Intervention de Jean-Claude Carle

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 avril 2008 : 2ème réunion
Audition de M. Jean-Claude Mallet président de la commission du livre blanc sur la défense et la sécurité nationale

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle :

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Claude Mallet, président de la commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Accueillant M. Jean-Claude Mallet, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la présentation du rapport d'étape de la commission du Livre blanc offrait l'occasion d'exposer le calendrier de présentation de ses travaux et de préciser les conditions d'information et de débat au Parlement sur ses conclusions.

Après avoir rappelé que le Sénat avait accueilli les auditions publiques de la commission du Livre blanc et s'était associé à ce titre à ses travaux, M. Jean-Claude Mallet a souhaité rappeler la méthode de travail retenue, après que celle-ci eut été mise en cause à plusieurs reprises. Il a souligné que l'objet des travaux de la commission du Livre blanc était de procéder à une analyse géostratégique afin de définir une nouvelle doctrine de défense et de sécurité nationale, de considérer ainsi les aspects de la sécurité intérieure qui intéressent la sécurité nationale, mais aussi d'engager des travaux sur les programmes d'armement, sur le format des forces, sur la politique industrielle ou sur la dimension humaine de la défense et de la sécurité nationale.

Les travaux de la commission ont pour toile de fond les évolutions constitutionnelles envisagées en matière de défense et plusieurs démarches sont menées de front : la première vise à définir in fine la stratégie et les capacités de l'outil de défense ; parallèlement, un mouvement de restructurations est mené par le ministère de la défense, mais aussi le ministère de l'intérieur ou encore le ministère des affaires étrangères. Les échanges avec la commission du Livre blanc sur les affaires étrangères et européennes sont d'ailleurs permanents.

a rappelé que, dès le début, la commission avait conçu son rôle comme visant à préparer le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et non à élaborer un rapport supplémentaire sur ce thème. Il a évoqué les critiques adressées à la commission du Livre blanc, selon lesquelles des annonces du Président de la République auraient précédé la conclusion de ses travaux. M. Jean-Claude Mallet a souligné que sur les aspects structurants du sujet, qu'il s'agisse de la dissuasion, de l'OTAN, des accords de défense, les annonces du Président de la République n'avaient pas précédé, mais suivi les discussions au sein de la commission et les points d'étape réguliers effectués pour lui sur ces différents sujets. Au demeurant, les choix rendus publics avaient été très proches de ceux proposés par la commission. De surcroît, la vie politique et internationale de la France ne peut être suspendue pendant six mois, le temps que la commission rende ses conclusions.

a indiqué qu'après l'analyse des risques et des opportunités de la mondialisation, la commission avait donné la priorité à l'analyse des capacités militaires, en s'attachant à tirer les enseignements des crises et des opérations récentes. Ont ainsi été passés en revue les grands axes de la stratégie militaire, de la sécurité sur le territoire national et de la protection des citoyens, qui englobe notamment les questions de lutte informatique.

Il a rappelé que la commission avait analysé les cinq fonctions stratégiques que sont :

- la connaissance et l'anticipation, pour lesquelles la commission propose une démarche globale comprenant les moyens humains, les capacités, les technologies, les investissements, l'organisation et le cadre d'action ;

- la prévention, qui combine la coopération, la présence sur les théâtres de crise et l'élaboration de politiques d'ensemble visant à empêcher les conflits ;

- la dissuasion, dont les principes ont été réaffirmés en termes de forces et de doctrine avec le maintien de deux composantes et d'une capacité nationale de conception des armes ;

- la protection, pour laquelle la sécurité publique et la sécurité civile sont en première ligne, avec, en appui, les forces armées ; la commission ayant exclu et considéré comme « hors champ » les questions de maintien de l'ordre ;

- l'intervention, qui doit être conçue à la lumière des expériences acquises et des développements attendus des relations internationales.

a indiqué que plusieurs options stratégiques étaient à l'étude et que de ces options, découlent différents scénarios en termes de capacités civiles et militaires, auxquels est chaque fois associée l'enveloppe financière globale correspondante.

a souligné que les différentes hypothèses envisagées avaient tenu compte des enseignements des crises récentes. Les forces armées françaises sont clairement entrées dans une logique d'emploi depuis quinze ans. Ceci implique que la priorité soit donnée à la cohérence opérationnelle, au maintien en condition opérationnelle et à la protection des forces dont il faut tirer les conséquences en termes de capacités.

