Nous retrouvons aujourd'hui la réforme de la médecine du travail sur laquelle nous avons déjà beaucoup débattu. Je vous en rappelle les principales étapes : adoption dans le projet de loi relatif aux retraites en octobre ; censure par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme liées à l'absence de lien avec le texte ; dépôt par le groupe centriste du Sénat de cette proposition de loi reprenant les dispositions invalidées ; adoption du texte par le Sénat en première lecture le 27 janvier et examen par l'Assemblée nationale le 30 juin.
Cette proposition de loi définit les missions des services de santé au travail et rappelle le principe fondamental adopté dès 1946 : « Eviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». Elle inscrit le principe de l'équipe pluridisciplinaire, qui est au coeur de la réforme ; elle rénove les modalités de gouvernance des services de santé au travail, dont la gestion devient paritaire ; elle prévoit l'élaboration d'un projet de service pluriannuel et la conclusion d'un contrat d'objectifs et de moyens avec l'Etat et les organismes de sécurité sociale ; elle définit le rôle du directeur du service de santé au travail ; elle introduit une nouvelle procédure contradictoire permettant au médecin du travail de proposer à l'employeur des mesures pour préserver la santé des travailleurs, en cas de risque collectif dans l'entreprise. Aujourd'hui, cette procédure n'existe qu'en cas de risque individuel. Cette proposition de loi comprend également plusieurs dispositions pour mieux prendre en compte certaines professions qui sont aujourd'hui mal suivies par la médecine du travail comme les intermittents du spectacle, les mannequins, les VRP, les intérimaires et les saisonniers.
Enfin, le Sénat a largement renforcé, en première lecture, les protections dont bénéficient les médecins du travail dans l'exercice de leurs fonctions en réaffirmant leur indépendance professionnelle par un nouvel article de principe dans le code du travail et en modifiant leur statut pour les assimiler très largement à celui des salariés protégés.
Les modifications que l'Assemblée nationale a apportées sont souvent rédactionnelles ou de précision.
Toutefois, elle a intégré, dans les missions des services de santé au travail, la prévention et la réduction de « la désinsertion professionnelle ». Ce complément est cohérent avec les politiques publiques menées depuis quelques années en matière d'inaptitude au travail : ainsi, le programme n° 6 de la convention d'objectifs et de moyens conclue entre l'Etat et la branche accidents du travail - maladies professionnelles pour la période 2009-2012 fixe pour ambition de permettre aux assurés de reprendre une activité professionnelle dans les meilleures conditions. Confier explicitement cette mission à la médecine du travail renforcera l'interaction entre les différents acteurs concernés.
A ce stade, deux sujets restent donc véritablement en débat.
Tout d'abord, la reconnaissance de la pluridisciplinarité qui est au coeur de la réforme : le monde du travail s'est profondément transformé d'où des risques accrus et diversifiés d'altération de la santé des travailleurs. Il est donc nécessaire de faire appel à des compétences complémentaires à celles des médecins, par exemple pour adapter les postes de travail et éviter les troubles musculo-squelettiques, pour limiter les expositions au bruit ou aux produits dangereux ou prendre en compte les risques psycho-sociaux. En outre, dans un contexte de démographie médicale tendu, le temps clinique du praticien doit être augmenté, ce qui implique de confier certaines tâches non médicales à d'autres spécialistes.
En première lecture, le Sénat n'a pas été suffisamment précis : dans sa rédaction, les missions des services de santé au travail interentreprises étaient « assurées par une équipe pluridisciplinaire autour des médecins du travail et comprenant des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers ». L'Assemblée nationale est revenue à la version initiale de la proposition de loi : les missions sont « assurées par une équipe pluridisciplinaire comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers ». En outre, elle a confirmé le fait que « les médecins animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire ». Cette formulation nous donne entière satisfaction.
J'en viens à la gouvernance qui est le sujet le plus discuté, voire le plus disputé.
