Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 8 décembre 2011 à 9h00
Contrôle des armes — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes à feu moderne, simplifié et préventif, déposée à l’Assemblée nationale le 30 juillet 2010 par MM. Claude Bodin, Bruno Le Roux, Jean-Luc Warsmann, ainsi que la proposition de loi de MM. Courtois et Poniatowski et la proposition de loi de M. César, déposées respectivement les 23 mars et 5 juillet 2011.

Le texte issu de l'Assemblée nationale résulte des travaux menés par une mission d’information sur les violences par armes à feu et l’état de la législation, présidée par M. Le Roux, dont le rapporteur était M. Bodin.

Le tableau des armes à feu en France dressé par ce rapport n’est certes pas des plus inquiétants. La mission a ainsi estimé que, dans les quartiers dits « sensibles », les armes à feu n’enregistrent pas une augmentation notable, bien qu’elles soient peut-être davantage mutualisées qu’avant. Il est encore trop tôt pour dire si les faits récents survenus à Marseille doivent conduire à remettre totalement en cause ce constat.

En outre, les principaux détenteurs légaux d’armes à feu que sont les chasseurs et les tireurs sportifs font preuve, selon les auteurs du rapport, d’un esprit de responsabilité, et leurs activités sont bien encadrées par les fédérations auxquelles ils adhèrent.

En revanche, la mission d’information a jugé assez sévèrement les dispositions législatives et réglementaires actuelles ; elle a pointé un manque d’intelligibilité flagrant et des difficultés d’application croissantes pour les services de police, les brigades de gendarmerie et les préfectures.

Cette situation est due au caractère stratifié des dispositions relatives à la classification, à l’acquisition et à la détention des armes, qui résultent essentiellement d’un décret-loi du 18 avril 1939 et constituent encore aujourd’hui l’essentiel de la réglementation applicable aux armes à feu.

En outre, le décret du 6 mai 1995 classe les armes en fonction tantôt de leur nature, telles les armes blanches, tantôt de leur destination, comme les armes de guerre ou les armes de chasse. Du fait du choix de ces critères, qui ne sont pas strictement corrélés à un degré de dangerosité, une même catégorie pourra comprendre des armes soumises à plusieurs régimes juridiques différents.

Ainsi, la première catégorie comprend des armes de guerre en principe interdites, mais dont certaines peuvent être détenues par les tireurs sportifs sous un régime d’autorisation. De même, les matériels de guerre des catégories 2 et 3, qui sont interdits, peuvent être collectionnés sous certaines conditions. Enfin, les armes des catégories 5 – armes de chasse – et 7 – armes de tir et de foire – sont tantôt soumises au régime de déclaration, tantôt en détention libre.

Les critères de classement retenus par le pouvoir réglementaire pour placer chaque type d’arme dans tel ou tel régime juridique de chaque catégorie sont multiples. Il peut s’agir de données concrètes et mesurables, comme le calibre, la longueur totale, la longueur du canon, mais aussi de données plus abstraites, telles que la convertibilité en arme de poing ou la dangerosité.

La grande précision dans l’énumération des matériels, qui découle de la volonté de prendre en compte tous les modèles possibles, aboutit à un classement des plus complexes. En outre, le classement ne peut échapper à une multiplication des sous-catégories et des dérogations.

Forts de ce constat, les auteurs de la présente proposition de loi ont souhaité, en premier lieu, simplifier la classification des armes à feu. Ils proposent ainsi de créer quatre catégories – A, B, C, D – au lieu des huit existantes, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre.

Alors que le classement actuel se fonde sur les caractéristiques techniques des armes, le nouveau classement reposerait directement sur une gradation des régimes juridiques auxquels elles sont soumises : interdiction, autorisation, déclaration, enregistrement ou liberté.

L’Assemblée nationale a toutefois intégré un amendement du Gouvernement divisant à nouveau la catégorie A en deux sous-catégories : d’une part, la catégorie A1 pour les armes de guerre, d’autre part, la catégorie A2 pour les matériels de guerre. La rédaction proposée par le Gouvernement prévoit également que des armes qui ne sont pas des armes de guerre mais qui présentent une même dangerosité pourront figurer dans la catégorie Al.

