Commission des affaires sociales

Réunion du 18 octobre 2011 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PLFSS
  • mutuelle

La réunion

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Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'audition de Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat

Je salue votre nouvelle commission et félicite les nouveaux élus. J'adresse mes félicitations les plus vives à votre nouvelle présidente, Annie David, qui connaît parfaitement les questions que vous abordez. Je salue Muguette Dini, qui a assumé avec talent cette lourde charge, avec le soutien d'Alain Vasselle, et me réjouis de voir une femme lui succéder : la Haute assemblée demeure exemplaire dans ce domaine. Je suis sûre que ce point de continuité ne sera pas le seul. Car le Sénat, c'est un autre ton, une autre manière de légiférer, faite de recul, de respect et de responsabilité. Sans doute nos positions ne seront-elles pas toujours convergentes, mais je suis certaine que le Sénat continuera à apporter sa marque au travail parlementaire, quelle que soit la couleur du Gouvernement. Je souhaite également beaucoup de succès à votre nouveau rapporteur général, Yves Daudigny.

Le 24 août dernier, le Gouvernement a réaffirmé un choix clair : celui de tenir le cap de notre trajectoire de réduction des déficits publics, malgré la conjoncture, pour atteindre 5,7 % en 2011, 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013, conformément à nos engagements européens.

Notre stratégie constante repose sur trois piliers : d'abord, la maîtrise des dépenses publiques par des réformes de fond ; ensuite, le soutien de la croissance, avec un investissement sans précédent dans l'innovation ; enfin, l'augmentation des recettes, par la réduction de niches fiscales et sociales, et des prélèvements ciblés.

Cette stratégie vaut aussi pour les administrations de sécurité sociale. Il faut mettre fin à la hausse incontrôlée des dépenses dont on prétend parfois, contre toute évidence, qu'elle serait le prix à payer pour préserver notre modèle social. Or un Etat qui protège, c'est d'abord un Etat solide, un Etat dont les bases financières sont saines. Notre système de protection sociale ne peut reposer sur un déficit permanent qui finira pas n'être plus tenable.

Nous agissons donc, en suivant une stratégie qui porte ses fruits. Ce PLFSS, c'est le budget du rétablissement : nous aurons deux ans d'avance sur nos objectifs de réduction des déficits. Il s'inscrit dans la continuité de l'effort historique de maîtrise des dépenses engagé depuis quatre ans, à commencer par la réforme des retraites, qui se traduit dès 2012 par 5,6 milliards d'économies.

Cet effort, nous allons le poursuivre et l'amplifier. Pour la deuxième année consécutive, nous respecterons l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui n'avait jamais été fait depuis sa création en 1997. Ces résultats, nous les devons à des réformes structurelles : rénovation de la gouvernance des hôpitaux, création des agences régionales de santé (ARS), nouveaux modes de régulation des soins de ville, politique du médicament. Elles nous ont par exemple permis de réduire le déficit des hôpitaux de 475 millions d'euros en 2007 à 185 en 2010. Aujourd'hui, dix centres hospitalo-universitaires présentent des comptes à l'équilibre, contre deux en 2007.

Nous poursuivons cette politique de maîtrise des dépenses en limitant à nouveau l'Ondam à 2,8 % pour 2012. Cela suppose de réaliser 2,2 milliards d'euros d'économies par rapport à la tendance spontanée de progression des dépenses. Le comité d'alerte a jugé la construction de l'Ondam pour 2012 crédible. Nos efforts porteront en priorité sur les produits de santé et sur l'amélioration du fonctionnement de notre système de soins.

Nous avons démontré que l'on pouvait contenir la progression des dépenses de santé en maintenant un très haut niveau de soins et de protection. Nos médecins, nos hôpitaux font notre fierté. En France, toute personne, quels que soient ses moyens ou son origine, peut recevoir les soins les plus avancés, aussi coûteux soient-ils. C'est cette exception française que nous voulons préserver.

