Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition du général d'armée Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Défense »).
a rappelé que les responsabilités budgétaires du chef d'état-major des armées concernaient les deux programmes représentant plus de 90 % des crédits de la mission « Défense », à savoir le programme 178 « Préparation et emploi des forces » et le programme 146 « Equipement des forces ». Il a ajouté que sur ce dernier programme, la responsabilité partagée entre le chef d'état-major des armées et le délégué général pour l'armement avait été maintenue pour 2009.
Soulignant que l'année 2009 marquerait la mise en oeuvre d'une réforme d'ensemble devant combiner de manière cohérente une réduction du format des forces, une réorganisation des implantations et des structures de soutien et un effort supplémentaire pour financer l'arrivée d'une nouvelle génération d'équipements, M. Josselin de Rohan, président, a souhaité que le chef d'état-major des armées donne son appréciation sur l'adéquation des moyens humains et budgétaires aux missions des armées, c'est-à-dire aux contrats opérationnels et aux conditions d'engagement rencontrées quotidiennement sur les théâtres d'opérations.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin, chef d'état-major des armées, a tout d'abord rappelé le cadre particulier dans lequel s'inscrivait, pour les armées, le projet de loi de finances 2009. Celui-ci résulte des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et des travaux de la révision générale des politiques publiques. Il coïncide avec le lancement d'une réforme complexe qui exigera des armées un effort d'adaptation considérable. Il représente la première étape d'une programmation des dépenses de l'Etat sur trois ans tout en marquant l'entrée dans une nouvelle loi de programmation militaire elle-même inscrite dans un processus de 12 années pour lequel le Président de la République a retenu une trajectoire financière de 377 milliards d'euros. Pour les armées, il traduit, en termes d'investissements, l'entrée dans un cycle de renouvellement de nos équipements majeurs. Enfin, il intervient dans un contexte marqué par la crise financière internationale et de fortes contraintes sur nos finances publiques.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a estimé que dans un tel contexte, le projet de budget pour 2009 traduisait de manière aussi juste que possible l'effort financier pouvant aujourd'hui être consenti par notre pays en matière de défense. Rappelant qu'il était responsable devant le Président de la République de l'efficacité opérationnelle de notre outil de défense, il a indiqué sa volonté de conduire sous l'autorité du ministre et avec détermination les réformes annoncées. Il a néanmoins souligné l'extrême complexité d'un exercice qui exigera de disposer, dans la durée, des ressources financières et humaines nécessaires.
Le chef d'état-major des armées a ensuite évoqué l'environnement dans lequel allaient s'engager ces réformes. Il a notamment mentionné l'instabilité du contexte international, soulignée par le Livre blanc et illustrée par les événements survenus cet été en Géorgie. Il a également estimé que d'un point de vue opérationnel, nos engagements se caractérisaient aujourd'hui par leur durée, leur durcissement, leur diversification et leur dispersion géographique. Indiquant que la notion de durcissement était au centre de ses préoccupations, il a observé que nos forces étaient confrontées à des adversaires plus durs, plus déterminés, qui se sont adaptés à nos méthodes de combat et qui disposent de moyens susceptibles de contrer localement notre supériorité technologique. Ce constat imposait à ses yeux de rompre avec une forme d'inhibition perceptible durant la décennie qui a suivi la première guerre du Golfe et de reprendre nos réflexes de combat, d'adapter nos conditions d'entraînement et de développer les équipements permettant de faire face à ces menaces.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a souligné que cette exigence d'adaptation opérationnelle s'imposait au moment où les armées engageaient une réforme structurelle sans précédent. La déflation d'effectifs programmée au cours des sept prochaines années était en effet sans commune mesure avec l'effort entrepris au lendemain de la professionnalisation. Alors qu'à l'époque, la réduction du format des armées avait essentiellement reposé sur la suspension du service national et n'avait concerné que 18 000 cadres, elle touche exclusivement aujourd'hui du personnel de carrière ou sous-contrat, ce qui la rend particulièrement sensible, notamment dans un contexte économique qui pourrait se révéler peu favorable. A cette déflation, s'ajouteront les tensions que ne manqueront pas d'entraîner la redéfinition des implantations militaires et la réorganisation des soutiens et de l'administration générale. La bonne exécution de cette réforme conditionne cependant la réalisation des marges financières indispensables au renouvellement des matériels majeurs.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a jugé primordial de veiller à maintenir au plus haut niveau opérationnel l'efficacité de notre outil militaire tout au long de cette période jugée particulièrement complexe. Il a estimé que l'effort d'adaptation exigé des militaires, et qui s'ajoute aux contraintes inhérentes à leur métier, devrait trouver une légitime reconnaissance. Enfin, il lui a paru indispensable que le chef d'état-major des armées dispose des moyens lui permettant d'exercer pleinement ses responsabilités.
Présentant les principales caractéristiques du projet de loi de finances, le général d'armée Jean-Louis Georgelin a considéré qu'il marquait un effort significatif du pays, puisque le budget de la mission « Défense », hors pensions, augmentera de plus de 5 % et sera porté à 32 milliards d'euros, l'effort de défense étant maintenu à 2,3 % du PIB. Il a toutefois souligné que ce niveau de ressource serait atteint grâce à la mobilisation de recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,637 milliard d'euros, ces recettes conditionnant notamment l'effort consenti au profit des équipements.
Les crédits d'équipement progresseront de 10 %, passant de 15,4 à 17 milliards d'euros. Ils permettront de réaliser ou d'engager des commandes portant sur des équipements majeurs tels que le Rafale, l'hélicoptère Tigre, le VBCI, les Felin, les frégates européennes multi-missions (FREMM) et les frégates anti-aériennes Horizon, les sous-marins d'attaque Baraccuda et les avions de transport A400M. Des procédures accélérées d'acquisition de matériel, destinées à répondre aux besoins urgents des forces engagées dans des opérations de combat sur les théâtres d'opérations extérieurs, seront également mises en place. C'est dans ce cadre que seront livrés, dès le premier semestre 2009, 60 tourelles télé opérées pour véhicules de l'avant blindés, 50 cabines blindées pour les camions de transport, 135 brouilleurs et 250 kits d'intégration destinés à la lutte contre les engins explosifs improvisés.
Le projet de budget traduira également la priorité accordée à la préparation opérationnelle des forces. Les crédits prévus pour l'entraînement et l'entretien programmé des matériels permettront de maintenir à un niveau satisfaisant le volume des activités nécessaires à la préparation opérationnelle de nos forces, les objectifs annuels restant cohérents avec les standards OTAN. Toutefois, dans une logique d'entraînement différencié, les unités désignées pour s'engager en opérations extérieures bénéficieront d'un effort supplémentaire destiné à compléter leur préparation de base. S'agissant des carburants opérationnels, la dotation prévue pour 2009 progressera de près de 30 %, pour atteindre 456 millions d'euros. Elle permettra la couverture des objectifs d'activité sur la base d'un baril à 75 dollars. Si le coût moyen du baril atteignait 85 dollars, le surcoût financier serait de l'ordre de 90 millions d'euros et nécessiterait un complément de ressources en gestion.
La provision pour les opérations extérieures augmentera de 50 millions d'euros, pour atteindre 510 millions d'euros, soit 60 % du montant des surcoûts prévus pour 2008, estimés à 833 millions d'euros. Ces surcoûts pourraient se maintenir durablement à un niveau élevé, les dépenses augmentant avec le degré de violence et l'intensité des opérations qui sont les caractéristiques de nos engagements actuels.
Enfin, le projet de budget permettra la mise en oeuvre d'un plan d'accompagnement des restructurations et la poursuite de l'effort d'amélioration de la condition du personnel grâce à la diminution de la masse salariale qui résulte de la suppression nette de 8 250 emplois.
En conclusion, le général d'armée Jean-Louis Georgelin a insisté sur trois points méritant une attention toute particulière.
Il a mentionné en premier lieu les conditions de déroulement de la gestion 2008, en précisant que les risques pesant sur les ressources et leur emploi dépassaient 2 milliards d'euros, le ministère de la défense attendant notamment à l'occasion du collectif budgétaire de fin d'année le remboursement des surcoûts liés aux opérations extérieures et au prix des carburants, ainsi que le financement complémentaire du programme FREMM. Il a estimé que, seule, une exécution budgétaire 2008 équilibrée pouvait garantir durablement la cohérence de la programmation à venir et d'atteindre les objectifs du Livre blanc.
Il a également souligné que la mise à disposition en temps voulu et au niveau annoncé des ressources exceptionnelles provenant de cessions immobilières et de cessions de fréquences était une condition essentielle du financement de la réforme.
Enfin, il a rappelé que le budget 2009 prévoyait la suppression nette de 8 250 emplois qui conditionnait les marges financières indispensables à la conduite des réformes. Il a estimé que pour préserver notre capacité opérationnelle, il faudrait veiller à répartir cette réduction d'emplois sur l'ensemble de la pyramide des grades, grâce à des mesures adaptées d'accompagnement et de reclassement dans la fonction publique. Il a souligné le risque qu'il y aurait à réduire le flux de recrutement au-dessous du niveau programmé, qui garantit le maintien d'une armée jeune, capable de remplir son contrat opérationnel dans un contexte marqué par un engagement physique de plus en plus exigeant. Il a aussi rappelé l'importance du plan d'accompagnement des restructurations, véritable clef de voûte des réformes en cours.
a interrogé le chef d'état-major des armées sur les perspectives de budgétisation plus complète des opérations extérieures, la provision prévue pour 2009, bien qu'en augmentation, ne représentant que 60 % du surcoût prévisible. Il a souhaité savoir dans quelle mesure et dans quels délais les déflations d'effectifs engagées dès 2009 pourraient se traduire par une marge financière utilisable sur d'autres postes budgétaires. Il a également demandé des précisions sur les incidences, en termes d'âge moyen des militaires, de cette réduction programmée des effectifs.
s'est interrogé sur les possibilités de réduire les coûts de maintien en condition opérationnelle. Evoquant le programme Rafale, il a souhaité savoir si les premiers bénéfices de l'arrivée dans les armées d'un appareil polyvalent commun à l'armée de l'air et à la marine commençaient à se faire sentir. Il s'est inquiété des glissements observés dans le déroulement des programmes d'hélicoptères, qu'il s'agisse du NH90 ou de la rénovation des Cougar, en se demandant s'il n'en résulterait pas une dégradation supplémentaire de nos capacités opérationnelles, déjà insuffisantes. Il a également évoqué la révision du programme FREMM, qui ne comporte plus qu'11 frégates au lieu des 17 initialement envisagées. Il a demandé quelles seraient les conséquences d'une telle réduction pour notre flotte de surface et les missions qui pourront lui être confiées.
a demandé s'il était envisageable de réduire notre niveau d'engagement sur certains théâtres extérieurs au cours des prochains mois. Il a évoqué les incidences de la réorganisation du renseignement sur l'évolution des capacités propres aux armées. Il a souhaité des précisions sur l'état d'avancement du programme Felin et, de manière plus générale, sur les glissements calendaires intervenus en 2008 en matière de commandes et de livraisons.
a relevé que l'utilité des drones sur les théâtres d'opération était souvent soulignée. Il a souhaité connaître l'appréciation du chef d'état-major des armées sur l'état actuel des capacités françaises dans ce domaine, compte tenu des retards enregistrés ces dernières années dans les programmes de drones, sur les lacunes constatées et sur l'éventualité d'acquisitions complémentaires « sur étagères ». Il a par ailleurs évoqué la lutte contre la piraterie maritime, notamment au large de la Corne de l'Afrique.
s'est félicité des mesures prises pour renforcer la protection de nos forces sur les théâtres d'opération où elles sont le plus exposées, notamment l'Afghanistan. Il a estimé qu'au-delà de ces moyens défensifs, il était indispensable d'améliorer nos capacités dans les domaines du renseignement et de la mobilité, ce qui exigerait de disposer de moyens supplémentaires en matière de drones et d'hélicoptères. Il a par ailleurs observé, citant l'exemple du Rafale, que le degré de sophistication de certains de nos équipements allait très au-delà des exigences, plus « rustiques », d'engagements comme celui d'Afghanistan.
