Puis, la commission a procédé à l'audition de Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi n° 158 (2007-2008) relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, dont le rapporteur est M. Jean-René Lecerf.
a tout d'abord présenté les trois volets du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, annonçant que son ambition était de mieux protéger la société dans le respect des droits des personnes :
- l'instauration d'une procédure de rétention de sûreté pour les criminels particulièrement dangereux ;
- l'amélioration du traitement par l'autorité judiciaire des personnes déclarées pénalement irresponsables ;
- le renforcement de l'efficacité du dispositif de l'injonction de soins.
Détaillant le premier volet du texte, elle a souligné qu'il visait à prendre en charge, en fin de peine, les criminels particulièrement dangereux dans un centre socio-médico-judiciaire, ajoutant que ceux-ci seraient avertis le jour de leur condamnation de cette éventualité et qu'ils seraient soumis, dans cette hypothèse, un an avant la fin de leur peine, à un examen de leur dangerosité par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté qui pourrait saisir, par l'intermédiaire du procureur général, une commission régionale composée de magistrats chargée de rendre une décision motivée, après un débat contradictoire, sur le placement en rétention de sûreté. En cas de décision de placement, d'une durée d'un an renouvelable, ces personnes, a-t-elle précisé, bénéficieraient d'une prise en charge thérapeutique personnalisée dans un centre socio-médico-judiciaire, afin d'apporter les soins nécessaires à ces personnes qui, sans être atteintes de trouble mental, souffrent de troubles graves de la personnalité. Elle a insisté sur le fait que la rétention de sûreté, loin d'être un simple enfermement, visait avant tout à faciliter le retour à la vie civile de l'individu par l'exercice d'activités diversifiées et le concours de professionnels compétents (médecins, travailleurs sociaux et criminologues). A cet égard, elle s'est réjouie que le premier centre de ce type ouvre, à titre expérimental, à l'hôpital de Fresnes, dès le 1er septembre 2008. Après avoir indiqué qu'à l'issue d'une période de rétention de sûreté, les personnes pouvaient être placées sous surveillance électronique mobile ou être soumises à une injonction de soins, et, en cas de manquement à ces obligations, faire l'objet d'une nouvelle mesure de rétention de sûreté, elle a présenté la mise en oeuvre de la loi dans différentes hypothèses :
- en premier lieu, les criminels pour lesquels la rétention de sûreté a été envisagée par la Cour d'assises le jour de leur condamnation pourraient être placés dans un centre socio-médico-judiciaire à l'issue de leur peine s'ils présentent encore une particulière dangerosité ;
- en second lieu, les tueurs et violeurs en série actuellement incarcérés pourraient être placés en rétention de sûreté, même si la condamnation, antérieure par définition à l'entrée en vigueur de la loi, n'avait pas prévu la possibilité de réexamen de leur dangerosité ;
- enfin, les autres condamnés et ceux qui sont actuellement incarcérés pourraient être placés sous surveillance judiciaire mobile à l'issue de leur peine, et en cas de manquement aux obligations résultant de la surveillance, être placés en rétention de sûreté si ces violations traduisent un regain de dangerosité.
a ensuite insisté sur le fait que la rétention de sûreté constituait une mesure de sûreté, prononcée par des juges, dont le seul but est de prendre en compte la dangerosité d'une personne afin d'éviter toute récidive. Elle a déclaré que par cette visée essentiellement préventive, la mesure de sûreté, au même titre que le port du bracelet électronique, ne saurait revêtir le caractère de peine, s'appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2005 sur le bracelet électronique ainsi que sur celle de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe du 5 février 2004, qui a estimé que la « détention-sûreté », analogue à la mesure de rétention de sûreté, ne constituait pas une peine, car elle avait pour objet, non de réprimer une faute, mais de protéger la société d'un criminel.
A contrario, elle a relevé que la procédure d'hospitalisation d'office avait, elle, pour objet d'interner des personnes atteintes de troubles mentaux, généralement reconnues irresponsables pénalement, et non de troubles de la personnalité. Dans ce dernier cas, le criminel présente certes une forme d'aliénation qui requiert un traitement efficace pour prévenir toute récidive, mais la prise en charge est nécessairement pluridisciplinaire, et non exclusivement psychiatrique. En conséquence, elle a jugé inadaptée la procédure d'hospitalisation d'office pour traiter les troubles de la personnalité.
Abordant le deuxième volet du projet de loi concernant l'irresponsabilité pénale en raison d'un trouble mental, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a souligné que la procédure ne s'achèverait plus par un non-lieu, ressenti douloureusement par les victimes, mais par une décision d'irresponsabilité pour cause de trouble mental, rendue après une audience contradictoire devant la chambre de l'instruction et inscrite au casier judiciaire des personnes. Après avoir rappelé que l'Assemblée nationale avait prévu que les juridictions puissent décider elles-mêmes de placer en hôpital psychiatrique la personne reconnue irresponsable, elle a souligné que les juges pourraient également la soumettre à des mesures de sûreté destinées à éviter un nouveau passage à l'acte, telles que l'interdiction de se rendre dans certains lieux ou de rencontrer des victimes. Enfin, le texte vise à simplifier les démarches des victimes tendant à la réparation du préjudice civil, en prévoyant une saisine automatique du juge délégué aux victimes nouvellement créé.
Enfin, évoquant la prise en charge médicale des détenus, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que :
- le refus de se soigner serait désormais assimilé à une mauvaise conduite privant les personnes de remise de peine ;
- l'échange d'informations entre le médecin intervenant en milieu carcéral et le médecin qui suit le détenu à sa sortie de prison serait amélioré ;
- les personnels soignants devraient désormais signaler au chef d'établissement les risques pour la sécurité des personnes dont ils ont connaissance, afin d'éviter que leur responsabilité pénale ne soit engagée du chef de non-assistance à personne en danger.