Le PLFSS transcrit une partie du plan anti-déficit annoncé le 24 août. Preuve de notre réactivité, nous avons immédiatement adapté les recettes aux nouvelles prévisions de croissance, afin de tenir nos objectifs. Les mesures annoncées par le Premier ministre se traduiront par 6 milliards d'euros supplémentaires pour la sécurité sociale. Après le collectif de septembre, PLF et PLFSS porteront la deuxième moitié de l'effort, à l'exception de l'augmentation des prix du tabac, qui est de niveau réglementaire.

En matière de recettes, nous restons fidèles à trois principes. Tout d'abord, la réduction des niches fiscales et sociales, pour 4 milliards environ. Nous mettons fin à des dérogations qui n'ont plus lieu d'être : à la suppression de l'exonération partielle sur la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA), déjà adoptée, s'ajoutent des mesures relatives à la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), au forfait social, aux cotisations dans les industries électriques et gazières ou bien encore à la CSG.

Deuxième principe : le recours, dans un esprit d'équité, à des prélèvements ciblés. Les grands groupes et les ménages aisés supporteront 82 % de l'effort prévu par le plan du 24 août. Nous demandons plus aux plus aisés, avec l'augmentation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ou la réforme de l'abattement sur les plus-values immobilières. Ces mesures rééquilibrent les contributions respectives des revenus du patrimoine et du travail au financement de notre protection sociale, conformément à l'exigence de solidarité sur laquelle repose notre système. Depuis quatre ans, nous avons pu joindre les actes à la parole : pour preuve, la création du forfait social. Cette exigence d'équité est au coeur du PLFSS. La rétrospective sur cinq ans à laquelle j'ai procédé montre que grâce à vingt-cinq mesures, les plus gros revenus paieront 2 milliards de plus en 2012, réforme de l'ISF incluse.

Troisième principe, la fiscalité comportementale, avec l'augmentation des prix du tabac, la hausse de la fiscalité sur les alcools forts ou encore la taxe sur les boissons à sucre ajouté, qui figure dans le projet de loi de finances. C'est un choix que nous assumons pleinement. Les taxes sur les comportements à risque sont un outil efficace de prévention et de responsabilisation, y compris quand leur montant est faible. C'est en changeant les comportements que nous contribuerons, sur le long terme, à la maîtrise des dépenses de santé.

Cette politique produit des résultats. La réforme des retraites, le respect de l'Ondam et le dynamisme des recettes nous ont permis de ramener le déficit prévisionnel du régime général pour 2011 à 18,2 milliards, soit 5,7 milliards de moins qu'en 2010, 2,7 milliards de moins que les prévisions de la LFSS initiale. Nous ferons mieux encore en 2012. La loi de programmation des finances publiques fixait un objectif de 16,3 milliards en 2014 : nous le dépasserons dès 2012, en ramenant le déficit du régime général à 13,9 milliards. Le déficit de l'assurance maladie sera légèrement inférieur à 6 milliards, contre 11,6 milliards en 2010. Entre 2010 et 2012, nous serons parvenus à réduire de 40 % le déficit du régime général et à diviser par deux celui de la branche maladie.

La constance et le courage paient : ils nous ont permis de rompre avec la progression incontrôlée des dépenses. Il n'y a, à mes yeux, aucune autre stratégie crédible. Les recettes sont un complément, elles ne peuvent être le point de départ de la lutte contre les déficits. Le redressement des comptes sociaux que nous avons engagé est durable. Plutôt que d'augmenter massivement les recettes ou de dégrader la qualité des soins ou le niveau des prestations, nous avons préféré réformer en profondeur, pour assainir les fondations financières d'un système dont la qualité exceptionnelle bénéficie à tous. Le reste à charge pour les ménages a encore diminué, passant de 9,7 % en 2008 à 9,4 % en 2010. C'est l'un des taux les plus bas au monde, pour une qualité de soins parmi les plus élevées. C'est ce modèle que nous préservons, avec le PLFSS pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Vous avez évoqué trois piliers. Le recours à des recettes supplémentaires ? D'accord. La croissance ? A voir... La maîtrise des dépenses publiques ? Pas au détriment des patients !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le Gouvernement a revu à la baisse l'hypothèse de croissance qui sous-tend les projets de loi de financement et de finances pour 2012, la ramenant de 2,25 % à 1,75 %. Or, la dégradation de la conjoncture mondiale et les difficultés de la zone euro conduisent nombre d'économistes à tabler plutôt sur une hypothèse de 1,4 % ou 1,2 %, voire 1 %. Dans ces conditions, comment respecter les objectifs du PLFSS ? Allez-vous proposer de nouvelles mesures de recettes ou d'économies d'ici la fin de la discussion du PLFSS ? Les autres hypothèses retenues pour 2012 - progression de la masse salariale de 3,7 %, inflation de 1,7 % - sont également contestées. Le Gouvernement pourrait-il présenter des scénarios alternatifs, afin d'éclairer le Parlement sur les conditions du respect de la trajectoire du retour à l'équilibre ?