À l’article 3 de la proposition de loi, chaque nouvelle catégorie se voit assigner un régime juridique spécifique : l’interdiction pour les catégories A1 et A2, sauf exception, l’autorisation pour la catégorie B, la déclaration pour la catégorie C et la liberté pour la catégorie D. Certaines armes de cette dernière catégorie pourront toutefois être soumises à des formalités légères, telles qu’un enregistrement, afin d’en assurer la traçabilité. Par ailleurs, l’acquisition des armes soumises à autorisation ou à déclaration supposera l’absence d’inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de certaines condamnations dont la commission des lois a précisé la liste afin de la rendre plus pertinente.

Nous aurons à examiner un amendement déposé par M. Mirassou et plusieurs de ses collègues tendant à redéfinir le contenu des catégories A1 et A2. Les armes de la catégorie A1 deviendraient totalement interdites, toutes les armes sous régime d’autorisation étant placées dans la catégorie B. Sous réserve de quelques modifications, la commission a donné un avis favorable à cet amendement, dont l’adoption permettrait de simplifier encore le dispositif en le rapprochant de celui de la directive de 1991.

Quoi qu’il en soit, comme auparavant, le classement des armes dans les nouvelles catégories relèvera du pouvoir réglementaire. L’administration ne pourra donc faire l’économie d’un toilettage complet de l’inventaire actuel. Selon l’article 1er, les armes devront être classées en fonction de leur dangerosité, elle-même appréciée selon des critères précisés par le texte. À cet égard, je pense que nous avons remédié à certaines inquiétudes en précisant que le calibre n’est pris en compte qu’à titre subsidiaire.

En deuxième lieu, la proposition de loi comporte des dispositions favorables aux collectionneurs d’armes.

Ainsi, l’article 2 élargit la définition des armes de collection : il avance à 1900 la date avant laquelle, sauf dangerosité particulière, les armes sont considérées comme telles ; en outre, il inclut les matériels de guerre neutralisés antérieurs à 1946 dans la liste des pièces de collection.

L’article 8 ouvre aux collectionneurs la possibilité d’obtenir une « carte » leur permettant d’accéder à des armes de catégorie C.

Mes chers collègues, je vous proposerai, au nom de la commission, de définir un nouvel équilibre, établi après une large concertation avec les associations de collectionneurs et le ministère de l’intérieur : un élargissement du champ des armes de collection et, en contrepartie, un encadrement du statut du collectionneur.

Sur le premier point, je vous soumettrai deux amendements permettant aux ministères concernés d’aller au-delà des millésimes de 1900 et 1946. Ces amendements reprennent des préconisations du rapport de notre collègue Gérard César remis au Premier ministre au mois de novembre 2010.

Sur le second point, à savoir le statut des collectionneurs, je vous proposerai une réécriture de l’article 8 afin de poser de nouvelles conditions à l’obtention de la carte de collectionneur, dans un souci de sécurité publique.

En troisième lieu, les auteurs de la proposition de loi entendaient améliorer la connaissance et le suivi des armes présentes sur le territoire français par l’instauration d’une « carte grise » pour chaque arme à feu, document qui aurait mentionné, outre la catégorie, le nom du détenteur et un numéro d’immatriculation unique. Il aurait ainsi été plus aisé, à partir d’une arme retrouvée, de « remonter » à son détenteur, par exemple.

Lors du dépôt de la proposition de loi, soit juillet 2010, le fichier des propriétaires et possesseurs d’armes, dit « AGRIPPA », ne fonctionnait pas de manière satisfaisante. Le fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes, le FINIADA, quant à lui, bien que prévu par l’article L. 2336-6 du code de la défense, n’avait pas été créé.

Depuis cette date, le FINIADA a été mis en service et l’efficacité du fichier AGRIPPA semble avoir été nettement améliorée. En outre, la possibilité de se connecter par Internet avec le FINIADA a été ouverte aux armuriers et aux fédérations de chasse, qui pourront ainsi le consulter plus aisément.

Ces progrès récents ont amené la commission des lois de la Haute Assemblée à approuver la décision de la commission des lois de l’Assemblée nationale de supprimer l’article 4 créant ce dispositif de carte grise des armes. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous confirmer que le fichier AGRIPPA et le FINIADA, dont vous venez de rappeler les grands principes, sont pleinement opérationnels.

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