En réponse à ces interventions, le général d'armée Jean-Louis Georgelin a apporté les précisions suivantes :
- c'est au sein de l'actuelle loi de programmation qu'a été créée une ligne budgétaire spécifique pour financer les surcoûts des opérations extérieures ; initialement dotée de 24 millions d'euros seulement, elle atteindra 510 millions d'euros en 2009 ; il est prévu de porter en 2010 cette dotation à 570 millions d'euros, les 60 millions d'euros supplémentaires étant répartis entre 30 millions d'euros inscrits au budget de la défense et 30 millions d'euros provenant d'un financement interministériel ;
- le surcoût annuel des opérations d'Afghanistan représente 236 millions d'euros et celui de notre déploiement au Tchad 230 millions d'euros, opération Epervier comprise ;
- bien que le Livre blanc ait tenté de formaliser sept principes directeurs devant présider aux décisions d'engagement des forces, il apparaît que c'est toujours sous la pression des évènements que se décident les opérations extérieures ; celles auxquelles la France participe sont actuellement au nombre de 29, mais 85 % des effectifs engagés se concentrent sur cinq opérations seulement (Afghanistan, Kosovo, Liban, Tchad et Côte d'Ivoire) ;
- on peut raisonnablement penser que la situation sur le terrain permettra dans les mois à venir de réduire notre présence sur certains théâtres comme la Côte d'Ivoire ; mais il s'agit avant tout d'une décision politique qui obéit à des considérations diplomatiques tout autant que militaires ;
- contrairement à certains commentaires sur les incidents d'Afghanistan, nos forces sont parfaitement entraînées et préparées en vue de leurs engagements extérieurs ; l'équipement peut toujours être amélioré, mais le caractère opérationnel de nos matériels ne saurait être mis en cause ; à titre d'exemple, il n'existe pas, selon lui, de matériel allié qui ait résisté à des attaques par engins explosifs improvisés ;
- les forces françaises agissent en Afghanistan dans le cadre d'une coalition ; lors des opérations, nos troupes au sol font appel à des matériels fournis par des nations alliées, qu'il s'agisse par exemple de drones ou d'hélicoptères ; le volume des équipements doit donc être examiné dans le cadre global de la coalition, et non dans un cadre strictement national ;
- l'envoi en Afghanistan du système de drones tactique intérimaire (SDTI) de l'armée de terre a été décidé ; il en ira de même, dès lors que la procédure de mise en service opérationnelle aura été accélérée, sans doute d'ici au mois de décembre, pour le système intérimaire de drone MALE (SIDM) de l'armée de l'air ; des drones de reconnaissance au contact (DRAC) seront également déployés ; il serait pour autant illusoire de penser que l'emploi plus systématique de drones suffirait à éliminer tout risque pour les troupes engagées au sol ;
- le référentiel de programmation prévoira une enveloppe de l'ordre d'1,1 milliard d'euros consacrée aux programmes de drones ; l'efficacité plaiderait parfois pour l'achat « sur étagères » de certains modèles existants, mais il faut également tenir compte des considérations industrielles ;
- l'arrivée du Rafale doit permettre de considérer la flotte d'avions de combat comme un tout, indépendamment de l'armée de rattachement ; la gestion de cette flotte s'en trouvera simplifiée et les coûts de maintien en condition opérationnelle devraient en bénéficier ; en outre, l'acquisition d'avions polyvalents a permis de réduire globalement le nombre d'appareils ;
- la réduction de 17 à 11 du nombre de frégates FREMM est la résultante des arbitrages financiers qui ont été rendus sur le niveau global de notre effort de défense, sur l'équilibre entre les différentes fonctions stratégiques et sur les contrats opérationnels ; l'objectif retenu est cohérent avec le contrat opérationnel assigné à la marine ;
- nous avons actuellement 2 hélicoptères Caracal en Afghanistan ; nos capacités aéromobiles ont été renforcées par l'envoi d'un troisième Caracal et de 2 hélicoptères de combat Gazelle équipés de la camera de vision nocturne Viviane ;
- en matière d'hélicoptères, les capacités globales connaîtront un début de rétablissement progressif à compter de 2012 ; dans ce domaine, comme dans d'autres, des réductions temporaires de capacité par rapport aux objectifs du Livre blanc sont cependant à prévoir ;
- le programme Felin est extrêmement important pour l'armée de terre, car il doit améliorer la protection des fantassins tout en permettant l'extension de la numérisation de l'espace de bataille jusqu'au niveau des unités de contact ; la mise au point de cet équipement, fruit d'un difficile compromis entre mobilité et sécurité, a connu certaines difficultés ; l'armée de terre a reçu les premiers équipements qui seront expérimentés en Afghanistan ;
- la réorganisation du renseignement ne remet pas en cause le rôle spécifique de la direction du renseignement militaire (DRM) qui doit satisfaire le besoin du chef d'état-major des armées en matière de renseignement de théâtre là où nos forces sont engagées ; au-delà de ce rôle spécifique, la DRM participe, au même titre que les autres services de renseignement, à l'élaboration du renseignement national ; la mise en place d'un dispositif de coordination nationale ne pose de ce point de vue aucune difficulté ;
- il importe impérativement de préserver le flux de recrutement permettant de disposer d'une armée jeune ; à cet égard, il importe de veiller avec la plus grande vigilance à la pleine et entière adéquation entre la masse salariale et les effectifs. A ce titre, le calcul du glissement vieillesse technicité (GVT) actuellement retenu pourrait créer des difficultés ;
- les principaux décalages intervenus en 2008 concernent la réalisation des programmes Tigre, NH90 et A400M, ainsi que le lancement du programme VHM (véhicules haute mobilité).
a ensuite interrogé le général d'armée Jean-Louis Georgelin sur la situation en Afghanistan. Il lui a demandé si la nomination au commandement central américain, responsable du théâtre afghan, du général David Petraeus, maître d'oeuvre de la nouvelle stratégie américaine en Irak, pourrait avoir des incidences sur la conduite des opérations militaires. Relevant le rôle dominant des Etats-Unis dans la direction des opérations, il a également souhaité savoir si la réunion sous l'autorité d'un même général américain du commandement de la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), opérant pour le compte de l'OTAN, et du commandement de l'opération Enduring freedom, pouvait modifier, dans un sens ou dans un autre, les conditions de l'action militaire sur le terrain.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a souligné que le général Petraeus était pleinement conscient des fortes différences existant entre la situation afghane et celle de l'Irak, ce qui l'incitait à une grande prudence vis-à-vis de toute idée de transposition à l'Afghanistan des solutions mises en oeuvre en Irak. Il a d'autre part indiqué que l'administration américaine préparait actuellement une évaluation de la situation en Afghanistan. Il a souhaité que les alliés soient étroitement associés à cette évaluation, de manière à ce qu'il en résulte des conclusions partagées par les principaux contributeurs de la coalition.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a rappelé que les Etats-Unis représentaient à eux seuls 40 % du potentiel militaire sur le terrain, le Royaume-Uni représentant 16 % et la France, comme l'Allemagne, de l'ordre de 6 %. Il a également rappelé que l'armée américaine avait enregistré la perte de près de 600 hommes depuis le début du conflit, c'est-à-dire bien plus que d'autres partenaires de la coalition. Il a estimé que le rôle des Américains dans la conduite des opérations ne pouvait être dissocié du poids de leur contribution et que, quel que soit le vainqueur de l'élection présidentielle du 4 novembre, la prochaine administration demanderait certainement aux alliés européens une participation plus importante, notamment dans les secteurs présentant des risques.
S'agissant de la situation militaire, il a indiqué que les forces françaises avaient été confrontées à des adversaires plus nombreux et mieux organisés, dont l'armement restait cependant encore relativement modeste, notamment face aux moyens aériens de la coalition.
a évoqué les réactions de l'opinion publique face aux pertes enregistrées par l'armée française en Afghanistan et la nécessité de mieux expliquer la légitimité de notre action.
Le général d'armée Jean-Louis Georgelin a rappelé la notion de sacrifice qui était à la base de l'engagement de tout soldat. Mentionnant ses contacts avec les unités engagées en Afghanistan, notamment le 8e RPIMa, il s'est déclaré frappé par la détermination des militaires à mener à bien la mission qui leur a été confiée.
La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Michel Severino, directeur général de l'Agence française de Développement (AFD), sur le projet de loi de finances pour 2009 (Mission « Aide publique au développement »).
S'appuyant sur un diaporama, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé que l'Agence s'était vu assigner trois objectifs principaux : le soutien à la croissance, la lutte contre la pauvreté et les inégalités économiques et sociales, enfin la protection des biens publics mondiaux. L'examen de la répartition des engagements entre ces trois objectifs, respectivement de 42, 65 et 20 %, supérieure à 100 %, témoigne de leur étroite imbrication. Pour des raisons budgétaires, les instruments financiers sont prédominants au service de ces trois objectifs.
L'AFD est un établissement public, mais aussi une banque. Son cadre de gouvernance est clair ; il s'inscrit dans la stratégie de l'Etat au travers du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et de son cosecrétariat et de la conférence d'orientation stratégique et de programmation. Les différents ministères de tutelle ainsi que le Parlement sont représentés au sein du conseil d'administration qui valide les plans d'orientation stratégique quinquennaux, ainsi que les plans d'affaires annuels. Localement, les directeurs d'Agence sont nommés après avis de l'ambassadeur à qui sont soumis les cadres d'interventions par pays ainsi que les projets, à toutes les étapes de leur déroulement.
Le dispositif de coopération est modifié par la révision générale des politiques publiques.
L'intégration du ministère de la coopération au ministère des affaires étrangères est parachevée par la disparition de la direction générale de la coopération internationale et du développement au profit d'une direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, nouvel organe de tutelle qui aura délégué ses activités opérationnelles à des opérateurs : notamment Cultures France, un nouvel opérateur de mobilité et l'AFD dans les domaines du développement économique et social.
Le ministère des affaires étrangères conserve la mise en oeuvre des secteurs de la gouvernance (sécurité, Etat de droit) ainsi que l'enseignement supérieur et la recherche. L'AFD achève la reprise des assistants techniques dans les secteurs qui lui sont confiés.
a précisé que les discussions se poursuivaient sur la gouvernance de l'Agence dont les statuts devraient être examinés au niveau ministériel interministériel.
Evoquant ensuite la répartition géographique et sectorielle des engagements de l'AFD, il a indiqué que la solidarité nationale s'exerçait dans les départements et territoires d'outre-mer, la solidarité internationale dans les pays en développement et la régulation globale dans les pays émergents. Dans ces derniers pays, l'Agence a un mandat exclusivement environnemental de promotion de la biodiversité et de lutte contre le réchauffement climatique et contre les grandes endémies ; elle ne traite pas de la réduction des inégalités.
L'examen de la répartition géographique des engagements fait apparaître que l'Afrique sub-saharienne représente 63 % des coûts budgétaires, 45 % des engagements et 35 % des décaissements. Pour l'outre-mer, cette répartition est de 2 %, 15 % et 30 % ; pour la Méditerranée, elle est de 20 %, 25 % et 25 % ; elle est de 5%, 8 % et 5 % dans les pays de mandat environnemental, ce qui atteste de la jeunesse de ce portefeuille d'engagements.
Le mode de fonctionnement financier de l'Agence repose sur trois types de ressources :
- des actionnaires alimentent les fonds propres de Proparco et des fonds d'investissement, ceux de l'Agence ;
- l'Etat alloue des subventions reversées sous forme de dons, finance des bonifications d'intérêt directement ou via des comptes spéciaux du Trésor et les marchés obligataires permettent de lever de l'argent pour assurer la liquidité des activités de prêts ;
- les fonds propres sont le produit de l'accumulation des résultats. Le résultat annuel alimente les subventions, ainsi que le capital de Proparco.
a observé que le développement des activités de l'Agence s'était accompagné d'une stabilisation, et même d'une diminution du coût pour l'Etat. Ainsi en 2007, l'Agence avait une activité de 3,5 milliards d'euros pour un coût pour l'Etat proche de 900 millions d'euros, en 2008, l'activité représentait 4,2 milliards d'euros pour un coût identique en autorisations d'engagement, les crédits de paiement se réduisant. En 2009, en dépit de la diminution des ressources publiques, l'activité de l'Agence devrait s'établir à 5,1 milliards d'euros.
Evoquant le mode opératoire de l'Agence, M. Jean-Michel Severino a noté que la plupart des institutions de développement « recherchaient » des problèmes adaptés aux types de solutions qu'elles proposaient. La diversité des instruments dont dispose l'Agence lui permet a contrario de travailler avec les autorités locales à l'élaboration de solutions adaptées, qui combinent différents instruments. Cet atout rencontre une limite très forte avec l'évolution du budget des subventions.
L'Agence développe son activité auprès des acteurs publics émergents que sont les collectivités locales. Les pays en développement sont marqués par la croissance démographique, l'urbanisation et la décentralisation ; ce que les institutions de développement faisaient auparavant avec les Etats, elles le feront désormais avec les collectivités locales, que ce soit au nord où elles s'impliquent de façon croissante, comme au sud.
La mobilisation du secteur privé résulte à la fois d'un choix et d'une contrainte. Il faut souligner que le monde en développement est un monde en croissance. Proparco réalise ainsi 50 % de ses activités au sud du Sahara. L'Agence a développé de nouveaux instruments à destination des PME.
Les fondations et les organisations non gouvernementales sont les acteurs montants du développement, avec qui l'Agence développe des partenariats.
