Séance en hémicycle du 8 décembre 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • citoyenneté
  • nationalité
  • nationalité française
  • ressortissant
  • élections municipales

La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France (proposition n° 329 [1999-2000], texte de la commission n° 143, rapport n° 142).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le Premier ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en inscrivant cette proposition de loi constitutionnelle à l’ordre du jour de votre Haute Assemblée, vous invitez le Gouvernement à défendre sa conception de la citoyenneté française. L’occasion m’est apparue suffisamment importante pour que je livre mes convictions au Sénat.

Ce débat s’attache en effet à l’organisation de notre République et à notre vision de la France. Pour moi, il n’y a pas de thème plus fondamental.

C’est un débat où les clivages n’obéissent pas nécessairement aux frontières partisanes, ce qui doit nous conduire à écouter les arguments de chacun.

Enfin, c’est un débat ancien...

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. ... et récurrent. Depuis 1981, il ressurgit avant chaque élection, avant d’être inhumé aussitôt après.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est faux ! Il ne ressurgit pas avant chaque élection !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Permettez-moi tout d’abord de dire un mot sur la méthode utilisée aujourd’hui. Je la réprouve, car elle crée un brouillage démocratique qui affaiblit la cohérence politique de nos institutions.

Très bien ! sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Je connais la tradition parlementaire qui veut que le Sénat reste saisi des textes émanant de l’Assemblée nationale même lorsque celle-ci est renouvelée. Un tel usage est utile pour assurer une certaine continuité de l’action législative. En revanche, il n’a certainement pas été conçu pour exhumer une proposition de loi vieille de plus de dix ans.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Depuis lors, l’Assemblée nationale a été renouvelée deux fois, et le Sénat l’a été dans son intégralité.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Cette initiative n’a donc plus le moindre lien avec la représentation nationale actuelle, ce qui pose un problème au regard de la clarté démocratique.

M. Alain Gournac acquiesce.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Je récuse donc la méthode employée.

Toutefois, ce qui m’importe avant tout, c’est de vous livrer ma conception de la France, car elle diverge de celle qui s’exprime dans cette proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plus de deux siècles, depuis que la nationalité française existe dans notre droit avec le code civil napoléonien, la citoyenneté en est indissociable.

Du lien entre nationalité et citoyenneté découle le lien entre nationalité et droit de vote.

Des cinq régimes républicains que la France a connus tout au long d’une histoire mouvementée, aucun n’a remis en cause ce socle de notre cohésion ! Aucun n’a vu dans son abolition une conquête ou un progrès légitimes !

Parce que voter, c’est participer à l’exercice de la souveraineté nationale. C’est aussi participer à la vie de notre République, que notre Constitution définit comme le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Or il n’y a qu’un seul peuple : le peuple français !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Comme la République, la citoyenneté française est une et indivisible. Elle n’est ni locale ni nationale.

Pour exercer la plénitude des droits civiques, un ressortissant étranger doit faire le choix et se montrer digne d’acquérir la nationalité française.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

La nationalité française ouvre des droits spécifiques. Ainsi, la qualité de fonctionnaire, pour l’exercice de fonctions de souveraineté ou d’autorité, est réservée aux Français. On conçoit mal que des ressortissants étrangers rendent la justice « au nom du peuple français ».

La nationalité française comporte aussi des obligations particulières. On nous propose aujourd’hui d’ouvrir une brèche dans cet édifice, où s’équilibrent les droits et les devoirs. Et cette brèche ne peut que déstabiliser les repères.

Au nom de quoi le droit de désigner les conseillers municipaux ou d’être élu au sein d’un conseil municipal ne serait-il plus un attribut de la citoyenneté française ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Crc

C’est déjà le cas !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Aucune des raisons avancées ne justifie, à mes yeux, ce travail de sape d’un des fondements de notre République.

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

On nous dit tout d’abord que les Français n’ont déjà plus le monopole du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales, puisque les ressortissants de l’Union européenne en disposent, sous réserve de réciprocité et dans les conditions prévues par la Constitution.

Mais pourquoi avons-nous fait le choix historique d’élargir ainsi notre droit de vote aux Européens ? Parce que nous voulions qu’émerge une citoyenneté européenne, ...

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

... une citoyenneté ancrée dans les traités, sous le sceau d’un accord entre des pays ayant explicitement décidé d’établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Cet objectif d’unir nos peuples ne peut pas être avancé pour tous les étrangers issus de pays, certes amis, mais qui n’appartiennent pas à l’aventure collective qui distingue l’Europe au sein du monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils vivent une autre aventure collective avec la France !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

J’entends ensuite que la reconnaissance de ce droit aux étrangers non communautaires serait nécessaire à leur intégration.

Pensez-vous vraiment que vous êtes intégré parce que vous votez ou parce que vous pouvez voter ?

Non ! sur les travées de l ’ UMP. – Oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Croyez-vous que les pays qui ont élargi leur droit de vote aux étrangers aient résolu leurs problèmes d’intégration ?

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Songeons au Royaume-Uni ou aux Pays-Bas, où – on peut le voir – ce droit est loin d’apaiser toutes les difficultés liées à l’intégration, qui, dans ces sociétés, sont aussi vives, sinon plus encore, que dans la nôtre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

S’intégrer, c’est d’abord remplir des devoirs, avant de disposer de plus de droits.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

S’intégrer, c’est s’insérer économiquement et socialement ; c’est respecter, épouser, assimiler la culture du pays d’accueil.

Pour moi, le droit de vote est la conséquence d’un parcours individuel. C’est l’aboutissement d’un parcours d’adhésion à notre communauté nationale.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Le droit de vote n’est pas une condition ! Il n’est pas un préalable !

Au fond, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi constitutionnelle prend les choses à l’envers.

Quitte à choquer certains d’entre vous, je veux dire que ce sont aux étrangers de faire l’effort de s’ancrer dans la République, car la République, elle, fait tous les jours la preuve de son ouverture.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR. – Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

L’honneur de la France, c’est de récompenser un chemin d’intégration par l’octroi de la nationalité française.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ce n’est pas de récompenser l’étranger qui, de manière somme toute légale et légitime, travaille et paye ses impôts.

Au demeurant, l’absence de droit de vote ne signifie nullement que l’étranger soit privé de sa capacité à participer à notre vie sociale.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Rien n’est plus faux et plus injuste que de présenter notre pays comme fermé, suspicieux ou xénophobe.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Les étrangers qui le souhaitent peuvent participer à la vie de la cité, dans le cadre associatif, dans l’entreprise, dans les comités de quartiers. Je ne peux que les encourager à le faire, car c’est le signe d’une volonté d’intégration.

À l’évidence, un étranger qui réside de longue date en France, qui respecte nos lois et qui s’investit n’aura aucune difficulté à obtenir la nationalité française.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

S’il ne le souhaite pas, c’est parce qu’en son for intérieur, il ne se sent pas entièrement partie prenante du peuple français.

Dans ce cas, il est tout à fait normal qu’il ne puisse pas désigner les représentants d’une collectivité de la République.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

J’ajoute que le choix de devenir Français n’est pas exclusif. Notre patriotisme n’est pas fondé sur les origines. Il n’est pas sectaire. Il admet parfaitement que chacun puisse conserver dans son cœur plusieurs attaches.

La personne qui devient française n’est pas automatiquement contrainte à renoncer à sa nationalité d’origine, puisque notre droit admet le cumul de nationalités.

Il n’y a donc aucune forme de déchirement dans le choix d’accéder à la nationalité française. Il y a là simplement, et c’est fondamental, l’expression d’un désir d’être Français.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Chaque année, plus de 130 000 personnes décident d’acquérir la nationalité française. Pour eux, c’est très souvent un moment important, émouvant, solennel.

Dans les nombreuses cérémonies d’acquisition de la nationalité française que j’ai présidées, j’ai pu voir, comme vous, la joie et la fierté dans les yeux des personnes naturalisées au moment de la remise du document officiel.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Cette joie, cette fierté, c’est un cadeau que leur fait la France en les accueillant en son sein, mais c’est aussi un cadeau que ces étrangers font à la France en rejoignant son destin !

Très bien ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Cette proposition de loi ne rend pas justice à tous nos compatriotes qui ont fait l’effort de s’assimiler pour acquérir la nationalité française.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ceux qui entreprennent la démarche de demander la nationalité disent souvent que l’une de leurs motivations est de participer à notre vie politique.

En d’autres termes, eux-mêmes perçoivent et respectent le lien intime qui existe entre citoyenneté et droit de vote. C’est donc qu’ils sont sensibles aux principes régissant l’existence de notre communauté nationale. Pourquoi devrions-nous renoncer à cette donnée, que les étrangers sont les premiers à ressentir comme importante ?

Mais il y a plus grave.

Dissocier le droit de vote de la nationalité française, c’est prendre le risque de communautariser le débat public.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Nous perdrions beaucoup si nous voyions fleurir des listes de candidats se réclamant de leur nationalité étrangère pour briguer des voix.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Il n’est sans doute pas de pire ferment du communautarisme que l’onction du suffrage universel donnée à des candidatures qui seraient tentées de miser sur leur caractère ethnique. Je reconnais qu’il n’y a là rien d’automatique, mais je ne suis pas prêt à courir un tel risque.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

On me rétorque que ces personnes payent des impôts et des cotisations sociales en France et qu’il est donc normal qu’elles puissent décider de l’utilisation qui en sera faite.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Telle n’est pas ma conception de la citoyenneté.

Pour tout dire, cette vision censitaire et finalement utilitariste de la participation démocratique me paraît choquante.

Pour faire fonctionner nos services publics, dont tout le monde bénéficie, y compris les ressortissants étrangers, il est naturel que tous ceux qui en ont les moyens payent des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et que faites-vous de nos citoyens du lac Léman qui ne payent plus d’impôt en France ?

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Participer aux destinées d’une collectivité publique ou désigner ceux qui en seront chargés, cela n’a rien à voir !

Une commune n’est pas une entreprise dont on serait actionnaire en acquittant ses impôts. En clair, le droit de vote ne s’achète pas ; il se gagne par la volonté du cœur et de l’esprit.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l’UCR.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

L’argument qui met en valeur la contribution économique des étrangers pour légitimer leur droit de vote se heurte en outre à une profonde contradiction.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

En effet, pourquoi le réserver aux communes ? Les impôts locaux bénéficient aussi aux départements et aux régions. Alors pourquoi n’avez-vous pas proposé d’ouvrir le droit de vote aux élections cantonales et régionales ?

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Allons plus loin dans l’absurde. Les étrangers payent à l’État la TVA et, souvent, l’impôt sur le revenu. Faut-il leur donner le droit de vote aux élections législatives pour qu’ils puissent décider de l’usage qui en sera fait ?

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

De proche en proche, avec un tel raisonnement, c’est la citoyenneté française qui disparaîtrait.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Certains en appellent aux exemples étrangers pour justifier leur proposition.

Que nous montrent de telles comparaisons ? Qu’il n’y a pas de modèle unique et que chaque État se détermine en fonction de son histoire, …

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

… mais surtout de sa propre conception de la citoyenneté, celle qu’il croit la mieux à même de garantir la cohésion nationale !

Les Allemands, les Autrichiens ou les Italiens ont fait le même choix que nous.

Les Britanniques n’ont ouvert ce droit qu’aux ressortissants du Commonwealth, en raison de leur histoire commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Parce que, nous, nous n’avons pas d’histoire commune avec les autres pays ? C’est incroyable ! Honteux !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Et même dans les pays qui sont souvent mis en avant par les tenants du droit de vote des étrangers, les situations sont extrêmement diverses.

Droit de vote sous réserve de réciprocité : c’est le cas de l’Espagne et du Portugal. Droit de vote sans éligibilité : c’est le cas de la Belgique. Droit de vote assorti de conditions strictes d’accès à la nationalité, en particulier un droit du sol extrêmement restrictif, voire inexistant : c’est le cas des Pays-Bas, de la Suède, de l’Irlande ou encore de l’Espagne.

La France se distingue par un droit de la nationalité ouvert, avec une large place accordée au droit du sol et une naturalisation possible à partir de cinq années de résidence régulière. Nous avons toujours veillé à préserver cet équilibre.

Le Gouvernement a seulement entrepris de renforcer les exigences qui dépendent de la motivation et de la volonté des postulants, …

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

… à savoir l’intégration et la maîtrise de la langue française.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’accession à la nationalité, nous sommes, selon les années, le premier ou le deuxième pays derrière le Royaume-Uni en valeur absolue, loin devant l’Allemagne.

Rapporté à la population étrangère, le nombre d’acquisitions de la nationalité en France est supérieur à ce qu’il est dans la plupart des pays ayant ouvert le droit de vote aux étrangers. Voilà la réalité ! Elle est très loin des caricatures dans lesquelles certains se complaisent.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, on nous nous oppose l’argument selon lequel les élections locales seraient d’une autre nature que les élections nationales.

Oui !sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ce n’est pas ma conception de la République et de son organisation.

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Pour moi, les collectivités locales ne sont pas dissociables de l’État et de la nation.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Il n’y a pas, d’un côté, la stricte gestion locale et, de l’autre, la gestion nationale.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Les deux forment des entités politiques, avec des enjeux politiques qui sont loin d’être anodins !

Les collectivités territoriales de la République participent aussi à l’expression de la souveraineté nationale.

Une compétence est décentralisée lorsque le Parlement estime qu’il s’agit du meilleur échelon de décision publique. Mais ce n’est pas parce qu’une compétence est décentralisée que les étrangers devraient mécaniquement être admis à participer à son exercice.

Pour moi, les élections municipales sont des élections politiques pleines et entières. Elles sont d’une essence différente des scrutins professionnels, universitaires ou sociaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis venu vous exprimer mon opposition à cette proposition de loi.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Je le fais au nom des enjeux qu’elle reflète et qui, d’une certaine manière, la dépassent.

