Je voudrais d'abord rappeler, avant d'évoquer le PLFSS, que la maîtrise des dépenses, bien que ce soit un sujet délicat, reste incontournable pour maintenir un haut niveau de protection sociale. La croissance de l'économie n'est pas suffisante face à l'évolution tendancielle des dépenses liées à l'augmentation des pathologies chroniques et lourdes. Il s'agit, au fond, de veiller à ce que les ressources disponibles soient convenablement utilisées.
Pour illustrer mon propos, j'aimerais vous présenter un exemple concret. La Cnam développe un nouveau service à destination des patients diabétiques, Sophia, qui permet l'accompagnement de 120 000 patients par des infirmières spécialisées. Celles-ci leur fournissent des conseils pratiques et les invitent à adopter des comportements sains afin d'éviter une aggravation de leur pathologie. Ce programme coûte environ 70 euros par patient inscrit, mais il permet d'éviter des complications néfastes pour les patients et pour le système de santé. Dans le cadre du PLFSS pour 2011, nous avons également lancé l'idée d'une meilleure utilisation des bandelettes d'autotest pour les diabétiques non insulino-dépendants. Tous nos voisins ont commencé à le faire. Elles coûtent quatre centimes pièce, soit 80 euros la boite de deux cents. Cela peut sembler anodin mais la dépense cumulée, de l'ordre de 300 millions d'euros, augmentait encore il y a quelques années de 10 % par an. Or, elles ne sont véritablement utiles qu'aux patients pour lesquels une variation de la glycémie justifie une surveillance accrue. Désormais, à la suite de lettres que la Cnam a envoyées aux assurés, la consommation de ces bandelettes baisse de 10 %. Le programme Sophia est donc financé uniquement grâce à une meilleure utilisation des ressources et au développement de la prévention.
Si on doit privilégier la maîtrise de la dépense, il ne sera pas possible de retrouver le chemin de l'équilibre sans recettes additionnelles, comme le montre le PLFSS pour 2012 qui prévoit, en ce qui concerne le régime général, un déficit de 0,3 % du PIB, à comparer avec 0,7 % en 2003, et qui nous apporte des recettes nouvelles dont j'ai bien compris que la nature faisait encore débat.
Dans ce contexte, la France se situe parmi les pays de l'OCDE qui, sur la période récente, ont le mieux maitrisé l'évolution de leurs dépenses de santé par habitant. Nous nous classons au deuxième rang, derrière l'Allemagne, grâce notamment à la vitalité de notre démographie, avec une progression nominale des dépenses courantes de 2004 à 2008 de 3,8 %. Nous avons même connu une baisse des dépenses entre 2008 et 2010.
La progression de l'Ondam a été fortement réduite. Il faut bien sûr s'interroger sur la limite jusqu'à laquelle cette réduction peut être supportable par rapport à la nécessité de couvrir les pathologies lourdes mais aussi sur les personnes qui n'ont besoin de recourir qu'à des soins courants. Je pense que nous sommes au maximum des mesures que nous pouvons prendre en matière de déremboursement des assurés qui ne souffrent pas d'une ALD. Lors de sa dernière réunion, la Commission des comptes de la santé a d'ailleurs estimé à 55 % le taux de prise en charge de ces personnes par les régimes obligatoires. Il faut préserver cette situation car aucun assureur privé ne se séparerait des assurés qui garantissent la pérennité du régime. L'assurance maladie repose sur une mutualisation entre les personnes en bonne santé et celles qui souffrent de pathologies lourdes comme le cancer ou la maladie d'Alzheimer.
Il faut donc accorder une attention particulière à la fixation du niveau de l'Ondam, de manière à ce que le taux de remboursement des soins courants ne diminue plus. Il me semble que cela soulèverait un problème constitutionnel car le Préambule de la Constitution de 1946 garantit à tous la protection de la santé.
L'an dernier, pour la deuxième année, l'Ondam des soins de ville a été respecté, alors qu'il était relativement bas. Nous avons même fait mieux que le respecter, puisque le niveau de dépense est inférieur de plusieurs centaines de millions d'euros à l'objectif. Cela nous permet de respecter l'objectif fixé pour cette année et nous laisse sereinement espérer le respect des prévisions pour 2012. Cette situation est notamment la conséquence de la baisse des tarifs d'imagerie et de biologie, de respectivement 9 % et 13 % entre 2007 et 2011. Je souligne le caractère novateur de cette approche qui, au-delà d'une baisse ponctuelle des tarifs qui avait déjà été pratiquée dans le passé, connait désormais un caractère régulier. Elle entraîne une restructuration des laboratoires de biologie à travers une grille tarifaire qui a pour objectif de préserver le réseau de collecte, indispensable aux assurés, en maintenant des coûts fixes tout en diminuant les coûts variables pour profiter de l'industrialisation de la biologie. Celle-ci offre ainsi une meilleure qualité et une plus grande sécurité dans les résultats d'analyse. Il s'agit d'un effort important, qui a abouti à des économies de 740 millions d'euros sur les quatre dernières années.