Evoquant ensuite les perspectives pour la période 2009-2011, M. Jean-Michel Severino a tout d'abord rappelé la forte croissance des activités de l'Agence, dont le volume est passé d'1,5 à 4,2 milliards d'euros entre 2001 et 2008. Pour l'Afrique sub-saharienne, les volumes sont passés de 350 millions d'euros à un milliard d'euros en 2008. Sur la même période, le volume des activités a décru en outre-mer et augmenté dans les Etats émergents. Sur la prochaine période, l'Agence devrait connaître une activité moyenne de 5,1 milliards d'euros par an. L'activité de Proparco et les activités non-concessionnelles devraient croître et l'activité sur subventions, enregistrer une diminution.
a rappelé que le Parlement se prononçait sur le coût pour l'Etat, des activités de l'Agence. On observe une forte contraction des subventions en 2009 en crédits de paiement, qui a conduit à limiter d'ores et déjà les engagements de 2008 à 230 millions d'euros.
Les montants 2009 ne permettront d'engager qu'un maximum de 130 millions d'euros d'autorisations d'engagement. L'impact de cette contraction est très précis ; il doit provoquer un débat et des arbitrages géographiques. Le maintien de partenariats et la nécessité du soutien aux zones de crise (Afghanistan, Territoires palestiniens, Haïti, Comores) ne devraient pas permettre de prendre de nouveaux engagements au sud du Sahara.
Les prévisions pour les années 2010 et 2011 sont marquées par une remontée des autorisations d'engagement et des crédits de paiement, mais doivent être observées avec prudence compte tenu de leur caractère indicatif.
L'activité des prêts concessionnels devrait en revanche continuer à croître.
a ensuite évoqué l'impact des engagements de l'Agence en 2007, qui ont notamment permis l'amélioration de l'accès à l'eau de 3,1 millions de personnes, la scolarisation de 4,7 millions d'enfants dans le primaire ou encore le raccordement de 22,5 millions de personnes à un réseau de télécommunications. L'initiative Afrique, lancée en 2008, devrait permettre de soutenir 2 000 entreprises et de créer quelque 300 000 emplois.
En matière environnementale, les engagements de l'Agence ont notamment permis d'économiser 2,7 millions de tonnes de CO2 par an, soit l'équivalent du retrait de la circulation d'un million de voitures françaises.
En conclusion, M. Jean-Michel Severino a souligné que l'augmentation du volume des activités de l'Agence s'était accompagnée d'une hausse de la productivité de ses agents, avec une limitation des charges pour l'Etat, le compte d'exploitation de l'Agence dont le premier poste est la masse salariale ayant crû de façon très modique. Le dividende versé à l'Etat par l'Agence alimente l'APD.
Il a considéré que la politique française de coopération était à un tournant.
Celle-ci s'inscrit dans un paysage très éclaté : sur le continent africain, les situations de crise, au Darfour, au Tchad, au Niger contrastent avec des situations de forte croissance, comme en Ouganda ou au Burkina-Faso. La croissance économique moyenne ne devrait pas se ralentir.
En matière alimentaire, l'Afrique a de quoi se nourrir elle-même et devenir contributeur net dans les approvisionnements mondiaux, à cette condition que les prix restent rémunérateurs pour les paysans.
Ces données impliquent une modification de la stratégie : l'aide au développement ne ressortit plus à un registre compassionnel. Elle doit faire face à une grande variété de défis simultanés et doit avoir des objectifs et des instruments plus diversifiés. L'Agence s'efforce d'apporter une réponse efficace, mais il faut être conscient que la baisse des subventions ne permettra pas d'être actif sur les terrains de la santé et de l'éducation. Il s'agit d'un choix de politique à débattre. L'Agence ne peut pas servir ces objectifs par des financements alternatifs.
s'est interrogé sur la visibilité de l'action de l'Agence lorsqu'elle intervient sur prêts.
a souligné la nécessité d'un accompagnement des engagements par des actions de communication. Dans certains cas, l'implication des ambassades est très forte ; dans d'autres, l'AFD est en première ligne, alors qu'elle a plutôt une tradition de discrétion. Elle s'est engagée dans une augmentation des dépenses de communication et dans la mise en place d'attachés de communication à vocation régionale.
a salué le travail accompli par l'AFD. Mettant en parallèle les sommes dégagées pour le traitement de la crise financière et celles mises au service de la solidarité internationale à l'approche de l'échéance de 2015, il a estimé que la baisse des subventions de l'Etat remettait en cause le travail accompli jusqu'à présent. Il a souhaité des précisions sur le niveau des subventions en 2008 et 2009, ainsi que des éléments sur les procédures de contrôle des fonds.
a souligné la grande motivation et la flexibilité des collaborateurs de l'Agence, plus attachés à l'objectif final poursuivi qu'aux modalités empruntées pour l'atteindre.
Revenant sur les trois programmes de la mission « Aide publique au développement », il a indiqué que les autorisations d'engagement du programme 110 « aide économique et financière au développement » baissaient de 40 % en l'absence de reconstitution de grands fonds multilatéraux en 2009.
A l'intérieur de cette enveloppe, l'AFD enregistre une petite croissance des moyens qui lui sont alloués, qui passent de 318 à 327 millions d'euros. Les aides budgétaires globales en particulier passent de 10 à 40 millions d'euros.
Pour le programme 209, les subventions-projets de l'AFD diminuent de 320 à 134 millions d'euros, soit une baisse de 58 %. Cette baisse permet d'honorer les engagements antérieurs.
Le programme 301 passe de 60 à 26 millions d'euros. Une convention a été conclue par le ministère de l'immigration avec l'AFD pour la mise en oeuvre d'une partie des engagements.
Il faut souligner plusieurs éléments d'incertitude qui tiennent notamment à la conclusion d'un contrat de désendettement et développement en Côte d'Ivoire ainsi qu'au niveau du résultat de l'AFD, lequel dépend également des provisions que l'AFD sera amenée à passer.
Le contrôle des fonds est un sujet fondamental. L'Agence travaille dans un monde défini par la faiblesse des interlocuteurs et par un problème de corruption.
Une surveillance très précise a par conséquent été mise en place : tous les appels d'offres sont soumis au contrôle de l'Agence, l'exécution est supervisée et une vérification physique de la réalisation des projets est opérée. Chaque opération donne lieu à un rapport d'évaluation final. En outre, un quart des opérations sont évaluées ex post entre 5 et 10 ans après leur achèvement.
Un service d'inspection contrôle les services et toutes les agences sont visitées tous les quatre ans. Le service d'audit est présent sur toutes les opérations.
Enfin, l'AFD est soumise au contrôle de la Cour des comptes, de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des Affaires étrangères. Un récent rapport approfondi de la Cour des comptes a d'ailleurs conclu de façon très positive pour l'Agence.
s'est interrogé sur la prévision de dividende 2009, sur l'efficacité relative au service du développement de la Banque mondiale, de l'Union européenne et des Nations unies, ainsi que sur l'Union pour la Méditerranée.
a indiqué qu'après deux années exceptionnelles, marquées par des reprises de provisions, le dividende 2009 devrait s'élever à 150 millions d'euros. Des reversements de provisions sur les encours souverains, dont le montant est négocié forfaitairement avec le ministère des finances, pourraient avoir lieu si la Côte d'Ivoire passe en Club de Paris.
Les Nations unies ont une activité spécifique d'action humanitaire et de gestion de crise remarquable et irremplaçable. Pour le reste, les interventions sont très éparses et difficiles à apprécier au regard d'un objectif de croissance.
La Banque mondiale reste « La Mecque » du financement du développement, avec 40 milliards de dollars d'engagement en 2008. C'est une machine très efficace au service du développement et de la croissance. Elle rencontre plus de difficultés dans la gestion de crise et le transfert de compétences et dans cette une institution, dominée par les modes de pensée anglo-saxons, la France, 4e actionnaire, a du mal à faire entendre sa voix.
L'Union européenne alloue 8 milliards d'euros par an de subventions. Elle est très présente dans les domaines de l'urgence et des infrastructures économiques, ce qui est une bonne spécialisation. Les attentes sont peut-être trop fortes à son égard et elle déçoit sur le terrain politique.
L'Union pour la Méditerranée a une légitimité politique extraordinaire. L'AFD est le plus gros financeur public de la région après la BEI. Le renforcement du dialogue politique et la promotion d'initiatives communes sont indispensables. Après le coup d'envoi politique, nous sommes dans une phase un peu atone, dans la mesure où il revient au secrétariat, en cours de constitution, de porter les projets. Depuis la reprise du projet par l'Union européenne, une structure ad hoc au sein de la commission européenne suit son avancement.
a souhaité des précisions sur la gouvernance de l'Agence et son évolution.
a indiqué que la direction générale de la mondialisation aurait pour vocation d'être une direction d'état-major qui n'interviendrait pas dans l'opérationnel, mais dans l'élaboration de la stratégie et l'exercice de la tutelle sur les opérateurs. Ce principe souffre trois exceptions et « demie » :
- l'enseignement supérieur et la recherche restent de la compétence de la nouvelle direction générale, qui est en discussion avec l'opérateur de mobilité pour une délégation ;
- le secteur de la gouvernance serait scindé ; la sécurité serait gérée par la direction de la coopération militaire, le reste étant géré par une structure spécifique qui serait opératrice ;
- la coopération décentralisée reste du domaine de la nouvelle direction générale.
A mi-chemin, la coopération avec les ONG fait l'objet d'une délégation de crédits spécifiques à l'AFD selon des modalités ad hoc.
A M. Jean Faure qui l'interrogeait sur les effectifs de l'Agence, M. Jean- Michel Severino a précisé que l'Agence employait 1 300 collaborateurs. 700 personnes sont en outre affectées aux instituts d'émissions.
40 % sont dans les pays en développement, 60 % au siège.
40 % sont affectées à des fonctions support ; 60 % aux opérations.
Pour ce qui concerne la gouvernance de l'Agence, le président du conseil d'administration est M. Pierre-André Wiltzer. Un débat a eu lieu lors du processus de la révision générale des politiques publiques pour examiner la possibilité, pour le secrétaire d'Etat à la coopération, d'assurer la présidence du conseil d'administration. Le Conseil d'Etat a rendu un avis négatif sur le fondement de l'article 23 de la Constitution relatif aux incompatibilités ministérielles.
Le débat sur une éventuelle modification de l'architecture juridique se poursuit.
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition du général Stéphane Abrial, chef d'état-major de l'armée de l'air, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Défense »).
Le général Stéphane Abrial a tout d'abord souligné l'importance de l'année 2008, marquée par la fin de l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008, et la préparation de la prochaine LPM (2009-2014).
Il a rappelé la diversité des contributions de l'armée de l'air au service des autorités politiques et militaires, comme des citoyens.
Puis il a souligné que l'armée de l'air intervenait sur l'ensemble des théâtres d'opération où sont impliquées les forces françaises. Il a précisé que la posture permanente de sûreté impliquait le maintien en alerte permanente de douze avions de chasse sur six bases, et jusqu'à quatre patrouilles constituées de deux hélicoptères. Par ailleurs, depuis octobre 1964, des avions équipés d'armement nucléaire sont prêts à décoller si nos intérêts vitaux venaient à être menacés.
Le général Stéphane Abrial a ensuite rappelé que l'armée de l'air était également engagée à l'étranger, en particulier en Afrique depuis une trentaine d'années. Cinq avions de transport sont ainsi basés au Tchad et en Côte d'Ivoire, et six avions de chasse, soutenus par un ravitailleur sont au Tchad et peuvent intervenir dans toute l'Afrique centrale.
Puis il a rappelé les événements tragiques du 18 août dernier qui ont mis en lumière l'engagement de l'armée de l'air en Afghanistan : ainsi, les hélicoptères Caracal ont acheminé renforts, secours et équipements pendant la majeure partie des combats dans la vallée d'Uzbeen, tout en évacuant les victimes. L'activité en Asie centrale est très soutenue, avec des Rafale et Mirage 2000 D basés à Kandahar, qui accomplissent quotidiennement des missions de renseignement, de protection de convois, de surveillance de zones et d'itinéraires, ou de démonstration de force, et si nécessaire, d'attaques d'objectifs désignés par les troupes de coalition placées sous le feu ennemi.
Il a fait valoir que les équipages de transport assuraient un flux logistique indispensable pour la fourniture en matériels et denrées des unités françaises présentes en Afghanistan. Il s'est félicité de ce qu'un nombre limité d'hommes puisse mettre en oeuvre une dizaine d'appareils capables d'intervenir sur un théâtre étendu ; ainsi, avec une empreinte au sol réduite à moins de cinq cents personnes, il est possible de faire valoir l'influence de la France sur l'ensemble d'une région, en s'appuyant sur une seule base. Ce sont ainsi quelque trois mille cinq cents aviateurs qui servent hors de métropole, et mettent en oeuvre environ quatre-vingts appareils divers : avions de chasse et de transport, hélicoptères, ravitailleurs.
Cette efficacité en opérations, a-t-il souligné, s'explique largement par la réalisation des priorités fixées par l'armée de l'air dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008. Le taux d'exécution budgétaire de la LPM, au travers des lois de finances successives, est de l'ordre de 99 %. Ce résultat ne doit cependant pas masquer une certaine faiblesse du volume d'autorisations d'engagement durant la période 2003-2007, qui a conduit à retarder la modernisation de certaines flottes.
