En quatrième lieu, la proposition de loi comprend une longue série d’articles destinés à rendre obligatoire, sauf décision spécialement motivée de la juridiction, le prononcé des peines complémentaires d’interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation, de détenir un permis de chasser, ou encore le prononcé de la peine de confiscation des armes détenues par l’intéressé.
Il s’agit d’inciter les juridictions à prononcer une sanction qu’elles ignorent trop souvent, mais qui peut s’avérer particulièrement pertinente lorsque la personne condamnée a commis certains crimes ou délits dénotant un comportement manifestement incompatible avec la détention d’une arme, tels que des violences volontaires graves contre les personnes, des vols à main armée, etc.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que le dispositif prévu par ces articles est compatible avec les principes qui fondent notre droit pénal.
En effet, à deux reprises, le Conseil constitutionnel a admis la constitutionnalité de dispositions encadrant le pouvoir d’appréciation du juge dans la détermination des peines, lors de la création de peines planchers par la loi du 10 août 2007 et d’une peine de confiscation obligatoire du véhicule par la LOPPSI 2 du 14 mars 2011, dès lors que la juridiction conserve la possibilité de ne pas prononcer la peine en raison des circonstances de l’espèce.
En outre, les peines complémentaires relatives aux armes à feu me semblent d’une nature particulière, différentes des autres peines complémentaires, telles que l’interdiction des droits civiques ou la peine de confiscation, par exemple : effectivement, il n’existe pas en France de droit absolu à détenir une arme à feu. La détention et l’utilisation des armes sont soumises, en raison de leur dangerosité, à un encadrement strict dans lequel prédomine un impératif de sécurité publique. À cet égard, il ne paraît pas choquant de priver du droit d’utiliser une arme une personne qui a commis une infraction portant atteinte volontaire aux personnes ou aux biens, ce type de comportement pouvant légitimement être considéré comme incompatible avec la détention et l’usage d’une arme.
La commission des lois a donc retenu ce dispositif de peines obligatoires proposé par nos collègues députés, tout en lui apportant quelques modifications, telles que la suppression des dispositions prévoyant le caractère obligatoire des peines complémentaires pour les infractions ne manifestant pas nécessairement un comportement incompatible avec la détention et l’usage d’une arme à feu. Elle l’a en revanche étendu à des infractions pour lesquelles ce dispositif se justifie de toute évidence : je veux parler de la participation à un attroupement armée ou de l’introduction d’armes dans un établissement scolaire.
Par ailleurs, elle a émis un avis favorable sur les amendements déposés par le Gouvernement, qui tendent à resserrer le champ de ces peines obligatoires sur les infractions les plus graves manifestant un comportement incompatible avec la détention et l’usage d’une arme.
La proposition de loi comporte également des dispositions harmonisant ou renforçant les peines prévues dans le code de la défense pour les infractions à la réglementation sur les armes.
À cet égard, la commission des lois avait supprimé l’article 31 de la proposition de loi qui posait des problèmes de compatibilité avec le droit communautaire. Les services du ministère de l’intérieur et du ministère de la défense ont travaillé ensemble sur cette question, et le Gouvernement a déposé un amendement tendant à une nouvelle rédaction de cet article, auquel la commission donnera un avis favorable.
La proposition de loi prévoit enfin un régime transitoire pour les armes dont le régime de détention sera modifié du fait de l’application de la nouvelle classification. Alors que la proposition de loi originale était très favorable à la préservation des droits acquis des détenteurs, la commission des lois de l’Assemblée nationale, suivant en cela une recommandation du Conseil d’État, a prévu un régime plus équilibré. Ainsi, les autorisations accordées seront maintenues jusqu’à leur expiration. Par ailleurs, les déclarations devront être déposées et les demandes d’autorisation formulées auprès des préfectures à la prochaine cession de l’arme concernée. Enfin, les armes qui passeraient en catégorie A1 et deviendraient donc prohibées devraient être remises à l’État, sauf autorisation spéciale dont les modalités seront fixées par un décret en Conseil d’État.
La proposition de loi de MM. Courtois et Poniatowski et celle de M. César comportent de nombreuses dispositions communes avec celle qui nous vient de l’Assemblée nationale. La première d’entre elles se retrouve, en partie, dans un amendement déposé à l’article 1er, auquel la commission a donné un avis favorable. La seconde évoque plus particulièrement les droits des collectionneurs, question que j’ai déjà évoquée et sur laquelle, comme je l’ai indiqué, la commission vous proposera un compromis.
Pour conclure, je pense que nous pouvons nous réjouir de débattre aujourd’hui d’une proposition de loi qui constitue une indéniable avancée en matière de régime juridique de la détention des armes, tant la simplification qu’elle propose permettra de rendre la loi intelligible pour tous.
Ce texte présente aussi, à mon sens, les garanties nécessaires pour assurer la protection de la sécurité publique, tout en respectant les droits légitimes des utilisateurs respectueux de la réglementation.
Bien entendu, les trafiquants et délinquants qui se servent d’armes au cours de leurs règlements de compte n’ont que faire de la législation. Toutefois, le fait que celle-ci devienne plus claire et plus facile à appliquer ne peut in fine que contribuer à la lutte contre la criminalité.