Rappelons tout de même qu'une avancée essentielle fait consensus : les conseils d'administration seront désormais strictement paritaires, alors qu'aujourd'hui ils sont le plus souvent composés aux deux tiers de représentants des employeurs. De ce fait, la voix du président sera prépondérante, ce qui est indispensable pour débloquer certaines situations exceptionnelles. D'après les auditions que j'ai conduites, il est extrêmement rare que deux blocs s'opposent farouchement au sein de ces conseils, qui sont là pour gérer un service. Les décisions sont plutôt consensuelles ou assez largement partagées.
De ce fait, nos débats se sont focalisés sur la présidence du conseil et plusieurs positions ont été successivement adoptées : un président élu parmi les représentants des employeurs et un vice-président élu parmi les représentants des salariés. C'était la position de la commission mixte paritaire lors de la réforme des retraites, de la proposition de loi initiale et de notre commission en première lecture. Mais, en séance publique, le Sénat a prévu un président et un trésorier élus alternativement parmi les deux collèges. L'Assemblée nationale a finalement préféré un président élu parmi les représentants des employeurs et un trésorier élu parmi les représentants des salariés. Cette dernière formule ne manque pas d'intérêt. En effet, l'article L. 4121-1 du code du travail prévoit que « l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Cette responsabilité personnelle constitue une obligation de résultat et, selon la jurisprudence, l'employeur doit en assurer l'effectivité. C'est d'ailleurs pourquoi l'entreprise finance les services de santé au travail.
De ce fait, il est légitime que les représentants des entreprises adhérentes assument la présidence du conseil d'administration du service de santé au travail : cette responsabilité est intimement liée à celle de l'employeur vis-à-vis de ses salariés. Parallèlement, il est tout aussi justifié que les représentants des salariés puissent assurer un contrepoids au sein du conseil d'administration avec le poste de trésorier.
Avec un président représentant des employeurs et un trésorier représentant des salariés, nous sommes parvenus à un équilibre satisfaisant. La position de l'Assemblée nationale a évolué. Elle a fait une partie du chemin vers la position du Sénat. A nous maintenant d'en faire autant.
Je me félicite également que l'Assemblée ait conservé, dans les missions des services de santé au travail, leur rôle en matière de prévention de la consommation de drogues et d'alcool sur le lieu de travail. Je tenais à cet amendement que je vous avais proposé.
Cette réforme est urgente car la médecine du travail traverse une crise sans précédent. Nous avons beaucoup débattu et nous aboutissons à une solution équilibrée, permettant une amélioration de la prise en charge de la santé au travail.
En conséquence, je vous propose d'adopter le texte de l'Assemblée nationale sans modification.
Ce texte a effectivement beaucoup évolué et l'équilibre auquel nous sommes parvenus pour les équipes pluridisciplinaires est assez satisfaisant.
En revanche, nous ne pouvons nous satisfaire de la solution retenue pour la gouvernance. Le Sénat voulait parvenir à un paritarisme réel mais la position de l'Assemblée nationale fausse les règles du jeu. Quand nous en avions parlé, dans la réforme des retraites, nous avions d'ailleurs évoqué l'idée d'un président représentant des employeurs et d'un trésorier représentant des salariés mais nous étions revenus sur cette proposition en commission mixte paritaire car les représentants des salariés craignaient de tomber dans un piège en étant nommés trésoriers alors qu'ils ne maîtrisaient pas les ressources. De plus, rien n'est prévu pour organiser la rotation des trésoriers : il n'est en effet pas envisageable que ce soit toujours le même syndicat qui occupe ce poste. Le rapporteur nous dit que les conflits au sein des conseils d'administration sont rares : c'est normal puisqu'à l'heure actuelle, ils sont composés pour les deux tiers de représentants du patronat et pour le tiers restant de ceux des salariés. En revanche, avec autant de voix d'un côté que de l'autre, la voix prépondérante du président aura un poids considérable. Il serait préférable qu'en cas d'égalité des voix, la décision ne soit pas prise ; c'est d'ailleurs ce qui se passe au Sénat au moment des votes. En outre, si syndicats et patronat pouvaient se partager la présidence, les risques de blocages seraient moindres. Enfin, rien n'est dit sur l'élection des représentants patronaux. Certaines organisations syndicales patronales n'ont pas droit de cité alors qu'elles voudraient siéger.