Qu’est-ce qui est en jeu ? C’est notre relation à la France, c’est notre unité, c’est notre égalité devant nos droits et devoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec les agences de notation, ce qui est en jeu, c’est la souveraineté nationale !

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Face au relativisme, face à l’individualisme, c’est un combat qui n’est jamais définitivement gagné.

M. Jean-Pierre Raffarin applaudit.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Ne soyons pas naïfs : il existe dans notre pays des ferments de division.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Et comme vous tous ici, je ressens honte et colère lorsque je vois La Marseillaise sifflée.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Je ressens de la tristesse lorsque notre pays est moqué. Et je suis inquiet devant l’expression radicale des appartenances ethniques ou religieuses.

Tous ces comportements sont les signes d’une société qui a besoin de raffermir ses repères historiques, civiques et moraux.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

M. François Fillon, Premier ministre. Dire cela, ce n’est pas assouvir je ne sais quelles obsessions passéistes.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

La France n’a jamais cessé d’être en mouvement, et toute son histoire est tendue vers l’objectif d’un rassemblement qui n’est jamais allé de soi !

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Depuis dix siècles, la volonté d’unir nos différences et de nous forger un destin collectif s’est imposée sur nos particularismes et nos vieux penchants pour la division.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Transcendant nos provinces, nos origines, nos religions, nous sommes depuis le début une nation fondée sur la volonté d’être précisément... une nation !

Et, plus que cela, nous sommes devenus une nation de citoyens, ce qui, au demeurant, nous impose plus de devoirs que de droits, plus de civisme que d’égoïsme, plus d’adhésion que d’indifférence.

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Depuis le fond des âges, la France a accueilli et assimilé des générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Il est naturel de vouloir que nos valeurs soient les leurs, et il est généreux de leur offrir la possibilité d’entrer pleinement dans notre famille nationale.

Nous sommes une nation d’intégration. Nous ne sommes pas une nation mosaïque !

L’intégration signifie que l’étranger qui veut fondre son destin personnel dans notre destin collectif adopte la France, et que, dès lors, la France l’adopte comme l’un des siens.

Très bien ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

Et cela, c’est un message pour nous, peuple français, qui avons trop souvent l’art de nous dévaloriser, de nous déprécier, alors que nous avons tellement d’atouts, et, si souvent, tant de noblesse dans nos élans.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

En République, l’amour et le service de la France ne relèvent pas d’une doctrine d’État.

Chacun est responsable de ce qu’il reçoit et de ce qu’il donne à la nation. Chacun est porteur d’un héritage historique et culturel qu’il se doit de respecter et de prolonger avec fidélité et courage.

Cette exigence est valable pour les Français, qui sont les premiers concernés par le sort de la nation, mais elle l’est aussi pour les étrangers qui nous rejoignent. Pour eux, comme pour nous, être français ou choisir de devenir français, c’est d’abord adhérer à un pacte !

Avec une telle proposition de loi constitutionnelle, la gauche s’engage dans une voie dangereuse avec légèreté. Elle prend le risque de vider la nationalité et la citoyenneté française de leur substance, et ce au moment précis où notre pays est face aux épreuves de la mondialisation et doit se rassembler autour de ses valeurs et de ses objectifs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français ont besoin de repères clairs et stables.

Or, fractionner le droit de vote, c’est prendre le risque de morceler notre pacte national.

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

C’est prendre le risque d’affaiblir l’intégration.

C’est prendre le risque de sectionner l’un des chaînons de l’unité républicaine.

Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons tous ensemble veiller à protéger l’un des principes de la République française : pas de vote sans citoyenneté, et pas de citoyenneté sans adhésion à la nation !

Mmes et MM. les sénateurs de l ’ UMP, suivis de plusieurs sénateurs de l’UCR, se lèvent et applaudissent très longuement. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le Premier ministre, je tiens à intervenir, parce que vous avez mis en cause la méthode en vertu de laquelle nous sommes aujourd'hui saisis de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je m’étonne que le chef du Gouvernement puisse remettre en cause le fait que le Sénat ait inscrit à l’ordre du jour un texte adopté par l’Assemblée nationale.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le Premier ministre, vous savez très bien qu’il s’agit du fonctionnement normal de nos institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour parler très clairement, ceux qui constituent aujourd'hui la majorité de ce Sénat ont pris un engagement moral voilà trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pendant trente ans, nous avons dit que le droit de vote des étrangers aux élections locales ne pouvait pas être adopté en raison de la majorité du Sénat.

Maintenant que la majorité du Sénat a changé, il était un devoir pour nous, eu égard à cet engagement moral, d’inscrire ce texte à l’ordre du jour.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous le faisons en vertu des principes et des valeurs qui sont les nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Pourquoi François Mitterrand ne l’a-t-il pas fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le Premier ministre, en citant l’histoire de la République, vous avez, semble-t-il, oublié que la Première République avait adopté des textes fondant la citoyenneté non pas sur la nationalité, mais simplement sur le fait qu’il y avait des êtres humains.

Enfin, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été adoptée par des républicains, sans condition ni réciprocité, en vertu de valeurs universelles de fraternité qui sont les nôtres et en vertu desquelles nous déposons aujourd'hui ce texte devant le Sénat.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

« J’avoue ne pas être outrageusement choqué par la perspective de voir des étrangers, y compris non communautaires, voter pour les scrutins cantonaux et municipaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

« À compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Laissez-moi terminer : je vous lis une déclaration de M. Sarkozy !

Rires et vifs applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

« À compter du moment où ils paient des impôts, où ils respectent nos lois, où ils vivent sur notre territoire depuis un temps minimum, par exemple de cinq années, je ne vois pas au nom de quelle logique nous pourrions les empêcher de donner une appréciation sur la façon dont est organisé leur cadre de vie quotidien. » Voilà ce que qu’écrivait Nicolas Sarkozy à la page 214 de son livre Libre !

Nouveaux rires ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. La gauche applaudit Sarkozy !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Puis, le 30 octobre 2005, il affirmait à propos du droit de vote des étrangers : « Je crois que c’est un facteur d’intégration. »

« Vouloir priver des étrangers qui travaillent, vivent, font vivre, et payent leurs impôts, de toute forme de citoyenneté et de toute participation à notre vie démocratique, n’a d’autre sens qu’une ségrégation » C’est ce qu’écrivait Éric Besson à la page 65 de Pour la Nation.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le même ajoutait : « Étendre le droit de vote aux élections locales aux ressortissants des pays qui furent colonisés par la France, qui sont des pays francophones, qui ont appartenu à notre République, et qui sont aussi ceux qui entretiennent avec elle les liens les plus profonds et anciens, constituerait un signal fort du maintien de cette grande tradition républicaine d’accueil et d’intégration. »

« Je voudrais, mes chers collègues, appeler votre attention sur le fait que nous sommes dans le dernier peloton des pays européens à devoir encore accorder le droit de vote aux résidents étrangers. » Telles sont les déclarations de M. Gilles de Robien en 2000, lorsque l’Assemblée nationale examinait la présente proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. J’en ai encore quelques-unes...

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste scandent « Encore ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

« Un authentique décentralisateur ne peut pas être opposé à un débat sur le droit de vote aux élections municipales pour les étrangers résidant depuis plusieurs années dans une commune. Ce pourrait être un signe de la France à leur endroit. » Ce sont les mots de M. Jean-Pierre Raffarin, dans Pour une nouvelle gouvernance.

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Raffarin se lève et salue ironiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Et je terminerai par la phrase suivante : « Donc, vous voyez, c’est simplement oser l’audace et l’imagination. » C’est ce qu’affirmait Brice Hortefeux le 26 octobre 2006 !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Eu égard aux quelques citations que je viens de vous lire, je devrais être convaincue qu’aucun de nous ne saurait voir d’objection à ce que notre Haute Assemblée se prononce unanimement…

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. … en faveur du droit de vote et d’éligibilité des étrangers non communautaires aux élections municipales.

Vifs applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Mme Christiane Demontès désigne les sénatrices et sénateurs UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Et pourtant, ce sont d’autres discours que l’on entend désormais. L’exclusivisme nationaliste actuellement en vogue m’évoque parfois des temps moins généreux que ceux, en tout cas, de 1793, lorsqu’un révolutionnaire prétendait faire citoyens français tous ceux qui « respirent sur le sol de la République ».

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. On avait alors élu plusieurs députés étrangers à la Convention nationale.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Car – faut-il le rappeler ? – les concepts de nationalité et de citoyenneté apparaissent comme distincts, au début de la Révolution. Il n’était pas alors nécessaire d’être Français pour pouvoir participer à l’exercice de la citoyenneté que représentait le vote. Et l’article 4 de Constitution de l’an I disposait que pouvait être admis à l’exercice des droits de citoyen français « tout étranger » qui serait « jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité ». De l’humanité, pas de la nation !

Peu à peu s’imposent le caractère exclusivement national de la citoyenneté et l’idée selon laquelle les droits associés à la citoyenneté sont fondés sur l’appartenance de l’individu qui en jouit à une communauté politique nationale incarnée par l’État-nation. Le XIXe siècle est celui de la montée des nationalismes, où la nationalité apparaît comme le critère, sinon le principal, du moins le premier, de la citoyenneté, ainsi que le reflète la Constitution du 4 novembre 1848, dont l’article 25 dispose que sont « électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt et un ans, et jouissant de leurs droits civils et politiques ».

C’est le traité de Maastricht, en 1992, qui permettra à la France de renouer avec son ancienne tradition d’ouverture. Non seulement ce traité autorise les citoyens ressortissants des États membres de l’Union européenne à voter aux élections locales et européennes dans leur pays de résidence, mais il distingue aussi la nationalité de la citoyenneté. Ce « statut fondamental » des ressortissants de l’Union européenne crée ce que l’on peut appeler une citoyenneté européenne, parallèlement à la souveraineté nationale.

La ratification du traité de Maastricht nécessitait une modification de la Constitution, rendue effective par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a introduit un nouvel article 88-3 dans la Constitution.

Rappelons-le, la Constitution a été modifiée à plusieurs reprises pour que soient réalisées des réformes considérées comme fondamentales et décisives : droit de vote des femmes, abolition de la peine de mort, parité femmes-hommes, etc. C’est la volonté politique qui a permis de telles avancées.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Aujourd’hui, il est temps que nous ayons cette volonté pour ajouter une nouvelle page à l’histoire de notre nation

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le texte visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France, adopté par les députés et transmis au Sénat au mois de mai 2000, s’inscrit dans la continuité de l’octroi du droit de vote aux étrangers communautaires.

Une étude de législation comparée, conduite par les services du Sénat sur douze pays européens et la Suisse, montre que seuls deux pays dénient tout droit de vote aux élections locales aux résidents étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

L’étude porte sur douze pays ! Pas sur les vingt-sept !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La présente proposition de loi constitutionnelle ne vise pas à modifier l’article 3 de la Constitution ; elle tend à créer un nouvel article au sein du titre XII consacré aux collectivités territoriales.

Ce choix vise aussi à montrer que les droits ainsi conférés aux étrangers ne remettent pas en cause la souveraineté nationale, qui découle, elle, de l’article 3, relatif au titre Ier : De la Souveraineté. Cette interprétation a d’ailleurs été confirmée par la décision du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992, dite Maastricht 1.

Pour compléter le dispositif prévu par l’article 1er du texte dont nous débattons aujourd’hui, nous avons introduit un article 2 visant à supprimer le mot « seuls » des dispositions prévues par l’article 88-3 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Reprenez les citations de Nicolas Sarkozy ; c’est plus agréable et plus clair !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

De nombreux arguments militent en faveur de l’ouverture du droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne. Ils peuvent être regroupés en quatre thématiques.

Premièrement, il est nécessaire de reconnaître l’existence d’une citoyenneté plurielle, conséquence de la pérennité de l’établissement de certains étrangers sur le sol français. Cette pérennité est indéniablement source d’implication dans la vie collective à l’échelle locale.

Deuxièmement, l’équité impose de ne pas traiter différemment deux catégories d’étrangers : ceux qui sont issus des États membres de l’Union européenne et ceux qui sont issus des pays tiers. En effet, comment justifier que les premiers puissent voter en France quand ils n’y sont établis que depuis quelques mois, tandis que les seconds restent exclus de toute participation à la vie civique, même lorsqu’ils résident chez nous depuis plusieurs décennies ?

Troisièmement, s’exprime la volonté de renforcer la portée de la démocratie.

Quatrièmement, enfin, il faut garantir la dignité des personnes concernées par ce nouveau droit.

À ces arguments s’ajoute le fait que l’octroi de ce droit répond aux aspirations profondes de ceux qui en seront bénéficiaires. Il est, en outre, approuvé par maints élus locaux, qui ont marqué leur soutien en mettant en place des « votations citoyennes » et en souscrivant à l’Appel de Strasbourg en faveur de l’ouverture du droit de vote aux étrangers pour les élections municipales.

Quant à la proposition de loi constitutionnelle qui vous est aujourd'hui présentée, mes chers collègues, elle semble également recueillir le soutien de l’opinion.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Selon une enquête BVA réalisée pour le journal Le Parisien et datée du lundi 28 novembre 2011, 61 % des Français – c’est un chiffre record – sont favorables au fait que les étrangers non européens puissent participer aux élections municipales.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Contrairement aux craintes que M. le ministre de l’intérieur avait exprimées au printemps dernier dans le magazine Le Point, au vu des sondages, les Français paraissent donc bien « mûrs sur le sujet ».

Craindre que les étrangers non communautaires prendraient d’assaut nos mairies au cas où ils accéderaient au droit de vote et d’éligibilité – et certains font mine d’y croire ! – suppose de surévaluer les conséquences effectives de l’arrivée de ces nouveaux électeurs sur les équilibres ordinaires du corps électoral.

Certes, les arguments avancés pour contester l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux étrangers non communautaires ne vont pas manquer. On peut d’ailleurs en identifier trois principaux.

