Evoquant la certification, avec réserves, par la Cour des comptes, des comptes de la Cnam, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam, a salué l'esprit positif dans lequel se déroule le processus de certification, qui offre l'occasion d'améliorer la comptabilité analytique et de développer les systèmes informatiques de la Cnam.
La certification des comptes, si elle rend compte de l'effort de la Cnam pour produire des comptes sincères, ne doit cependant pas occulter le problème principal qui est celui de l'équilibre général des comptes sociaux.
Alors que le conseil de la Cnam et celui de l'Uncam sont à la veille de présenter leurs propositions sur les charges et produits d'assurance maladie pour l'année 2010, il convient de rappeler les tendances et les facteurs de l'évolution des dépenses de santé.
En fonction des évolutions tendancielles, le taux de croissance annuelle spontanée des dépenses de santé devrait être, pour la période 2009-2012, en moyenne de 3,7 % par an en volume, c'est-à-dire hors application d'éventuelles modifications du prix des prestations. Cette estimation confirme la tendance lourde à une croissance de ces dépenses supérieure à celle de la richesse nationale.
On connaît les causes de cette dynamique : la croissance plus rapide des pathologies lourdes et l'intensification des soins.
En 1992, la proportion des dépenses liées aux pathologies lourdes prises en charge au titre des affections de longue durée (ALD) représentait 50 % de la dépense totale. Cette proportion est aujourd'hui supérieure à 60 % et pourrait atteindre 70 % en 2015. Selon des études en cours, il semblerait que la stabilité du taux de prise en charge moyen observée depuis une quinzaine d'années puisse s'expliquer, en dépit de la baisse du taux de prise en charge des populations en ALD et hors ALD, par un effet de moyenne dû à la croissance des ALD.
L'intensification des soins, deuxième facteur majeur d'évolution des dépenses, est beaucoup plus rapide pour les pathologies lourdes ou chroniques, qui sont à l'origine de 84 % de la croissance totale du volume des soins, dont 30 % pour les pathologies cardio-vasculaires, 20 % pour les cancers et 14 % pour les pathologies psychiatriques et neurologiques, y compris les affections liées à l'âge et la maladie d'Alzheimer. L'augmentation en volume des médicaments tire vers le haut cette croissance : ainsi, la pharmacie représente 13 % de la croissance des dépenses pour les cancers en raison de l'apparition de médicaments nouveaux disponibles initialement dans le cadre hospitalier puis en officine de ville. Les dépenses liées aux traitements nouveaux ne se traduisent cependant pas toujours par un équilibrage plus efficace des pathologies comme on a pu le constater dans le cas de l'asthme, où les traitements nouveaux ont représenté ces dernières années des dépenses de l'ordre de 250 millions d'euros. Ceci met en évidence l'importance de la question du rapport qualité-prix, qui sera un sujet majeur dans les années à venir.
Mais l'intensification des soins tient aussi au développement de la demande. Dans le domaine de la chirurgie fonctionnelle, le nombre des prothèses de hanche a progressé de 40 % entre 1998 et 2007, celui des interventions sur les ligaments du genou de 50 %, celui des cataractes de 60 %, progressions qui excèdent largement celles que l'on peut imputer à des raisons démographiques.
On dispose donc désormais d'une vision assez claire des moteurs du développement des dépenses, ce qui constitue une bonne base pour déterminer les mesures à prendre.
a également relevé l'évolution plus rapide en ville qu'à l'hôpital des dépenses en volume de médicaments. Ce transfert de l'hôpital vers la médecine de ville, qui n'est pas en lui-même une mauvaise chose, tient au fait que pour certaines pathologies, cancers ou affections cardio-vasculaires, l'accès à certains traitements est devenu possible en officine de ville.
On assiste aussi à une nette augmentation du nombre des patients traités, qui tient, à côté de facteurs épidémiologiques - c'est le cas du diabète - à l'évolution des politiques et des pratiques de soins, comme le dépistage, et à des effets d'offre.