J'avais déposé un amendement, voté par le Sénat, sur une présidence en alternance. Certes, il bousculait l'ordre établi et je m'en suis expliqué avec le Gouvernement, comme avec les représentants du patronat et des syndicats. Les positions des uns et des autres ne m'ont pas semblé figées et des expérimentations semblaient envisageables. L'Assemblée nationale a préféré revenir à une position plus traditionnelle : les représentants du patronat et plusieurs syndicats y sont d'ailleurs favorables. Ne soyons donc pas plus royalistes que le roi, même si je considère que nous n'en sommes qu'à une étape et que la loi devra encore évoluer. Sur la fonction de trésorier dévolue aux représentants des salariés, il est vrai que certains syndicats craignent d'avoir à gérer des comptes qui ne sont pas les leurs. Enfin, la commission de contrôle sera toujours présidée par un représentant des syndicats, ce qui est positif.
Ce texte marque donc une étape vers un paritarisme total que j'appelle de mes voeux. Nous avons réussi à faire avancer le droit du travail : je voterai donc ce texte.
Ce texte est désormais plus équilibré. Je me félicite en particulier des missions élargies confiées à l'équipe pluridisciplinaire qui sera animée par le médecin du travail. Ceci dit, nous sommes confrontés à une pénurie inquiétante de professionnels.
Notre groupe souhaitait que la présidence des conseils d'administration reste confiée aux représentants des employeurs puisque les entreprises financent la médecine du travail. En outre, les responsabilités seront partagées car les représentants des salariés occuperont le poste de trésorier.
Tout ce qui concerne l'équipe pluridisciplinaire nous convient. En revanche, nous ne pouvons accepter la solution retenue pour la gouvernance des conseils d'administration. L'Assemblée nationale a notamment supprimé à l'article 3 la notion de « à parts égales ». La gestion sera donc paritaire mais pas forcément à parts égales, comme à Pôle Emploi : c'est inquiétant.
Avec la présidence assurée par les représentants patronaux, on assiste à un retour en force du Medef qui refuse d'accorder une pleine indépendance à la médecine du travail, sous prétexte que ce sont les entreprises qui la financent. Je regrette vraiment que la présidence ne soit pas tournante, même si la commission de contrôle est désormais présidée par les représentants des salariés.
En première lecture, nous avions critiqué ce texte qui ne réformait pas vraiment la médecine du travail. Certains points essentiels ont ainsi été laissés de côté : je pense aux entreprises qui ont une médecine du travail interne ou encore aux salariés déclarés inaptes au travail. La plupart du temps, la déclaration d'inaptitude entraîne la perte de leur emploi, à tel point que certains d'entre eux préfèrent ne pas en faire, au risque d'engager leur pronostic vital. Comme nous n'avons pas débattu de ces questions, nous nous abstiendrons sur le vote de ce texte.
Rien n'est dit sur la médecine du travail dans la fonction publique. A l'éducation nationale, la souffrance des enseignants est réelle et la prévention de certaines maladies n'est pas prise en compte.
Je partage votre observation mais il ne faut pas confondre médecine du travail et médecine scolaire.
La médecine du travail doit se préoccuper de l'adaptation du poste de travail des salariés qui ont eu un accident du travail. De simples mesures de prévention peuvent parfois leur permettre de ne pas aggraver la pathologie et de conserver leur emploi.
La loi interdit-elle toute expérimentation pour des présidences alternées ?
Dès l'instant où cette éventualité ne figure pas dans la loi, elle ne sera pas possible. Pourquoi ne pas prévoir des expérimentations ?
En l'état, le texte ne les autorise pas et plusieurs syndicats, dont la CFDT, souhaitent l'adoption conforme de ce texte pour éviter tout délai supplémentaire. En outre, il n'est pas sûr que l'ordre du jour des assemblées permette le vote de ce texte cet automne.