Le général Stéphane Abrial a rappelé que les marges de manoeuvre sur les programmes de l'armée de l'air étaient aujourd'hui réduites, du fait des mesures déjà prises lors des arbitrages budgétaires précédents, du caractère inéluctable des dépenses à venir ou des engagements liés aux programmes développés dans le cadre de la construction européenne.
Ainsi a-t-il constaté que des incertitudes pesaient sur la fin de gestion de l'année 2008. Pour l'armée de l'air, le plafonnement des engagements se traduira probablement par une limitation des commandes passées en 2008 aux environs de 1,9 million d'euros, alors que le montant initial était de 2,2 millions d'euros. Il a donc estimé nécessaire d'assurer, pour la fin 2008, une sortie de gestion à l'équilibre du programme 146, tout en préservant le montant fixé des engagements. En cas contraire, le général Abrial a exprimé la crainte que la future LPM ne soit fragilisée avant même son vote, alors qu'elle constitue le premier pas essentiel vers le modèle de défense établi par le Livre blanc.
Il a estimé qu'il était nécessaire de repenser, de manière globale, le traitement en gestion des aléas financiers du ministère de la défense, et notamment la prise en compte des surcoûts OPEX et du carburant opérationnel, car la sollicitation des crédits consacrés à l'équipement pour financer ces surcoûts n'est pas satisfaisante.
Le général Stéphane Abrial a rappelé que le Livre blanc définissait précisément le format de l'armée de l'air pour les années à venir : ainsi, la composante aérienne de combat sera modernisée, pour disposer d'un parc homogène de trois cents avions de combat de type Rafale et Mirage 2000 D, dont deux cent soixante-dix en ligne. Elle assurera la mise en oeuvre de la composante aéroportée de dissuasion, avec deux escadrons nucléaires, et une capacité de ravitaillement associée. Une infrastructure radar adaptée, qui comprendra des avions radars AWACS et des avions radar de la marine, sera affectée à la surveillance et au contrôle du territoire national. Enfin, la flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprendra une quinzaine d'appareils de type MRTT (Multi role transport tanker) et environ soixante-dix avions de transport.
Il a constaté qu'en matière de combat aérien, des matériels russes de quatrième génération, très performants et polyvalents, comme le SU 30, s'exportent de plus en plus vers de grandes puissances comme la Chine ou l'Inde, voire des puissances régionales comme l'Éthiopie, ou l'Algérie qui disposera à terme d'une trentaine d'exemplaires ravitaillables en vol.
Il a estimé que le fait, pour la France, de disposer d'avions plus efficaces, mais en nombre réduit, permet de réaliser des gains significatifs dans le domaine de la logistique, que ce soit dans le volume de mécaniciens nécessaires pour les entretenir ou dans l'achat de pièces de rechange, par exemple.
L'élaboration du format réduit de l'armée de l'air répond ainsi à la polyvalence des vecteurs, permettant de réaliser des économies d'échelle, sans diminuer les performances. En cas de crise, il ne sera donc plus nécessaire de projeter différents types d'avions spécialisés chacun dans une seule mission : une seule flotte suffira, dont la panoplie d'emport ou la cargaison pourront varier. La chaîne logistique en sera ainsi simplifiée.
Abordant ensuite le projet de loi de finances 2009, le général Abrial a estimé que les moyens alloués évoluaient en cohérence avec les décisions du comité de modernisation des politiques publiques, et mettaient en oeuvre plusieurs priorités du Livre blanc. Ainsi, le renouvellement des radars de détection haute et moyenne altitude, la contractualisation du soutien et des outils de formation de l'A 400 M, la commande globale de soixante Rafale, le lancement de l'opération de mise à niveau des M 2000 D et la rénovation mi-vie des avions radars AWACS sont prévus pour 2009.
Le général Stéphane Abrial a souligné l'importance d'obtenir les ressources permettant de remettre à niveau la flotte de Mirage 2000 D, tandis que la commande des Rafale assurera la modernisation des capacités. Il a rappelé que cet avion avait démontré ses excellentes performances opérationnelles lors des deux campagnes de quatre mois effectuées en Afghanistan en 2007 et 2008, ainsi que lors des exercices internationaux de grande ampleur organisés en Europe, au Moyen-Orient ou aux Etats-Unis.
Le général Stéphane Abrial a précisé qu'une nouvelle version du Rafale était qualifiée depuis le 1er juillet 2008 : ce standard « F 3 » ajoute aux capacités initiales la possibilité de tir du missile nucléaire stratégique ASMPA (Air-sol moyenne portée améliorée), du missile antinavire AM39, et celle de reconnaissance avec la nacelle Reco NG. C'est ce nouveau standard qui caractérise les avions sortant d'usine ; le rétro fit des appareils déjà livrés en standard F 2 vers le standard F 3 a déjà débuté et se poursuivra jusqu'en 2010.
Fin 2008, le deuxième escadron Rafale débutera sa transformation sur la base aérienne de Saint-Dizier. Les nouvelles capacités du standard F 3, hors ASMPA, devraient être déclarées opérationnelles en 2009, et il faudra attendre mi-2010 pour la capacité nucléaire.
Il a déploré qu'en raison de nombreux décalages dus aux régulations financières récurrentes, seuls, quarante-deux avions aient été livrés à l'armée de l'air au lieu des cinquante-sept prévus ; mais une commande intermédiaire de huit appareils est prévue fin 2008, et la prochaine commande globale de soixante avions est inscrite au PLF 2009.
Ces commandes sont indispensables pour que l'armée de l'air soit en mesure de remplir les contrats opérationnels qui lui ont été fixés, et que soit maintenue la cadence de production, paramètre capital pour la qualité des matériels.
La situation pour l'aviation de transport peut également être améliorée. L'A 400 M est destiné à remplacer la flotte de transport tactique des Transall C 160 et Hercules C 130 ; il doit également assurer un complément à la capacité de ravitaillement en vol de théâtre. Cinquante avions ont été commandés par la France.
Le général Stéphane Abrial a fait valoir que le respect des nouveaux contrats, dans ce contexte, est de plus en plus difficile ; ainsi, l'armée de l'air doit être capable de projeter en cinq jours à 7/8 000 km une force de réaction immédiate (FRI) composée de deux mille deux cents hommes et de trois mille quatre cents tonnes de matériel. La projection de la totalité des personnels est possible, mais seulement celle d'un tiers du matériel prévu. Dans l'attente de l'arrivée de l'A 400 M, ce chiffre va décroître, avec la poursuite du retrait du service du C 160. Il faut donc espérer que la plupart des difficultés liées au développement de cet avion vont pouvoir être rapidement levées par l'industriel. La première livraison accuse déjà un an de retard, et des solutions intermédiaires sont étudiées pour maintenir les capacités et permettre d'assurer un flux logistique entre les troupes déployées et la métropole.
Cette problématique, a-t-il souligné, est étroitement liée à celle de l'avion multi role transport tanker (MRTT). Ainsi, les 14 MRTT nécessaires remplaceront 19 appareils : la flotte de C 135, dont les plus vieux exemplaires ont été construits en 1962, ainsi que les trois A 310 et les deux A 340.
Le général Stéphane Abrial a déclaré que tout décalage de ce programme ferait peser un risque croissant de rupture des capacités stratégiques de ravitaillement en vol et d'évacuation sanitaire.
Puis il a évoqué l'intérêt des drones, qui, couplés à un avion de chasse, forment une combinaison redoutable. Il a cité l'exemple d'un Mirage 2000 D ayant frappé de nuit, avec une bombe guidée laser, des insurgés afghans profitant de l'obscurité pour poser un dispositif explosif improvisé ; ils avaient été repérés grâce aux capteurs infrarouges d'un drone.
Ainsi, s'est-il félicité que le programme de drone MALE SIDM - Système Intérimaire de Drone MALE - contractualisé avec la société EADS en août 2001 pour l'acquisition et le soutien d'un système de trois drones et de deux stations de contrôle au sol, arrive enfin à terme, après cinq années de retard dues aux difficultés rencontrées par l'industriel. Ce système intérimaire est conçu pour offrir une première capacité de surveillance et de désignation d'objectif. A l'horizon 2015, il doit être remplacé par un système de drone MALE plus évolué.
Il a rappelé que la livraison officielle à l'armée de l'air du SIDM sera réalisée ce mois-ci à Mont-de-Marsan. Le théâtre afghan devrait permettre à ce système d'évoluer dès début 2009. Des négociations sont en cours avec EADS pour l'acquisition d'une plateforme supplémentaire, et la contractualisation d'un maintien en condition opérationnelle (MCO) couvrant une activité opérationnelle jusqu'en 2016.
Il a souligné que la modernisation des équipements était indispensable, mais qu'elle devait s'accompagner d'un entraînement soutenu qui requiert la disponibilité des matériels. Soulignant que les efforts faits dans le domaine du MCO, le général Abrial a rappelé les récentes réformes menées dans le soutien aéronautique, avec la création de structures comme la SIMMAD (structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels aériens de la défense) en 2000, le commandement du soutien des forces aériennes en 2006, le SIAé (Service industriel de l'aéronautique) début 2008 permettant de disposer d'une véritable expertise aéronautique étatique qu'il importe de préserver pour conserver un niveau de connaissance technique face aux industriels, orienter l'activité en fonction des priorités opérationnelles ou encore pour garder un savoir-faire pour les flottes anciennes.
Ces réformes ont permis de stabiliser la disponibilité, qui atteint 95 % sur les théâtres extérieurs. En revanche, le taux de disponibilité en métropole reste de l'ordre de 60 % depuis trois ans. Ce niveau, a-t-il déploré, est tout juste suffisant pour assurer sereinement la préparation des forces. De plus, malgré une forte contraction du format des flottes et le maintien des niveaux actuels des crédits de MCO dans la prochaine LPM, la disponibilité ne devrait pas progresser. On constate, en effet, une dérive des coûts de rechange et de tarification des prestations industrielles pour les flottes d'aéronefs, qu'elles soient anciennes ou récentes, et le besoin financier augmente significativement pour certains matériels d'information et de communication aéronautiques ou sol-air ; enfin, la restauration et le maintien à niveau des stocks de rechanges, dont la situation continue de se dégrader, nécessiteront probablement un effort financier supplémentaire.
Le général Stéphane Abrial a rappelé que les efforts de productivité ne touchaient pas seulement le domaine du soutien aéronautique, mais également les implantations, avec la suppression, durant les quatre ans à venir, de huit bases aériennes. De trente-sept bases en métropole aujourd'hui, ce nombre devrait tomber à vingt-neuf en 2012. Les bases restantes seront densifiées et le nombre moyen d'avions y passera de trente à quarante.
Les effectifs vont être réduits, avec le départ de quinze mille neuf cents personnes en six ans ; ainsi en 2014, l'armée de l'air devrait comprendre cinquante mille hommes, ce qui correspond à une diminution de 25 % au regard des effectifs actuels ; ainsi, le nombre moyen d'aviateurs par base passera de mille six cents à deux mille personnes.
Le général Stéphane Abrial a rappelé que le plan « AIR 2010 », décidé dès 2000 par les autorités de l'armée de l'air, avait permis d'anticiper sur ces réformes nécessaires en modernisant des structures devenues très complexes. L'armée de l'air est ainsi passée d'une logique de segmentation du territoire et des responsabilités à une logique de cohérence globale et de décentralisation.
Il a précisé que le plan de restructuration du ministère de la défense et de l'armée de l'air s'accompagnait de l'optimisation de l'administration générale et du soutien commun : un commandant interarmées du soutien est ainsi créé, ainsi que des bases de défense. Les bases aériennes transfèreront ainsi leurs attributions en matière d'administration générale et de soutien au groupement de soutien des bases de défense, et se recentreront sur leurs missions opérationnelles et de préparation des forces.
Ce transfert sera progressif. Il débutera en 2009 avec l'expérimentation de onze bases de défense, dont quatre commandées par des aviateurs, à Creil, Avord, Nancy et Djibouti. Le personnel a bien accepté la réforme, basée sur trois axes : la modernisation des équipements, l'amélioration des conditions de travail et l'amélioration des conditions de vie.
Le général Stéphane Abrial a souligné que l'accompagnement humain de la réforme était d'une importance capitale, car l'adhésion des hommes est primordiale à sa réussite. Les efforts demandés aux personnels sont très importants, suscitant en retour de fortes attentes. Les personnels souhaitent obtenir des informations concrètes sur les modalités de mise en oeuvre des restructurations et leur impact humain, les mesures d'accompagnement social, la gestion des ressources humaines des bases amenées à fermer, et des spécialités les plus touchées.
A ces inquiétudes s'ajoutent des préoccupations récurrentes sur la baisse du pouvoir d'achat, le matériel vieillissant et l'impact de la mobilité sur la vie familiale. Le général Abrial a estimé que le personnel avait le sentiment que les avancées dans ces domaines étaient rares, d'où une certaine lassitude.