On peut s'interroger sur l'efficacité du recours au « bouclier sanitaire » pour régler le problème de la dynamique des dépenses. Le bouclier sanitaire s'analyse en effet comme un mécanisme de réassurance au-delà d'un certain montant de dépenses, éventuellement variable en fonction du revenu, tandis que le système des ALD correspond à une réassurance fondée sur la gravité de la pathologie, en quelque sorte sur la « sinistralité ». Mais, au final, que le mécanisme de réassurance soit fonction du montant des remboursements ou de la pathologie, c'est toujours le réassureur qui supportera la dynamique de la dépense, liée aux sinistres lourds, et si les paramètres du bouclier sanitaire évoluent au même rythme que l'inflation, on ne changera pas la dynamique de la dépense.
Il ne paraît donc pas possible de rééquilibrer le régime général en recourant au bouclier sanitaire. De surcroît, tout le poids de ce mécanisme pèserait sur les personnes modestes atteintes de maladies graves, qui seraient les plus touchées par les relèvements de seuil.
Le bouclier sanitaire peut en revanche être utilisé à d'autres fins, par exemple pour alléger le reste à charge (RAC) des patients aux revenus les plus bas, mais en tout état de cause son financement reposera sur les assurés à revenus modestes, à l'instar de celui de l'impôt, toujours assuré par les classes les plus nombreuses, donc les plus modestes.
Ceci étant, s'il existe des tendances lourdes à la croissance des dépenses qu'il ne paraît pas possible de changer, cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien faire.
a détaillé à cet égard les inflexions constatées dans l'évolution annuelle moyenne des dépenses de santé entre la période 1998-2003 et la période 2003-2009.
Pour l'ensemble des soins de ville, l'augmentation annuelle moyenne en valeur était de 7 % par an sur la première période, mais de 3,3 % seulement sur la seconde, soit, sur cinq ans, une économie comprise entre 2 et 2,5 milliards d'euros, équivalente à un point de contribution sociale généralisée (CSG). Pour les honoraires médicaux, hors dépassements (dont le rythme annuel de progression a lui-même baissé, passant de 10 % à 5 %), ces taux d'évolution ont été respectivement de 4,3 % et 2,2 % ; de 7 % et 6 % pour les honoraires des auxiliaires médicaux ; de 9,1 % et 6,5 % pour les transports sanitaires ; de 7,2 % et 2 % pour les dépenses de biologie (qui pendant trois années consécutives ont baissé de 100 millions d'euros par an) ; de 8,2 % et 1,8 % pour les arrêts maladie ; de 7,9 % et 3,3 % pour les médicaments ; de 7 % et 4,9 % pour les cliniques ; de 4,4 % et 3,3 % pour les hôpitaux publics. Le secteur médico-social est le seul dans lequel les dépenses moyennes annuelles ont crû plus vite (8,9 %) entre 2003 et 2009 qu'entre 1998 et 2003 (6,6 %).
Certes, ces progrès n'ont pas tout réglé, mais on peut estimer que si la gestion des dépenses avait été la même entre 1998 et 2003 qu'entre 2003 et 2009, le déficit de l'assurance maladie aurait été effacé : l'effort de redressement des cinq dernières années a en effet permis de le ramener de 11,7 milliards d'euros en 2004 à 4,4 milliards d'euros en 2008.
L'effondrement des recettes consécutif à la crise remet en cause le résultat de cet effort : M. Frédéric Van Roekeghem a souligné à cet égard l'importance du déficit prévu pour 2009, récemment estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 9,4 milliards d'euros.
Dans ce contexte, le problème de la soutenabilité des dépenses publiques se posera avec une acuité nouvelle : certes, pour l'instant, tous les pays sont dans la même situation, mais certains réagiront peut-être plus vite que d'autres pour rééquilibrer leurs déficits publics, et la question de l'efficience du système de soins sera alors un des éléments fondamentaux que l'on ne pourra écarter.
Il existe certes des marges de manoeuvre, que l'on peut même estimer importantes, mais dont l'utilisation ne sera pas facile.