Des expérimentations seraient pourtant intéressantes, mais si nous modifions le texte, il faudra procéder à une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale puis, le cas échéant, à une commission mixte paritaire. D'où des délais supplémentaires.
La délégation du Medef et les responsables d'un service de santé au travail de mon département avaient marqué leur intérêt pour des expérimentations. Le texte pourrait encore évoluer, mais l'Assemblée nationale serait-elle d'accord ?
Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation ! Cela fait six mois que nous travaillons sur ce texte et si nous ne prévoyons pas aujourd'hui l'expérimentation, qui nous dit qu'une telle mesure reviendra un jour devant nous ? Certaines organisations syndicales veulent que l'on avance, mais le temps du législateur n'est pas le même que celui des partenaires sociaux. Nous présenterons donc un amendement en séance.
Je vous rappelle toutefois que, lors de l'examen du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques, le Gouvernement n'a pas jugé utile de convoquer une commission mixte paritaire pour entériner des modifications que le Sénat avait apportées au texte.
Effectivement, mais il a fait procéder à une troisième lecture à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement souhaite un vote conforme afin de satisfaire aux exigences du patronat qui veut continuer à maîtriser la médecine du travail.
La première partie du texte ne nous pose pas de problème, si ce n'est qu'elle ne tient pas compte de la démographie médicale. Comme les médecins du travail vont manquer, le texte délègue certaines de leurs tâches à d'autres.
Le texte ne le précise pas. Nous devons revaloriser la médecine du travail afin de donner envie aux étudiants en médecine de se lancer dans cette carrière.
Comme on dit dans mon département, « Mieux vaut une patate bouillie qu'un pigeon qui vole ». Votons ce texte conforme et comme la gauche va revenir au pouvoir en 2012, elle s'empressera de le modifier. C'était une boutade !
Pour répondre à Jean-Pierre Godefroy, le poste de trésorier n'est pas un piège. D'ailleurs, les représentants des salariés approuvent la mesure. Nous sommes parvenus à un équilibre et la voix prépondérante du président est nécessaire en cas d'égalité des votes : il faut pouvoir régler les conflits qui sont, d'ailleurs, exceptionnels.
L'expérimentation n'est pas prévue par ce texte mais rien n'empêche d'adopter ultérieurement une telle mesure.
Le Royaume-Uni et l'Allemagne comptent proportionnellement moins de médecins du travail que la France mais les équipes pluridisciplinaires y donnent d'excellents résultats et le nombre d'accidents du travail y est moindre.
L'expression « à parts égales » serait redondante avec la parité, telle qu'elle est écrite dans ce texte. D'ailleurs, personne n'a remis en cause cette définition. En outre, nous avons renforcé l'indépendance des médecins par plusieurs dispositions convergentes. Le numerus clausus a été relevé et la revalorisation de la carrière des médecins du travail ne passe pas seulement par la loi.
Par ailleurs, il est vrai que ce texte ne concerne pas la fonction publique car, aujourd'hui, la médecine de prévention relève du niveau réglementaire uniquement.
Enfin, l'adaptation des postes de travail et la prévention sont très importantes et c'est pour cette raison que nous avons ajouté la désinsertion professionnelle dans les missions des services de santé au travail.
Je me méfie beaucoup des décrets. Le Gouvernement envisage ainsi de publier un décret pour remplacer le magistrat à la tête du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) par un représentant de l'Etat. Plus la loi renvoie à des décrets, plus le Parlement perd du pouvoir.
C'est la même préoccupation qui m'a conduite à proposer, dans le récent collectif budgétaire, un amendement sur l'encadrement de la vente de tabac, car le décret prévu tardait à être publié.