Pour le personnel civil, l'absence de carrière et la stagnation des rémunérations constituent les principaux sujets de préoccupation. L'ensemble du personnel attend donc des améliorations, considérées comme un juste retour de la Nation au regard de son dévouement et des sacrifices consentis, notamment sur le plan familial.
A l'issue de l'exposé du chef d'état-major, un débat s'est ouvert au sein de la commission.
a relevé qu'un récent rapport de la commission des finances du Sénat soulignait que le taux de disponibilité des aéronefs de l'armée française était comparable à celui observé au Royaume Uni ou en Allemagne, ce qui constituait un motif de satisfaction. En revanche, il s'est inquiété des coûts de maintien en condition opérationnelle (MCO) des nouveaux matériels, qui apparaissent bien supérieurs à celui des matériels plus anciens, même en phase d'obsolescence. Il a souhaité savoir, par ailleurs, pourquoi, lors d'un déplacement effectué en Afghanistan, en 2006, il avait constaté qu'il était nécessaire de mobiliser deux avions : un Rafale et un Mirage, pour pouvoir frapper un groupe d'insurgés.
a relevé la satisfaction exprimée par le Général Abrial en matière de financement des matériels, mais a souligné les frustrations qu'il avait décrites au sein des personnels ; or, a-t-il constaté, les futures déflations d'effectifs prévues par le plan de restructuration seront de nature à les accroître. Il a donc souhaité savoir si des mesures nécessaires d'accompagnement seront rapidement mises en place au profit de ces personnels. Il a également souligné combien la gestion financière de la fin 2008 serait déterminante pour ouvrir sur une année 2009 équilibrée. Puis il s'est ému de la croissance, apparemment inéluctable, des coûts du MCO, et s'est interrogé sur son origine : s'agit-il d'un manque de fiabilité des matériels, ou ceux-ci ont-ils été conçus sans réelle adaptation à leurs missions ? Il s'est, par ailleurs, félicité de ce que l'arrivée, en nombre croissant, des Rafale au sein de l'armée de l'air, aboutisse à constituer une flotte de combat homogène. Il a souhaité savoir si un projet d'exportation de cet appareil vers les Emirats arabes unis serait conditionné à la reprise, par la France, de la flotte émiratie de Mirage 2000-9. Evoquant le théâtre afghan, il s'est interrogé sur l'adaptation d'un avion aussi élaboré que le Rafale aux types de combat qui y sont menés. Puis il a déploré que les avions de transport et de ravitaillement en fonction dans l'armée de l'air n'aient toujours pas été renouvelés par des A400M et des A330-MRTT (Multi Role Transport Tanker), et a souhaité connaître le calendrier de ce futur renouvellement.
a rappelé que le système héliporté Horizon, comme le DC8 Sarigue, avaient dû être abandonnés du fait de leur coût d'entretien trop élevé, et s'est inquiété de l'abandon éventuel d'autres appareils pour les mêmes motifs. Plus largement, il a souhaité savoir quels moyens pouvaient être utilisés pour juguler les augmentations importantes du coût du MCO des nouveaux équipements. Evoquant ensuite la situation des personnels amenés à rejoindre de nouvelles affectations du fait du plan de restructuration des bases, il s'est interrogé sur l'existence de dispositifs spécifiques, de nature à atténuer les difficultés qui en résulteront.
En réponse, le général Stéphane Abrial a apporté les précisions suivantes :
- la priorité en matière d'entretien est donnée aux matériels employés en OPEX ou affectés à la dissuasion ; pour ces deux missions, le taux de disponibilité se monte, tous appareils confondus, à 95 %. En contrepartie, la disponibilité de la flotte affectée à l'entraînement est de 60 %, chiffre qui constitue un seuil indispensable à une bonne préparation des forces ; ces deux taux soutiennent favorablement les comparaisons avec les pays étrangers ;
- il est indéniable que les coûts du MCO sont à la hausse, en dépit de la réduction des flottes. Cette croissance persistante découle d'une augmentation du coût de la main d'oeuvre et des matières premières, et de la situation des armées, qui sont souvent dans une position de client captif face aux industriels ;
- la création du SIAé (Service industriel de l'aéronautique) a pour but de maîtriser ces coûts grâce à un personnel très bien formé, capable d'expertiser les prix proposés par les industriels pour la réparation de pièces, comme de les réparer eux-mêmes pour un coût très réduit au regard de celui d'une pièce neuve ;
- les industriels ne sont, en effet, pas intéressés par la maintenance des matériels en fin de vie ; il convient donc que le SIAé se saisisse, très en amont, des matériels neufs comme l'A400M pour en maîtriser les spécificités ;
- des coûts élevés accompagnent la mise en service de matériels neufs, comme l'hélicoptère Caracal, ou l'avion Rafale, mais baissent avec leur mise en oeuvre : ainsi l'heure de maintenance d'un Mirage 2000 vieux de 25 ans s'élève à 11 000 €, alors que l'heure de maintenance d'un Rafale, beaucoup plus récent, est descendue à 13 000 € ; le programme Horizon n'appartient pas à l'armée de l'air, quant au DC8 - SARIGUE, il a effectivement été abandonné du fait du coût élevé de sa maintenance ; il n'existe actuellement pas de nouveaux projets d'abandon du fait du MCO.
- l'entrée en fin de vie des avions de combat mono-mission va permettre de constituer une flotte composée de deux seuls types d'appareil : les Mirage 2000 D rénovés et les Rafale, avec les avantages qui en découleront ;
- s'agissant du Rafale, des négociations sont en cours avec le constructeur Dassault pour la conclusion de contrats globaux portant à la fois sur l'achat et la maintenance des appareils. Ces contrats, qui doivent être encore validés par le ministère des finances, porteraient sur un MCO assuré par l'industriel durant cinq ans, éventuellement renouvelables, et produirait 20 % d'économie au regard de la situation actuelle. Il faut rappeler que les avions de combat d'aujourd'hui ont une durée de vie estimée à 40 ans, soit le double de la génération antérieure ;
- trois types de Rafale ont été successivement produits : le premier type dit « F1 », affecté à la marine, n'était doté que de la seule capacité de défense aérienne ; le type F2, livré d'entrée à l'armée de l'air, était plus évolué et intégrait les fonctions d'attaque au sol, et le type F3, sera pleinement polyvalent, ce qui le distinguera nettement de l'avion de combat possédé par les autres pays européens. Le Rafale dispose d'atouts spécifiques, avec des capteurs adaptés à ses missions, la liaison 16, qui lui garantit une bonne intégration dans les réseaux, l'armement AASM (armement air-sol modulaire) lui permettant de tirer simultanément six bombes sur six objectifs différents ; il possèdera bientôt la capacité autonome de lancer une bombe guidée laser : il s'agit donc d'un système d'arme en constante amélioration. Le premier appareil au standard F3 a été livré en septembre 2008 et l'ensemble de la flotte déjà livré sera porté à ce niveau d'ici début 2010 ;
- en l'absence d'une capacité autonome du Rafale, comme c'était le cas en 2006, l'illumination laser de la cible devait être effectuée par un autre appareil ; cependant la contrainte était faible, car les missions aériennes sont toujours assurées par au moins deux avions de combat ;
- les Emirats arabes unis possèdent une flotte récente de Mirage 2000-9, appareil qui peut être comparé au 2000-D ; il n'y a pas de projet de reprise de ces appareils au sein de l'armée de l'air française ;
- les flottes de transport et de ravitaillement, composées de Transall, effectuant des transports tactiques, et de C-135, affectés au ravitaillement en vol, doivent impérativement être rapidement renouvelées, ne serait-ce qu'en raison des coûts élevés entraînés par le maintien aux normes de l'aviation civile. La récente annulation, par les Etats-Unis d'Amérique, du contrat portant sur l'achat d'Airbus A330 MRTT a privé l'armée de l'air française de la possibilité de profiter de cette commande globale. A l'heure actuelle, il n'y a plus de calendrier précis de livraison de l'A400M, ce qui entraîne une importante difficulté de gestion du potentiel restreint des Transall. Le contexte budgétaire très contraint n'offre pas les marges de manoeuvre nécessaires aux solutions palliatives consistant soit en échanges de prestations entre pays européens, soit en acquisition d'un ou deux A330 pour le transport stratégique et de quelques CASA 235 pour le transport tactique. La France participe certes au programme SALIS (strategic airlift interim solution), mis en place par l'OTAN, permettant la location d'heures de vol d'avions à long rayon d'action, mais la capacité ainsi offerte reste insuffisante ;
- le personnel de l'armée de l'air comprend, accepte et adhère à la réforme en cours, mais le calendrier des annonces, qui s'étale depuis l'été 2007, suscite une légitime attente de mesures d'accompagnement. Le ministre de la défense doit rendre publics prochainement des dispositifs spécifiques portant sur des facilités d'achat et de vente de biens immobiliers, d'amélioration des possibilités de travail pour les conjoints ainsi que sur des aides au départ et à la reconversion.
Puis, M. Didier Boulaud a souhaité avoir confirmation que seule la version F3 du Rafale était proposée à l'exportation.
s'est interrogé sur les potentialités présentées par les pays du sud-est asiatique.
En réponse, le général Stéphane Abrial a apporté les précisions suivantes :
- les pays aujourd'hui intéressés par le Rafale sont : la Suisse, la Grèce, les Emirats Arabes Unis, le Brésil et la Libye. Après les échecs constatés en Corée du Sud, puis à Singapour, il ne semble pas y avoir de prospect dans la zone Asie-Pacifique ;
- la société Airbus, dont la compétence en matière de construction d'avion de transport civil est reconnue, découvre les problèmes spécifiques au transport militaire ; la mise au point du moteur, qui sera le plus gros turbo propulseur au monde, dont est chargé un consortium européen, se heurte à des difficultés techniques, aggravées par l'impossibilité actuelle de faire voler l'avion qui doit expérimenter ce moteur en conditions réelles. De plus, le logiciel de régulation du moteur et de l'hélice nécessite encore une mise au point ;
- deux solutions avaient été envisagées pour la construction de ce moteur : soit le développement, par la firme canadienne Pratt and Whitney, d'un moteur existant, soit la réalisation d'un moteur d'un nouveau type par un consortium européen ; c'est cette dernière solution qui a été acceptée par l'entreprise EADS, confrontée aujourd'hui à de multiples difficultés.
a annoncé son intention d'engager avec la commission des finances une mission de contrôle commune sur l'ensemble des problèmes rencontrés par la mise au point de l'A400M. Puis il a évoqué une mission récente effectuée en Turquie, et s'est enquis des modalités d'autorisation, par ce pays, de l'utilisation de son espace aérien par des avions français se rendant en Afghanistan.
En réponse, le général Stéphane Abrial a précisé que ces autorisations devaient être sollicitées au cas par cas, et se heurtaient souvent à des lourdeurs de procédure ; néanmoins aucun refus n'a été enregistré jusqu'à présent.
Puis la commission a procédé à l'audition de l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine.
L'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, a tout d'abord brossé le tableau des activités opérationnelles de la marine au cours de l'année 2008.
Sur le plan des opérations militaires, celle-ci a en premier lieu assuré la tenue de la posture de dissuasion sans discontinuité par les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Le désarmement de « l'Inflexible », la mise à l'eau du SNLE/NG le « Terrible » et les premiers essais du missile balistique M51 marquent un renforcement de l'homogénéité de la composante sous-marine de la dissuasion.
La force aéronavale nucléaire, après une mise en sommeil liée à l'indisponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle, remontera en puissance en 2009. Ses capacités s'élargiront à l'avenir avec l'arrivée du Rafale au standard F3 et du missile ASMP-A.
La marine est restée très présente dans l'arc de crise de l'Atlantique à l'Océan Indien défini par le Livre blanc.
Au nord de l'Océan Indien, elle a participé, en étroite coopération avec les forces alliées, à la lutte contre le terrorisme et à la sécurisation des routes maritimes stratégiques. Avec au minimum deux bâtiments et un avion de patrouille maritime engagés en permanence dans l'opération « Enduring Freedom », la France est le deuxième contributeur naval de la zone.
Dans la zone du Golfe d'Aden, le dispositif mis en place a permis de répondre à la recrudescence des actes de piraterie que ce soit pour des actions de libération d'otages ou pour l'accompagnement de navires français et européens, ainsi que des navires du Programme Alimentaire Mondial.
Un groupe amphibie, déployé en mer de Chine, a participé à l'action humanitaire engagée au profit de la Birmanie.
Pendant l'indisponibilité du porte-avions, trois Super Etendard Modernisés ont été engagés en Afghanistan cet été.
La marine maintient également la présence de bâtiments dans le Golfe de Guinée et au large du Liban, tandis qu'un aéronef de patrouille maritime participe aux opérations conduites au Tchad.
