Notre commission s'était saisie, en début d'année, de la problématique de la scolarisation des enfants handicapés et avait créé un groupe de travail sur ce sujet. Entre-temps, le Président de la République m'a confié, en vue de la conférence nationale du handicap du 8 juin 2011, la mission d'identifier les insuffisances du dispositif actuel de prise en charge des enfants handicapés en milieu scolaire et de proposer les voies et moyens de l'améliorer. J'ai été assisté, dans cette tâche, par Nicolas Bondonneau, inspecteur des affaires sociales, et par Marie-Françoise Choisnard, inspectrice générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.
Cinq ans après sa mise en application effective, la loi Handicap du 11 février 2005 a permis une augmentation très importante du taux de scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, qu'elle soit collective ou individuelle. A la rentrée 2010, 201 388 élèves étaient ainsi scolarisés en milieu ordinaire, soit 50 000 de plus qu'à la rentrée 2005. Dans le même temps, l'accueil de ces enfants en milieu hospitalier ou médico-social a sensiblement diminué.
Mais force est de constater que l'intégration des élèves handicapés souffre encore d'un déficit de formation des équipes éducatives, alors que celles-ci sont de plus en plus confrontées à la gestion difficile de classes hétérogènes. L'exigence d'une stricte application de la loi par les familles s'est traduite par un développement exponentiel de la prescription, par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), d'aides individuelles, les assistants de vie scolaire individuels (AVS-I), qui sont devenues une quasi-condition de la scolarisation. Pour y faire face, le ministère de l'éducation nationale a adapté le statut des assistants d'éducation afin de permettre à certains d'entre eux de se consacrer à l'accompagnement des enfants handicapés, principalement en classe ordinaire. Compte tenu des contraintes budgétaires, c'est cependant le recours à des contrats aidés qui a été le plus largement développé.
Or, les constats sont unanimes : la prescription d'AVS-I, retenue souvent à défaut d'autre solution, ne favorise pas forcément une scolarisation de l'enfant dans de bonnes conditions ; le recours à des contrats précaires, quelle que soit la qualité des personnes recrutées, ne permet pas un accompagnement dans la durée. En outre, le transfert d'une partie des assistants de vie scolaire au secteur associatif, prévu par un décret de 2009, a rencontré peu de succès.
Enfin, l'adaptation du secteur médico-social aux évolutions de la scolarisation des enfants handicapés demeure insuffisante, malgré les moyens conséquents mobilisés par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). On ne peut, en outre, que regretter le manque de coopération entre ce secteur et l'éducation nationale.
Partant de ce constat, j'ai formulé plusieurs préconisations.
Tout d'abord, une meilleure évaluation des besoins de l'enfant handicapé pour la construction de son projet personnalisé de scolarisation : appréciation « in situ », réévaluation régulière, révision du classement de certains troubles, etc. Le travail fait par la CNSA pour développer des référentiels dans les MDPH doit être très vite généralisé. A ce sujet, Annie Jarraud-Vergnolle et moi avions constaté, lors de notre mission d'information sur le fonctionnement des MDPH, qu'il existait de grands écarts dans les moyens attribués aux équipes d'évaluation.
Ensuite, une amélioration du dépistage et des conditions de prise en charge du handicap en milieu scolaire. Cela passe par un renforcement de la coopération entre les services de protection maternelle infantile (PMI) et la médecine scolaire, notamment pour détecter et traiter les « dys », par le développement de structures collectives comme les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), et par la diffusion de matériels adaptés qui permettent une plus grande autonomie de l'élève.
Surtout, un accroissement de la professionnalisation de l'encadrement et de l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire. Pour ce faire, nous devons agir dans trois directions :
- améliorer la prise en charge des enfants handicapés par le corps enseignant en augmentant les moyens dédiés aux enseignants référents et en promouvant la formation de l'ensemble des enseignants au handicap ;
- professionnaliser l'accompagnement des enfants handicapés par les AVS en réformant la gestion des AVS-I, en développant la fonction d'AVS-collectif et en transférant, comme prévu initialement, des AVS-I au secteur associatif ;
- renforcer le pilotage du dispositif du handicap en milieu scolaire en ayant une vision claire des moyens engagés au niveau national, en veillant à une meilleure articulation entre les différentes directions centrales concernées et en oeuvrant pour un pilotage plus cohérent au niveau local.
Enfin, une meilleure adaptation du secteur médico-social aux évolutions de la scolarisation des enfants handicapés. Il est désormais urgent de mettre en place une véritable coopération entre éducation nationale et secteur médico-social à tous les niveaux, de réduire les inégalités de répartition de l'offre entre les territoires et de garantir la fluidité entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé.
Certaines de ces préconisations ont été reprises par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap qui s'est tenue le mois dernier. J'espère qu'elles seront suivies d'effet.