L'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, a tout d'abord brossé le tableau des activités opérationnelles de la marine au cours de l'année 2008.
Sur le plan des opérations militaires, celle-ci a en premier lieu assuré la tenue de la posture de dissuasion sans discontinuité par les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Le désarmement de « l'Inflexible », la mise à l'eau du SNLE/NG le « Terrible » et les premiers essais du missile balistique M51 marquent un renforcement de l'homogénéité de la composante sous-marine de la dissuasion.
La force aéronavale nucléaire, après une mise en sommeil liée à l'indisponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle, remontera en puissance en 2009. Ses capacités s'élargiront à l'avenir avec l'arrivée du Rafale au standard F3 et du missile ASMP-A.
La marine est restée très présente dans l'arc de crise de l'Atlantique à l'Océan Indien défini par le Livre blanc.
Au nord de l'Océan Indien, elle a participé, en étroite coopération avec les forces alliées, à la lutte contre le terrorisme et à la sécurisation des routes maritimes stratégiques. Avec au minimum deux bâtiments et un avion de patrouille maritime engagés en permanence dans l'opération « Enduring Freedom », la France est le deuxième contributeur naval de la zone.
Dans la zone du Golfe d'Aden, le dispositif mis en place a permis de répondre à la recrudescence des actes de piraterie que ce soit pour des actions de libération d'otages ou pour l'accompagnement de navires français et européens, ainsi que des navires du Programme Alimentaire Mondial.
Un groupe amphibie, déployé en mer de Chine, a participé à l'action humanitaire engagée au profit de la Birmanie.
Pendant l'indisponibilité du porte-avions, trois Super Etendard Modernisés ont été engagés en Afghanistan cet été.
La marine maintient également la présence de bâtiments dans le Golfe de Guinée et au large du Liban, tandis qu'un aéronef de patrouille maritime participe aux opérations conduites au Tchad.
Enfin, l'aptitude à coopérer avec les marines alliées s'est particulièrement illustrée par la participation à la phase de qualification du groupe aéronaval « Théodore Roosevelt » avec une frégate, un sous-marin nucléaire d'attaque, 2 Hawkeye et 6 Rafale opérant à partir du porte-avions américain.
En parallèle des opérations proprement militaires, la marine a poursuivi ses missions de surveillance des zones maritimes sur toutes les mers du globe. 35 navires sont quotidiennement à la mer, dont 28 sont déployés à plus de 300 nautiques de leur port d'attache. En moyenne, 4 aéronefs de patrouille ou surveillance maritime opèrent sur des théâtres extérieurs. Toutes ces unités participent à la fonction « Connaissance et anticipation »
La sauvegarde maritime constitue une part important de l'activité opérationnelle de la marine.
Dans la lutte contre l'exploitation illicite des espaces maritimes, elle apporte ses capacités de surveillance et d'intervention en haute mer et accompagne la montée en puissance des agences européennes tout en veillant à ne pas sectoriser les moyens par domaine de responsabilité de chaque agence. Elle a ainsi coopéré étroitement avec l'agence européenne FRONTEX dans des opérations « coup de poing » au profit d'Etats membres confrontés à l'immigration par voie de mer. Cependant, l'action en haute mer se heurte à des problèmes de juridiction.
Sur nos côtes, l'immigration clandestine par voie maritime concerne particulièrement la Guadeloupe et Mayotte. Sur cette île, la marine exploite les trois radars de veille et a intercepté depuis le début de l'année une vingtaine de navires avec plus de 500 migrants et passeurs.
Dans le domaine de la lutte contre le narco-trafic, plusieurs opérations ont été menées dans les Caraïbes, en Atlantique et Méditerranée. Depuis le 1er janvier 2008, la marine a intercepté en haute mer près de 11 tonnes de produits illicites et 15 navires ou embarcations.
La marine participe également à la lutte contre la pêche illicite, à la lutte contre la pollution et aux opérations de recherche et de sauvetage, ainsi qu'aux plans « Vigipirate » et « Vigimer ».
Le chef d'état-major de la marine a précisé que la disponibilité fluctuante des moyens aéromaritimes avait souvent un impact sur l'efficacité de ces opérations et le respect du contrat opérationnel de la marine. Le vieillissement des parcs d'hélicoptères obère son aptitude à projeter ses frégates avec des aéronefs fiables et à tenir ses alertes pour le service public. Les difficultés récurrentes sur nos 2 seules frégates de défense aérienne ont entraîné la rupture du contrat opérationnel de « projection d'un groupe amphibie » pendant trois mois fin 2007 alors qu'elles en constituent l'escorte principale.