La loi de financement pour 2011 a organisé un transfert de dette sans précédent à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) : avec 130 milliards, celle-ci a vu doubler la somme à rembourser. Mais les déficits continuent de s'accumuler. Pour la Cnav et le fonds de solidarité vieillesse (FSV), la question a été traitée l'année dernière, par une reprise organisée jusqu'en 2018. En revanche, rien n'a été prévu pour les branches maladie et famille. Qu'envisage le Gouvernement ?

Aucune solution pérenne n'est apportée au déficit structurel de la branche vieillesse du régime des exploitants agricoles. Une reprise de dette est certes envisagée pour 2009 et 2010, mais quid de 2011 et 2012 ? La nouvelle recette affectée au régime ne couvrira qu'un tiers du déficit prévu. Pourquoi n'a-t-on plus recours à la solidarité nationale qui assurait l'équilibre des comptes via une subvention budgétaire ?

Plusieurs études récentes, ainsi que le rapport de la Cour des comptes, témoignent de la difficulté qu'ont nombre de nos concitoyens à accéder à la couverture complémentaire. Le collectif de septembre a doublé le taux de la taxe sur les conventions d'assurance applicable aux contrats responsables. Les mutuelles assurent qu'elles devront augmenter leurs tarifs, reportant la charge sur les assurés. Or, selon le Gouvernement, il n'y a pas lieu d'augmenter les cotisations, les mutuelles disposant de réserves importantes... Avez-vous des éléments plus précis sur l'état des comptes des mutuelles ?

Le Gouvernement a annoncé une amélioration de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire. En quoi consistera-t-elle ? La Cour des comptes fait valoir que cette aide profite à peu d'assurés alors que certains salariés de grandes entreprises bénéficient d'effets d'aubaine grâce aux exonérations de charges dont sont assortis les contrats collectifs négociés par les entreprises. Ne faudrait-il pas revoir ces aides, à la fois coûteuses - 4,3 milliards - et insuffisamment ciblées sur les assurés qui en ont le plus besoin ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Le Gouvernement a pris l'engagement intangible de réduire les déficits publics : il en va de la crédibilité de la France. Nous devons prouver que nous sommes sur le chemin du désendettement. Or on ne commence à se désendetter qu'en deçà de 3 % de déficit. Vu les chiffres alarmants du deuxième trimestre, le Premier ministre a décidé en août de ramener la perspective de croissance à 1,75 %. Il ne paraît pas nécessaire de la revoir à nouveau à la baisse. Quoique nous traversions une zone de turbulences, nous espérons que les questions de la Grèce et de la solidité de la zone euro trouveront leur solution lors du Conseil européen du 23 octobre, et que celui-ci sera suivi d'un rebond de croissance. Le PLF et le PLFSS tiennent toutefois avec une croissance de 1,5 %. Si celle-ci était moindre, nous prendrions toutes les mesures nécessaires pour tenir les soldes que nous vous présentons, et qui nous engagent.

La Cades a en effet repris la dette de la Cnav et du FSV jusqu'en 2018. Pour les branches maladie et famille, nous privilégions la réduction des déficits plutôt que leur reprise.

Le Gouvernement a beaucoup fait pour favoriser l'accès des ménages défavorisés à une couverture complémentaire. La CMU-c couvre désormais 4,3 millions de personnes. L'aide à la souscription d'une mutuelle complémentaire a été étendue aux ménages modestes au-dessus du seuil de la CMU-c, et concerne 680 000 personnes. Le plafond de ressources pour en bénéficier a été augmenté de 12 % entre 2010 et 2012. Il a doublé pour les seize à vingt-quatre ans, et augmenté de 100 euros par an pour les cinquante à cinquante-neuf ans. En tout, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 70 % depuis 2005 !