Enfin, l'aptitude à coopérer avec les marines alliées s'est particulièrement illustrée par la participation à la phase de qualification du groupe aéronaval « Théodore Roosevelt » avec une frégate, un sous-marin nucléaire d'attaque, 2 Hawkeye et 6 Rafale opérant à partir du porte-avions américain.
En parallèle des opérations proprement militaires, la marine a poursuivi ses missions de surveillance des zones maritimes sur toutes les mers du globe. 35 navires sont quotidiennement à la mer, dont 28 sont déployés à plus de 300 nautiques de leur port d'attache. En moyenne, 4 aéronefs de patrouille ou surveillance maritime opèrent sur des théâtres extérieurs. Toutes ces unités participent à la fonction « Connaissance et anticipation »
La sauvegarde maritime constitue une part important de l'activité opérationnelle de la marine.
Dans la lutte contre l'exploitation illicite des espaces maritimes, elle apporte ses capacités de surveillance et d'intervention en haute mer et accompagne la montée en puissance des agences européennes tout en veillant à ne pas sectoriser les moyens par domaine de responsabilité de chaque agence. Elle a ainsi coopéré étroitement avec l'agence européenne FRONTEX dans des opérations « coup de poing » au profit d'Etats membres confrontés à l'immigration par voie de mer. Cependant, l'action en haute mer se heurte à des problèmes de juridiction.
Sur nos côtes, l'immigration clandestine par voie maritime concerne particulièrement la Guadeloupe et Mayotte. Sur cette île, la marine exploite les trois radars de veille et a intercepté depuis le début de l'année une vingtaine de navires avec plus de 500 migrants et passeurs.
Dans le domaine de la lutte contre le narco-trafic, plusieurs opérations ont été menées dans les Caraïbes, en Atlantique et Méditerranée. Depuis le 1er janvier 2008, la marine a intercepté en haute mer près de 11 tonnes de produits illicites et 15 navires ou embarcations.
La marine participe également à la lutte contre la pêche illicite, à la lutte contre la pollution et aux opérations de recherche et de sauvetage, ainsi qu'aux plans « Vigipirate » et « Vigimer ».
Le chef d'état-major de la marine a précisé que la disponibilité fluctuante des moyens aéromaritimes avait souvent un impact sur l'efficacité de ces opérations et le respect du contrat opérationnel de la marine. Le vieillissement des parcs d'hélicoptères obère son aptitude à projeter ses frégates avec des aéronefs fiables et à tenir ses alertes pour le service public. Les difficultés récurrentes sur nos 2 seules frégates de défense aérienne ont entraîné la rupture du contrat opérationnel de « projection d'un groupe amphibie » pendant trois mois fin 2007 alors qu'elles en constituent l'escorte principale.
L'amiral Pierre-François Forissier a néanmoins souligné que le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments était passé de 65 % en 2004 à 73 % en 2007, et qu'il devrait se maintenir au dessus de 70 % en 2008. La réorganisation du maintien en condition opérationnelle s'est traduite par une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires sur les résultats.
Il a précisé que le service de soutien de la flotte renouvelait actuellement les premiers contrats de disponibilité globale, des marchés de maintenance ayant été engagés pour les sous-marins pour un montant de 340 millions d'euros et un marché d'environ 100 millions d'euros devant être passé d'ici la fin de l'année pour l'entretien des frégates.
En revanche, après une amélioration régulière jusqu'à la fin de l'été 2007, le taux de disponibilité des matériels de l'aéronautique navale a diminué de près de 10 % sur un an, du fait de l'insuffisance des rechanges, de l'âge moyen du parc et de la perte de compétences techniques, et de façon conjoncturelle, de la concentration des opérations d'entretien des aéronefs embarqués sur la période d'indisponibilité du porte-avions.
En ce qui concerne les coûts pétroliers, leur forte augmentation a nécessité d'adapter l'activité des forces tout en puisant dans les stocks. Les bâtiments auront passé, sur l'année, environ 90 jours en mer. L'activité des aéronefs est en réduction de 9 % par rapport aux objectifs initiaux, en raison surtout de leur moindre disponibilité. Un complément de ressources est attendu d'ici la fin de l'année pour assurer les activités prévues dans les prochains mois compte tenu des délais de livraison des produits pétroliers.
Sur le plan des équipements, sept avions Rafale au standard F2 seront livrés en 2008. La livraison de la première frégate de défense aérienne type Horizon, le « Forbin », reste suspendue aux essais menés le mois prochain sur la mise au point du système de combat. La construction du 4è SNLE-NG « Le Terrible » se poursuit de manière nominale. Enfin, le développement et l'acquisition de nouvelles torpilles pour sous-marins ont été lancés.
L'amiral Pierre-François Forissier a ensuite évoqué les principales caractéristiques, pour la marine, du projet de budget pour 2009.
Au titre du programme « Préparation et emploi des forces », dont l'action « préparation des forces navales » regroupe 91 % du personnel de la marine, il a insisté sur le caractère sans précédent d'une réforme qui diminuerait les effectifs de 12 % en 6 ans. Il a souligné que la contribution de la marine aux réductions d'effectifs irait bien au-delà des préconisations de la révision générale des politiques publiques, tout en considérant qu'un tel effort serait sans doute bénéfique à long terme en imposant dans tous les domaines la recherche de l'organisation la plus efficace et de l'optimisation des moyens. Il a précisé qu'entre 2008 et 2015, les effectifs globaux de la marine passeraient de 50 000 à 44 000 personnels (37 000 marins et 7 000 civils), soit une déflation de 4 800 militaires et 1 200 civils, à un rythme moyen annuel de 800 personnes.
Il a ajouté qu'il faudrait veiller, au cours de cette période, à l'équilibre entre la fidélisation des compétences, notamment dans les spécialités critiques, le pilotage des départs, un recrutement permettant de maintenir la jeunesse des équipages et une adaptation des pyramides des grades satisfaisante.
Il a ensuite indiqué qu'en 2009, la réduction des effectifs civils et militaires concernerait 834 postes alors que fin 2008, la marine serait en sous-effectifs de près de 500 personnes parce que les objectifs de recrutement en officiers mariniers n'ont pas été atteints. Il a précisé qu'en dépit de plusieurs mesures de revalorisation salariales et catégorielles, le volume des crédits de rémunération diminuerait de 3 %, ce qui rendait fragile l'équilibre financier du titre 2. Il a en effet estimé que tout accroissement des charges ou des contraintes budgétaires risquerait d'imposer des réductions d'effectifs supplémentaires et de pénaliser des recrutements indispensables au maintien de la jeunesse de nos marins.
S'agissant des autres actions du programme, le chef d'état-major de la marine a précisé que 25 % des crédits alloués au fonctionnement des forces iraient aux produits pétroliers, la dotation ayant été calculée en vue de réaliser 90 % de la norme d'activité prévue pour les bâtiments de surface et aéronefs. Cette dotation ne permettra pas de reconstituer le niveau des stocks.
Les crédits consacrés à l'entretien des équipements seront en nette augmentation et s'élèveront à 1,305 milliard d'euros en autorisations d'engagement (+ 20 %) et 1,209 milliard d'euros en crédits de paiement (+ 8 %). Ils correspondent aux besoins de la force océanique stratégique (FOST), mais il n'en sera pas de même pour les forces conventionnelles, dont le maintien en condition opérationnelle sera contraint d'environ 10 % en 2009 et le restera vraisemblablement au cours des prochaines années, au vu des travaux préparatoires de la loi de programmation militaire.
De manière à contrecarrer cette tendance, des mesures d'économie vont être prises. Certains patrouilleurs, bâtiments de transport léger et bâtiments ateliers seront donc retirés du service dès 2009. La préservation des capacités d'action de l'état en mer et de protection des approches maritimes sera assurée par les avisos déclassés en patrouilleurs de haute mer après l'abandon de certaines capacités militaires.
Pour l'aéronautique navale, l'envolée des prix du maintien en condition opérationnelle est surtout liée au coût d'utilisation du Rafale et à l'augmentation du coût des rechanges pour les aéronefs déjà en service. En 2009, l'amélioration de la disponibilité dépendra du niveau des stocks de rechanges alors qu'il n'est plus possible de régénérer la totalité des potentiels consommés. Cette situation critique compromet le maintien des compétences aéronautiques.
En ce qui concerne le programme « Equipement des forces », les opérations d'équipements de la marine seront dotées de 5,979 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 47 %) et de 2,584 milliards d'euros en crédits de paiements (+ 10 %).
Des négociations ont été menées avec les industriels de façon à obtenir de leur part la poursuite des programmes déjà engagés tout en diminuant la pression financière par des ralentissements de cadence et des étalements de paiement.
Dans le domaine de la dissuasion, le 4e SNLE-NG « Le Terrible » sera présenté aux essais début 2009.
Pour le second porte-avions, le report de la décision de lancement en 2011-2012 nécessitera de poursuivre les études, notamment sur son mode de propulsion.
Les commandes concerneront un deuxième sous-marin Barracuda, 3 frégates FREMM, dont 2 de défense aérienne, 9 avions Rafale et 150 missiles de croisière naval, dont 50 pour sous-marins.
En 2009, la deuxième frégate Horizon, 2 avions Rafale et 50 nouvelles torpilles MU 90 devraient être livrés.
Toutefois, le ralentissement important des commandes intervenu en 2008 crée un risque de décalage de certains programmes sur les années ultérieures.
Au titre du programme « Soutien de la politique de défense », les dotations inscrites dans le projet de loi de finances pour 2009 ne couvriront qu'une faible part du besoin de financement des opérations d'infrastructure. Celui-ci doit provenir à environ 80 % des ventes d'implantations libérées par la réorganisation des armées, la mise à disposition rapide du produit de ces cessions étant donc essentielle à la poursuite de ces opérations. Cette situation est particulièrement préoccupante pour la marine qui est la seule armée en charge de l'outil industriel nécessaire à la mise en oeuvre et à la maintenance de ses équipements, notamment des quais, des bassins ou des grues.
L'amiral Pierre-François Forissier a souligné qu'une part importante des dépenses d'infrastructure, telles que celles liées aux aménagements portuaires et aux pyrotechnies, contribuaient au maintien de la disponibilité des forces, et devaient voir leur financement garanti. La réfection des installations de l'Île Longue lui a paru à cet égard prioritaire.
Au-delà de cette particularité, il a attiré l'attention de la commission sur certains points de fragilité pour la marine.
Il a estimé que les dotations pour les dépenses de fonctionnement et la maintenance des équipements étaient extrêmement contraintes, eu égard à l'accroissement important des coûts et au vieillissement des matériels.
Il a également évoqué les incertitudes liées à la fin de la gestion 2008, à savoir le traitement des crédits mis en réserve, le remboursement des surcoûts des opérations extérieures, le financement complémentaire attendu sur le programme FREMM, qui représente 420 millions d'euros, et la compensation de la hausse des prix des produits pétroliers.
En conclusion, l'amiral Pierre-François Forissier a souligné la dualité de la marine nationale, à la fois armée de mer et contributeur majeur à l'action de l'Etat en mer. Il a rappelé que les missions ressortissant à la sécurité, à la protection de l'environnement ou au contrôle des flux migratoires étaient financées sur le budget de la mission défense. Il s'est demandé si cette situation était bien conforme à la logique de finalité et de mission qui a inspiré la loi organique relative aux lois de finances et s'il ne faudrait pas mettre en place d'autres sources de financement pour les activités de la marine ne relevant pas de la mission défense. Il a indiqué qu'une telle solution pourrait notamment faciliter l'accès à des crédits provenant d'agences européennes.
A la suite de cet exposé, M. André Dulait a souhaité savoir si la marine, qui avait fortement accru la proportion des personnels civils en son sein après la professionnalisation, allait effectuer un traitement différencié des personnels civils et des personnels militaires dans les déflations d'effectifs prévues à compter de 2009.
L'amiral Pierre-François Forissier a répondu que par rapport aux personnels militaires, l'âge moyen des personnels civils de la marine était relativement élevé. Beaucoup d'entre eux ont rejoint la marine lors des restructurations des arsenaux, il y a une dizaine d'années. Du fait de la pyramide des âges, la réduction des effectifs civils s'effectuera naturellement, mais il sera dans le même temps nécessaire de recruter des civils pour certaines spécialités, comme la maintenance aéronautique.
L'amiral Pierre-François Forissier a également précisé qu'au vu de l'expérience, la marine avait reconsidéré la nature des emplois proposés aux personnels civils. Ils avaient été affectés en grand nombre sur des postes précédemment occupés par des appelés du contingent, mais il est apparu que les fonctions occupées ne leur ouvraient pas de perspectives de carrière conformes à leurs aspirations. Aussi la marine s'est-elle orientée vers une mixité plus affirmée, entre civils et militaires, pour les postes à responsabilité situés à terre.
a demandé des précisions sur les enjeux et le déroulement du programme Barracuda, dont les conditions de réalisation n'avaient été que peu affectées par les conclusions du Livre blanc. Il s'est par ailleurs inquiété de la situation du parc d'hélicoptères de la marine et des retards pris dans son renouvellement, du fait des difficultés de mise au point de la version navale du NH90. Il a demandé si des solutions palliatives étaient envisagées.
