Monsieur le ministre, le budget de la mission « Transports » dans le projet de loi de finances pour 2007 est une nouvelle fois en parfaite cohérence avec les principes qui guident l'action du Gouvernement pour le développement des services publics.
En effet, l'objectif est clair et correspond à l'asservissement au marché de ces activités d'intérêt général par la mise en oeuvre de la concurrence libre et non faussée.
Le modèle de développement du secteur des transports glisse ainsi d'une conception de service rendu à celui de prestation marchande.
Pourtant, la recherche d'une meilleure compétitivité du secteur des transports et d'une rentabilité renforcée entraîne, d'une part, une suppression massive d'emplois et la baisse des garanties sociales des personnels et, d'autre part, la rétractation de l'offre sur les axes dont la rentabilité économique est pourtant avérée.
Au titre de l'emploi, et pour simple exemple, je rappellerai que, dans le secteur ferroviaire, ce sont 14 000 emplois qui ont été supprimés depuis l'arrivée au pouvoir de votre majorité gouvernementale.
En termes de qualité de service, la recherche de la réduction des coûts passe par la remise en cause des principes du service public que sont l'aménagement du territoire et l'égal accès de tous.
Nous estimons que les politiques libérales décidées conjointement par le Gouvernement français et la Commission européenne, appliquées à l'ensemble des modes de transports - transports aérien, maritime, routier et ferroviaire -, ont des conséquences dramatiques tant pour les citoyens usagers que pour les personnels.
Cette dérive est particulièrement marquée dans le secteur du transport aérien.
En effet, alors que les entreprises publiques Air France et Aéroports de Paris ont été privatisées, les compagnies low cost se multiplient. Cela conduit à une forte pression pour organiser le dumping social et la baisse de qualité de service.
La nouvelle notion de « risque acceptable » illustre également cette dérive libérale.
En termes d'aménagement du territoire, les crédits de l'ex-fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, ou FIATA, qui financent les subventions pour les dessertes d'aménagement du territoire, reculent une nouvelle fois en atteignant 19 millions d'euros contre 28, 1 millions d'euros en 2004.
Concernant les enjeux de sécurité, ils ne sont pas des moindres : le Règlement (CE) « ciel unique européen » organise la séparation fonctionnelle entre les activités de sécurité et les activités régaliennes.
Par conséquent, le budget aérien pour 2007 ainsi que la réorganisation de la Direction générale de l'aviation civile, ou DGAC, sont à l'image de cette séparation entre les activités régaliennes, qui relèvent du budget général, et celles de la sécurité et des prestations, qui ressortissent au budget annexe : « Contrôle et exploitation aériens ». Ainsi, la voie est ouverte à l'externalisation des missions de sécurité, alors que la DGAC a fait la preuve de sa compétence.
De plus, nous souhaitons le maintien du principe du système de financement de la DGAC par le recouvrement des coûts, et non l'application du système de price cap, en vigueur en Grande-Bretagne, qui entre dans le cadre de la libéralisation des transports.
Une telle logique prévaut également dans le transport routier. La directive sur le temps de travail dans les transports prévoit en effet l'augmentation du temps de travail annuel de vingt-deux jours, associée à une réduction de rémunération pouvant atteindre l'équivalent d'un mois de salaire par an.
Comment ne pas reconnaître alors que, dans le domaine des transports, le principe de la concurrence non seulement n'est pas pertinent d'un point de vue économique, mais qu'il menace la sécurité publique.
Dans le secteur maritime, l'enjeu est le même pour la création du registre international français, ou RIF. J'étais d'ailleurs intervenu dans cet hémicycle lors de l'examen de la proposition de loi portant création de ce registre. Le pavillon « RIF » est reconnu comme pavillon de complaisance par une confédération syndicale internationale, l'ITF. Parallèlement, les politiques de défiscalisation des armateurs permettent la mise en oeuvre du dumping social, l'augmentation des profits des grands armateurs par un abaissement des conditions de travail des salariés, et donc des conditions de sécurité.
Vous entérinez une réduction des ressources des entreprises publiques, l'ouverture à la concurrence des secteurs rentables, notamment par le nouvel outil que sont les partenariats public-privé, et vous privilégiez la domination de la route sur les autres modes de transport.
À l'inverse de cette logique concurrentielle, nous pensons que les transports sont un secteur où l'intervention publique est fondamentale, et ce pour garantir non seulement le droit d'accès de tous, mais également le développement durable par un rééquilibrage entre les modes de transport.
Dans ce sens, nous demandons depuis maintenant plusieurs années la réalisation d'un bilan de la libéralisation des services publics, notamment dans le secteur des transports.
Nous proposons également que la construction européenne soit fondée non sur le moins-disant social, mais sur la notion de progrès partagé et de coopération des services publics nationaux.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous nous étions opposés, comme la majorité des Français, à la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui soumettait à la concurrence libre et non faussée l'ensemble des activités humaines.
Aujourd'hui, ce sont les mêmes raisons qui nous amènent à voter contre ce budget d'austérité et de casse des services publics.