Le changement envisagé à la tête du Fiva est proprement scandaleux ! Certains trouvent peut-être que les indemnisations accordées aux victimes de l'amiante sont trop généreuses et qu'il faut y mettre bon ordre... Dans la région stéphanoise, je suis quotidiennement confronté à ce problème : comment dire à des gens victimes du cancer que l'Etat veut moins les indemniser ? C'est indécent. Vous avez d'ailleurs vu hier que mon intervention a mis le ministre Xavier Bertrand dans une colère noire et qu'il m'a traité de menteur.
Sans préjuger de notre vote final en séance, qui dépendra du sort réservé à nos amendements, nous nous abstiendrons sur ce rapport.
La commission adopte le texte de la proposition de loi sans modification.
Nous entendons maintenant la communication de Paul Blanc sur les conclusions du rapport de mission portant sur l'accompagnement des enfants handicapés scolarisés qu'il a établi à la demande du Président de la République.
Notre commission s'était saisie, en début d'année, de la problématique de la scolarisation des enfants handicapés et avait créé un groupe de travail sur ce sujet. Entre-temps, le Président de la République m'a confié, en vue de la conférence nationale du handicap du 8 juin 2011, la mission d'identifier les insuffisances du dispositif actuel de prise en charge des enfants handicapés en milieu scolaire et de proposer les voies et moyens de l'améliorer. J'ai été assisté, dans cette tâche, par Nicolas Bondonneau, inspecteur des affaires sociales, et par Marie-Françoise Choisnard, inspectrice générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche.
Cinq ans après sa mise en application effective, la loi Handicap du 11 février 2005 a permis une augmentation très importante du taux de scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, qu'elle soit collective ou individuelle. A la rentrée 2010, 201 388 élèves étaient ainsi scolarisés en milieu ordinaire, soit 50 000 de plus qu'à la rentrée 2005. Dans le même temps, l'accueil de ces enfants en milieu hospitalier ou médico-social a sensiblement diminué.
Mais force est de constater que l'intégration des élèves handicapés souffre encore d'un déficit de formation des équipes éducatives, alors que celles-ci sont de plus en plus confrontées à la gestion difficile de classes hétérogènes. L'exigence d'une stricte application de la loi par les familles s'est traduite par un développement exponentiel de la prescription, par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), d'aides individuelles, les assistants de vie scolaire individuels (AVS-I), qui sont devenues une quasi-condition de la scolarisation. Pour y faire face, le ministère de l'éducation nationale a adapté le statut des assistants d'éducation afin de permettre à certains d'entre eux de se consacrer à l'accompagnement des enfants handicapés, principalement en classe ordinaire. Compte tenu des contraintes budgétaires, c'est cependant le recours à des contrats aidés qui a été le plus largement développé.
Or, les constats sont unanimes : la prescription d'AVS-I, retenue souvent à défaut d'autre solution, ne favorise pas forcément une scolarisation de l'enfant dans de bonnes conditions ; le recours à des contrats précaires, quelle que soit la qualité des personnes recrutées, ne permet pas un accompagnement dans la durée. En outre, le transfert d'une partie des assistants de vie scolaire au secteur associatif, prévu par un décret de 2009, a rencontré peu de succès.
Enfin, l'adaptation du secteur médico-social aux évolutions de la scolarisation des enfants handicapés demeure insuffisante, malgré les moyens conséquents mobilisés par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). On ne peut, en outre, que regretter le manque de coopération entre ce secteur et l'éducation nationale.
Partant de ce constat, j'ai formulé plusieurs préconisations.
Tout d'abord, une meilleure évaluation des besoins de l'enfant handicapé pour la construction de son projet personnalisé de scolarisation : appréciation « in situ », réévaluation régulière, révision du classement de certains troubles, etc. Le travail fait par la CNSA pour développer des référentiels dans les MDPH doit être très vite généralisé. A ce sujet, Annie Jarraud-Vergnolle et moi avions constaté, lors de notre mission d'information sur le fonctionnement des MDPH, qu'il existait de grands écarts dans les moyens attribués aux équipes d'évaluation.