Les Français seraient moins bien remboursés ? C'est faux ! La commission des comptes de la santé indique que le reste à charge a diminué entre 2008 et 2009, et encore en 2010.

Les mutuelles peuvent faire face à la suppression de l'avantage fiscal sur les contrats solidaires et responsables. La défiscalisation visait à encourager la souscription de tels contrats, qui ne tiennent pas compte de l'état de santé et ne remboursent pas la franchise d'un euro. Ils représentent aujourd'hui 90 % des contrats des assurances complémentaires : la défiscalisation n'est donc plus justifiée.

Quand l'Etat tient l'Ondam en deçà des 3 %, les mutuelles réalisent des économies substantielles. Entre 1997 et 2002, l'Ondam était fixé à un taux bas mais systématiquement dépassé, pour atteindre 5,5 %, ce qui entraînait une augmentation des dépenses des mutuelles. Aujourd'hui, nous faisons économiser 11 milliards d'euros à l'assurance maladie. En outre, l'augmentation des dépenses de l'assurance maladie est constituée à 80 % par les affections de longue durée (ALD), qui sont prises en charge à 100 % par la sécurité sociale : ce ne sont donc pas les mutuelles qui payent. Le ministre de la santé vous le redira : les mutuelles ont les moyens d'absorber le réalignement de la fiscalité. La GMF a d'ailleurs annoncé qu'elle n'augmenterait pas ses tarifs. L'esprit mutualiste, c'est de restituer les bénéfices, or certaines mutuelles les ont mis en réserve, bien au-delà des exigences prudentielles. Elles ne doivent pas répercuter la hausse de la TSCA sur leurs assurés.

Nous ne supprimons pas les aides fiscales à la signature par les entreprises de contrats de complémentaire-santé pour leurs salariés, car la plupart de ces contrats sont issus du dialogue social et s'inscrivent dans une politique salariale et professionnelle d'ensemble que nous ne voulons pas remettre en cause. Nous faisons porter l'effort sur l'acquisition de l'aide à la complémentaire pour les ménages modestes. Nous ferons un geste supplémentaire en la matière, que Xavier Bertrand vous détaillera.

Pour soulager la trésorerie de la MSA, nous reprenons la dette pour 2009-2010, et lui affectons 400 millions d'euros de recettes nouvelles dans le PLFSS. Cela doit lui permettre de se financer normalement pour les trois années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Votre optimisme, proche de l'autosatisfaction, n'est-il pas excessif, sachant que les économistes tablent sur une croissance de 1,4 % au plus ? Des économies, pourquoi pas, mais cela ne constitue pas une politique ! Vous ne proposez pas de réforme structurelle. Taxer les sodas - Coca-Cola ou, dans ma région, Breizh Cola -, ce n'est pas une politique contre l'obésité !

Votre politique en matière d'indemnités journalières ? Vous semblez considérer les malades comme des fraudeurs potentiels et stigmatisez les patients.

Le PLFSS consacre l'abandon de la grande réforme de la dépendance, pourtant promise par Nicolas Sarkozy, qui devait être l'alpha et l'oméga de la politique du médico-social ! Ce PLFSS se traduit par un recul des droits des patients et de l'accès aux soins : on se contente de faire des économies aux dépens des malades.

Enfin, j'ai interrogé les mutuelles de mon département : elles n'ont nullement les moyens de faire face à la hausse de la fiscalité et ce sont les mutualistes qui paieront !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Il faut faire des économies, dites-vous, mais vous les faites sur le dos des malades ! Vous dites réaliser des efforts en direction des plus fragiles, or de plus en plus de personnes renoncent aux soins. En tant qu'orthophoniste, je parle en connaissance de cause. Avez-vous des chiffres précis sur ces renoncements aux soins ?