L'amiral Pierre-François Forissier a rappelé que les sous-marins nucléaires d'attaque de type « Rubis », dont le premier exemplaire avait été admis au service actif en 1983, avaient été initialement conçus pour une durée de vie de 25 ans. Le lancement du programme Barracuda, préparé de longue date, a pris un retard important, mais il est apparu entre temps que le maintien en service des chaufferies nucléaires des sous-marins de type « Rubis » pouvait être prolongé d'une dizaine d'années. Même en tenant compte d'une telle possibilité de prolongation, la construction des premiers sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) Barracuda ne peut plus être différée.
L'amiral Pierre-François Forissier a indiqué que les sous-marins nucléaires d'attaque constituaient un élément fondamental pour la sécurisation des zones de déploiement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et jouaient ainsi un rôle majeur dans l'exercice de la dissuasion et le maintien d'une permanence à la mer d'un SNLE. Précisant que la réduction de 10 à 9 du nombre d'équipages de SNA au début de la décennie avait entraîné d'importantes difficultés, il a estimé que l'entretien de 10 équipages était nécessaire pour assurer de manière satisfaisante le soutien de la composante sous-marine de la dissuasion. Il a en outre indiqué que ce format imposait le maintien de 6 bâtiments.
En ce qui concerne les hélicoptères, l'amiral Pierre-François Forissier a précisé que l'impératif le plus urgent était de remplacer les Super Frelon intervenant dans les missions de sauvetage en mer. Il a indiqué avoir proposé à Eurocopter de livrer au plus vite des hélicoptères NH90 équipés des capacités minimales équivalentes à celles du Super Frelon, c'est-à-dire aptes au vol stationnaire de nuit, en pilotage automatique et par mauvaises conditions météorologiques. Un premier appareil pourrait être livré dès 2009 et trois autres en 2010, indépendamment de la résolution des difficultés affectant actuellement la mise au point du NH90 naval doté de ses pleines capacités. Par ailleurs, en cas d'incident imposant l'arrêt des vols de Super Frelon, une solution transitoire de secours pourrait être mise en oeuvre, soit par recours à l'hélicoptère Caracal, soit par location de machines.
évoquant la diminution de la cible du programme FREMM, s'est interrogé sur les raisons et les conséquences de l'abandon de la version « action vers la terre ». Il s'est également inquiété des conséquences, pour la marine, d'une réduction de la prochaine commande de Rafale, actuellement prévue à hauteur de 60 appareils.
a souhaité savoir si des mesures étaient envisagées pour compenser l'abandon de la construction de 6 FREMM, par exemple le renforcement des capacités des frégates de type « La Fayette ». Il a également demandé si l'armée de terre était en mesure de fournir des hélicoptères à bord des bâtiments de projection et de commandement (BPC).
a réclamé des précisions sur les actions de lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d'Aden.
a demandé s'il était possible de chiffrer le coût pour la marine des missions de service public. Il s'est interrogé sur les raisons du désarmement de 2 chasseurs de mines, alors que les mines datant de la seconde guerre mondiale continuent de constituer un danger pour nos approches maritimes. Il a demandé des précisions sur le dispositif appelé à remplacer le groupe école Jeanne-d'Arc et sur les perspectives de la coopération franco-britannique après le report du projet de second porte-avions.
a insisté sur l'importance du programme Barracuda pour le renouvellement de nos SNA. Il s'est d'autre part interrogé sur les raisons de la relative inefficacité de la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte.
s'est demandé si la révision générale des politiques publiques n'allait pas aggraver les difficultés rencontrées par la marine. Il s'est également interrogé sur l'avenir de la coopération franco-britannique en matière navale.
a évoqué l'intervention de la marine dans la surveillance de l'immigration clandestine. Il s'est demandé si les moyens étaient suffisants pour faire face à un phénomène risquant de s'amplifier dans les années à venir. Il a également demandé des précisions sur l'évolution du trafic d'armes par voie maritime.
En réponse à ces interventions, l'amiral Pierre-François Forissier, chef d'état-major de la marine, a apporté les précisions suivantes :
- la lutte contre l'immigration illicite par voie de mer doit être conduite au plus près des zones de départ, ce qui implique la coopération des pays concernés ; une telle coopération a été mise en place entre l'Espagne et le Sénégal, la marine espagnole étant autorisée à intervenir dans les eaux territoriales sénégalaises ; dès lors que les embarcations quittent les eaux territoriales, elles peuvent naviguer librement et les autorités françaises considèrent que, compte tenu de la législation française, il n'y a pas d'autre solution, en raison des dangers encourus, que de secourir les passagers qui deviennent des naufragés ;
- le trafic d'armes par voie maritime existe, mais il représente aujourd'hui une part marginale des trafics illicites en mer ; il s'agit cependant d'une priorité pour la marine américaine dans l'océan indien ;
- une forte dynamique s'est engagée en matière de lutte contre la piraterie maritime dans le golfe d'Aden ; l'un des obstacles à une plus forte coopération internationale résulte cependant des grandes disparités juridiques entre Etats, y compris en Europe ;
- la coopération très étroite avec les Britanniques engagée sur le projet de porte-avions a déjà porté plusieurs fruits, nonobstant l'ajournement du lancement de la construction du bâtiment ; un travail très approfondi a été mené en commun, par exemple dans le domaine de la formation ;
- si la France a réduit à 11 le nombre de FREMM qu'elle souhaite commander, il est important pour l'équilibre économique du programme que les 17 frégates initialement envisagées soient construites ; une frégate supplémentaire est déjà prévue à l'exportation pour le Maroc ; d'autres pays sont également intéressés ;
- le nombre de frégates FREMM en version « action vers la terre » avait déjà été réduit avec la décision de transformer deux d'entre elles en frégates de défense aérienne, suite à la réduction de la cible du programme « Horizon » ; l'abandon de cette version ne signifie pas un renoncement à la capacité « action vers la terre » ; les études en cours semblent montrer que pour un coût raisonnable, les frégates anti-sous-marine pourraient diriger le tir du missile de croisière naval, ce qu'elle ne pouvaient pas faire directement dans la version initiale ;
- le BPC est un moyen de projection interarmées qui a bien entendu vocation à transporter les hélicoptères de l'armée de terre ; celle-ci a d'ailleurs co-rédigé avec la marine le concept des opérations amphibies ;
- l'arrivée du Rafale est indispensable pour la marine en vue de remplacer les Super Etendard à l'horizon 2015 ; les exemplaires de l'armée de l'air et de la marine sont réalisés séparément, les exemplaires destinés à la marine étant dotés de certains équipements très spécifiques, comme les trains d'atterrissage. La gestion de la production en type et en cadence devra être appréhendée finement. La marine et l'armée de l'air étudient conjointement cette question.
- la mise en oeuvre de la comptabilité analytique permettra de chiffrer précisément les dépenses exposées par la marine pour ses missions de service public ;
- la décision de désarmer deux chasseurs de mines, motivée par les coûts d'entretien particulièrement élevés de ces bâtiments, facilitera la maintenance des autres chasseurs de mines.
Puis la commission a procédé à l'audition du général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2009 (mission « Défense »).
Le général Elrick Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, a tout d'abord estimé que le projet de loi de finances pour 2009 était globalement satisfaisant. Il a souligné le caractère indispensable de la réorganisation de grande ampleur dans laquelle l'armée de terre s'est engagée depuis la rentrée 2008. Laisser perdurer des dysfonctionnements clairement identifiés aurait signifié l'acceptation d'un « inexorable déclassement militaire ».
L'enjeu de la réforme engagée consiste, à enveloppe budgétaire durablement contrainte, à retrouver des marges de manoeuvre pour assurer le financement et le soutien des équipements et améliorer la condition militaire.
Elle s'inscrit dans le prolongement de la période de professionnalisation (1996-2002), dont il faut rappeler quelques caractéristiques pour comprendre les problématiques actuelles.
Avec un peu plus de 230 000 militaires avant la professionnalisation, l'armée de terre pesait ce que pèsent aujourd'hui les trois armées. Mais la réduction de l'encadrement qui aurait dû s'ensuivre fut incomplète, faute d'un dispositif d'accompagnement suffisamment ambitieux ; le taux d'encadrement de l'armée de terre est donc passé de 32 à 48 %, ce qui était certes comparable aux armées occidentales équivalentes, mais avec un pyramidage imparfait.
La réorganisation territoriale a été très substantielle, mais elle s'est accompagnée, dans une logique d'aménagement du territoire, du maintien d'un maillage géographique important en « dé-densifiant » un certain nombre de garnisons, voire certains régiments. Ces quelques dysfonctionnements étaient sans doute inévitables pour faire accepter, puis mener et, in fine, réussir la professionnalisation.
Le général Elrick Irastorza a ensuite indiqué que la masse salariale de l'armée de terre (pensions comprises) s'élevait à 7,5 milliards d'euros, soit 81 % du budget du budget opérationnel de programme (BOP) Terre, que le fonctionnement courant représentait, avec 800 millions d'euros, dont 23 de ressources exceptionnelles, un peu plus de 10 % de cette masse, tandis que l'entraînement, le coeur de métier, ne représentait que 75 millions d'euros, soit 1 % de la masse salariale, ce qui constituait, en revanche, un plancher.
Il a souligné qu'une fois les salaires payés, le principal poste de dépense du BOP Terre était l'entretien programmé des matériels (EPM) avec 604 millions d'euros, soit 340 millions d'euros pour l'EPM des matériels terrestres et 264 millions d'euros pour l'EPM des hélicoptères, ce qui marque bien l'effort soutenu consenti depuis quelques années dans ce domaine. Mais avec 7 régiments sur 99 (les 4 régiments de chars Leclerc et les 3 régiments d'hélicoptères de combat) qui consomment 60 % de ces crédits, l'inflation des coûts devient de plus en plus préoccupante.
Il a souligné l'absence de marges de manoeuvre, sauf à diminuer l'entraînement, et donc la nécessité d'en retrouver. Il a souhaité aborder la réorganisation, l'évolution des ressources humaines, les équipements, la préparation opérationnelle de l'armée de terre et, en dernier lieu, la programmation à venir.
Le général Elrick Irastorza a rappelé que l'été 2008 avait été difficile pour l'armée de terre au travers de trois évènements.
Le drame de Carcassonne, tout d'abord, a mis en lumière des dysfonctionnements dans la gestion des munitions et des manquements impardonnables aux règles les plus élémentaires de sécurité. Il a assuré que l'armée de terre assumait collectivement ses responsabilités et en tirerait toutes les conséquences, notamment en matière de contrôle des munitions, mais il a jugé impératif que les officiers puissent disposer des prérogatives légales leur permettant de prévenir ce type de dysfonctionnement.
L'annonce des restructurations a ensuite déchaîné passions et inquiétudes dans la population, chez les élus, mais aussi chez certains militaires tout autant attachés à leur ville qu'à leur régiment.
Enfin, la mort de dix militaires, en Afghanistan, dans la vallée d'Uzbin a rappelé à nos concitoyens, parfois dans les rangs mêmes de l'armée, que les vocables trompeurs d'opérations d'aide au retour à la paix, de stabilisation ou de normalisation pouvaient recouvrir de véritables opérations de guerre. Une fois choisi ce métier, on ne choisit plus ses missions. Il a aussi rappelé que toute opération militaire comportait un volet médiatique qui allait bien au-delà de la simple relation des faits et devenait partie intégrante du conflit, fut-ce au prix de dommages collatéraux pour les familles et les soldats en opérations ou en préparation opérationnelle. Il a considéré qu'après cette période difficile, le temps n'était plus aux doutes et aux atermoiements, mais à l'action : chaque officier en situation de commandement, des généraux aux chefs de corps, a reçu sa feuille de route pour la conduite du changement.
Le général Elrick Irastorza a souligné que la nouvelle organisation retenue n'avait qu'une ambition : donner à l'armée de terre les moyens humains et techniques d'emporter la décision là où elle sera engagée, le plus souvent en coalition, européenne notamment. Conformément aux directives du Livre blanc, les forces terrestres projetables représenteront 88 000 hommes, organisées en 8 brigades interarmes (2 de décision, 4 multi-rôles et 2 d'engagement d'urgence), soutenues par 3 brigades spécialisées dans le renseignement, le soutien logistique, les transmissions et l'appui au commandement. Il convient d'y ajouter les forces spéciales et les unités d'hélicoptères.
Le plan de restructuration engagé par l'armée de terre poursuit trois objectifs : améliorer le caractère opérationnel de l'outil de défense en regroupant les unités qui doivent s'entraîner ensemble (brigades de renseignement, forces spéciales), rationaliser un déploiement aujourd'hui très dispersé par la mise en place des bases de défense, mutualiser les soutiens courants. Cette réorganisation se traduira, à l'horizon 2012, par la dissolution de 18 régiments, l'abandon de 30 garnisons et la réorganisation de la totalité des formations restantes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Le général Elrick Irastorza a noté que les coûts liés aux restructurations, tout comme ceux liés à l'application de politiques gouvernementales jugées prioritaires (plan égalité des chances, développement durable...) seraient en principe couverts par l'apport de ressources exceptionnelles, à hauteur de 23 millions d'euros pour le budget opérationnel de programme Terre et à plus de 63 % des ressources du programme 212.
