Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il va de soi que les sénateurs du groupe UMP voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Assurément, la proposition de loi constitutionnelle pose problème : son adoption introduirait des contradictions dans notre Constitution. Ses auteurs entendent modifier celle-ci sur une question fondamentale, au détour d’une mesure présentée habilement et empreinte de bons sentiments. Avec le talent que nous lui connaissons, notre collègue Jean-Jacques Hyest vient de le démontrer.
En plus d’entrer en contradiction avec certaines dispositions de la Constitution, la proposition de loi constitutionnelle porte atteinte aux principes hérités de la longue histoire de la fondation de notre pacte républicain ; elle porte atteinte à notre définition de la Nation et de la citoyenneté.
L’article 1er de notre loi fondamentale, qui figure dans le titre relatif à la souveraineté, dispose en effet, je le cite à mon tour, que la France « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».
Pour en arriver là, il aura fallu aux républicains plus de deux siècles de luttes parfois acharnées. Aujourd’hui, plus personne ne songerait à remettre en cause ce grand principe. Encore faudrait-il ne pas lui porter atteinte…
Or, à nos yeux, la proposition de loi constitutionnelle porte en elle les ferments d’une possible division de notre République.
Comment ne pas voir qu’elle constitue potentiellement un vecteur du communautarisme, ce communautarisme que nous devons combattre à tout prix si nous souhaitons que la République, à laquelle nous sommes tous attachés, ne s’effiloche pas sur des pans entiers du territoire national ?
Nous sommes nombreux sur ces travées à être confrontés, dans nos communes, à l’essor de revendications émanant de catégories d’individus qui, à un titre ou à un autre, s’organisent pour peser sur les choix politiques locaux.
Mes chers collègues, ne nous cachons pas la réalité : l’octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires, présenté par ses défenseurs comme un facteur d’intégration, porte au contraire le risque d’encourager le repli identitaire, contraire à l’unité de la République et à ses valeurs.
Dans nos banlieues, la mixité sociale est un enjeu crucial. La ségrégation territoriale y est malheureusement une réalité. Prenons garde qu’elle ne se double d’une ségrégation territoriale à base ethnique. Êtes-vous certains, chers collègues, vous qui parlez d’intégration, que votre projet n’y contribuerait pas ?
Je regrette sincèrement que certains, qui exaltaient et défendaient autrefois la République une et indivisible et ses textes fondateurs, comme la loi de 1905, s’écartent aujourd’hui de cet héritage, prenant le risque de détricoter les fondements de notre pacte républicain…
L’article 3 de la Constitution définit expressément comme électeurs « tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». La règle est simple, clairement énoncée : pour voter, il faut être Français !
Le droit de voter est la plus haute manifestation de l’appartenance à notre nation. À ce titre, il est indissociable de la citoyenneté et de la nationalité françaises : nous ne sommes manifestement plus, gauche et droite, d’accord sur ce point.
Mais ce choix politique et institutionnel, c’est celui de nos pairs, qui ont consacré la Nation comme seule détentrice de la souveraineté.
Ce choix est au cœur de notre socle républicain et aucun des constituants successifs ne l’a jamais remis en cause. Vous avez changé d’avis : les Français jugeront !
Le droit de désigner les représentants du peuple français, au niveau national comme au niveau local, et ainsi de participer à l’exercice de la souveraineté nationale, ne peut appartenir qu’au peuple français.
Pour obtenir ce droit, un ressortissant étranger doit impérativement embrasser les valeurs de la République et faire le choix de lier son destin à celui de la France, en faisant l’acquisition de la nationalité française.
Vous admettrez, mes chers collègues, qu’il n’y a pas beaucoup de pays au monde, quoi que vous en disiez, dans lesquels l’acquisition de la nationalité soit plus facile qu’elle ne l’est en France, pour celui qui la désire.
Si des étrangers vivant en France depuis longtemps ne souhaitent pas accéder à la nationalité française, c’est leur droit le plus strict ; mais ne venez pas nous dire alors qu’ils sont discriminés… S’ils n’ont pas le droit de vote, c’est parce qu’ils ne veulent pas devenir Français : leur choix est respectable mais, de grâce, ne nous en faites pas le reproche !
Le débat se résume à cette vérité simple : il n’est pas acceptable d’introduire dans notre Constitution, au détour du titre XII consacré aux collectivités locales, une mesure créant de facto différents degrés de citoyenneté. Cette segmentation serait discriminatoire et contraire au principe d’égalité qui prévaut depuis plus de deux siècles !