Ensuite, une amélioration du dépistage et des conditions de prise en charge du handicap en milieu scolaire. Cela passe par un renforcement de la coopération entre les services de protection maternelle infantile (PMI) et la médecine scolaire, notamment pour détecter et traiter les « dys », par le développement de structures collectives comme les unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), et par la diffusion de matériels adaptés qui permettent une plus grande autonomie de l'élève.
Surtout, un accroissement de la professionnalisation de l'encadrement et de l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire. Pour ce faire, nous devons agir dans trois directions :
- améliorer la prise en charge des enfants handicapés par le corps enseignant en augmentant les moyens dédiés aux enseignants référents et en promouvant la formation de l'ensemble des enseignants au handicap ;
- professionnaliser l'accompagnement des enfants handicapés par les AVS en réformant la gestion des AVS-I, en développant la fonction d'AVS-collectif et en transférant, comme prévu initialement, des AVS-I au secteur associatif ;
- renforcer le pilotage du dispositif du handicap en milieu scolaire en ayant une vision claire des moyens engagés au niveau national, en veillant à une meilleure articulation entre les différentes directions centrales concernées et en oeuvrant pour un pilotage plus cohérent au niveau local.
Enfin, une meilleure adaptation du secteur médico-social aux évolutions de la scolarisation des enfants handicapés. Il est désormais urgent de mettre en place une véritable coopération entre éducation nationale et secteur médico-social à tous les niveaux, de réduire les inégalités de répartition de l'offre entre les territoires et de garantir la fluidité entre le milieu ordinaire et le milieu spécialisé.
Certaines de ces préconisations ont été reprises par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap qui s'est tenue le mois dernier. J'espère qu'elles seront suivies d'effet.
Je ferai, tout d'abord, une remarque de forme. Notre commission avait créé, en février dernier, un groupe de travail sur les AVS, dont j'étais la rapporteure. Alors qu'un programme d'auditions avait été élaboré, ce groupe a été stoppé net au moment où le Président de la République a confié une mission à Paul Blanc sur le même sujet. Je trouve particulièrement dommageable que nous n'ayons pas pu poursuivre notre réflexion jusqu'à la publication d'un rapport. Notre groupe de travail a été sabordé !
Sur le fond, j'adhère au constat dressé par Paul Blanc dans son rapport. En revanche, sur le volet préconisations, je regrette que la question de la formation du personnel d'encadrement et d'accompagnement soit insuffisamment traitée. Dans son rapport triennal de juin 2011, l'Observatoire national sur la formation, la recherche et l'innovation sur le handicap met l'accent sur le glissement actuel qui conduit de plus en plus d'emplois vie scolaire (EVS), non formés, à être retenus comme réponse en termes d'aide humaine aux besoins des enfants handicapés à l'école. Par ailleurs, sur le terrain, nous sommes tous confrontés à cette aberration qui veut que le contrat de travail de certains AVS s'arrête en milieu d'année scolaire ! Les parents en sont alors réduits à faire un recours devant le tribunal administratif afin qu'il n'y ait pas de rupture dans la prise en charge de leur enfant.
En matière de handicap à l'école, il est indispensable de disposer d'un personnel permanent et qualifié. Or, d'un côté, le Gouvernement multiplie les recours à des contrats précaires pour faire face aux besoins de prise en charge des enfants handicapés en milieu scolaire ; de l'autre, il diminue le nombre de postes de Rased (réseaux d'aides spécialisées aux enfants handicapés). Où est la logique de cette politique ?
Enfin, je remarque que les associations ont exprimé leur déception après les déclarations du Président de la République lors de la conférence nationale du handicap.
Mes collègues et moi-même regrettons beaucoup que le groupe de travail sur les ASV ait été subitement arrêté. Nous avons un sentiment de frustration, dont j'avais fait part à la présidente de notre commission dans un courrier. Alors que les rapports parlementaires d'information sont toujours le fruit d'une longue réflexion, d'une analyse précise, les rapports commandés par le Président de la République sont souvent élaborés dans la précipitation. C'est le cas ici puisque les conclusions de Paul Blanc devaient être rendues avant la conférence nationale du handicap du mois de juin.