Tout d’abord, a été avancé l’argument d’un prétendu « modèle républicain », liant, de manière indissoluble, la citoyenneté à la nationalité. Il ne semble pourtant plus avoir de raison d’être depuis l’insertion de l’article 88-3 dans la Constitution, c’est-à-dire depuis que les ressortissants de l’Union européenne participent aux élections municipales. Il n’est pas légitime de lier citoyenneté et nationalité dans la mesure où ces notions répondent à deux questions très différentes, qui n’ont d’ailleurs pas de véritable lien logique entre elles.

En effet, alors que la nationalité s’attache à la question : « Qui suis-je ? », la citoyenneté semble, quant à elle, constituer une réponse à la question : « Que faire ensemble ? »

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En d’autres termes, la nationalité est attachée à la personne, alors que la citoyenneté relève d’une logique collective.

Ensuite, pour démontrer leur intégration dans la vie publique française, condition essentielle à l’obtention du droit de vote, les étrangers non européens devraient recourir à la naturalisation, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre.

Non seulement cet argument se heurte aux mêmes objections que le précédent, mais surtout il méconnaît la dureté des conditions actuelles de naturalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Certes, ce ne fut jamais facile. Cela l’est, hélas ! encore moins aujourd'hui.

À cet égard, je pense à cette Toulousaine – c’est un cas parmi tant d’autres –, mère de quatre enfants, vivant sur notre sol depuis trente-cinq ans, qui a déposé une demande de naturalisation, mais à qui notre administration s’obstine à opposer un refus absurde et scandaleux.

Huées sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Enfin, l’octroi du droit de vote aux étrangers non européens favoriserait la montée du « communautarisme ».

Les enquêtes sociologiques menées sur le sujet, ainsi que les précédents étrangers, démontrent pourtant l’inverse.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’ouverture du droit de vote aux ressortissants étrangers pour les élections locales a, en pratique, pour effet de conduire à une meilleure prise en compte des intérêts des « minorités » par la classe politique, mais aussi, à terme, à une plus forte présence de ces « minorités » au sein de la direction des partis politiques et des parlements. Tous les partis – de gauche, comme de droite – sont concernés par la question.

Ces deux évolutions favorisent une meilleure intégration des « minorités » au sein de la vie politique nationale, et font donc barrage à une éventuelle tentation communautariste. Dans le secret de l’isoloir, l’attache « communautaire » ne compte plus et toute pression éventuelle est réduite à néant.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

De surcroît, les parents étrangers qui voteront encourageront leurs enfants français à l’exercice d’une pleine citoyenneté, en leur donnant l’exemple. Ils fabriqueront des citoyens, et non des sujets repliés sur leur communauté ou leur religion « d’origine ».

Par ailleurs, je tenais à préciser que la clause de réciprocité prévue par l’article 88-3 de la Constitution pour les ressortissants des États membres de l’Union européenne n’a évidemment pas lieu d’être pour les étrangers non communautaires.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

N’importe quoi ! Ce que vous dites ne ressemble à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Dès lors que tous les États membres de l’Union européenne ont, par définition, ratifié le traité de Maastricht de 1992, cette réciprocité est forcément réalisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’insertion d’une clause similaire dans le texte que nous discutons aujourd’hui aurait pour effet de vider la réforme de son contenu.

En outre, de nombreux États extérieurs à l’Union européenne ne sont pas des démocraties et n’organisent aucune élection, même à l’échelon local. Il serait donc impossible d’établir une réciprocité avec eux, et donc d’ouvrir le droit de vote et d’éligibilité à leurs ressortissants.

Le droit de vote, en tant que droit fondamental, ne peut être conditionné aux relations existant entre la France et des États tiers.

Vous l’aurez tous compris, mes chers collègues, notre commission des lois est évidemment favorable à l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle. Si elle emporte, comme je l’espère, vos suffrages, notre pays s’honorera d’avoir ajouté une belle page à son histoire de démocratie et d’accueil.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ma conviction présente est le fruit d’une réflexion scrupuleuse, qui s’enracine aussi dans mon expérience.

Élevée loin de la France dans un amour inconditionnel pour ce pays, pour sa langue et ses idéaux, dans l’amour d’une France qui avait su réhabiliter le capitaine Dreyfus – on oubliait, dans ma famille, qu’elle l’avait condamné ! –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

… j’ai été moi-même une étrangère, une immigrée.

Et comme Apollinaire voilà presque un siècle – lui aussi était un étranger, un immigré –, je tiens pour un « honneur » que « la grande et noble nation française » m’ait accueillie « comme un de ses enfants ».

Le pays des droits de l’homme ne peut, aujourd’hui pas plus qu’hier, manquer à la mission qui est la sienne. Avec tant d’autres, Montesquieu

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

– j’espère au moins que vous le respectez ! – nous montre la voie. Dans De l’Esprit des lois, il écrivait simplement : « L’amour de la république, dans une démocratie, est celui de la démocratie : l’amour de la démocratie est celui de l’égalité. »

Mesdames, messieurs les sénateurs sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC se lèvent et applaudissement longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bruno Retailleau.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de nous avoir délivré un tel message et de nous avoir rappelé les fondamentaux, qui sont importants lorsqu’on participe aux travaux législatifs au Sénat.

Je salue l’ensemble de mes collègues, mais je voudrais m’adresser tout particulièrement à Mme la rapporteure.

Madame, je rends hommage à votre sincérité, dont personne ne doute sur aucune de ces travées, et au symbole que vous représentez au regard de ce que vous avez dit ; comme vous vous en doutez, mon propos sera différent. Enfin, je vous félicite d’avoir réussi le tour de force de faire applaudir par la gauche aussi bien Nicolas Sarkozy qu’Éric Besson ou notre collègue Jean-Pierre Raffarin.

Sourires et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. J’ai moins goûté l’allusion à 1793 et à la période terroriste de la Révolution française, qui est, à mes yeux, une ombre portée sur les grands idéaux de 1789 !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cette proposition de loi constitutionnelle a la saveur de l’air du temps. Elle emprunte aussi au vocabulaire de la générosité et des droits de l’homme. Elle touche à l’ADN de notre pacte républicain, à la signification du droit de vote et, donc, au lien entre la nationalité et la citoyenneté. Bien sûr, elle nous amène aussi à nous interroger sur le modèle d’intégration des nouveaux citoyens français.

C’est justement parce qu’elle fait appel à des enjeux qui, pour moi, sont essentiels, au sens étymologique du terme, que je voudrais écarter d’emblée un certain nombre de préjugés, d’idées fausses, afin de mettre en lumière les véritables motivations cachées du dépôt de cette proposition de loi constitutionnelle.

Première idée fausse : puisque les autres le font, nous devrions nous précipiter pour en faire autant. Mais depuis quand l’imitation est-elle une ambition politique ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Dans les pays nordiques, le droit de vote à l’échelon local compense le fait que l’accès à la naturalisation est extrêmement difficile.

D’autres pays ont, du fait de leur singularité nationale, une conception différente de la citoyenneté. Je pense au Royaume-Uni, où le droit de vote des étrangers concerne seulement les ressortissants des pays de la grande communauté du Commonwealth, qui ont d’ailleurs le même souverain. De même, le Portugal accorde le droit de vote aux ressortissants des pays lusophones, comme le Brésil.

Deuxième idée fausse : il y aurait une rupture d’égalité avec les ressortissants des pays européens. Non ! Pour les ressortissants communautaires, il existe un traité international fondé sur la réciprocité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

C’est important : sans traité, pas de réciprocité ; et sans traité, ni réciprocité, pas de citoyenneté pour les ressortissants européens ! C’est précisément cette singularité de la construction européenne qui justifie la différence de traitement entre les étrangers communautaires et les autres.

Troisième idée fausse : le droit de vote se justifierait par le fait de payer l’impôt. Or ce n’est évidemment pas l’impôt qui justifie le droit de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La contrepartie de l’impôt, ce sont des services publics. La contrepartie du droit de vote, c’est la citoyenneté. Et, chez nous, la contrepartie de la citoyenneté, c’est la nationalité !

Et je n’aurai même pas besoin de faire référence au suffrage censitaire pour étayer ma démonstration !

J’en viens aux motivations de cette proposition de loi constitutionnelle.

Je vois derrière ce texte une arrière-pensée et une dérive idéologique préoccupante.

En effet, le calendrier choisi, ainsi qu’une curieuse coïncidence m’amènent à déceler une arrière-pensée derrière une telle démarche.

En dehors d’une période préélectorale, une telle proposition de loi constitutionnelle aurait gagné en force et en sincérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais pourquoi vouloir la présenter à quelques mois de l’élection présidentielle, alors que les élections municipales sont prévues pour 2014 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il est vrai que, depuis 1981, vous n’aviez pas la majorité au Sénat. Mais vous auriez pu décider d’organiser un référendum. M. le président de la commission des lois, qui est un excellent juriste, le sait bien !

Malheureusement, certains ont peut-être la volonté d’instrumentaliser un débat pour jeter de l’huile sur le feu, à la vieille façon mitterrandienne !

Vifs applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’évoquais aussi une coïncidence. En l’occurrence, le dépôt de ce texte intervient après la publication d’une note intitulée Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? émanant du think tank Terra Nova.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette contribution n’engage pas le parti socialiste ! C’est le papier d’un club qui en publie des centaines !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

On y lit précisément que le PS doit opérer une rupture stratégique pour compenser la perte d’un électorat populaire, notamment ouvrier, et s’appuyer ainsi sur les minorités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En effet !

Voilà donc coïncidence qui me semble pour le moins curieuse. En fait, tout cela me paraît cousu de fil rose !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Et, sur le fond, cette proposition de loi constitutionnelle relève d’une dérive idéologique préoccupante au regard non seulement de notre pacte républicain, mais aussi de notre modèle d’intégration.

Car, loin d’un petit aménagement, nous sommes en présence, me semble-t-il, d’une rupture radicale et historique, qui ne favorisera pas une meilleure intégration. En effet, elle créera deux classes de citoyens. Tandis que des citoyens de première classe auront accès aux grandes décisions nationales, qui ont d’ailleurs des conséquences sur la vie quotidienne des nationaux comme des étrangers, des citoyens de deuxième classe en seront exclus. Nous aurons une citoyenneté coupée en deux, au rabais !

Mes chers collègues, la vraie générosité républicaine consiste non pas à concéder du bout des lèvres une petite citoyenneté locale, mais à proposer aux étrangers de devenir de vrais citoyens français par la voie de la naturalisation, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. ... dès lors qu’ils souhaitent participer à notre projet collectif !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je veux le rappeler cet après-midi, dans notre République, la citoyenneté a toujours été, et est encore, le moyen le plus sûr de gérer démocratiquement à la fois la diversité des cultures et de toutes les expériences, y compris religieuses, c’est-à-dire, en fait, d’organiser la diversité dans l’unité !

C’est que qu’entendait Pierre Mazeaud, remarquable ancien président du Conseil constitutionnel, lorsqu’il affirmait : « La citoyenneté ne se transmet pas en pièces détachées. »

Accéder et, surtout, accorder le droit de vote sans demander d’adhérer à nos valeurs de la République, c’est prendre, je le dis après le Premier ministre, le risque d’ouvrir la porte à tous les communautarismes et au vote identitaire dans notre pays.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Une telle rupture ne servira ni l’intégration ni notre pacte républicain, et ce pour deux raisons.

D’abord, elle dissocie le local et le national. Or il n’y a pas deux peuples, deux France, deux démocraties, l’une locale, l’autre nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. La démocratie est française !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il n’y a pas la France du Parlement, la France du conseil des ministres et la France des conseils municipaux. Nous, sénateurs, symbolisons justement le lien entre le local et le national, un lien qui ne peut pas se diviser. C’est une évidence !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Qui peut soutenir que, dans les grandes villes, les élections locales n’ont pas une couleur politique, n’ont pas encore un lien entre la politisation nationale et la seule gestion locale ? Dissocier le local et le national, c’est finalement avoir une certaine vision féodale de la France, alors que la République française est une et indivisible !

Approbations sur les travées de l ’ UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Surtout, cette proposition de loi constitutionnelle constitue, sans en avoir l’air, une remise en cause de notre modèle républicain, puisqu’elle fissure le lien constitutif entre la citoyenneté, la souveraineté et la nationalité, lien qui figure à l’article 3 de la Constitution.

Notre loi fondamentale ne traduit pas uniquement une organisation institutionnelle. Elle prône aussi un modèle civique singulier et, finalement, une conception française du « vivre ensemble ».

Aujourd’hui, on croit découvrir un problème nouveau. Mais, dans notre histoire, à chaque génération, la question s’est posée de faire vivre ensemble des individus issus de collectivités historiques et culturelles très différentes. La réponse française est invariablement, pour reprendre le beau titre du livre de Dominique Schnapper, La Communauté des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous touchons là au cœur du problème. Vous confondez encore des réalités très différentes : le corps politique et la société, l’homme et le citoyen. Mais la différence entre ces notions, c’est l’existence ou non d’un lien civique, d’un lien politique.

Selon moi, et vous partagerez peut-être cette approche-là, notre tâche, à nous les politiques, est de répondre à la question suivante : comment, à partir d’individus aussi différents, peut-on former ou développer ce que vous avez, monsieur le Premier ministre, appelé à Royaumont un « être collectif » ?

Oui, il existe une conception française du vivre ensemble fondée sur l’exigence plutôt que sur le hasard ! Et cette conception, c’est une conception généreuse de la citoyenneté, car la France n’est pas une île. Elle n’a jamais été une notion de nature géographique, elle n’est pas une race, ni une religion. C’est d’abord par la volonté que l’on devient français, et non par la couleur de peau, par la religion ou par son statut social.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce qui nous distingue, c’est cette volonté de devenir français, de prendre en partage un héritage et surtout un destin commun, et la volonté d’adhérer aux valeurs de la République, qui est aussi une promesse d’égalité.