Le Gouvernement prône la convergence entre hôpital public et privé, sur la base de comparatifs de coûts. Or l'Igas démontre, dans un rapport de 2006, que ces comparatifs ne sont pas valables : on ne prend pas en compte le coût des urgences hospitalières, les tarifs des cliniques n'incluent pas les honoraires des médecins... Le rapport 2009 du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie évalue à 400 millions les dépassements d'honoraires dans les cliniques privées en 2007, contre 100 millions à l'hôpital public, et les cliniques n'intègrent pas le reste à charge supporté par les patients. La convergence, prévue pour 2018, ne vise-t-elle pas surtout à justifier la réduction des budgets des établissements publics de santé ? S'agit-il, comme le prétend la fédération hospitalière privée (FHP), qui intente une action contre l'Etat, d'un financement discriminatoire portant atteinte aux conditions d'un marché concurrentiel ?

Enfin, prévoir un Ondam de 2,8 %, n'est-ce pas obliger les établissements publics de santé à creuser leurs déficits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Je souscris aux analyses de mes collègues. Nombre de nos concitoyens accèdent difficilement aux soins. Dans ma commune, de plus en plus de personnes n'ont pas de mutuelle.

Pour réduire les déficits, il faut réduire les dépenses, assurez-vous. C'est votre choix. Quant à nous, nous pensons qu'il faut aussi agir sur les recettes, via l'ISF et les niches fiscales et sociales. Vos mesures sont purement cosmétiques !

Le cadrage financier de la réforme des retraites reposait sur l'hypothèse d'une baisse du chômage, qui ne s'est pas vérifiée. Les déficits de la Cnav et du FSV ont été repris par la Cades, mais qu'en est-il de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ? Son déficit s'élèvera à 650 millions en 2012 alors qu'elle reverse 600 millions d'euros par an à l'Etat au titre des cotisations des fonctionnaires de l'Etat transférés aux collectivités. Comment financer ce déséquilibre ?

Les différents dispositifs d'épargne-retraite, qui coûtent 2,4 milliards aux finances publiques, créent un effet d'aubaine pour les foyers à revenus élevés. La Cour des comptes suggère de réduire l'incitation à l'épargne-retraite individuelle pour les hauts revenus et de la réorienter sur les plus modestes. Allez-vous suivre ses préconisations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La FHP dit clairement que la T2A a permis de réduire les déficit des hôpitaux sans toucher à la qualité des soins, et d'avoir une meilleure vision de l'équilibre budgétaire. Les déficits cumulés des hôpitaux ont été ramenés à 130 millions d'euros. Ce que craint la FHF, c'est la convergence intersectorielle, qui doit être mise en place d'ici 2018. Cette convergence vous semble-t-elle envisageable ?

Les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) servent souvent à combler les déficits des hôpitaux, au lieu d'être sanctuarisées.

Selon Yves Bur, rapporteur du PLFSS à l'Assemblée nationale, le coût des fraudes à la sécurité sociale et des doublons dans les hôpitaux s'élèverait à plusieurs milliards d'euros. Confirmez-vous ces chiffres ?

Enfin, si le projet de loi sur la dépendance a été abandonné, je rappelle que l'Ondam médico-social personnes âgées est élevé : 6,3 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

A l'heure où l'on recherche des recettes nouvelles, le Gouvernement se montre pourtant fort dispendieux. L'exonération des heures supplémentaires, étendard du « travailler plus pour gagner plus », se révèle aussi coûteuse qu'inefficace. Allez-vous persévérer dans l'erreur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Madame la ministre, je m'interroge : la réduction du déficit, qui inspire ce PLFSS pour 2012 dans la droite ligne des déclarations du Premier ministre du 24 août dernier, doit-elle être un objectif en soi ? Je crains que l'on ne réponde plus aux besoins de nos concitoyens. Ensuite, pourquoi retenir des prévisions de croissance différentes de celles de la plupart des experts ? Vos explications ne m'ont pas convaincue. Enfin, permettez-moi de croire qu'il existe d'autres stratégies valables pour financer notre protection sociale. Vous ne proposez aucune mesure structurelle dans ce projet de loi quand il faudrait faire preuve de moins de timidité dans la recherche de recettes nouvelles. L'augmentation du forfait social, porté de 6 % à 8 %, est insuffisante. Nous proposerons, comme Marie-Anne Montchamp l'avait fait à l'Assemblée nationale il y a deux ans, qu'il soit mis au niveau des cotisations sur les salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je reviens sur les doublons. En préparant mon rapport sur les mineurs étrangers isolés, j'avais constaté qu'une même personne pouvait faire l'objet de plusieurs tests d'âge par radiographies dans différents départements. La question n'est pas de dépenser plus ou de dépenser moins, mais de dépenser mieux. Il y va d'ailleurs de la santé publique : pourquoi multiplier les examens pour une même pathologie ? Peut-être le dossier médical personnel permettra-t-il de rationaliser les soins.