Comme l'a dit Annie Jarraud-Vergnolle, la question de la qualification et de la stabilité du personnel d'encadrement est centrale. Dès la rentrée de septembre, nous serons confrontés au départ d'AVS dont les contrats de travail arrivent à leur terme. Ainsi, j'ai été alertée par un maire de mon département, lui-même interpellé par une directrice d'école qui lui demande de prendre en charge le renouvellement du contrat de travail d'un AVS. L'Etat se désengage et ce sont les collectivités territoriales qui doivent prendre le relais !
Autre aberration : à Marseille, une école spécialisée a été contrainte de fermer car la MDPH, conformément à la loi de 2005, n'y envoie plus d'enfants handicapés ; ceux-ci sont désormais accueillis en milieu scolaire ordinaire. Or, dans les écoles « classiques », il n'y a plus d'AVS pour s'occuper de ces enfants !
Je voudrais dénoncer l'amalgame qui est régulièrement fait entre d'un côté, les enfants handicapés dont on encourage l'intégration en milieu scolaire ordinaire, et de l'autre, les enfants qui, à un moment donné de leur scolarité, connaissent des problèmes d'apprentissage ou de concentration. Ce sont deux publics différents qui n'appellent pas la même forme de prise en charge.
Avant même la création des Rased, tout un réseau de professionnels intervenait à la demande des enseignants pour venir en aide aux élèves en difficulté. Aujourd'hui, cette prise en charge s'étiole du fait de la politique de suppression de postes. Or, l'école publique a impérativement besoin d'un corps de spécialistes aptes à encadrer et à accompagner ces jeunes.
Heureusement qu'il y a des initiatives locales ! Lorsque j'étais adjointe au maire aux affaires scolaires dans les années quatre-vingt, j'avais mis en place une formation au handicap pour le personnel d'une école maternelle. Bien sûr, on ne peut qu'encourager la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, mais ce n'est pas à l'institution scolaire et au personnel enseignant d'assumer, à titre principal, la prise en charge du handicap. L'école ne peut et ne doit pas être le substitut aux établissements médico-sociaux.
Quant à la question de la professionnalisation des personnels d'encadrement et d'accompagnement, pourquoi ne pas créer un corps de spécialistes, sur le modèle de ce qui existe pour les assistants d'éducation ? On pourrait envisager une formation d'une durée de six ans, cofinancée par l'Etat et les conseils généraux.
Toutes les remarques qui viennent d'être formulées sont pertinentes. Je tiens à rappeler que, lors de l'élaboration de la loi 2005, la plus grande difficulté a été de parvenir à concilier d'une part, la position des parents d'enfants handicapés, qui plaidaient légitimement pour l'intégration en milieu scolaire ordinaire, d'autre part, celle des parents d'élèves et des enseignants, qui ne souhaitaient pas que l'école se substitue aux structures médico-sociales. J'avais alors alerté de la non-pertinence du choix fait par l'Italie de supprimer tous les établissements spécialisés. Il faut, au contraire, oeuvrer en faveur d'une pleine collaboration entre éducation nationale et secteur médico-social, comme je l'ai écrit dans mon rapport.
Sur la qualité de la formation, il me semble que recruter des ASV six mois avant la rentrée scolaire - et non pas au dernier moment comme aujourd'hui - pour leur délivrer un enseignement adéquat est une solution pragmatique.
Je voudrais dire un mot des enfants présentant des troubles du langage oral ou écrit (dysphasie, dyslexie...). Nous sommes confrontés à de réelles difficultés de prise en charge puisque le nombre de centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) qui les accueillent diminue.
Plusieurs sujets méritent, à mon sens, d'être soulevés et approfondis : le contenu de la scolarisation des enfants handicapés, les outils pédagogiques leur permettant de gagner en autonomie, le devenir scolaire et professionnel de ces enfants. Par ailleurs, les schémas départementaux de la petite enfance me semblent être un instrument précieux de coopération entre les différents acteurs que sont les services de la PMI, les personnels des MDPH et de l'éducation nationale.
