Intervention de Amiral Edouard Guillaud

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 octobre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Audition de l'amiral edouard guillaud chef d'état-major des armées

Amiral Edouard Guillaud, chef d'état-major des armées :

M. Rasmussen est dans son rôle, dans l'article que M. Reiner a mentionné. Pour ma part la défense antibalistique globale m'inspire plus de prudence. Les gouvernements successifs depuis le début des années 90 ont tous fait preuve de la même prudence.

Sur l'attitude des Européens par rapport à la défense, notre difficulté consiste à faire comprendre que le monde est dangereux. Le centre d'intérêt des États-Unis est en train de basculer vers leur ouest, notre Extrême-Orient.

Tous les chefs d'états-majors européens se connaissent et se reçoivent à titre privé. Eprouvant tous les mêmes inquiétudes, nous sommes tous disposés à fournir certains efforts, allant jusqu'à contraindre nos technostructures. Mais aucun CEMA ne peut agir sur les volets industriel ou politique : il y a toujours un élu pour défendre telle ou telle implantation territoriale. La volonté militaire existe ; il en va presque de même dans les services d'armement ; c'est déjà plus compliqué avec les firmes concernées, surtout lorsqu'elles sont purement nationales. On sait ce qui arrive lorsqu'on touche aux questions budgétaires : les retards de l'A400M sont imputables à l'option prise de confier à chaque pays des morceaux d'avion qu'il ne savait pas construire, afin qu'il apprenne.

J'en viens au Liban. Ce pays souhaitait disposer, pour ses hélicoptères, de missiles Hot qui n'étaient pas de la dernière génération. Nous avons fait valoir aux Israéliens, mécontents, que le Liban était un Etat reconnu par la communauté internationale, qui devait survivre.

En Afghanistan, la solution ne sera pas seulement afghane, mais afghano-pakistanaise.

Nous avons créé en Afghanistan une cellule civile de stabilisation, avec des spécialistes de diverses disciplines, comme le micro-crédit ou l'agriculture. Basée en Kapisa, elle est placée sous les ordres d'un diplomate dont le rang est identique à celui de notre général commandant des forces françaises sur place. Les deux travaillent ensemble, car l'aspect militaire est la condition sine qua non d'une reprise économique, mais il faut aussi l'irrigation, les semences et les ponts.

Depuis l'embuscade organisée en 2008 contre nos marsouins, la situation s'est calmée en Surobi, qui est un district de la province de Kaboul. La sécurité pourra y être bientôt transférée aux forces armées et à la police afghanes. C'est déjà fait à Kaboul depuis l'été 2009. L'extension à la Surobi illustrerait la théorie de la tache d'huile du général Petraeus. Ne me demandez pas de date précise, car je l'ignore. En outre, toute annonce de retrait alimente l'insurrection. Je pense toutefois raisonnable d'envisager le courant de l'année 2011. Nous en parlerons lors de la conférence de Lisbonne.

L'insurrection afghane est formée de trois composantes assez nettement distinctes. Viennent d'abord les Talibans, Pachtouns à 99 %. C'est à eux que s'adresse le président Karzaï. Nous trouvons ensuite la tribu Haqqani, qui fournit les candidats au suicide. Le troisième mouvement est le HIG, dirigé par Gulbuddin Hekmatyar. Son aile politique, le HIA, bénéficie d'une reconnaissance parlementaire. En forte perte de vitesse sur le plan militaire, Gulbuddin Hekmatyar est un bon tacticien politique.

Sur place, nous avons à faire aux trois mouvements, qui s'affrontent parfois entre eux, ce dont nous ne nous plaignons pas. Les Talibans recherchent avant tout le partage du pouvoir. Quant aux Haqqani, ils défendent exclusivement leurs propres intérêts.

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