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

D'abord, les taxes comportementales, que M. Kerdraon a fortement critiquées : elles sont tout à fait cohérentes dans une logique de prévention. D'après les études de l'OMS, le lien entre tabac, alcool fort et cancer, de même qu'entre consommation régulière de sodas et diabète est avéré. Pour être à l'origine du plan recherche sur l'obésité, je veux rappeler que ces boissons viennent en « plus » du régime de base et qu'elles favorisent l'obésité, notamment chez l'enfant. Certes, ce n'est pas le seul produit dans ce cas. La taxe peut être élargie, travaillons-y ensemble. Cette taxe préventive n'a rien d'un gadget quand les pays du Nord et les Etats-Unis, pays qui voit son espérance de vie reculer pour la première fois du fait de l'obésité, l'ont adoptée. Au contraire, elle constitue un signal fort aux familles comme aux fabricants. Dans les années 2000, nous avons augmenté les prix du tabac et supprimé les produits sucrés dans les distributeurs automatiques des lycées. Continuons à prendre nos responsabilités ! J'y insiste car la commission des affaires sociales devrait être sensible à cet argument de santé publique.

Aucune réforme structurelle ? Faux ! Prenons la politique du médicament. La baisse de tarifs - 670 millions dans ce texte - est indispensable dans un pays où les médicaments sont trop chers et prescrits en trop grand nombre. Le contrat d'amélioration des pratiques individuelles permet de contrôler la pertinence des prescriptions des généralistes au regard des pathologies. Autres éléments structurels de la réforme, la convergence tarifaire et la réforme des hôpitaux.

L'harmonisation des indemnités journalières est une mesure de clarification qui pèsera essentiellement sur les entreprises. Quatre ou cinq modes de calculs selon qu'il s'agit de la maternité, d'une maladie ou d'un accident du travail, n'était-ce pas aberrant ?

Le report de la réforme de la dépendance ? Avec 1 700 milliards de dette, notre priorité est la réduction du déficit. Je veux le dire clairement à Mme Pasquet. Inutile de se renvoyer la responsabilité de la dette : d'après la Cour des comptes, 50 % sont liés à l'héritage de 2007, dont nous sommes tous comptables, 40 % à la crise, au plan de relance et aux stabilisateurs sociaux. Je l'affirme avec solennité devant vous : pas une maille du filet de protection sociale n'a été distendue durant la crise. Au contraire ! Depuis le début du quinquennat, nous avons augmenté les dépenses sociales de 37 % avec la création du RSA, la revalorisation de l'allocation pour adulte handicapé (AAH) et du minimum vieillesse de 25 % en cinq ans. Grâce à ces stabilisateurs sociaux, les Français ont moins souffert que les autres. Il faut le porter au crédit du Gouvernement qui a su faire des réformes courageuses, telle celle des retraites, pour sauvegarder notre système de protection sociale. Autre raison pour laquelle nous n'aurons pas de plan dépendance dès cette année : nous devons mener une réflexion en amont avec tous les acteurs - vous y reviendrez avec Roselyne Bachelot et Marie-Anne Montchamp. Pour autant, nous réalisons un effort considérable sur le secteur médico-social : son Ondam progresse de 4,2 % avec, entre autres, 600 millions supplémentaires pour le plan handicap, 50 millions pour l'aide à l'investissement et 140 millions pour la médicalisation des établissements accueillant les personnes âgées et handicapées, sans parler des ressources dégagées pour la création de cent nouvelles maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades Alzheimer (Maia).