C’est précisément la citoyenneté qui, dans cet espace symbolique du politique, réalise concrètement cette égalité, là où tous les citoyens sont égaux en droits. C’est en cela que la conception française du « vivre ensemble » et de la citoyenneté est universaliste. Elle s’adresse à tous et à chacun.

En banalisant le droit de vote, vous exprimez une autre conception de la nationalité, radicalement différente. Pourquoi ne pas l’accepter ? Vous prenez le risque de diluer la citoyenneté et d’affaiblir le sentiment d’appartenance au moment où, en raison de la mondialisation et de la crise, il faudrait, au contraire, renforcer l’unité nationale pour faire face à l’adversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Écoutez ce que nous disait Philippe Séguin voilà quelques années.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Philippe Séguin était favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales !

M. le Premier ministre le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Comme il le soulignait à juste titre, ce n’est pas en poussant la logique de dilution de la citoyenneté à son terme que l’on confortera le sentiment d’appartenance à une seule et même République.

La citoyenneté de résidence que vous proposez dénature la citoyenneté républicaine. D’abord, cela n’a pas de sens de vouloir une citoyenneté locale ; la France n’est pas une mosaïque de cités, ni un État cité. Mais, surtout, le contenu que vous donnez à la citoyenneté de résidence est un contenu économique et social, et de moins en moins politique.

En fait, vous définissez la résidence, la citoyenneté par la seule matérialité des conditions d’existence. Mais, mes chers collègues, les seules conditions matérielles d’une existence ne suffisent pas à assumer et à développer un lien civique entre les hommes.

Entre les deux conceptions du corps politique, entre la communauté des résidents, des contribuables, des consommateurs et des producteurs, et l’autre communauté, celle que nous voulons, la communauté des citoyens, il faut choisir. C’est cette deuxième conception qui est la nôtre, parce que nous ne sommes pas, et la France ne sera jamais, un simple État marchand !

En fait, derrière une telle proposition, on voit bien poindre une double tentation.

Première tentation, celle de l’affaiblissement du lien civique, donc de l’effacement du politique. Et, derrière cette dépolitisation des citoyens, il y a le dessein post-démocratique de tout ramener aux seules activités de la société civile et du marché.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Seconde tentation, celle de l’idée post-nationale, qui voudrait que la figure de l’État-nation soit dépassée, ringarde. Ce qui se cache derrière ce texte, c’est la vision aimable d’une « société civile mondiale » !

Nous sommes tous attachés à l’unité du genre humain. Mais l’humanité n’est pas un corps politique ! La preuve, c’est qu’elle est incapable de se gouverner elle-même.

Pour le moment, on n’a pas trouvé meilleur véhicule que la nation pour l’exercice concret de la démocratie.

M. Roger Karoutchi approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Dans le monde, de multiples exemples nous montrent que la démocratie ne peut pas émerger sans corps politique constitué.

Je rejoins Albert Camus lorsqu’il écrivait ceci : « Pour trouver la société humaine, il faut passer par la société nationale.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste-Eelv

Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

« Pour préserver la société nationale, il faut l’ouvrir sur une perspective universelle. » C’est précisément notre conception. C’est aussi, selon moi, le sens profond de la République et de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En effet, le modèle républicain est parvenu plus qu’aucun autre, et de manière incomparable, à articuler le particulier et l’universel.

Et la France, mes chers collègues, constitue cet effort permanent de dépassement des différences, de synthèse fragile, mais ô combien précieuse, de ce qu’il y a de plus singulier dans chaque homme et ce qu’il y a de plus universel dans tous les hommes !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, suppression des allégements Fillon, travail du dimanche, abrogation du conseiller territorial, réécriture intégrale de la réforme de l’intercommunalité...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. ... et maintenant, en toute logique, instauration du droit de vote et d’éligibilité pour les étrangers...

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Inutile d’aller beaucoup plus loin pour comprendre le caractère à la fois idéologique, mais surtout manipulateur de la présente proposition de loi constitutionnelle !

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame la rapporteure, il n’est pas question de mettre en cause votre sincérité, ni vos convictions. Elles sont réelles, et nous les respectons.

Mais personne n’est dupe dans cet hémicycle ! Chacun comprend parfaitement les raisons pour lesquelles la majorité sénatoriale a décidé d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de ce jeudi 8 décembre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je le dis clairement, votre démarche est avant tout motivée par une logique politicienne. Nous entrons tout juste dans une période de campagne électorale et ce n’est pas un hasard si vous avez décidé d’utiliser le Sénat pour relancer l’un de vos vieux combats idéologiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est même un vieux serpent de mer ! Chacun se souvient de la promesse parfaitement explicite de François Mitterrand, alors candidat à l’élection présidentielle, promesse qui n’a jamais été tenue alors qu’elle pouvait l’être.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Un peu comme le pouvoir d’achat pour Nicolas Sarkozy...

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il faut dire que le tollé suscité par l’annonce d’un texte en 1983 obligea le gouvernement de l’époque à y renoncer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme vous avez cité tout à l’heure plusieurs personnes, il convenait de ne pas oublier François Mitterrand !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ni François Bayrou, qui est, lui aussi, favorable au droit de vote des étrangers !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je tiens à ce que ma position soit parfaitement claire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je suis hostile à cette proposition de loi constitutionnelle tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, je viens de le dire, l’inscription de ce texte à notre ordre du jour n’est pas anodine. Elle participe d’une logique d’ensemble consistant à utiliser le Sénat – vous avez le droit de le faire, mais nous avons le droit de le dénoncer ! – pour poser les jalons de la campagne présidentielle du candidat du parti socialiste.

Mais le sujet dont nous débattons aujourd’hui va bien au-delà. Il a vocation à raviver – c’est ce qui m’inquiète – la flamme de l’extrémisme, que nous réprouvons, en évoquant un thème de prédilection de certains partis que vous prétendez combattre. Chers collègues socialistes, communistes et écologistes, je me demande parfois si vous n’êtes pas satisfaits de voir aujourd’hui le spectacle de la manifestation du Front national devant les grilles du Sénat : si c’est le cas, dites-le !

Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Notre groupe regrette profondément une telle initiative. Dans le contexte de grave crise que nous connaissons, cette démarche a pour seul effet de dresser les Français les uns contre les autres, alors que notre responsabilité d’acteurs de la vie publique devrait nous inciter à les rassembler plutôt qu’à les diviser.

Certains ont affirmé que le Président de la République et le Gouvernement et le chef de l’État auraient décidé d’utiliser cette thématique pour bien marquer un clivage politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Mais qui est à l’origine du débat d’aujourd’hui ? Nicolas Sarkozy ? Tel ou tel membre du Gouvernement ? Non ! C’est bien le groupe socialiste-EELV du Sénat ! Il s’agit donc bien d’une initiative politicienne de la gauche ! On est en droit de s’interroger : les socialistes espèrent-t-ils récupérer ainsi des bataillons d’électeurs qu’ils pensent acquis à leur cause lors des prochaines élections municipales grâce à l’adoption d’une telle loi constitutionnelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. Sur le fond, la modification introduite par cette proposition de loi constitutionnelle entre fondamentalement en contradiction avec notre conception de la citoyenneté et de la nationalité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Pour moi, et c’est ce qui nous sépare, le droit de vote et d’éligibilité reste un attribut indissociable de la nationalité. Un étranger résidant depuis un certain temps sur notre territoire a un moyen de s’intégrer pleinement à la communauté nationale : il lui suffit de demander la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme cela a déjà été souligné, le changement qui nous est proposé conduirait à un droit de vote, mais surtout d’éligibilité à deux vitesses : on pourrait être élu conseiller municipal, mais pas maire ou maire-adjoint. On pourrait être président d’une communauté de communes ou d’agglomération, mais pas conseiller général ou conseiller régional.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est déjà le cas pour les résidents communautaires !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous sommes hostiles à ce type de découpage, qu’il s’agisse du droit de vote ou d’éligibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cela conduirait à créer, et Bruno Retailleau l’a dit tout à l’heure, deux catégories de citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cette interprétation n’est pas nouvelle ; j’espère que vous nous en donnerez acte. Le groupe centriste avait déjà défendu dans cet hémicycle une telle conception de la nationalité et de la citoyenneté voilà quelques mois quand il avait été question de combattre l’extension de la déchéance de nationalité.

Mais allons au bout de la logique proposée par la majorité sénatoriale. Pourquoi se limiter aux seules élections municipales ? Après tout, la vie locale, c’est aussi les politiques menées par les départements et les régions. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

Parce que l’on se heurte, et vous le savez bien, à un problème de fond. Qu’est-ce qui serait alors du ressort du droit de vote accordé aux nationaux ? L’élection des parlementaires et du Président de la République ! Ce n’est, certes, pas rien, mais comment dissocier à ce point l’exercice de la démocratie ?

Je le répète, il n’est pas possible de saucissonner la citoyenneté et ses attributs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cela fait partie des fondamentaux de notre République. La souveraineté est la même, qu’elle s’exerce à l’occasion des élections municipales ou des autres élections prévues par notre Constitution.

Nous, centristes, sommes profondément attachés à la décentralisation, dont l’échelon de base est la commune. Pour nous, les élections municipales ne sont pas des élections moins importantes que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourtant, c’est ce que vous avez fait pour les Européens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le texte qui nous est ici proposé ne pourrait pas conduire à l’élection de maires étrangers, comme certains l’ont peut-être maladroitement laissé entendre...

Mais serait-il conforme à la logique de nos institutions qu’un conseil municipal soit composé majoritairement de personnes de nationalité étrangère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et comment cela serait-il possible ? Ça n’a pas été le cas avec les résidents européens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Dites-moi donc ce qui est prévu pour les communautés de communes et d’agglomération !

Quoi de plus naturel que de vouloir participer pleinement à la vie de la cité par le biais des élections municipales lorsque que l’on réside dans un pays depuis des années, voire des dizaines d’années ? Sur ce point, nous sommes tous d’accord.

Mais cette participation est possible, mes chers collègues, et il n’est pas nécessaire de modifier notre Constitution pour l’autoriser ! Cela s’appelle la naturalisation.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto. Peut-être y aurait-il des améliorations ou des simplifications à apporter aux procédures de naturalisation telles qu’elles existent aujourd’hui.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Une réflexion sur ce sujet serait sans doute opportune. Nous serions les premiers à participer activement à un débat portant sur ces questions.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous saluons d’ailleurs les innovations récemment introduites lors des cérémonies de remise des décrets de naturalisation. Malheureusement, ce n’est pas un débat sur l’accession à la nationalité que vous nous proposez aujourd’hui.

Pour moi, l’accès à la nationalité pour ceux qui remplissent les conditions fixées par la loi est la seule vraie réponse. Notre pays, M. le Premier ministre l’a très bien dit tout à l’heure, est parfaitement prêt à accueillir de nouveaux nationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Chaque jour, des étrangers demandent à devenir français. Nous avons fait le choix d’un accès à la nationalité large et ouvert. C’est l’une des richesses de notre pays et une tradition presque bicentenaire.

Ces nouveaux Français peuvent participer pleinement à la vie politique de notre pays. Et tant mieux ! Ils peuvent voter et être élus non seulement conseillers municipaux, mais aussi conseillers généraux, conseillers régionaux, députés ou sénateurs et – pourquoi pas ? – se présenter à l’élection présidentielle !

Dans mon esprit, les choses sont donc très claires. Soit on décide de jouir de tous les droits et devoirs attachés à la nationalité, auquel cas il convient de se tourner vers la naturalisation ; soit on n’est pas prêt à franchir ce pas, ce qui est parfaitement respectable, et on ne bénéficie pas du droit de vote dans notre pays, ni pour les élections municipales ni pour les autres scrutins.

Je le rappelle tout de même, au-delà du droit de vote, il existe bien d’autres moyens pour les étrangers qui le désirent de participer activement à la vie locale de notre pays, en s’investissant notamment dans le secteur social, économique ou associatif.

Certains font référence au droit de vote et d’éligibilité des ressortissants européens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Depuis l’introduction de l’article 88-3 dans la Constitution, notre loi fondamentale prévoit la possibilité d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux citoyens de l’Union européenne, mais sous réserve de réciprocité, ce qui n’est pas anodin. Cette faculté a été instaurée par la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 et s’inscrit dans un projet bien plus large de citoyenneté européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La citoyenneté européenne n’existe pas pour l’instant ! Il faudrait une égalité de droits de tous les citoyens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Ainsi, le traité de Maastricht a introduit, au sein du traité de Rome, une nouvelle partie relative à la « citoyenneté de l’Union ». Il a donc instauré, au niveau européen, une nouvelle citoyenneté supranationale conférant, dans l’État membre de résidence, des droits de vote et d’éligibilité pour les élections municipales.

On voit bien dès lors toute la spécificité des dispositions issues de l’article 88-3 de la Constitution. Cela me conduit à une conclusion parfaitement opposée à celle de Mme la rapporteure, Esther Benbassa, qui écrit dans son rapport que « la différence de traitement qui existe aujourd’hui entre les étrangers européens et les autres étrangers n’est plus compréhensible ».

Pourquoi ne serait-elle plus « compréhensible » ? À mon sens, au contraire, nos concitoyens comprennent parfaitement que l’Europe constitue une communauté de territoire, une histoire, un destin commun. Ils savent également que nous ne partageons avec les étrangers non communautaires ni le même passeport commun ni la même souveraineté.

Nous avons beaucoup plus de proximité avec les Européens qu’avec les habitants des autres continentsPermettez-moi de rappeler ici ce que déclarait très justement notre collègue Philippe Bas lors de nos passionnants débats au sein de la commission des lois : « L’Union européenne, ce n’est plus tout à fait l’étranger. »

En outre, si le système proposé par le texte se rapproche de celui proposé à l’article 88-3 de la Constitution, il s’en écarte sur un point fondamental : la réciprocité.

