Intervention de Frédéric Van Roekeghem

Commission des affaires sociales — Réunion du 1er juillet 2009 : 1ère réunion
Etat des comptes de la sécurité sociale — Audition de M. Frédéric Van roekeghem directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie uncam et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés cnam et de M. Jean-Marc Aubert directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la cnam

Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam :

En réponse aux intervenants, M. Frédéric Van Roekeghem a notamment apporté les précisions suivantes :

- la santé est un problème médico-économique et on ne peut donc pas l'aborder de façon uniquement comptable. Cela ne veut pas dire que l'on ne puisse pas prendre de mesures tarifaires restreignant les dépenses, qui sont d'ailleurs généralement considérées comme relevant d'une maîtrise comptable, mais la Cnam préfère parler de gestion du risque et il faut tenir compte de l'économie de la santé. Si on équilibre les dépenses des établissements, mais à un niveau d'efficience très faible, on n'aura pas nécessairement gagné. Le comité d'alerte a été prudent dans son estimation du taux de réalisation des objectifs de maîtrise médicalisée et l'on peut considérer que cette prudence est raisonnable si on veut s'assurer qu'il n'y a pas de risque d'alerte. Mais la Cnam espère faire mieux et ne pas atteindre les objectifs à 100 % n'est en soi pas satisfaisant ;

- le retour à l'équilibre financier de l'assurance maladie paraît très compliqué : il est en effet difficile de mettre de côté la crise qui affecte fortement les recettes. Si on voulait en neutraliser les effets, il faudrait trouver des ressources à due concurrence. En 2009, on prévoit que la masse salariale va diminuer de 1,25 %, soit un écart de 4,25 points avec la hausse de 3 % que l'on peut attendre en période normale. Une baisse d'un point de la masse salariale diminue de 900 millions d'euros les ressources de l'assurance maladie et du double celles du régime général. Avec une baisse de la masse salariale de 1,25 % en 2009 et, selon les prévisions, de 0,5 % en 2010, il est clair que l'on va continuer à s'enfoncer dans les déficits ;

- l'effort de maîtrise des dépenses est-il suffisant ? Le tendanciel de l'Ondam l'an prochain est de 4,2 %. Chaque année, si l'on veut contenir les dépenses d'un point, il faut trouver des mesures correspondant à 1,5 milliard d'euros d'économies avant de commencer à réduire le déficit. Le rééquilibrage en 2012 de l'assurance maladie pose donc un vrai problème. Cela doit conduire à mettre en oeuvre toutes les mesures qui, sans perte de chance pour les patients, permettront de mieux gérer la ressource. Mais il est clair qu'aujourd'hui, on est confronté à une crise de recettes ;

- la mise en place des ARS demandera un peu de temps et l'année 2010 lui sera en partie dédiée. Mais l'important est moins l'outil que la manière de l'utiliser, et la question est celle du pilotage et du management qui permettront d'optimiser le système ;

- la difficulté de création du secteur optionnel n'est pas technique mais politique. Un protocole d'accord a été conclu entre les complémentaires, de nombreux syndicats de médecins et la Cnam en juillet 2008, mais il reste un léger réglage à opérer sur la question de la régulation du secteur 2 ;

- en ce qui concerne l'association des organismes d'assurance complémentaire à la gestion des ALD, le Président de la République s'est exprimé et des solutions nouvelles seront donc expérimentées dans le courant de l'année prochaine. La doctrine de la Cnam est qu'il faut être prudent avant de prendre des décisions que l'on pourrait regretter. Des expériences étrangères, aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis, montrent que lorsque l'on met en concurrence des assureurs et en même temps des offreurs de soins, on n'aboutit pas forcément à une amélioration du service rendu aux usagers ;

- la Cnam a encore des marges de productivité. En 2008, elle a fourni un très grand effort en réduisant, en exécution, son budget administratif de 1 % par rapport à 2007. Elle va dépasser les engagements pris en matière de réduction des effectifs, les départs en retraite ayant été beaucoup plus importants que prévu après la loi de 2003 et les taux de remplacement ayant été respectés. On peut encore sans doute diminuer les effectifs dans le domaine de la production en tirant tous les bénéfices de la dématérialisation et espérer réduire aussi le coût des fonctions de support. Mais il faut que la Cnam ait la possibilité de développer les fonctions de contrôle, la gestion du risque et les services aux assurés, même si, dans ce dernier domaine, la dématérialisation permet aussi de développer les activités sans augmentation d'effectifs. La Cnam peut donc encore faire des progrès de productivité et l'Etat lui demandera certainement d'en faire dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion. Mais il faut les faire à bon escient et pouvoir continuer à améliorer la qualité des services : dans les caisses les plus productives, on atteint la limite de l'exercice ;