Je tiens tout d'abord à féliciter Paul Blanc pour la qualité de son rapport qui est la preuve, une nouvelle fois, de son engagement permanent en faveur des personnes handicapées.
J'insiste ensuite sur la nécessité de bien distinguer de quel public on parle : un enfant handicapé moteur n'a pas les mêmes besoins de prise en charge qu'un enfant présentant des difficultés d'apprentissage ou de concentration. Il est vrai que, pendant des années, un réseau de professionnels spécialisés intervenait auprès de ces élèves en difficulté pour les remettre sur les rails. Aujourd'hui, la situation est plus difficile comme j'ai pu l'observer dans certaines zones urbaines sensibles du Nord. La présence de ces personnels est pourtant indispensable...
L'accessibilité de l'école aux enfants handicapés est un chantier non moins important, qui nécessite une meilleure professionnalisation et la diffusion d'un socle de connaissances commun aux enseignants et aux AVS validé par la Haute Autorité de santé. C'est une problématique sur laquelle je suis très investie puisque Roselyne Bachelot-Narquin m'a chargée de l'évaluation du plan autisme 2008-2010.
Il ne faut pas oublier que le métier d'AVS prend des formes aussi diverses que le handicap lui-même. L'urgence est désormais de former des AVS qui puissent accompagner l'enfant tout au long de son parcours scolaire, donc d'assurer une continuité dans la prise en charge. On pourrait ainsi envisager la création de structures associatives cofinancées par l'Etat et les départements et recrutant des AVS dans la durée.
A nouveau, j'approuve l'ensemble de vos interventions. Je souhaite dire ici que ce qui guide mon action depuis toujours, c'est le pragmatisme. Aussi, plus on agira tôt, mieux ça sera. Je crois que le ministre de l'éducation nationale a pris conscience des besoins en termes de scolarisation des enfants handicapés et qu'il entend mettre en place des mesures dès la rentrée prochaine.
Je tiens à répondre aux remarques de forme qui ont été formulées par plusieurs d'entre vous. Un groupe de travail sur les AVS avait effectivement été constitué au sein de notre commission en février dernier et dont la présidence avait été confiée à Paul Blanc. Peu après, le Président de la République lui a confié la mission de réfléchir à des propositions pour améliorer le dispositif de prise en charge des enfants handicapés en milieu scolaire. Il nous a alors semblé peu cohérent que soient menées de front deux missions sur le même sujet, lesquelles auraient sans doute procédé aux mêmes auditions. Certes, le groupe de travail aurait pu continuer ses travaux sous la présidence d'un autre collègue, mais aucun n'a fait part de son souhait de remplacer Paul Blanc.
J'en viens aux questions de fond. Il me semble, à vous entendre, que le diagnostic est consensuel : le recours à des contrats précaires, quelle que soit la qualité des personnes recrutées, n'est pas une réponse satisfaisante à l'accompagnement dans la durée des enfants handicapés. Paul Blanc nous dit qu'un certain nombre de ses préconisations seront reprises par le ministre de l'éducation nationale. Pourquoi, dès lors, ne pas relancer notre groupe de travail à la rentrée pour dresser, dans quelques mois, un état des lieux de ce qui a été fait ou ce qui ne l'a pas été ? Nous pourrions alors davantage approfondir les questions de formation et de durée du contrat de travail des AVS.
De nos débats, je retiens surtout que le dispositif actuel est source d'angoisse aussi bien pour les parents et leurs enfants, que pour les enseignants et les AVS.
Un mot pour conclure car il s'agit de ma dernière réunion au sein de cette commission à laquelle j'appartiens depuis 1992. Je ne garde que d'excellents souvenirs du travail accompli ici, des relations que j'ai pu tissées avec mes collègues, de l'ambiance à la fois sérieuse et très agréable qui règne entre nous. Nous abordons des sujets certes difficiles mais ô combien passionnants car ils traitent de l'être humain avant tout.