En effet, mes chers collègues, avec votre proposition de loi constitutionnelle, un étranger pourrait voter en France aux municipales, mais rien ne garantirait qu’un Français vivant dans le pays d’origine de cet étranger pourrait en faire autant. N’y a-t-il pas là une incohérence ? Voire une injustice ? C’est en tout cas ce que penseraient la plupart de nos concitoyens.

Avec tous les sénateurs de mon groupe, je réaffirme que ce débat a lieu aujourd’hui dans un climat parfaitement inadapté. On ne modifie pas une règle fondamentale de notre démocratie, de notre République, en quelques heures de débat, et à quelques mois seulement de l’élection présidentielle.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Par ailleurs, l’objection selon laquelle il est peu convenable d’exhumer des textes que la représentation nationale ne reconnaît plus comme siens, même s’il n’existe pas de délai de péremption en la matière, a, me semble-t-il, de la valeur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Les constitutionnalistes devront sans doute se pencher sur le sujet !

En conclusion, la quasi-totalité des membres du groupe de l’Union centriste et républicaine voteront contre cette proposition de loi constitutionnelle. Aucun d’entre eux ne votera pour.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est avec une certaine émotion que je prends la parole au nom de mon groupe sur le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales des étrangers non-ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Cette question se pose depuis trente ans dans notre pays. J’ose le dire : en la matière, il n’y a pas de date de péremption !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les parlementaires communistes portent cette exigence démocratique de manière constante depuis plus de vingt ans, par le biais de propositions de loi ou d’amendements ou par le recours à la procédure de discussion immédiate, comme ce fut le cas au mois de janvier 2006.

Pour mémoire, je rappelle qu’une première proposition de loi constitutionnelle relative au droit de vote et à l’éligibilité des étrangers aux élections municipales avait été déposée à l’Assemblée nationale le 13 décembre 1988 et au Sénat le 5 avril 1990.

Depuis lors, chaque fois qu’un texte de loi nous en a « offert » l’occasion, nous avons déposé des amendements tendant à attribuer de nouveaux droits politiques aux étrangers, mais toujours en vain, en raison de l’ancrage à droite de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il a fallu attendre le 3 mai 2000 pour que l’Assemblée nationale, à l’époque majoritairement à gauche, adopte une proposition de loi constitutionnelle instituant le droit de vote et d’éligibilité des étrangers.

Ce texte, issu de quatre propositions de loi similaires, dont celle de mon ami Bernard Birsinger, à qui je tiens à rendre ici un hommage ému et appuyé, n’a malheureusement jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Aujourd’hui, nous nous apprêtons, plus de dix ans après l’Assemblée nationale, à adopter un texte accordant enfin le droit de vote et d’éligibilité aux résidants étrangers non communautaires.

Si ce texte est adopté, il ne s’appliquera pas immédiatement. Il devra de nouveau être soumis à l’Assemblée nationale, puis faire l’objet d’un référendum. Mais nous nous réjouissons tout de même de son examen, rendu possible par le basculement à gauche du Sénat.

Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La reconnaissance d’un tel droit est, certes, une mesure symbolique du changement de majorité, mais il s’agit bel et bien d’une avancée démocratique importante, d’une étape supplémentaire vers plus d’égalité, d’un indéniable facteur d’intégration.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En effet, nous ne pouvons plus continuer à écarter du droit de vote et d’éligibilité les milliers de résidents étrangers qui participent activement, depuis plusieurs années, à la vie de la cité et à la vie associative, syndicale, culturelle, éducative de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Ne votent-ils pas d’ores et déjà aux élections prud’homales et à celles qui sont organisées au sein des entreprises ? N’élisent-ils pas les représentants des parents d’élèves aux conseils d’écoles ? Faut-il rappeler qu’ils bénéficient depuis 1981 du droit d’association ?

M. Roland Courteau acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Faut-il rappeler aussi que la plupart d’entre eux sont originaires de nos anciennes colonies et qu’ils ont contribué, et contribuent aujourd’hui encore, au développement économique et à la richesse de notre pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous ne pouvons plus les considérer comme des travailleurs « de passage en France », censés retourner dans leurs pays d’origine.

Ces étrangers, qui sont venus en France dans les années soixante et soixante-dix pour répondre aux besoins en main-d’œuvre, y ont construit toute leur vie, privée, familiale et sociale. Ils ont eu des enfants en France, qui sont français, qui ont le droit de vote et qui ne comprennent pas pourquoi leurs parents en sont exclus.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

L’exclusion de la vie politique locale des parents ne peut que rejaillir sur ces jeunes. C’est pourquoi je crois que l’octroi du droit de vote aux résidents étrangers devrait aussi avoir un effet bénéfique sur la participation de leurs enfants aux élections.

On le voit, il est grand temps que l’ensemble des habitants de nos villes puissent participer à la vie civique. Il s’agit d’un enjeu majeur !

Nul n’ignore combien l’exercice de la citoyenneté peut être un facteur essentiel d’intégration dans la société française et, par là même, un levier d’émancipation. Cela doit permettre, contrairement à ce que prétend la droite, de lutter contre le communautarisme et le repli sur soi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Car c’est précisément en divisant les gens et stigmatisant certaines populations, comme le fait la droite à longueur de temps, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Brandir l’argument du danger du communautarisme, c’est refuser de reconnaître que l’on n’a pas pris les mesures permettant de lutter contre le repli sur soi, c’est-à-dire celles qui favorisent la participation à la vie de la collectivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. À mes yeux, l’exercice du droit de vote constitue la garantie d’une citoyenneté participative, active et d’une construction partagée entre les différents habitants d’un territoire, afin que tous vivent ensemble, de manière égale et solidaire.

M. Roland Courteau acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Le présent texte permettra également de mettre un terme à une discrimination criante entre les étrangers communautaires et les étrangers non communautaires.

Depuis la ratification du traité de Maastricht, vous le savez, les ressortissants de l’Union européenne ont la possibilité de participer aux élections municipales sans condition de durée de résidence. Il est contraire au principe d’égalité que tous les étrangers présents sur notre sol n’aient pas les mêmes droits, alors même que les élections municipales les concernent tout autant.

Comment justifier en effet que des habitants d’une même ville qui se côtoient, qui fréquentent les mêmes lieux, dont les enfants vont dans les mêmes écoles, n’aient pas les mêmes droits selon qu’ils sont d’origine communautaire ou extracommunautaire ? Comment justifier qu’un ressortissant européen récemment établi sur notre sol puisse voter et être élu, alors même qu’un salarié algérien ou marocain résidant en France depuis plusieurs dizaines d’années ne le peut pas ? C’est injustifiable et fortement injuste.

Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

N’en déplaise à certains, nous avons autant de liens, si ce n’est plus, avec nos anciennes colonies qu’avec les pays de l’Union européenne.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Ce n’est pas le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Si ! C’en est visiblement un sur certaines des travées de l’opposition sénatoriale !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je rappelle que la plupart des pays membres de l’Union européenne ont déjà accordé, totalement ou partiellement, le droit de vote à leurs résidents étrangers. La France, comme l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie, reste à la traîne sur cette question fondamentale, dont la mise en œuvre apparaît de plus en plus incontournable.

La population est acquise à ce principe. Les sondages montrent en effet qu’une majorité des personnes interrogées, entre 59 % et 61 % d’entre elles, sont favorables au droit de vote et d’éligibilité des étrangers non communautaires en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La société française a aujourd’hui l’occasion de franchir une étape importante vers un renforcement de la démocratie et de permettre ainsi au plus grand nombre d’accéder à la citoyenneté.

Certains élus locaux y sont également favorables. J’en veux pour preuve les votations citoyennes organisées par des municipalités un peu partout en France, notamment dans mon département, la Seine-Saint-Denis, et qui ont fait l’objet d’un large débat public. Des milliers de personnes se sont ainsi prononcées majoritairement en faveur de l’octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires.

De nombreuses associations et mouvements prônent également depuis de longues années l’égalité des droits en la matière.

Malgré toutes ces initiatives, malgré l’évolution positive de la société, le pouvoir en place reste sourd à ce qui constituerait pourtant une réelle avancée en matière de démocratie et de citoyenneté.

Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, une telle reconnaissance serait un signal fort adressé à toute une partie de nos concitoyens qui restent mis à l’écart d’un droit aussi fondamental que celui de voter, fût-ce pour désigner des représentants locaux.

La droite refuse cette avancée. Elle s’y était pourtant ralliée, en 2005, à la suite de Nicolas Sarkozy, alors président de l’UMP ; mais une fois élu Président de la République, il s’y est à nouveau déclaré défavorable, comme en 1997.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cela a été rappelé, de nombreuses personnalités politiques de tous bords, y compris de droite et du centre, se sont prononcées en faveur du droit de vote des étrangers.

M. Pascal Clément, alors qu’il était garde des sceaux, indiquait ainsi en 2006, en réponse à notre demande de discussion immédiate sur le droit de vote des étrangers : « Lorsque nous sentirons, les uns et les autres, que le débat est mûr, alors – mais je ne veux pas présumer de l’évolution de la société française –, peut-être le gouvernement du moment déposera-t-il, non pas incidemment mais avec une volonté forte, un projet en ce sens sur le bureau des assemblées parlementaires. »

Je pense qu’aujourd’hui, la société française a évolué : elle est mûre !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Votre présence, monsieur le Premier ministre, est légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Elle me laisse toutefois perplexe. D’ordinaire, en effet, vous ne vous déplacez guère, y compris lorsque nous examinons des textes qui concernent des dossiers cruciaux.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Et vous venez encore moins depuis le changement de majorité au Sénat, qui vous reste à l’évidence en travers de la gorge.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pour inédite que soit votre présence dans notre hémicycle à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi, certes de nature constitutionnelle, mais déposée et discutée, je le rappelle, dans le cadre de la semaine sénatoriale d’initiative, elle a selon moi plus d’un sens.

Vous voulez instrumentaliser le thème des étrangers dans la perspective des prochaines élections et, aussi, recadrer vos troupes, qui sont divisées sur la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Ne parlez pas trop vite, monsieur Raffarin ! (MM. Jean-Pierre Raffarin et Karoutchi s’exclament.) Je voulais dire « monsieur Karoutchi ». Cela étant, ça pourrait aussi s’appliquer à M. Raffarin ; après tout, c’est bonnet blanc et blanc bonnet !

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Mouvements divers sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En outre, monsieur le Premier ministre, votre présence vise à adresser un signal à la droite populaire et à lancer un appel du pied à l’attention des électeurs du Front national.

L’ensemble des arguments qui motivent votre refus relèvent avant tout, et au choix, du mensonge, de la mauvaise foi, de la démagogie, voire de la xénophobie. Tout y est !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cessez de prétendre que les étrangers n’ont qu’à demander la naturalisation pour pouvoir voter ! Vous le savez pertinemment, et pour cause, c’est vous qui avez réformé à plusieurs reprises le code de la nationalité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

tant les conditions de naturalisation ont été durcies.

J’ajoute que le raisonnement mis en avant par la droite selon lequel la citoyenneté serait indissociable de la nationalité n’est pas fondé dès lors que le traité de Maastricht opère d’ores et déjà une distinction entre nationalité française et citoyenneté européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En l’occurrence, s’agissant d’élections locales, il convient de retenir la notion de « citoyenneté de résidence », qui permet à chacun d’être pleinement citoyen là où il vit.

Par ailleurs, arrêtez de laisser croire que les étrangers vont devenir maires. C’est un mensonge !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Je condamne à cet égard les propos particulièrement choquants tenus par M. Guéant

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Au lieu de remédier aux vrais problèmes de nos concitoyens, à juste titre inquiets par rapport à l’emploi, au pouvoir d’achat, à la protection sociale, à l’éducation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… la droite dans son ensemble s’emploie à attiser toutes les peurs en ces temps de crise sociale, financière et économique.

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Quoi que vous disiez, les arguments que vous employez favorisent la montée de l’extrême droite, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… qui trouve ses racines dans la « mal-vie » de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je vous le dis tout net : non, le présent texte ne prévoit pas que des résidents étrangers soient élus maires, adjoints au maire, ou soient désignés grands électeurs pour élire les sénateurs. Non, l’ouverture du droit de vote aux résidents non communautaires ne va pas remettre en cause la souveraineté nationale de notre pays. C’est le Gouvernement lui-même qui s’en charge, mieux que quiconque, lui qui est précisément en train de brader notre souveraineté nationale

C’est faux ! sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

en se soumettant aux exigences des marchés financiers et des agences de notation !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

C’est terminé !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

De plus, il faut cesser les amalgames douteux et dangereux opérés par la droite entre la religion et la nationalité, à l’instar de ceux qui ont été proférés en commission des lois par un élu de l’opposition sénatoriale, amalgames visant essentiellement les hommes et les femmes de confession musulmane.

Pour conclure, je voudrais dire que chaque fois que le droit de vote a été élargi, que ce soit lorsque le droit de vote censitaire a été supprimé, lorsque le droit de vote a été accordé aux femmes

Mme Corinne Bouchoux applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

, lorsque l’âge requis afin de pouvoir voter a été abaissé, lorsque le droit de vote a été accordé aux étrangers communautaires, c’est la démocratie qui en a été renforcée.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La France, terre d’accueil, pays des droits de l’homme, dont l’histoire reste marquée par la Révolution française, qui avait une conception très ouverte de la citoyenneté, s’honorerait d’inscrire dans sa Constitution que le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En résumé, les sénatrices et les sénateurs du groupe CRC…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… voteront la présente proposition de loi constitutionnelle, ne serait-ce que pour une seule raison : rendre justice à toutes celles et à tous ceux qui vivent et travaillent en France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. … qui ont, à juste titre, des devoirs ici, mais auxquels on refuse ici l’accès à des droits fondamentaux, dont celui d’être électrice et électeur !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, que chacun d’entre nous s’imagine un instant être aujourd'hui un étranger résidant en France devant un écran de télévision ! Quel que soit notre vote personnel, le présent débat appelle le respect qui leur est dû, dans la tradition des principes de la République des droits de l’homme, à laquelle nous sommes tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, profondément attachés.