Dans le secteur de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), après le débat sur la loi « HPST », on ne peut pas ne pas citer le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), qui évalue à 26 % l'écart « facial » entre les tarifs des secteurs public et privé, l'écart entre établissements au sein de chacun de ces secteurs étant vraisemblablement du même ordre.
Pour la Cnam, une partie de ces écarts tient à des différentiels de productivité qu'il faut réduire par une meilleure organisation des établissements publics et privés, ce qui est possible en conciliant la qualité du résultat médical et une meilleure maîtrise des coûts. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) devrait contribuer à y parvenir. On peut ainsi envisager, suivant l'exemple des pays étrangers, un développement des interventions en ambulatoire, auxquelles 85 % des patients sont favorables et qui permettent de réaliser, avec une excellente qualité médicale, une économie annuelle de 100 millions d'euros. Il faut aussi poser la question de l'utilisation des plateaux techniques lourds, qui peut varier de un à deux selon les établissements. Les ARS seront un nouvel outil pour développer la productivité des établissements de santé publics et privés et la Cnam entend être, dans le cadre de la négociation de la convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat comme de celui du nouveau contrat pluriannuel prévu par la loi HPST, une force de proposition pour parvenir à une meilleure gestion du risque de santé, y compris dans le domaine des soins hospitaliers.
a ensuite indiqué que la Cnam a inclus cette année dans son rapport une réflexion sur les soins de suite et de rééducation (SSR) qui sont un secteur très important pour les patients, surtout dans la perspective de la réorganisation des parcours de soins et d'une amélioration de la qualité et de la gestion des services de soins.
Ces services représentent environ 100 000 lits et places, dont un peu plus de 40 % en secteur public, un peu moins de 40 % en secteur privé à but non lucratif et 20 % en secteur privé à but lucratif.
Cette offre est très inégalement répartie entre les départements et les régions : elle varie entre 0,4 et 9,36 lits ou places pour 1 000 habitants. Cette constatation invite à la modestie sur les problèmes de démographie médicale et d'implantation des services de soins, qui sont très loin de se limiter à la répartition des professionnels libéraux et concernent d'ailleurs, dans le cas des infirmiers, aussi bien les professionnels salariés que les libéraux. Elle pose la question de savoir, quand on planifie, si on planifie bien et de manière adaptée aux besoins de la population. Une deuxième question à soulever est celle de la tarification, qui peut varier, pour des cas de gravité comparable, de plus de 50 %. L'exemple des établissements, à but non lucratif, gérés par la sécurité sociale, illustre l'effet positif sur leur compétitivité des contraintes budgétaires imposées par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Pour y faire face, les établissements ont consenti des efforts d'organisation et diminué le taux d'encadrement par lit, ce qui est compatible avec un service de qualité à condition que les locaux soient adaptés et donc, en général, relativement récents. Il faut aussi que les établissements soient bien informatisés, afin de pouvoir anticiper l'arrivée des patients.
Enfin, il est nécessaire de ne pas faire obstacle au développement des établissements par des objectifs quantifiés d'offre de soins (OQOS) qui organisent parfois de façon artificielle les parts de marché et limitent souvent la capacité d'accueil des structures les plus performantes et offrant un bon rapport qualité-prix : la Cnam a d'ailleurs proposé l'an dernier, mais en vain, la remise en cause des objectifs quantifiés. Cette proposition n'avait pourtant rien de novateur : beaucoup de pays voisins ont déjà mis en place des systèmes de pilotage de l'offre fondés sur la qualité du service et le rapport qualité-prix.
Estimant inutile d'insister sur le sujet du médicament, bien connu de la commission, M. Frédéric Van Roekeghem s'est ensuite félicité du succès rencontré par le nouveau « contrat d'amélioration des pratiques individuelles » (Capi) : 30 % des médecins contactés par les délégués de l'assurance maladie adhèrent au contrat dès la première visite et 12 % seulement refusent de le faire. En réponse à une question de Mme Isabelle Debré, il a indiqué que ce refus est généralement motivé par la position prise par le conseil national de l'ordre sur ce contrat, qui « interpelle » certains médecins. Il semble donc que l'objectif de diffusion de ce contrat sera dépassé dès avant les vacances d'été.
