monde pour le transport sanitaire et les soins hospitaliers : 3 % seulement. Toujours d'après la même commission, le renoncement aux soins, qui touche 15,4 % de la population adulte, s'explique par un cumul des vulnérabilités : emploi précaire, logement précaire. La réponse n'est donc pas à chercher dans le seul champ sanitaire ; elle passe également par les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion et d'insertion par l'emploi. A cet égard, le RSA, que nous avons créé, permet aux personnes fragiles d'envisager plus sereinement des soins. Gardons à l'esprit que notre protection sociale est un filet, dont toutes les mailles sont importantes.
S'agissant de la convergence tarifaire, nous sommes totalement conscients que l'hôpital public, parce qu'il accueille des malades plus défavorisés et des pathologies plus lourdes, subit un surcoût. Néanmoins, celui-ci peut être corrigé. L'écart entre public et privé se réduit si l'on réintègre la rémunération des médecins libéraux. Nous le chiffrons à 20 %. S'il faut laisser le temps aux acteurs, notamment publics, de s'adapter à cette politique, nous devons continuer de nous interroger : pourquoi certains actes coûtent-ils plus chers à l'hôpital ? La convergence tarifaire reste et doit rester un objectif fort de maîtrise des dépenses de santé.
La population couverte par une mutuelle, n'en déplaise à Mme Demontès, a progressé grâce aux aides développées depuis 2000 : d'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Dress), 94 % de la population souscrivait une assurance complémentaire en 2008, contre 92 % en 2006. J'ajoute que le Gouvernement négocie actuellement sur le secteur optionnel pour limiter les dépassements d'honoraires.
Un Ondam de 2,8 % seulement pour l'hôpital ? On ne peut pas à la fois déplorer l'insuffisant effort de réduction des déficits et un Ondam trop bas. Ce chiffre correspond surtout à 2 milliards de ressources supplémentaires. Les moyens de l'hôpital ne sont donc pas réduits. Même logique concernant le personnel : la fonction publique hospitalière n'est pas touchée par le non-remplacement d'un départ sur deux en retraite. Le personnel soignant à l'hôpital a progressé de 6 %.
Mme Demontès m'a posé une question technique sur la CNRACL : l'organisme reverse certes une cotisation à l'Etat pour les personnels transférés aux collectivités territoriales, mais en contrepartie, l'Etat acquitte les pensions de ces personnels. Ce régime bénéficie des mêmes mesures que les autres, notamment d'âge, qui amélioreront ses comptes en 2012.
Beaucoup s'interrogent sur les recettes. D'abord, la réforme de l'ISF est entièrement financée, à partir de l'an prochain, par les plus hauts patrimoines avec l'augmentation des droits sur les donations et les successions et du taux des tranches supérieures. Ensuite, les niches. Nous avons supprimé 11 milliards de niches l'an dernier, 10 milliards cette année. Il n'y pas de trésor caché dans la République, sinon nous l'aurions débusqué ! On ne peut pas aller plus loin sans que cela soit indolore pour l'emploi et le pouvoir d'achat.
Prenez les exonérations des heures supplémentaires qu'a évoquées M. Vergoz. Elles correspondent à 400 euros de plus pour neuf millions de Français dont le revenu moyen est de 1 500 euros par mois. Un plus qui n'est pas négligeable en temps de forte crise économique ! Dans la fonction publique, les exonérations d'heures supplémentaires bénéficient à 90 % aux enseignants, qui ne font pas précisément partie des plus aisés. Par parenthèse, ce dispositif ne concerne pas les cadres, qui sont au forfait jour. Enfin, la suppression de ce dispositif ne créera pas d'emplois. Au contraire, elle pourrait en détruire, expliquent les PME et les TPE, car les commandes ne pourront pas être honorées. Ne négligeons pas l'impact croissance ! Cependant, conscients de l'effet d'aubaine que ces exonérations peuvent représenter pour certains employeurs, nous les avons réintégrées dans les allégements Fillon.
Les niches restantes, d'après l'Inspection générale des finances, servent d'abord la cohésion sociale. Prime pour l'emploi, défiscalisation de l'AAH et allocations familiales, exonération de la taxe d'habitation pour les personnes âgées et handicapées, toutes ces mesures ont une justification sociale très forte. Autre cas de figure, les niches à fort impact sur l'emploi. Je pense aux mesures sur l'emploi à domicile, les travaux de rénovation dans la résidence principale, créée par Dominique Strauss-Kahn, à la baisse de la TVA dans la restauration qui a entraîné la création de 40 000 emplois ou encore à l'allégement de charges Fillon pour compenser les trente-cinq heures. Délocalisations assurées si nous supprimons cette dernière mesure !
La lutte contre tous les types de fraude, monsieur Milon, est une priorité depuis 2007. Celle-ci ne cesse de progresser : elle a atteint un volume de 272 millions en 2010, soit une hausse de 29 % par rapport à 2007. Et le travail dissimulé est la cause de 60 % des redressements opérés. La mise en place d'un répertoire commun entre les organismes de la sécurité sociale permettra de repérer les incohérences et les doublons.
A propos des doublons hospitaliers, nous ne disposons pas d'un chiffrage précis. Si la T2A est un outil formidable de gestion, elle ne nous exonère pas de la lutte contre les actes inutiles, en lien avec les fédérations hospitalières. Celle-ci passe par un contrôle accru. D'où le décret publié en septembre pour renforcer les compétences de l'Observatoire économique des établissements de santé.
La réduction du déficit, un objectif en soi ? Pour nous, madame Pasquet, c'est la seule solution pour préserver notre système de protection sociale. Précisons que l'effort porte sur la réduction, non des soins, mais du tarif des soins. Les compléments de recettes sont un point d'arrivée, non un point de départ. De fait, je ne crois pas au choc fiscal dans un pays qui est l'un des plus fiscalisés au monde. Celui-ci nous plongerait dans la récession et c'en serait terminé de notre modèle social. Il suffit de regarder la situation en Grèce, en Espagne et en Grande-Bretagne, pour comprendre ce qu'est un vrai plan de rigueur.