J'en viens à la population renonçant à des soins. Désolée, madame Cohen, les chiffres de la commission des comptes de la santé sont différents des vôtres. Pour la troisième année consécutive, le reste-à-charge, qui est de 9,4 %, diminue pour la consommation de soins et de biens médicaux. Certes, il demeure élevé pour les soins optiques et dentaires, mais il est l'un des plus faibles au monde pour le transport sanitaire et les soins hospitaliers : 3 % seulement. Toujours d'après la même commission, le renoncement aux soins, qui touche 15,4 % de la population adulte, s'explique par un cumul des vulnérabilités : emploi précaire, logement précaire. La réponse n'est donc pas à chercher dans le seul champ sanitaire ; elle passe également par les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion et d'insertion par l'emploi. A cet égard, le RSA, que nous avons créé, permet aux personnes fragiles d'envisager plus sereinement des soins. Gardons à l'esprit que notre protection sociale est un filet, dont toutes les mailles sont importantes.

S'agissant de la convergence tarifaire, nous sommes totalement conscients que l'hôpital public, parce qu'il accueille des malades plus défavorisés et des pathologies plus lourdes, subit un surcoût. Néanmoins, celui-ci peut être corrigé. L'écart entre public et privé se réduit si l'on réintègre la rémunération des médecins libéraux. Nous le chiffrons à 20 %. S'il faut laisser le temps aux acteurs, notamment publics, de s'adapter à cette politique, nous devons continuer de nous interroger : pourquoi certains actes coûtent-ils plus chers à l'hôpital ? La convergence tarifaire reste et doit rester un objectif fort de maîtrise des dépenses de santé.

La population couverte par une mutuelle, n'en déplaise à Mme Demontès, a progressé grâce aux aides développées depuis 2000 : d'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Dress), 94 % de la population souscrivait une assurance complémentaire en 2008, contre 92 % en 2006. J'ajoute que le Gouvernement négocie actuellement sur le secteur optionnel pour limiter les dépassements d'honoraires.

Un Ondam de 2,8 % seulement pour l'hôpital ? On ne peut pas à la fois déplorer l'insuffisant effort de réduction des déficits et un Ondam trop bas. Ce chiffre correspond surtout à 2 milliards de ressources supplémentaires. Les moyens de l'hôpital ne sont donc pas réduits. Même logique concernant le personnel : la fonction publique hospitalière n'est pas touchée par le non-remplacement d'un départ sur deux en retraite. Le personnel soignant à l'hôpital a progressé de 6 %.

Mme Demontès m'a posé une question technique sur la CNRACL : l'organisme reverse certes une cotisation à l'Etat pour les personnels transférés aux collectivités territoriales, mais en contrepartie, l'Etat acquitte les pensions de ces personnels. Ce régime bénéficie des mêmes mesures que les autres, notamment d'âge, qui amélioreront ses comptes en 2012.

Beaucoup s'interrogent sur les recettes. D'abord, la réforme de l'ISF est entièrement financée, à partir de l'an prochain, par les plus hauts patrimoines avec l'augmentation des droits sur les donations et les successions et du taux des tranches supérieures. Ensuite, les niches. Nous avons supprimé 11 milliards de niches l'an dernier, 10 milliards cette année. Il n'y pas de trésor caché dans la République, sinon nous l'aurions débusqué ! On ne peut pas aller plus loin sans que cela soit indolore pour l'emploi et le pouvoir d'achat.

Prenez les exonérations des heures supplémentaires qu'a évoquées M. Vergoz. Elles correspondent à 400 euros de plus pour neuf millions de Français dont le revenu moyen est de 1 500 euros par mois. Un plus qui n'est pas négligeable en temps de forte crise économique ! Dans la fonction publique, les exonérations d'heures supplémentaires bénéficient à 90 % aux enseignants, qui ne font pas précisément partie des plus aisés. Par parenthèse, ce dispositif ne concerne pas les cadres, qui sont au forfait jour. Enfin, la suppression de ce dispositif ne créera pas d'emplois. Au contraire, elle pourrait en détruire, expliquent les PME et les TPE, car les commandes ne pourront pas être honorées. Ne négligeons pas l'impact croissance ! Cependant, conscients de l'effet d'aubaine que ces exonérations peuvent représenter pour certains employeurs, nous les avons réintégrées dans les allégements Fillon.