Interrogé par le président Nicolas About sur la position des médecins qui n'acceptent ni ne refusent le contrat dès la première proposition, M. Frédéric Van Roekeghem a répondu que 20 % environ ont souhaité prendre le temps de réfléchir. Il a ensuite précisé que le Capi s'analyse comme un système de capitation aux résultats, les médecins signataires s'engageant à respecter les objectifs de prévention définis par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, en matière par exemple de dépistage du cancer du sein et de iatrogénie médicamenteuse. La rémunération, en principe de 7 euros par an et par patient ayant choisi le médecin comme médecin traitant, est fonction des résultats obtenus pour les différents indicateurs retenus. On doit noter cependant que ce n'est pas la rémunération mais l'amélioration des résultats de santé publique qui est la principale motivation de l'adhésion au Capi : ce contrat est d'ailleurs soutenu par le directeur général de la santé.
Passant en revue les domaines où peuvent exister des marges de manoeuvre, M. Frédéric Van Roekeghem a évoqué, hormis le secteur du médicament dans lequel existent encore des possibilités d'action, notamment en ce qui concerne la hiérarchisation de traitement, la dialyse rénale, les transports de malades et les indemnités journalières.
En ce qui concerne la dialyse, les comparaisons internationales font apparaître que la situation française se caractérise par le niveau élevé des tarifs et le faible développement de la dialyse à domicile, qui comporte pourtant des avantages en termes d'adaptation du traitement, d'autonomie et de qualité de vie du patient mais aussi de coûts : le coût moyen annuel de la dialyse à domicile (dialyse péritonéale ou hémodialyse) est de l'ordre de 50 000 euros, celui de l'autodialyse en centre de 60 000 euros et celui de la dialyse en centre d'hémodialyse de 80 000 euros. On pourrait sans doute réaliser dans ce secteur des économies de l'ordre de 100 millions d'euros par an, à condition d'organiser l'offre.
Dans le domaine des transports de malades, la dépense, qui a fortement progressé au cours la dernière décennie, est très hétérogène et les coûts annuels varient, par patient utilisateur, entre 320 et 852 euros, sans que cette diversité s'explique, comme on pourrait le penser, par des caractéristiques géographiques ou de peuplement.
Les indemnités journalières (IJ) sont accordées au titre des risques maladie et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). L'action menée par l'assurance-maladie a été centrée, pour les arrêts maladie, sur les prescripteurs et les assurés mais entend prendre en compte aussi la dimension de l'employeur. Des analyses sont en cours sur les taux d'IJ par branche professionnelle et l'on constate, dans certaines branches, des corrélations entre les arrêts maladie et les arrêts AT.
Les IJ sont un sujet très compliqué, les risques d'arrêts de travail pouvant varier largement, par exemple en fonction du sexe : les femmes et les hommes n'ont pas d'arrêts de travail pour les mêmes raisons médicales, ni aux mêmes périodes de la vie. D'autres disparités peuvent tenir à la structure de la population active en termes d'âge, de secteur d'activité, de qualification. Mais l'on constate aussi des variétés de pratiques locales que font apparaître les analyses par pathologie : la durée d'arrêt pour une appendicectomie peut ainsi varier de dix-sept à vingt-cinq jours selon le département, de trente à plus de quatre-vingt-dix jours pour les lésions internes du genou : il y a donc des diversités relevant d'usages qu'il conviendrait d'harmoniser.
Mais il est très difficile d'élaborer des référentiels et plus encore de les rendre obligatoires : on peut fort bien comprendre que la durée d'un arrêt de travail puisse varier selon la nature et la pénibilité de ce travail. Il serait cependant souhaitable de parvenir, par voie de recommandations et en fonction de critères médicaux et professionnels, à une plus grande homogénéité de traitement sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'à la localisation et à la prévention des abus.