Il ne faudrait point, au fil des ans, conclure que lorsque l’élection présidentielle entre dans un hémicycle, c’est la qualité du travail législatif qui est atteinte. Et ce message s’adresse aux deux côtés de notre honorable assemblée.

Je ne veux pas dire que le moment choisi pour examiner la proposition de loi constitutionnelle est inopportun. Y a-t-il réellement un bon moment pour étudier des textes majeurs concernant de grands enjeux ? Certes, il est d’usage de prétendre que les textes importants devraient être soumis au Parlement dans le mois suivant l’élection présidentielle, durant cette période d’état de grâce qui fait souvent perdre le lien avec les réalités de terrain, mais ce n’est ni possible, ni raisonnable.

Constatons simplement qu’il est habituel que les débats de société reviennent périodiquement sur le devant de la scène, avant d’être officiellement tranchés par une loi nouvelle ; il est également habituel que tel ou tel parti politique remette de tels sujets à l’ordre du jour au moment lui paraissant stratégiquement opportun.

Monsieur le Premier ministre, il en est de même des gouvernements, et nombre de projets de loi sont déposés plus en fonction des échéances électorales que par rapport à l’intérêt immédiat de nos concitoyens.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et nous sommes tous concernés !

Je ne suis pas sûr que ce soit très positif pour le fonctionnement de notre République, mais cela constitue une utilisation parfaitement régulière du processus démocratique.

En revanche, si l’on prend le soin de relire les discours des uns et des autres, de tous bords, tenus au fil des ans, on s’aperçoit, sans trop de surprise, qu’il est courant de brûler ce que l’on a adoré et d’adorer ce que l’on a brûlé… Mais là encore, on peut toujours dire, ce qui est souvent, ou parfois, vrai : la société évolue et la loi doit en tenir compte. Merci, monsieur le garde des sceaux d’opiner ! §

Le groupe RDSE ne se laissera pas enfermer dans un clivage manichéen. En son sein, la liberté de vote est un principe et les opinions qui s’expriment sont respectées. Une majorité de ses membres voteront cette proposition de loi constitutionnelle. D’autres ne prendront pas part au vote, tel notre collègue Jean-Pierre Chevènement

Ah ! sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’opinion de chacun de mes collègues est respectable et fondée sur une conviction personnelle découlant tant de l’attachement à des principes fondamentaux que de l’expérience de terrain. Je me dois aussi de rappeler que, voilà presque douze ans, la première proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale sur le vote des étrangers aux élections locales le fut par Roger-Gérard Schwartzenberg et les députés du PRG. La question fondamentale est de savoir si le droit de vote des étrangers aura ou non un impact positif sur le fonctionnement de notre République, sur le quotidien de ses habitants, sur le lien social, voire sur son image.

En tout cas, ce qui est détestable, c’est la stigmatisation des étrangers, d’où qu’elle vienne. Mes chers collègues, l’étranger résidant en France n’est pas un matériel électoral à utiliser au gré des majorités successives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Il a droit au respect que l’on doit à chaque être humain. Mais il a aussi des devoirs, dont le premier est de respecter la loi de la République qui l’accueille.

Très bien ! sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À gauche comme à droite, il en est qui se réjouissent de faire de ce thème un débat « clivant », …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… comme s’il était opportun d’approfondir le fossé entre les habitants de ce pays, de cultiver la notion de rupture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Loin de nous l’idée de rechercher un consensus mou ! Essayons simplement de considérer que, dans un pays comme le nôtre, il est primordial de ne pas exclure, primordial de faciliter le rassemblement, la cohésion sociale, et l’expérience de ces dernières décennies démontre que ni les uns ni les autres n’y ont vraiment réussi.

Tout en restant à l’écart du battage médiatique, je crois que la proposition de loi constitutionnelle que nous examinons a plus d’avantages que d’inconvénients, bien qu’il ne faille point balayer ces derniers d’un revers de main. Je crois que ce texte a plus de vertus de rassemblement qu’il ne présente de risques de division.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais soyons clairs : votre rapport, madame Benbassa, n’a pu nous convaincre en aucune façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En effet, partir d’un postulat en le déclinant en vérités révélées, n’entendre pratiquement que les arguments en faveur de sa propre thèse – j’aurais aimé que soient consultées, par exemple, les associations d’élus –, insérer quelques raccourcis historiques et des éléments partiels de législation comparée, pour nous, madame, pour reprendre vos propos récents, ce n’est ni sage ni juste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous condamniez hier dans cet hémicycle une nouvelle religion : le laïcisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Nous ne voudrions pas, nous, que ce texte devienne le vecteur de quelque communautarisme que ce soit, que nous combattrons toujours, d’où qu’il vienne.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les arguments de ceux qui rejettent le principe du droit de vote des étrangers doivent être examinés. Au-delà des sondages, nombre de nos concitoyens les partagent, même si souvent ils s’arrêtent trop au symbole sans examiner la réalité du texte et du problème en cause.

Nous connaissons tous l’édit de Caracalla de 212, qui – faut-il le rappeler ? – excluait du droit de cité les esclaves et les barbares, la constitution de 1791 et celle de 1793, notamment leurs articles 5 et 6, et n’oublions pas d’ailleurs la réaction de Robespierre face à la présence de l’étranger Payne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ces références historiques font partie de notre patrimoine, mais n’ont guère de rapport avec la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

De quoi s’agit-il ? De permettre aux étrangers résidant sur le territoire français depuis au moins cinq ans, en situation régulière, payant l’impôt, de voter aux élections locales sans leur donner la possibilité de devenir maire ou adjoint, donc officier de police judiciaire, et sans interférer sur l’élection des grands électeurs sénatoriaux. Tel est l’objet de notre débat de ce jour.

Je constate, sans aucune intention polémique, qu’une telle autorisation paraissait recevoir l’aval d’élus de toutes sensibilités, dont l’actuel chef de l’État avant qu’il ne remplisse ces fonctions. J’ai sous les yeux ses déclarations, fort claires, du 25 octobre 2005, mentionnant toutefois « à titre personnel ». Il déclarait encore, le 24 avril 2008, sur TF1 et France 2 : « À titre intellectuel, oui, mais je n’ai pas la majorité pour le faire passer, donc ce n’est pas un projet que je soumettrai... ». On peut parfaitement comprendre et respecter cette évolution, mais ne point la partager.

Nous pensons, majoritairement, que ce droit de vote est un moyen de rassembler, de mieux faire comprendre, au niveau local, que la gestion de nos communes est l’affaire de tous ceux qui y résident régulièrement, de contribuer à sortir de cette exclusion de fait les habitants, certes de nationalité étrangère, mais qui rencontrent les mêmes problèmes que les autres. N’est-ce pas la sagesse de mieux les associer à la vie de la commune, de mieux les entendre, mais aussi et surtout de les associer aux responsabilités, aux décisions et aux conséquences des décisions ?

La concentration des populations immigrées dans des quartiers aujourd’hui considérés comme difficiles est de notre fait à tous, de toutes les majorités qui se sont succédé, de notre absence de volonté politique commune à mettre en place une réelle politique de mixité sociale, y compris par le biais des organismes de logement social. Les usines à gaz des programmes de politique de la ville ont montré leur inefficacité. L’urbanisme, le logement sont des domaines dans lesquels nous avons trop failli, malgré, par exemple, les avancées des programmes de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ; ils sont devenus une vraie priorité et ont des conséquences dans tous les secteurs, en premier dans ceux de l’éducation et de la santé.

N’oublions pas davantage que parmi le nombre d’étrangers résidents non communautaires, une très forte proportion est issue de l’Afrique du Nord et de nos anciennes colonies.

M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’ai entendu ce matin un éminent ministre, ici présent, déclarer, sur France 2, que la différence entre la France et l’Angleterre, où tous les ressortissants du Commonwealth peuvent voter, était que la reine demeurait le souverain de ces derniers.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… heureusement que la Communauté française créée à l’aube de la Ve République n’existe plus !

L’inquiétude relative au risque communautariste, que vous avez également exprimée, monsieur le ministre, constitue un argument plus fort. Le risque existe, et il convient de le combattre ; nous avons pour cela la loi, le respect de l’ordre public.

Vous posez notamment la question des piscines et des cantines : vous ne voulez pas – je vous comprends – que le communautarisme impose la réservation des lignes d’eau et les menus, et vous avez raison. Profondément laïcs, nous n’acceptions pas le régime unique du poisson le vendredi, ce n’est pas pour nous faire imposer la cuisine hallal !

Rires sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Si des dérives apparaissent, les préfets, représentants de l’État – vous savez leur donner des instructions –…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… peuvent et doivent y mettre bon ordre. Ils disposent du contrôle de légalité, du déféré préfectoral, et la notion d’ordre public a heureusement encore un sens, il suffit de vouloir l’appliquer.

Je n’entrerai pas dans le débat, instrumentalisé par les uns et par les autres, sur le Front national, que chaque côté a malheureusement utilisé, selon les périodes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Nous devons nous déterminer non par rapport à des thèses extrémistes, mais par rapport à nos concitoyens, en réfléchissant également, de manière sereine, aux dangers populistes du scrutin proportionnel.

Je conclurai par une citation d’Aristote : « Le courage est un juste milieu par rapport aux choses qui inspirent confiance et à celles qui inspirent de la crainte ». Soyons donc courageux, mes chers collègues !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UMP. – Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, mes chers collègues, je salue la présence du Premier ministre, du ministre de l’intérieur, du garde des sceaux et du ministre chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, nous n’avons pas l’habitude de vous voir aussi nombreux dans cet hémicycle, et votre présence nous honore.

On pourrait imaginer que celle-ci est le signe d’un rassemblement républicain autour du vote d’un texte s’inscrivant dans le long chemin de la construction de notre démocratie. Je crains malheureusement qu’il n’en soit rien !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pour notre part, sénatrices et sénateurs du groupe socialiste-EELV, nous abordons ce débat avec sérénité, et dans le respect des positions des uns et des autres quand elles sont sincères et fondées sur des convictions personnelles.

Quel est l’objet de notre débat ? Peut-être faut-il le rappeler, puisqu’on entend des déclarations enflammées… Il s’agit de permettre aux étrangers en situation régulière – je le précise à votre attention, monsieur le ministre de l’intérieur – résidant en France de voter aux élections municipales. Ils pourront être élus au conseil municipal, mais ne pourront pas occuper les fonctions de maire ou d’adjoint au maire, ni faire partie du collège électoral sénatorial.

Pourquoi avons-nous repris cette proposition de loi constitutionnelle ? Pour une raison simple : nous pensons que, parce qu’ils vivent en France depuis des années et des années, parce qu’ils ont souvent contribué – vous devriez tous le rappeler – à créer la richesse de notre pays, parce que leurs enfants grandissent ou ont grandi avec les nôtres dans nos communes, parce qu’ils participent à la vie de nos cités, qu’ils y paient des impôts, les étrangers non communautaires en situation régulière doivent pouvoir voter aux élections municipales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Nous souhaitons créer une citoyenneté nouvelle, une citoyenneté de résidence qui renforce le lien avec la République française.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Qu’est-ce que c’est, une citoyenneté de résidence ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Ce nouveau droit s’inscrit – cela a été rappelé – dans le long chemin de la construction de notre démocratie ; il constitue la suite logique des acquis obtenus par les étrangers, souvent après de longs et difficiles efforts, en matière de démocratie sociale. Celle-ci est heureusement – ou malheureusement – en avance sur les droits politiques : un salarié étranger peut aujourd'hui devenir délégué du personnel, membre d’un comité d’entreprise ou électeur aux prud’hommes, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Du reste, comme cela a également été rappelé, il suffit de lire les études des historiens pour constater que des Français de plus en plus nombreux, et maintenant, nous dit-on, une majorité d’entre eux, sont favorables au vote des étrangers non communautaires lors des élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pourquoi ? Parce qu’on ne peut plus refuser l’intégration citoyenne que permet le vote aux élections locales ! Cette citoyenneté de résidence recréera du lien social entre tous ceux qui vivent sur notre sol.

Je vous écouté avec intérêt, monsieur le Premier ministre. Vous avez affirmé que nous ressortions cette proposition avant chaque élection, créant ainsi un « brouillage démocratique ». C’est faux, et vous le savez ! Cette proposition a été enterrée par l’ancienne majorité sénatoriale il y a près de douze ans…

Debut de section - Permalien
François Fillon, Premier ministre

C’est pour cela qu’il est scandaleux de la reprendre maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… et, depuis lors, elle n’avait jamais été réintroduite dans le débat démocratique comme elle l’est aujourd'hui. Je pourrais même vous répondre que c’est l’actuel Président de la République qui, par ses déclarations à la fin de l’année 2005, a relancé le débat sur cette proposition, en faveur de laquelle il s’était alors prononcé.

Accorder aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections locales, ce serait remettre en cause la souveraineté nationale, ce serait – vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre – « ouvrir une brèche qui ne peut que déstabiliser les repères », ce serait un travail de sape d’un des fondements de notre République. Non, il n’en est rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Très bien ! Il faut arrêter de caricaturer notre proposition !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Cela voudrait-il dire, monsieur le Premier ministre, que les étrangers non communautaires ne respectent pas les droits de la République ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

Il y a aussi des devoirs !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Il n’est de pire ferment de communautarisme que le refus de la reconnaissance d’une citoyenneté de résidence !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je me demande si, en réalité, ceux qui s’opposent avec une telle force, en accord avec leurs convictions – je les respecte –, à notre proposition ne manquent pas de confiance en la force de notre République, en sa capacité intégratrice.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Ne doutez pas des principes de notre République : liberté, égalité, fraternité ! Ne doutez pas de sa capacité à intégrer !

Monsieur le Premier ministre, vous nous avez permis de discerner – sans doute était-ce votre but – des différences fondamentales entre la gauche et la droite, deux choix pour le pays, deux hiérarchies des valeurs.