Les niches restantes, d'après l'Inspection générale des finances, servent d'abord la cohésion sociale. Prime pour l'emploi, défiscalisation de l'AAH et allocations familiales, exonération de la taxe d'habitation pour les personnes âgées et handicapées, toutes ces mesures ont une justification sociale très forte. Autre cas de figure, les niches à fort impact sur l'emploi. Je pense aux mesures sur l'emploi à domicile, les travaux de rénovation dans la résidence principale, créée par Dominique Strauss-Kahn, à la baisse de la TVA dans la restauration qui a entraîné la création de 40 000 emplois ou encore à l'allégement de charges Fillon pour compenser les trente-cinq heures. Délocalisations assurées si nous supprimons cette dernière mesure !

La lutte contre tous les types de fraude, monsieur Milon, est une priorité depuis 2007. Celle-ci ne cesse de progresser : elle a atteint un volume de 272 millions en 2010, soit une hausse de 29 % par rapport à 2007. Et le travail dissimulé est la cause de 60 % des redressements opérés. La mise en place d'un répertoire commun entre les organismes de la sécurité sociale permettra de repérer les incohérences et les doublons.

A propos des doublons hospitaliers, nous ne disposons pas d'un chiffrage précis. Si la T2A est un outil formidable de gestion, elle ne nous exonère pas de la lutte contre les actes inutiles, en lien avec les fédérations hospitalières. Celle-ci passe par un contrôle accru. D'où le décret publié en septembre pour renforcer les compétences de l'Observatoire économique des établissements de santé.

La réduction du déficit, un objectif en soi ? Pour nous, madame Pasquet, c'est la seule solution pour préserver notre système de protection sociale. Précisons que l'effort porte sur la réduction, non des soins, mais du tarif des soins. Les compléments de recettes sont un point d'arrivée, non un point de départ. De fait, je ne crois pas au choc fiscal dans un pays qui est l'un des plus fiscalisés au monde. Celui-ci nous plongerait dans la récession et c'en serait terminé de notre modèle social. Il suffit de regarder la situation en Grèce, en Espagne et en Grande-Bretagne, pour comprendre ce qu'est un vrai plan de rigueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Si la mesure dite d'harmonisation des indemnités journalières représente une économie de 220 millions pour la sécurité sociale, elle entraîne forcément une perte de pouvoir d'achat pour les salariés. Les syndicats la chiffrent à 3 euros environ par jour pour un salaire mensuel d'environ 2 000 euros. Ce n'est pas négligeable !

Puisqu'il est question d'harmonisation, mieux vaudrait réfléchir à celle du prix des génériques qui est très élevé en France. Si nous les portions au niveau de la Grande-Bretagne, l'économie serait d'un milliard par an. L'Allemagne et les Pays-Bas confient à leur sécurité sociale le soin de passer directement des appels d'offres. Pourquoi ne pas adopter ce système ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Les chiffres des syndicats sont comparables aux miens : 1,2 euro par jour pour un Smic, 2 euros pour 1,5 Smic et 2,62 euros pour un salaire mensuel de 3 000 euros. Néanmoins, 77 % des salariés sont couverts par des accords d'entreprise qui compensent le différentiel. Autrement dit, l'effort, qui n'est pas considérable, repose à 77 % sur les entreprises. Quant au prix des génériques, vous avez été entendu : Yves Bur a déposé un amendement à l'Assemblée nationale sur ce thème dont nous pourrons reparler au Sénat. D'emblée, rappelons que le PLFSS prévoit une baisse de 670 millions sur le prix des médicaments.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Barbier

Un chiffre circule sur les doublons hospitaliers : on parle de 10 milliards, voire 13. Ce n'est pas rien ! Comment a-t-il été calculé ?

Debut de section - Permalien
Valérie Pécresse, ministre

Je vais poser directement la question à Yves Bur. Plutôt que des estimations à la louche, je préfère m'en remettre à l'Observatoire économique des établissements de santé. Le phénomène est difficile à cerner : le flou règne sur la notion d'acte inutile. En tout cas, ce chiffre a également touché la ministre du budget au coeur...