Le général Elrick Irastorza a ensuite évoqué la réorganisation des ressources humaines qui concernera près de 50 000 personnes militaires et civiles, 15 000 conjoints et 28 000 enfants sur la période 2008-2014. L'armée de terre perdra environ 3 600 personnes par an (2 800 militaires et 800 civils). A l'issue de ce processus, ses effectifs reviendront à 121 000 hommes, soit une réduction de 24 450 militaires et civils.
Pour gérer cette diminution des effectifs, l'armée de terre dispose de trois leviers : les non-recrutements, les non-renouvellements de contrat et les départs volontaires et naturels. Elle privilégie les deux derniers, en espérant que, dans une conjoncture difficile, le nombre de départs sera conforme à ses prévisions grâce à la mise en place des mesures d'incitation et d'accompagnement. A cet égard, le général Irastorza a souligné l'importance d'une mise en oeuvre du dispositif des pécules dès le début de 2009 pour en tirer d'emblée un maximum d'effet. Enfin, si les mécanismes d'intégration dans les fonctions publiques du personnel militaire souhaitant y poursuivre leur vie professionnelle ne fonctionnent pas bien, l'armée de terre aura du mal à tenir ses objectifs.
Il a souligné l'importance de maintenir une moyenne d'âge peu élevée dans une armée professionnelle composée à 72 % de contractuels à carrières courtes, voire très courtes. A cette fin, pour maintenir une moyenne d'âge des militaires compatible avec la disponibilité opérationnelle attendue, l'armée de terre doit régénérer ses effectifs en permanence, et donc recruter. A défaut, le vieillissement du système conduirait à son effondrement.
En ce qui concerne le financement de la masse salariale, il a estimé qu'un déficit de fin de gestion 2009 serait très probable, du fait d'un déficit structurel, aujourd'hui évalué à près de 60 millions d'euros, et d'une divergence d'appréciation sur le glissement vieillesse technicité (GVT). Il est impératif que cette insuffisance de la masse salariale ne se traduise pas par des réductions d'effectifs supplémentaires, qui porteraient atteinte aux capacités opérationnelles de l'armée de terre et à son moral. Il parait donc souhaitable que le rythme de la déflation des effectifs soit sanctuarisé dans la prochaine loi de programmation militaire.
Abordant ensuite les équipements, le général Elrick Irastorza a considéré que le projet de loi de finances était très encourageant pour les livraisons et les commandes d'équipements majeurs. Trois commandes majeures : 332 VBCI, 16 000 équipements FELIN et 22 hélicoptères NH90 par report des commandes de l'année précédente, expliquent l'augmentation substantielle en 2009 des autorisations d'engagement. Il a également signalé la commande de 50 drones tactiques supplémentaires, de 53 VHM de 50 porteurs polyvalents terrestres (PPT), de 232 petits véhicules protégés et du premier LRU (lance-roquette unitaire). Ces commandes viennent compenser les choix opérés au cours de la loi de programmation militaire précédente. Conformément aux orientations du Livre blanc, l'armée de terre bénéficie d'un effort significatif qui devrait permettre le renouvellement de ses principales capacités de combat.
Il a souligné également la livraison d'équipements bien adaptés aux engagements actuels, permettant de combattre avec la puissance de feu et la précision requises, tout en garantissant un maximum de protection aux soldats : 96 véhicules blindés de combat d'infanterie, 2 749 équipements du fantassin Félins, 34 canons CAESAR et 8 hélicoptères Tigre seront ainsi mis en service dans les forces en 2009.
Il a rappelé que la livraison d'équipements de systèmes d'information et de communication permettrait de poursuivre la numérisation de l'espace de bataille (56 systèmes d'information réglementaire (SIR), 1 600 postes de radio de 4e génération (PRAG)) indispensable à la convergence sur le terrain des capacités interarmées et interalliées. Il a estimé que pour mieux faire face aux menaces ayant recours aux technologies de téléphonies civiles, préservées sur la plupart des théâtres dans le cadre du règlement global des crises, il convient de donner une impulsion plus soutenue à la guerre électronique de contact.
Il a exprimé le souhait que les programmes importants n'évincent pas les petites opérations de cohérence, par nature plus morcelées.
Le général Elrick Irastorza a ensuite indiqué que l'augmentation de 8 % du budget de l'entretien programmé des matériels devrait permettre, avec 604 millions d'euros, de conserver une disponibilité technique des matériels supérieure à 90 % en opérations et suffisante en métropole pour préserver un niveau d'entraînement compatible avec le respect des contrats opérationnels. La création, à l'été prochain, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2010, des nouvelles structures de maîtrise d'ouvrage déléguée (structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres SIMMT) et de maîtrise d'oeuvre (service de la maintenance industrielle terrestre SMITER et commandement de la maintenance COMMT) permettra d'amorcer une rationalisation en profondeur de nos structures de maintenance. La poursuite de la montée en puissance de la politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) devrait permettre de contenir les coûts croissants du maintien en condition opérationnelle, en limitant au plus juste le volume et le rythme d'emploi des parcs utilisés à l'entrainement.
Les crédits d'entretien programmé des personnels (135 millions d'euros) doivent prendre en compte les besoins croissants des hommes sur les théâtres, notamment dans le domaine de la protection. Mais, à enveloppe constante, une politique de différenciation des paquetages (par théâtre ou type de formation) et de renoncement à des effets d'uniforme sera menée.
Le général Elrick Irastorza a ensuite rappelé que l'engagement opérationnel et sa préparation étaient la seule raison d'être de l'armée de terre. Avec 10 250 hommes en opérations, 4 250 en missions de présence et de souveraineté de courte durée, 5 750 en alerte Guépard en permanence et un millier déployés sur le territoire national dans le cadre de Vigipirate, l'armée de terre est une armée d'emploi qui fournit 80 % des effectifs engagés en opérations et qui dénombre plus de 50 accrochages depuis le début du mois d'août en Afghanistan. L'augmentation de 50 millions de l'enveloppe destinée à financer les surcoûts des opérations extérieures devrait alléger une contrainte de préfinancement qui pèse lourdement sur la gestion en fin d'exercice.
Il a noté que le rythme de renouvellement du personnel et la complexité des engagements, quelle qu'en soit l'intensité, imposait un effort de formation initiale, puis d'entraînement incompressible. Il a insisté sur le fait que les bataillons étaient bien entraînés et équipés avec le meilleur de ce dont dispose l'armée de terre. Grâce à la procédure « d'adaptation réactive », mise au point en 2007, l'armée de terre a pu consacrer, depuis début 2008, près de 116 millions d'euros supplémentaires à la protection et à la puissance de feu des hommes en Afghanistan. Cet effort sera poursuivi en 2009 mais à ressources financières constantes, il est évident que l'effort ne profitera qu'à ceux qui en ont un besoin impératif.
Pour le projet de loi de finances 2009, l'augmentation des ressources en carburant opérationnel (+ 4,5 millions d'euros) devrait permettre de maintenir à niveau les ressources consacrées à la formation et à l'entraînement des forces (73 millions d'euros hors carburant) et de poursuivre cette politique de différenciation ciblée. Les ressources consacrées à la préparation opérationnelle ne peuvent plus servir de variable d'ajustement. Compte tenu du niveau atteint, elles devraient être sanctuarisées dans la future loi de programmation militaire.
Le général Elrick Irastorza a souligné que les enjeux, pour les forces terrestres, de la programmation à venir avaient été clairement identifiés et traduits en priorités dans le Livre blanc. A terme (2015), la priorité de la remise à niveau des moyens terrestres semble se confirmer, puisque 50 % des matériels devraient être régénérés (achats neufs ou rénovations), mais elle est intimement liée à la concrétisation des ressources extra-budgétaires.
Cet effort devra toutefois être poursuivi car deux sources de tension, dès la fin de la première période de programmation (2012-2014), peuvent être identifiées : le maintien en condition opérationnelle des équipements et la poursuite de la remise à niveau de certains parcs (hélicoptères de manoeuvre HM, véhicules de l'avant blindé VAB, véhicules tactiques légers VTL, Engin blindé de génie EBG).
Il a rappelé, en conclusion, que la fin de gestion 2008 conditionnerait le bon démarrage de l'année 2009 et les réformes à mettre en oeuvre sans tarder. Elle dépend des arbitrages qui seront arrêtés concernant la levée des réserves de précaution et le remboursement du préfinancement des opérations extérieures.
L'armée de terre s'inscrit résolument dans une démarche de réforme, consciente qu'elle doit participer à l'effort de réduction de la dette de l'Etat. Simultanément, les militaires doivent pouvoir bénéficier des équipements adaptés lorsqu'ils vont remplir, au péril de leur vie, les missions qui leur sont confiées. Il a estimé qu'en soulignant l'effort à faire au profit des forces terrestres au cours de la prochaine loi de programmation militaire, le Livre blanc ne disait rien d'autre.
a souhaité des précisions sur le coût de maintien en condition opérationnelle des chars Leclerc.
Le général Elrick Irastorza a rappelé que sept régiments concentraient 60 % des crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels, parmi lesquels les 4 régiments de chars Leclerc. Le coût du maintien en condition opérationnelle du char Leclerc s'élève à 113 millions d'euros par an.
Pour le moteur, le contrat Wartsilla garantit une disponibilité minimale de 14 000 heures de fonctionnement et un plafond de 53 000 heures pour 140 chars. En 2008, l'armée de terre s'en est tenue au niveau plancher, ce qui correspond pour 140 chars à 100 heures de fonctionnement par an et par char, 10 heures par mois, deux heures par semaine. Le char Leclerc est un système d'arme sophistiqué qui présente, en moyenne, une panne toutes les 36 heures de fonctionnement.
s'est interrogé sur la gestion de la fin de l'année 2008 et a appelé à la vigilance sur le contenu de la loi de finances rectificative.
Il a noté l'importance des coûts de maintien en condition opérationnelle des matériels récemment entrés en service, considérant que la responsabilité des industries de l'armement devait être examinée.
Il a souhaité connaître la nature des obstacles à l'acquisition du véhicule de haute mobilité (VHM), envisagée depuis longtemps mais non encore réalisée.
a souhaité des précisions sur la réorganisation de la brigade franco-allemande.
a souligné que la mise en place d'un service unique de reconversion dans les armées semblait difficile, alors que le besoin est avéré.
Le général Elrick Irastorza a apporté les précisions suivantes :
- il est normal de constater des petites anomalies sur des matériels dont la mise en service opérationnelle n'a pas été prononcée. Tel est le cas des VBCI et du Caesar, en cours de livraison, qui ne rencontrent pas de difficulté majeure. Deux autres équipements dans le même cas posent quelques problèmes. L'équipement Félin est un système intégré. Ce programme majeur, qui changera la capacité opérationnelle de l'infanterie, va être expérimenté par deux unités, l'une de retour d'Afghanistan et l'autre s'apprêtant à y partir. Il est toutefois irritant de rencontrer, sur ce programme, des problèmes liés à la partie vestimentaire et à une optique de nuit à peine équivalente à celle en service actuellement (OB 70), alors que le fusil est d'excellente qualité, de même que l'optronique. Sur ce programme, l'armée de terre ne fait aucune concession. S'agissant de l'hélicoptère Tigre, il n'est pas encore entré en service mais l'échéance est proche ;
- le véhicule de haute mobilité (VHM) qui devrait équiper l'armée de terre en une centaine d'exemplaires sera le seul engin chenillé, avec le char Leclerc et l'engin blindé du génie. Ce véhicule est adapté aux terrains montagneux ou marécageux et permet de s'affranchir des voies de communication ; associé à la batellerie du BPC, il permettra de débarquer sur la quasi-totalité des plages. L'engin existe et 53 exemplaires seront commandés en 2009 ; l'armée de terre souhaite qu'il soit livré dans des délais raisonnables ;
- trois régiments sont présents en Allemagne. Le 16e bataillon de chasseurs sera transféré de Saarbourg à Illkirch, tandis que les arbitrages relatifs aux deux régiments de la brigade franco-allemande ne sont pas rendus. Le 110e régiment d'infanterie subsiste, mais la décision relative à un éventuel rapatriement en France n'est pas prise. Quant au 3e régiment de hussards, il est prévu qu'il soit dissous ;
- la reconversion n'est pas le métier des militaires et le personnel affecté à cette mission obtient des résultats en demi-teinte. La dispersion géographique nuit à l'efficacité et un système unique serait une bonne solution. L'armée de terre accompagnera ce mouvement de regroupement.
a fait observer qu'en Lorraine, le dispositif de reconversion donnait des résultats satisfaisants.