En ce qui concerne les médicaments génériques, la Cnam a publié une étude approfondie sur leur coût. En 2010, ils ont permis de réaliser une économie d'environ 1,3 milliard d'euros. Toutefois, les règles actuelles maintiennent le prix des génériques à un niveau trop élevé. S'il reste deux fois inférieur à celui pratiqué en Suisse, où le prix moyen par unité standard est de trente centimes, l'Allemagne (treize centimes), l'Espagne (dix centimes), le Royaume-Uni (sept centimes) et les Pays-Bas (cinq centimes) font mieux que nous. Il faut savoir qu'une variation d'un point équivaut à 130 millions d'euros. J'ai conscience qu'il est également nécessaire de préserver l'industrie pharmaceutique française, mais le secteur des génériques n'est peut être pas celui où elle est la plus compétitive et, dans le reste du monde, les Etats y font jouer la concurrence pour obtenir des tarifs plus bas.
Notre action ne porte pas seulement sur le prix des médicaments mais également sur les prescriptions et les volumes. L'écart entre la France et les pays européens comparables en la matière s'est fortement réduit ces dernières années sur les huit classes thérapeutiques principales étudiées par la Cnam. Bien que nous soyons historiquement un pays consommateur de produits de santé, des progrès importants ont été réalisés. Il faut toutefois mettre en oeuvre des actions de sensibilisation vigoureuses en direction des professionnels de santé sur le thème de la juste prescription. L'objectif à atteindre est une meilleure homogénéisation des prescriptions et un respect des référentiels. Sur ce point, et dans le cadre de la nouvelle convention médicale, le directeur général de la santé a pour la première fois autorisé la Cnam à instaurer, comme indicateur de prévention et de santé publique, un objectif de réduction de la prescription d'antibiotiques aux personnes d'âge adulte non atteintes de pathologies chroniques.
Les dépenses en matière d'arrêts de travail ont été maitrisées grâce à une augmentation importante des contrôles. Cette stratégie n'est toutefois pas durable et devra nécessairement évoluer vers des méthodes plus médicalisées, avec le développement, d'ores et déjà engagé, de référentiels. Dès cette année, une vingtaine de pathologies devraient faire l'objet de référentiels d'arrêts de travail. Ceux-ci permettent d'améliorer les actions de contrôle et d'engager un dialogue avec les professionnels sur des bases plus objectives que le simple décompte des journées. Je déplore d'ailleurs notre retard en matière d'élaboration de référentiels, que ce soit en matière d'arrêts de travail ou de prescriptions, qui s'explique notamment par le peu d'enthousiasme de la Haute autorité de santé (HAS) sur ces questions.
Pour assurer une meilleure maitrise de la dépense hospitalière, nous pensons que les personnels sont capables de modifier leur organisation lorsqu'ils le souhaitent, dès lors qu'on leur en donne les moyens. L'exemple de la chirurgie ambulatoire en est une bonne illustration ; elle a permis à la fois une amélioration de l'offre de soins et une progression de la part de marché du secteur public. L'hôpital est capable de se réorganiser ; il faut simplement trouver les leviers qui permettront d'enclencher une dynamique vertueuse.
Grâce à ces actions de maîtrise de la dépense, le PLFSS présente un Ondam inférieur à 3 % ce qui, il y a encore quelques années, n'était pas considéré comme crédible. Il faut mettre au crédit du Gouvernement et du Président de la République d'avoir eu un objectif ambitieux. Néanmoins, l'équilibre général n'est pas atteint. Selon nos évaluations, la moitié de notre déficit à la fin de l'année 2011 est imputable aux pertes de recette consécutives à la crise de 2009. L'autre moitié est un héritage des années passées qui n'a pas été apuré. Le PLFSS nous remet dans une situation plus favorable en ce qui concerne l'équilibre général, avec un peu moins de six milliards d'euros de déficit si la croissance et les recettes sont conformes aux prévisions. Le Gouvernement a d'ailleurs pris le risque de solliciter un avis indépendant et préalable à l'examen parlementaire du PLFSS, qui présente donc toutes les garanties de sincérité et de rigueur.