- le tarif ne représente pas un coût, mais le prix auquel l'assurance maladie rémunère un offreur de soins pour une opération, par exemple une appendicectomie. Les coûts complets d'une telle opération sont en moyenne supérieurs dans le public, ce qui n'exclut pas qu'ils puissent être dans certains établissements privés beaucoup plus élevés que dans les établissements publics. En revanche, le reste à charge est en moyenne supérieur dans le privé, en raison des suppléments d'honoraires payés aux médecins. Ceci étant, le débat public ne doit pas se focaliser uniquement sur le reste à charge. Il faut parvenir à des coûts complets raisonnablement comparables, pour des interventions comparables et des patients comparables. Il faut bien sûr définir, et rémunérer à leur juste prix, les missions de service public mais aussi avoir des tarifs adaptés et une productivité comparable dans les autres cas. Il est possible de modifier l'organisation des établissements publics, même si ce n'est pas facile, car les personnels peuvent comprendre l'intérêt de maîtriser les coûts. Mais, et c'est l'intérêt du secteur optionnel, les dépassements doivent aussi être limités, car il faut veiller à ce que l'offre de soins à tarifs opposables ou limités soit suffisante. Il faut noter qu'en moyenne les dépassements représentent 8 % du tarif global mais davantage, évidemment, rapportés à l'acte du professionnel. C'est un vrai sujet mais, au risque d'être provocateur, on peut relever qu'un radiologue exerçant en secteur 1 gagne 200 000 euros nets par an et un chirurgien 150 000 euros avec un dépassement de 100 %. On peut aussi penser qu'il faudrait plutôt chercher à harmoniser les tarifs et la productivité des établissements et resserrer les dépassements, sauf à les financer par une meilleure productivité des établissements ;

- il est vrai que les objectifs de prévention du Capi ont un coût. Mais celui-ci comporte aussi des objectifs de baisse de certaines prescriptions et de meilleure utilisation de la pharmacopée, par exemple en diminuant le traitement de l'hypertension par des sartans - beaucoup plus utilisés en France qu'à l'étranger - au profit des inhibiteurs d'enzyme de conversion qui ont une efficacité comparable ;

- la Cour des comptes a chiffré le coût des niches sociales, et le ministère des finances celui des heures supplémentaires ;

- la cartographie des dépenses importantes de transport recouvre quelquefois celle des dépenses importantes d'IJ. Mais elle est surtout liée à la structure de l'offre ;

- il est évident que l'on ne va pas imposer une autodialyse à un patient âgé sans avis médical : c'est là que l'on retrouve la distinction entre la maîtrise comptable et la maîtrise médicalisée des dépenses, qui passe d'abord par la persuasion, par des efforts de développement de l'offre mais peut aussi comporter des mesures plus contraignantes, comme la mise sous accord préalable des prescripteurs ;

- demander de travailler à domicile à un salarié en arrêt de travail, idée à laquelle il s'est déclaré hostile, pourrait créer la tentation de faire financer le travail salarié par la sécurité sociale. En revanche, on peut envisager, dans l'entreprise, l'adaptation du poste de travail et aussi, dans certains cas, le travail à domicile ;

- les médecins généralistes conventionnés constituent la cible des Capi mais, sous réserve de vérification, ce contrat n'est pas exclusivement destiné aux praticiens du secteur 1 ;

- on s'oriente vers un respect de l'Ondam, qui a été construit à partir d'une base 2008 sincère. L'évolution des dépenses de ville n'est pas mauvaise, mais une incertitude demeure en ce qui concerne les dépenses hospitalières pour lesquelles une variation de 1 % se traduit par 500 millions d'euros. Le vrai problème est celui des recettes ;

- compte tenu de la situation de sa trésorerie, le régime général aurait du mal, si l'Etat n'était pas son financeur ultime, à en trouver un autre. Faut-il imposer des mesures d'économies plus dures ? Ce sera à l'Etat d'en décider mais le ralentissement des dépenses de ville a été appréciable. En ce qui concerne le déficit hospitalier, le HCAAM pourrait proposer que l'évolution des dépenses MCO soit inférieure à celle de l'Ondam. Il faut rappeler qu'il existe des marges de manoeuvre en matière de dépenses hospitalières mais, si on les utilise, il faudra en tirer les conséquences au niveau des équipes ;

- il est vrai que des dépenses hospitalières relevant des AT-MP sont mises à la charge de l'assurance maladie. C'est l'hôpital qui devrait veiller à leur facturation correcte mais il n'y a pas de sanction s'il ne le fait pas et l'on peut aussi comprendre que sa première préoccupation soit plutôt de soigner les malades, d'autant plus que cette erreur de facturation est neutre pour lui ;

- il est exact que depuis l'affaire Cyclamed, la sécurité sociale finance à la demande de l'Etat et pour des montants limités, de l'ordre de 4 millions d'euros par an, les associations spécialisées dans la fourniture de médicaments aux pays qui en ont besoin ;

- le bilan des dépenses 2008 dans le domaine du médicament sera publié. Les chiffres principaux figureront déjà dans le rapport qui sera transmis officiellement au Parlement avant le 10 juillet prochain. On constate une baisse des dépenses des médicaments de soins aigus de plus de 100 millions d'euros et l'augmentation la plus importante reste celle des médicaments de spécialité. Les dépenses de vaccins enregistrent également une progression liée à la montée en puissance du vaccin contre le cancer du col de l'utérus ;

- sur le dossier Lyrica, il faudra demander l'opinion du président du comité économique du médicament. Pour sa part, la Cnam compte demander, comme elle l'a déjà fait l'an dernier, que l'assurance maladie puisse s'opposer à l'inscription de médicaments ;

- la HAD représente vraisemblablement une économie, qui n'a pas encore été suffisamment étudiée, surtout si elle bénéficie à des patients qui auraient été hospitalisés plutôt qu'à des personnes qui peuvent être traitées en ambulatoire. Il faut aussi mettre un terme à la pratique consistant à faire sortir les patientes de maternité deux ou trois jours après l'accouchement pour les hospitaliser ensuite en HAD. Il serait préférable de prévoir un accompagnement par une sage-femme.

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