L'amiral Pierre-François Forissier a néanmoins souligné que le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments était passé de 65 % en 2004 à 73 % en 2007, et qu'il devrait se maintenir au dessus de 70 % en 2008. La réorganisation du maintien en condition opérationnelle s'est traduite par une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires sur les résultats.
Il a précisé que le service de soutien de la flotte renouvelait actuellement les premiers contrats de disponibilité globale, des marchés de maintenance ayant été engagés pour les sous-marins pour un montant de 340 millions d'euros et un marché d'environ 100 millions d'euros devant être passé d'ici la fin de l'année pour l'entretien des frégates.
En revanche, après une amélioration régulière jusqu'à la fin de l'été 2007, le taux de disponibilité des matériels de l'aéronautique navale a diminué de près de 10 % sur un an, du fait de l'insuffisance des rechanges, de l'âge moyen du parc et de la perte de compétences techniques, et de façon conjoncturelle, de la concentration des opérations d'entretien des aéronefs embarqués sur la période d'indisponibilité du porte-avions.
En ce qui concerne les coûts pétroliers, leur forte augmentation a nécessité d'adapter l'activité des forces tout en puisant dans les stocks. Les bâtiments auront passé, sur l'année, environ 90 jours en mer. L'activité des aéronefs est en réduction de 9 % par rapport aux objectifs initiaux, en raison surtout de leur moindre disponibilité. Un complément de ressources est attendu d'ici la fin de l'année pour assurer les activités prévues dans les prochains mois compte tenu des délais de livraison des produits pétroliers.
Sur le plan des équipements, sept avions Rafale au standard F2 seront livrés en 2008. La livraison de la première frégate de défense aérienne type Horizon, le « Forbin », reste suspendue aux essais menés le mois prochain sur la mise au point du système de combat. La construction du 4è SNLE-NG « Le Terrible » se poursuit de manière nominale. Enfin, le développement et l'acquisition de nouvelles torpilles pour sous-marins ont été lancés.
L'amiral Pierre-François Forissier a ensuite évoqué les principales caractéristiques, pour la marine, du projet de budget pour 2009.
Au titre du programme « Préparation et emploi des forces », dont l'action « préparation des forces navales » regroupe 91 % du personnel de la marine, il a insisté sur le caractère sans précédent d'une réforme qui diminuerait les effectifs de 12 % en 6 ans. Il a souligné que la contribution de la marine aux réductions d'effectifs irait bien au-delà des préconisations de la révision générale des politiques publiques, tout en considérant qu'un tel effort serait sans doute bénéfique à long terme en imposant dans tous les domaines la recherche de l'organisation la plus efficace et de l'optimisation des moyens. Il a précisé qu'entre 2008 et 2015, les effectifs globaux de la marine passeraient de 50 000 à 44 000 personnels (37 000 marins et 7 000 civils), soit une déflation de 4 800 militaires et 1 200 civils, à un rythme moyen annuel de 800 personnes.
Il a ajouté qu'il faudrait veiller, au cours de cette période, à l'équilibre entre la fidélisation des compétences, notamment dans les spécialités critiques, le pilotage des départs, un recrutement permettant de maintenir la jeunesse des équipages et une adaptation des pyramides des grades satisfaisante.
Il a ensuite indiqué qu'en 2009, la réduction des effectifs civils et militaires concernerait 834 postes alors que fin 2008, la marine serait en sous-effectifs de près de 500 personnes parce que les objectifs de recrutement en officiers mariniers n'ont pas été atteints. Il a précisé qu'en dépit de plusieurs mesures de revalorisation salariales et catégorielles, le volume des crédits de rémunération diminuerait de 3 %, ce qui rendait fragile l'équilibre financier du titre 2. Il a en effet estimé que tout accroissement des charges ou des contraintes budgétaires risquerait d'imposer des réductions d'effectifs supplémentaires et de pénaliser des recrutements indispensables au maintien de la jeunesse de nos marins.
S'agissant des autres actions du programme, le chef d'état-major de la marine a précisé que 25 % des crédits alloués au fonctionnement des forces iraient aux produits pétroliers, la dotation ayant été calculée en vue de réaliser 90 % de la norme d'activité prévue pour les bâtiments de surface et aéronefs. Cette dotation ne permettra pas de reconstituer le niveau des stocks.