Il a ensuite indiqué que les membres de la commission s'étaient accordés sur la nécessité de proposer des principes généraux régissant l'intervention extérieure qui, sans enfermer l'exécutif dans un cadre figé, constitueraient une aide tant pour les armées que pour le Parlement et l'opinion.

Evoquant les relations entre la défense, la sécurité et la société, il a souligné l'importance qu'il y a à associer le Parlement. Il a indiqué que la question du vote sur les opérations extérieures serait traitée dans le cadre de la révision constitutionnelle et que la commission avait également suggéré que les accords de défense soient connus de la représentation nationale.

Sur la question de la nature des conflits auxquels la France devait se préparer, M. Jean-Claude Mallet a indiqué que notre pays devait avoir la capacité de faire face à un conflit impliquant des capacités importantes dont celles « d'entrée en premier », au sein d'une coalition. La difficulté de l'addition de différentes exigences résidait dans leur traduction financière. Aussi la commission propose-t-elle un éventail de choix sur les grandes capacités qui soit compatible avec le maintien, au moins en volume, de l'effort de défense.

Tirant les enseignements de l'exécution des lois de programmation militaire, il a indiqué qu'il convenait, pour la commission du Livre blanc, de modifier l'organisation des décisions sur les programmes de façon à éviter le plus possible les sous-évaluations des programmes d'armement constatées en construction, la non-prise en compte de dépenses pourtant inéluctables et les annulations de crédits en cours de gestion, effectuées souvent pour gager le coût des opérations extérieures.

a indiqué que la commission proposerait une révision de l'ordonnance de 1959 sur la défense et l'adoption d'un objectif commun de sécurité nationale face à l'ensemble des risques et des menaces qui mettent en péril la vie de la nation, les uns étant intentionnels, les autres relevant de catastrophes naturelles ou de crises sanitaires. Cet objectif commun serait l'objectif unique de la défense et bénéficierait de contributions de la politique de sécurité intérieure, de la politique économique ou encore de la diplomatie. L'ordonnance de 1959 est fondée, quant à elle sur une distinction entre défense militaire et défense non militaire, avec pour celle-ci des notions de défense civile et de défense économique qui correspondaient au contexte de l'époque de sa rédaction. Aujourd'hui, il convient de raisonner davantage en termes de sécurité et d'intelligence économiques, de sécurité et protection civiles, etc... Ces propositions devraient faire ultérieurement l'objet d'un projet de loi.

Evoquant ensuite les ressources et la dimension humaines de la politique de défense, M. Jean-Claude Mallet a souligné la nécessité de valoriser le rôle des militaires, de renforcer la professionnalisation en valorisant la fonction de combattant, en développant des filières de formation commune au renseignement, en renforçant la fidélisation et l'attractivité du métier militaire et en améliorant les conditions de vie des personnels.

Pour ce qui concerne les questions industrielles, il a indiqué que la commission avait raisonné en termes de maintien ou développement des compétences françaises pour ce qui relève strictement de la souveraineté nationale, le reste devant relever de l'échelle européenne. Il a souligné que l'ambition européenne et internationale avait été placée au coeur des orientations du Livre blanc.

Evoquant enfin le calendrier des travaux de la commission du Livre blanc, M. Jean-Claude Mallet a indiqué que la commission était désormais entrée dans la phase active de rédaction ; selon ses souhaits, une concertation, préalable à l'approbation définitive du texte par le Président de la République, sera organisée par le gouvernement avec les commissions compétentes du Parlement ; elle pourrait avoir lieu à la fin du mois de mai. Le texte fera ensuite l'objet d'une présentation en conseil de défense, puis en conseil des ministres, avant d'être examiné par le Parlement, à l'occasion d'un débat conduit par le Premier ministre, a priori dans la première quinzaine du mois de juin.

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