Les crédits consacrés à l'entretien des équipements seront en nette augmentation et s'élèveront à 1,305 milliard d'euros en autorisations d'engagement (+ 20 %) et 1,209 milliard d'euros en crédits de paiement (+ 8 %). Ils correspondent aux besoins de la force océanique stratégique (FOST), mais il n'en sera pas de même pour les forces conventionnelles, dont le maintien en condition opérationnelle sera contraint d'environ 10 % en 2009 et le restera vraisemblablement au cours des prochaines années, au vu des travaux préparatoires de la loi de programmation militaire.
De manière à contrecarrer cette tendance, des mesures d'économie vont être prises. Certains patrouilleurs, bâtiments de transport léger et bâtiments ateliers seront donc retirés du service dès 2009. La préservation des capacités d'action de l'état en mer et de protection des approches maritimes sera assurée par les avisos déclassés en patrouilleurs de haute mer après l'abandon de certaines capacités militaires.
Pour l'aéronautique navale, l'envolée des prix du maintien en condition opérationnelle est surtout liée au coût d'utilisation du Rafale et à l'augmentation du coût des rechanges pour les aéronefs déjà en service. En 2009, l'amélioration de la disponibilité dépendra du niveau des stocks de rechanges alors qu'il n'est plus possible de régénérer la totalité des potentiels consommés. Cette situation critique compromet le maintien des compétences aéronautiques.
En ce qui concerne le programme « Equipement des forces », les opérations d'équipements de la marine seront dotées de 5,979 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 47 %) et de 2,584 milliards d'euros en crédits de paiements (+ 10 %).
Des négociations ont été menées avec les industriels de façon à obtenir de leur part la poursuite des programmes déjà engagés tout en diminuant la pression financière par des ralentissements de cadence et des étalements de paiement.
Dans le domaine de la dissuasion, le 4e SNLE-NG « Le Terrible » sera présenté aux essais début 2009.
Pour le second porte-avions, le report de la décision de lancement en 2011-2012 nécessitera de poursuivre les études, notamment sur son mode de propulsion.
Les commandes concerneront un deuxième sous-marin Barracuda, 3 frégates FREMM, dont 2 de défense aérienne, 9 avions Rafale et 150 missiles de croisière naval, dont 50 pour sous-marins.
En 2009, la deuxième frégate Horizon, 2 avions Rafale et 50 nouvelles torpilles MU 90 devraient être livrés.
Toutefois, le ralentissement important des commandes intervenu en 2008 crée un risque de décalage de certains programmes sur les années ultérieures.
Au titre du programme « Soutien de la politique de défense », les dotations inscrites dans le projet de loi de finances pour 2009 ne couvriront qu'une faible part du besoin de financement des opérations d'infrastructure. Celui-ci doit provenir à environ 80 % des ventes d'implantations libérées par la réorganisation des armées, la mise à disposition rapide du produit de ces cessions étant donc essentielle à la poursuite de ces opérations. Cette situation est particulièrement préoccupante pour la marine qui est la seule armée en charge de l'outil industriel nécessaire à la mise en oeuvre et à la maintenance de ses équipements, notamment des quais, des bassins ou des grues.
L'amiral Pierre-François Forissier a souligné qu'une part importante des dépenses d'infrastructure, telles que celles liées aux aménagements portuaires et aux pyrotechnies, contribuaient au maintien de la disponibilité des forces, et devaient voir leur financement garanti. La réfection des installations de l'Île Longue lui a paru à cet égard prioritaire.
Au-delà de cette particularité, il a attiré l'attention de la commission sur certains points de fragilité pour la marine.
Il a estimé que les dotations pour les dépenses de fonctionnement et la maintenance des équipements étaient extrêmement contraintes, eu égard à l'accroissement important des coûts et au vieillissement des matériels.
Il a également évoqué les incertitudes liées à la fin de la gestion 2008, à savoir le traitement des crédits mis en réserve, le remboursement des surcoûts des opérations extérieures, le financement complémentaire attendu sur le programme FREMM, qui représente 420 millions d'euros, et la compensation de la hausse des prix des produits pétroliers.
En conclusion, l'amiral Pierre-François Forissier a souligné la dualité de la marine nationale, à la fois armée de mer et contributeur majeur à l'action de l'Etat en mer. Il a rappelé que les missions ressortissant à la sécurité, à la protection de l'environnement ou au contrôle des flux migratoires étaient financées sur le budget de la mission défense. Il s'est demandé si cette situation était bien conforme à la logique de finalité et de mission qui a inspiré la loi organique relative aux lois de finances et s'il ne faudrait pas mettre en place d'autres sources de financement pour les activités de la marine ne relevant pas de la mission défense. Il a indiqué qu'une telle solution pourrait notamment faciliter l'accès à des crédits provenant d'agences européennes.