Avec un certain professionnalisme, vous mettez notre société sous tension par vos prises de position. Vous le faites toutefois avec talent, ce qui n’est pas le cas de votre ministre de l’intérieur

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

, qui développe quotidiennement un antagonisme primaire entre l’Étranger et nous.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. La recherche du bouc émissaire se fait toujours dans les périodes de crise et de souffrance sociale, rencontrant alors un écho toujours alarmant parmi les plus désorientés de nos concitoyens.

M. Alain Gournac s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

De grâce, monsieur le ministre de l’intérieur, cessez de déformer nos positions ! Non, le parti socialiste ne joue pas son avenir sur la mise en scène du vote des étrangers ! Vous nous accusez de faire en sorte que « tous les étrangers qui se trouvent en situation irrégulière en France puissent participer aux élections municipales…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ils ne pourraient pas le faire, puisqu’ils n’ont pas de papiers !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

– « se porteraient plus facilement sur le parti socialiste que sur la droite ».

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Les dernières élections municipales vous ont pourtant démontré que nous n’en avions pas besoin !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Vous avez évoqué la remise en cause du lien entre le droit de vote et la nationalité. Cependant, les citoyens de l’Union européenne peuvent déjà participer aux élections locales même s’ils ne possèdent pas la nationalité française.

Vous nous avez également dit que les étrangers devaient demander leur naturalisation s’ils voulaient voter aux élections françaises. Malheureusement, texte après texte, vous avez durci les conditions de recevabilité des demandes de naturalisation, au point que – toutes les organisations auditionnées par le Sénat l’ont indiqué – la procédure instaurée en 2010, qui relève des préfectures et non plus de la sous-direction des naturalisations, constitue un obstacle à l’acquisition de la nationalité française §ainsi qu’une source importante d’inégalités de traitement selon les préfectures.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Des cas ont été cités : des étrangers non communautaires résidant dans notre pays depuis vingt ans n’arrivent pas à acquérir la nationalité française par naturalisation !

Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Vous avez essayé de faire peur, en évoquant un afflux de voix de nature à détourner le scrutin. Vous êtes allés jusqu’à compter 4 millions de personnes concernées ! Nous n’avons pas les mêmes chiffres : selon notre évaluation, le nombre de votants potentiels se situe entre 1, 6 million et 1, 8 million. Là encore, de grâce, n’attisez pas les peurs !

M. Philippe Dominati s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Surtout, – je veux le dire avec une forme de solennité – ne nous faites pas de procès d’intention.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Nous défendons cette proposition de loi constitutionnelle aujourd'hui parce que, la majorité sénatoriale venant de changer, notre devoir était de reprendre ce texte voté par l’Assemblée nationale en l’an 2000, qui emportait toute notre conviction.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Pour clore mon propos, je veux vous dire, monsieur le Premier ministre, que je me refuse à croire que votre gouvernement souhaite faire de ce texte un instrument destiné à encourager les peurs collectives, au premier chef la peur de l’autre quand celui-ci est un étranger !

Exclamations et rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

C’est vous ! Vous avez choisi le moment ! Vous le faites exprès !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Aujourd'hui, la gauche sénatoriale, dans sa grande diversité – j’ai apprécié les propos de notre collègue Jacques Mézard –, est fière de pouvoir examiner cette proposition de loi constitutionnelle qui fonde un nouveau droit, en accord avec nos valeurs mais aussi avec tous ceux qui partagent une certaine conception de la République : une République qui rassemble, une République sûre d’elle-même, une République fidèle à ses valeurs et à sa tradition d’ouverture et d’accueil ! Nous ne voulons pas d’une république morcelée, nous voulons la France que nous aimons, celle des droits de l’homme, celle des étrangers qui aiment la France !

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste-EELV se lèvent et applaudissent longuement. – Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC ainsi que M. Jean-Pierre Plancade applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, dans ce débat qui nous occupe aujourd’hui, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est brandie comme un étendard par ceux qui nous expliquent que le pays des droits de l’homme devrait, pour rester fidèle à sa tradition de tolérance et d’universalisme, adopter cette proposition de loi constitutionnelle ouvrant aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections municipales.

Qu’il me soit permis, au nom de cette même Déclaration et en vertu de cette même tolérance, de souhaiter, au début de ce propos, que ne soient pas caricaturés ceux qui ne partagent pas cette opinion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Christophe Béchu. On peut être parfaitement républicain sans être favorable au droit de vote des étrangers aux élections locales

Mmes Isabelle Debré et Catherine Troendle ainsi que M. Jacques Gautier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je n’accepte pas le raccourci qui présenterait les défenseurs de ce texte comme détenteurs d’une sorte de monopole du cœur républicain…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… ou comme plus humanistes que nous.

Je suis républicain, je suis humaniste

Ah ? sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Premièrement, ce texte pose des problèmes de forme.

Deuxièmement, il intervient à un moment clairement inapproprié.

Troisièmement, il est soutenu par des arguments discutables et réversibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Cinquièmement, il remet en cause la citoyenneté européenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… au mieux en l’édulcorant, au pire en la vidant de sa substance.

Sixièmement, enfin, il repose sur une vision qui méconnaît l’importance de la naturalisation comme voie privilégiée d’intégration pour les étrangers. §

Sur la forme, je ne développerai pas les arguments ; d’autres le feront avec plus de talent lors de l’examen des motions de procédure, mais l’artifice choisi d’exhumer un texte datant de dix ans incite pour le moins à s’interroger sérieusement...

Sur le moment choisi, mes chers collègues, on voit bien que l’objectif est d’abord politique.

M. François Patriat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Comme il n’y a aucune chance que ce texte puisse aboutir avant l’élection présidentielle, le présenter maintenant vise non pas à obtenir son application, mais bien à tenter d’en faire un marqueur électoral pour cette échéance.

Très bien ! sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Or, c’est à la fois assez paradoxal quand on prétend dans le même temps vouloir travailler au renforcement du vivre ensemble, et assez contradictoire avec une vision démocratique et institutionnelle qui confère à l’élection présidentielle précisément le rôle d’être le rendez-vous majeur de détermination de notre pacte républicain. C’est dans la campagne que ce débat aura sa vraie place, mais ni ici ni maintenant.

Problème de forme, problème de moment, problème surtout de justification.

Ainsi, on nous explique que le droit de vote accordé aux étrangers non communautaires serait une avancée démocratique et républicaine, un vecteur de cohésion sociale, un moyen de mettre fin à la discrimination entre Européens et non-Européens.

À mes yeux, tous ces arguments sont profondément critiquables, mais ils sont surtout réversibles.

Si une avancée démocratique ne se mesure qu’en nombre de votants potentiels supplémentaires, c’est un peu court. Dans ce cas, on pourra tout justifier par le nombre : donnons le droit de vote dès seize ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… accordons aux parents autant de bulletins qu’ils ont d’enfants mineurs, car après tout, les décisions prises pour l’équilibre des retraites ou des comptes publics les concernent.

Si c’est une avancée républicaine au nom de l’égalité, la République a bon dos, et l’égalité est bien démonétisée.

J’affirme que la République est trop précieuse pour être présentée ou érigée comme une ligne de démarcation entre nous.

J’affirme aussi qu’elle grandit quand on rappelle qu’elle est une exigence quotidienne, pas une facilité de langage mise à toutes les sauces.

La République se défend et, en l’occurrence, je considère que ceux qui veulent donner le droit de vote aux étrangers, loin de la renforcer, l’affaiblissent en réalité.

Car en République, on ne traite pas tout le monde de la même manière. On traite de la même manière ceux qui sont en situation comparable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ainsi, un impôt progressif n’est pas égalitaire, mais il est profondément républicain. Ainsi, la fragilité de certains de nos compatriotes justifie des traitements différenciés sur le plan juridique, reposant sur des suppléments de droit ou des minorations de devoir. À l’inverse, l’exemplarité républicaine exige plus de ceux qui ont davantage reçu.

Il est donc totalement faux de présenter ce texte comme un surplus d’égalité. C’est un contresens absolu de la notion même d’égalité !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Si l’on voit dans ce texte un vecteur de cohésion sociale, j’ai bien peur, là aussi, que l’on ne se trompe lourdement.

N’y a-t-il plus de problèmes d’intégration dans les pays qui pratiquent cette extension du droit de vote ? Le communautarisme aurait-il disparu d’Angleterre sans que l’on nous ait prévenus ? Les pays du Nord ne seraient-ils pas confrontés à une forte poussée de l’extrême droite lors des élections, y compris locales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je n’ai jamais rencontré d’immigré me disant qu’il souhaitait, pour s’intégrer, avoir le droit de vote aux élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J’en ai reçu qui étaient confrontés à des problématiques sociales ou à des cas de discrimination ; j’en ai rencontré qui souhaitaient la naturalisation, mais je n’en ai jamais vu qui réclame le droit de vote ou qui s’en plaigne. Et comme je conçois volontiers de n’être pas représentatif, je dois dire, pour étayer mon propos, que cette revendication n’a jamais donné lieu à d’autres formes d’action que des tribunes d’intellectuels dans des journaux réputés, ou des « votations citoyennes » dans 75 communes sur 36 000, votations qui n’ont pas plus de légitimité qu’une quelconque pétition.

Et que l’on ne vienne pas nous expliquer que ce serait un moyen de donner davantage de dignité aux étrangers non communautaires ! En effet, si la dignité est attachée au droit de vote, comment la conditionner à une durée de résidence ? Comment même la conditionner à une régularité du séjour ?

La dignité est due à tout être humain, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… majeur ou mineur, régulier ou irrégulier. Mais, pour autant, la dignité ne donne pas d’autre droit que celui d’être respecté, secouru et protégé. Elle n’entraîne aucune obligation de conférer des droits analogues à ceux des nationaux.

En réalité, on peut très bien soutenir que le fait de donner le droit de vote aux étrangers non communautaires aux élections municipales non seulement ne renforcera pas la cohésion sociale, mais pourrait même encourager le communautarisme.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Quand la maîtrise de notre langue est imparfaite, quand certains quartiers se replient sur eux-mêmes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… quand on réserve des créneaux à la piscine, le communautarisme guette déjà.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Si la modification du corps électoral devait demain encourager, ici ou là, des prises de distances grandissantes avec la laïcité, nous serions alors dans l’obligation de durcir la législation dans ce domaine, alors même que les plus ardents défenseurs de ce texte comptent parfois parmi les plus farouches opposants à un renforcement des textes sur la laïcité...

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Problème de forme, problème de moment, problème de justification, problème aussi dans l’analyse de droit comparé pour soutenir cette proposition de loi.

En effet, la note de droit comparé que vous produisez en annexe du rapport est légère, partiale et incomplète. Sur treize pays étudiés, seuls trois dénient le droit de vote aux étrangers lors des élections locales ; mais pourquoi n’en avoir examiné que treize ? Si l’échantillon avait été plus vaste, cette proportion aurait été bien supérieure. On décrit un bloc de dix pays accordant ce droit, mais certains d’entre eux l’assortissent de conditions de réciprocité tellement sévères qu’elles vident ce droit de sa substance. En réalité, seuls cinq pays l’appliquent dans les conditions où vous l’envisagez.

De plus, une étude de droit comparé complète aurait mis le droit de vote en perspective des conditions requises pour acquérir la nationalité. Je trouve choquant de dépeindre notre pays comme fermé et hostile. Si telle était la réalité, comment expliquer que nous soyons le deuxième pays au monde, et le premier en Europe, en ce qui concerne le nombre de demandes d’asile ? §

Problème de forme, problème de moment, problème de justification, problème de comparaison tronquée, problème ensuite au regard de la citoyenneté européenne.

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Il est inconcevable de décrire la situation actuelle comme une discrimination entre Européens et non-Européens. C’est méconnaître l’essence même de la construction européenne. Le droit de vote accordé aux Européens est le résultat d’un processus politique volontariste, progressif et réciproque. Il s’inscrit dans un projet continental, avec une communauté de destin librement choisie.

Si discrimination il y a, ce sera à l’issue de l’adoption de cette proposition de loi, puisque les Européens ne pourront voter qu’en cas de réciprocité alors que les non-Européens ne se verront pas soumis, dans votre projet, à quelque réciprocité que ce soit...

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Ça c’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Problème de forme, de moment, de justification, de comparaison, de cohérence européenne, et enfin problème au regard de la notion même de citoyenneté.

Mes chers collègues, avec solennité, je veux vous dire que ce texte instaure une citoyenneté de résidence qui sera en quelque sorte une citoyenneté de seconde zone. Or je suis trop attaché à la citoyenneté pour souhaiter un tel édifice, qui, pour reprendre les termes de Jean-Pierre Chevènement, aboutit à saucissonner la citoyenneté.

Ce texte repose sur une phrase répétée en boucle comme une évidence : « Celui qui travaille en France et qui paie ses impôts en France doit pouvoir voter ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Convenons ensemble que celui qui travaille en France et qui paie ses impôts en France, en respectant nos règles et nos valeurs, doit pouvoir…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Christophe Béchu. En fait, c’est bien là le cœur du sujet. Il y a ceux qui pensent que le droit de vote n’est pas attaché à la nationalité et qu’il est un droit gratuit, associé à rien, et ceux qui considèrent que la moindre des choses pour participer aux choix qui engagent nos collectivités locales, comme notre pays, c’est de le vouloir

Mme Éliane Assassi et M. Roland Courteau s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous n’avez pas l’impression d’en faire trop ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Christophe Béchu. … en manifestant par la naturalisation

Mme Éliane Assassi s’exclame de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… le désir d’appartenance à une communauté qui dépasse nos identités multiples.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Christophe Béchu. Je ne doute pas, moi non plus, de la sincérité de Mme la rapporteure, ainsi que de celle de certains des promoteurs de ce texte. Mais cette sincérité ne suffit pas à me convaincre. Ce texte est contraire à nos convictions sur l’importance de notre pacte républicain et national. Il s’oppose à notre vision de ce qui est souhaitable, et même de ce qui est juste.

Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Godefroy s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Rien, ni sur la forme ni sur le fond, ne me permet d’envisager une autre position que celle de voter résolument contre ce texte.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Michel Teston applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la rapporteure, mes chers collègues, aujourd’hui notre assemblée est appelée à se prononcer sur un sujet majeur pour la cohésion de notre pays : l’établissement de droits et devoirs égaux pour l’ensemble des habitants des villes et villages de France.

En cette période difficile, où chacun doute pour son avenir, sa famille, son travail, son logement, où beaucoup ne peuvent plus se soigner, vivant dans la précarité, où l’on doute de l’action collective, réaffirmer qu’en France l’origine de chacun n’est pas un obstacle à la vie commune, à une fraternité partagée est fondamental pour éviter de tomber dans la spirale du doute, de la peur de l’autre, de la fermeture, et in fine du déclin.

Plus encore que de coutume, travailler à la cohésion de notre société et à l’intégration de tous ceux qui la composent est un devoir essentiel.

La force symbolique de la disposition que nous proposons ce soir au Sénat d’adopter constitue, sans être une solution miracle, un outil important pour y parvenir.

Pour qu’il soit utile, ce débat ne saurait être l’occasion d’excès de langage, de simplification ou d’intoxication, comme celle dont s’est rendu coupable M. le ministre de l’intérieur lorsqu’il dénonçait la perspective de maires étrangers en Seine-Saint-Denis.

Ce sont des propos mensongers que je ne vous imagine pas avoir tenus sans lire notre proposition de loi, qui fait sept lignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Ce sont des propos dangereux pour l’ordre public, puisqu’ils stigmatisent des personnes vivant parfois depuis des dizaines d’années sur notre territoire

M. Éric Doligé s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cette quatre-vingtième proposition de François Mitterrand a trente ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Fiers de cette nouvelle configuration politique, nous nous mettons sur le champ à la tâche en proposant aujourd’hui l’adoption d’un texte voté par l’Assemblée nationale voilà dix ans.

Ensuite, dans la foulée des échéances électorales de l’année prochaine, il sera alors possible de finaliser cette réforme, dans la perspective des élections municipales de 2014.

Pourquoi aujourd’hui pouvons-nous faire cette réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Certains nous disent que, dans notre tradition, le droit de vote à toutes les élections doit découler de la nationalité. Cet argument est bien téméraire lorsqu’on se rappelle de la tradition jusqu’en 1944 : l’absence de droit de vote pour les femmes françaises.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

N’avaient-elles pas la nationalité ? Étaient-elles vraiment citoyennes avant ?

Ensuite, il y a l’Europe.

Le traité de Maastricht a introduit la citoyenneté européenne et les droits qui en découlent.

Avec l’instauration du droit de vote aux élections municipales en France pour les ressortissants européens, la notion de citoyenneté de résidence a été établie dans notre pays.

Dans plusieurs pays européens, il a cependant été remarqué que la citoyenneté de résidence n’avait de sens que lorsqu’elle était élargie à l’ensemble des habitants des municipalités. Ainsi sont-ils aujourd'hui plus de dix-huit pays à avoir accordé aux étrangers – bien sûr dans des conditions différentes – le droit de vote aux élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Soulignons d’ailleurs que l’établissement de ce droit n’a pas toujours été le fait de majorités de gauche.

M. Roland Courteau opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Qu’est-ce que la citoyenneté de résidence ? C’est la possibilité de participer à la gestion de son espace de vie quotidienne, de sa ville, de son quartier.

Est-elle liée à la nationalité ? Non, car avez-vous l’impression de perdre votre nationalité lorsque vous allez à l’étranger ou même lorsque vous vous y installez ? Lieu de vie et nationalité sont bien deux choses différentes !

Pourquoi devons-nous aujourd'hui accorder aux étrangers le droit de vote aux élections locales ?

Le défi de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale a conduit notre pays à faire appel à de très nombreux étrangers, parfois issus de pays en cours de décolonisation. Il leur a été accordé, logiquement, progressivement des droits sociaux identiques aux Français. Mais les droits politiques n’ont pas suivi.

Les enfants, souvent nés en France, sont Français, mais les parents restent étrangers. Au nom de quoi ces personnes qui auront travaillé, vécu en France, donné leurs enfants à la France resteraient-elles aux portes de nos bureaux de vote ?

De quel droit leur refusons-nous de participer à la gestion de nos villes et de nos villages alors qu’ils vivent avec nous depuis vingt, trente ou quarante ans ? Pourquoi un tel apartheid politique ? En mesurons-nous les conséquences ?

Que penser d’un Français, né de parents étrangers, qui n’aura jamais vu ses parents mettre un bulletin dans l’urne ?

Je pense à ces personnes en larmes, dans les villes qui ont lancé des expériences de vote ouvert à tous leurs habitants, parce que la votation citoyenne était pour elles la première occasion de mettre un bulletin dans une urne.

Et que dire du témoignage de cette femme qui, ayant été tenue à l’écart de tout vote, de toute vie civique, n’avait pu apprendre à ses enfants comment exercer leurs droits de Français ? Elle n’avait tout simplement pas eu les moyens de leur enseigner un des actes majeurs de l’exercice de la citoyenneté ! Comment transmettre le civisme à ses enfants dans de telles conditions ?

Reconnaître des droits aux parents, c’est aussi dans ce cas reconstruire une autorité parentale contestée par ceux qui refusent tout droit aux étrangers. La question de l’autorité parentale est encore plus aiguë lorsque les enfants français de parents étrangers doivent faire face à la stigmatisation des étrangers, c’est-à-dire de leurs parents. De telles attitudes disqualifient à jamais leurs auteurs pour parler d’intégration ou d’ordre public.

L’absence de droit de vote pour les parents est un handicap pour l’intégration des enfants. Je vous renvoie ici aux faibles taux de participation électorale dans les endroits à forte population étrangère.

De nombreux passages de Libre, le livre écrit en 2005 de M. Sarkozy, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Eh bien, monsieur le ministre de l’intérieur, je vais vous faire une confidence : « libre » du Front national, « libre » de votre politique, « libre » de sa charge, voilà comment nous pourrions mieux apprécier M. Sarkozy !

Est-il possible de gérer démocratiquement une commune si le corps électoral est tronqué d’une partie, parfois supérieure à 20 %, de ses habitants ? C’est tout simplement impossible, et voilà pourquoi un nombre croissant de villes mettent en place des conseils consultatifs visant à faire participer l’ensemble des habitants à la gestion de leur commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Les villes de Strasbourg, Aubervilliers Creil, Grenoble, Toulouse, Paris, Les Ulis, Saint-Denis et Roubaix se sont ainsi regroupées dans le réseau COFRACIR, le Conseil français de la citoyenneté de résidence.

Voilà pourquoi nous voulons cette réforme, pourquoi nous la soutenons !

J’aimerais répondre maintenant à quelques-uns des arguments avancés par certains de ses adversaires.

« S’ils veulent voter, qu’ils deviennent Français. » L’argument ignore la différence entre la citoyenneté de résidence et la nationalité, et il ignore à quel point il est difficile aujourd'hui d’acquérir la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En effet, combien de naturalisations effectives par rapport aux nombreuses demandes ?

Croyez-vous qu’un étranger, vivant en France depuis trente ans, dont les enfants sont Français, obtiendrait la nationalité française ? Dans la plupart des cas, non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Pour les préfectures aujourd’hui, tout est prétexte à un refus. Depuis le fichage orwellien des étrangers – jusqu’à leurs visites médicales sont désormais enregistrées ! –, l’État dispose de moyens sans précédents pour refuser une naturalisation sous les prétextes les plus fallacieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Alors comment faire ? On dit : « Qu’ils deviennent Français ! », mais en réalité on les repousse, favorisant l’exclusion, les renvoyant à leur communauté ? Ce n’est pas sérieux. Utiliser cet argument aujourd’hui, c’est méconnaître la situation des étrangers dans notre pays et la difficulté d’obtenir une naturalisation.

Que dire de la situation de cette femme algérienne à qui la préfecture a demandé confirmation de l’assentiment de son mari lorsqu’elle déposait sa demande de naturalisation ? Est-ce le fonctionnement normal d’une République irréprochable, monsieur le ministre ?

Reconnaître une citoyenneté locale, ce n’est pas reconnaître une nationalité.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La relation entre chaque individu et sa communauté nationale n’a rien à voir avec son lieu de vie. Et un État, fût-il l’État de résidence, ne saurait s’ingérer dans cette relation sans violer une intimité et des origines.

La naturalisation doit être l’aboutissement d’un projet d’intégration à notre communauté nationale. Elle ne saurait être un outil pour la reconnaissance de droits permettant d’être mieux intégré à sa ville. Curieuse conception de la nationalité que de la rabaisser à un moyen d’obtenir des droits...

La peur du communautarisme ? Eh bien, au risque de vous surprendre, je dirai que, oui, il faut avoir peur du communautarisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… car il existe aujourd'hui.

Il existe, car l’exclusion, la stigmatisation des origines et des croyances, les discriminations conduisent beaucoup d’habitants de notre pays, Français ou non, à se détourner d’une République qui n’existe souvent plus que dans les mots pour se retourner vers les derniers espaces de solidarité qui restent.

Quand la communauté prend la place de la République, c’est le communautarisme qui pointe.

M. Claude Dilain applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Outil d’intégration, outil pour mieux définir une politique de la ville en meilleure adéquation avec les besoins de ses habitants, la reconnaissance d’une citoyenneté de résidence est un moyen de lutte contre le communautarisme. Il n’est, bien sûr, pas suffisant pour tout résoudre, mais c’est un outil puissant et symbolique que nous devons utiliser.

Si malgré tout, des listes communautaires apparaissaient et avaient du succès ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Eh bien, mes chers collègues, n’ayez pas peur ! Pensez à la force d’une République renouant avec ses valeurs. N’y a-t-il pas de meilleur outil d’intégration que la participation à la vie de la cité ?

C’est avec fierté que nous constatons qu’une large majorité de Français est aujourd'hui favorable à cette évolution, qui n’a que trop tardé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Mes chers collègues, je vous propose de dédier ce débat et notre vote à tous les étrangers qui ont fait la France, à ceux qui, souvent venus d’Afrique du Nord ou de l’Ouest, ont répondu à l’impératif de la reconstruction…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… et largement contribué aux Trente Glorieuses, sans se préoccuper de quoi l’avenir serait fait pour eux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… à ceux qui se sont engagés, battus et sont morts pour notre pays, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… à ceux dont le ralliement au général de Gaulle a permis à la France de se trouver dignement du côté des vainqueurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… aux Africains, aux Polonais de la première armée du général de Lattre de Tassigny, aux Francs-tireurs et partisans – main-d’œuvre immigrée, aux Arméniens, Espagnols, Italiens, Hongrois, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… Polonais, Roumains du groupe de Missak Manouchian, exécutés pour notre liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. C’est à eux que nous devons ce débat, et c’est pourquoi nous devons aborder celui-ci avec confiance !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’écoute ce débat avec beaucoup d’attention, parce que nous sommes tous concernés, et un peu d’équilibre ne nuit pas.

Puisque nous sommes dans les citations, je citerai Jaurès.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-Eelv

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

« À celui qui n’a rien, la patrie est son seul bien. »

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Et, puisque l’orateur précédent nous appelait à nous souvenir des soldats de la Seconde Guerre mondiale, je vais vous dire que, si j’ai moi la chance d’être né Français, mon père lui a fait cette guerre et c’est à ce titre, pour faits d’armes, qu’il a été naturalisé ensuite.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, la nation est le fondement de la République. S’il n’y a pas de nation, il n’y a plus de République et, à cet égard, madame Benbassa, il y a clairement une différence entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Vous avez dit que la nationalité relevait de l’individuel, la citoyenneté du collectif. Quant à M. François Rebsamen, il estime qu’il y a une citoyenneté de résidence

Effectivement ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec attention, merci d’en faire autant !

Croyez-vous sincèrement que les gens, qu’ils soient de droite ou de gauche, car il n’y a pas de différence à cet égard, se sentent concernés par une citoyenneté de résidence, alors que nous sommes en pleine crise économique, financière, sociale, identitaire ?

Qu’est-ce qu’être Français en 2011 ?

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Qu’est-ce que la France aujourd'hui, dans l’ensemble européen et dans le monde ? Faut-il accepter la mondialisation ou faut-il une démondialisation ? Que va devenir l’Europe ? J’écoute et j’entends les questions qui se posent, à gauche comme à droite, car elles traversent nos groupes et nos partis politiques, et voilà où se situe le débat, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, en Île-de-France comme ailleurs. Oui, qu’est-ce qu’être Français en 2011 ?

Mme Éliane s’exclame de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On nous parle du traité de Maastricht. Moi, j’ai fait campagne contre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… mais aujourd'hui il y a une réciprocité européenne en même temps que le sentiment que la France ne peut pas, hors de l’Europe, exister seule. C’est une réalité. En revanche, croyez-vous que l’on puisse avoir actuellement une République fragmentée…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. … et remettre en cause les fondements de la nation en prétendant que le droit de vote est attaché à une citoyenneté de résidence ? La vérité est que non !

M. Bruno Retailleau applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je vous ai écoutés !

Je suis d’accord avec Mme Benbassa lorsqu’elle dit qu’il faut s’honorer de toutes celles et de tous ceux qui, étrangers dans le passé, apportent aujourd'hui leur contribution à notre pays. C’est l’honneur de nos assemblées, celui de l’État et de la République de faire en sorte que non seulement ils aient été intégrés mais qu’ils puissent aussi nous représenter, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… et être des représentants français comme les autres, autant que les autres, plus que les autres !

Pour autant, c’est par la nationalité, et donc par la naturalisation, que cela passe. J’entends dire que la naturalisation est difficile. Peut-être… mais chaque année notre pays procède à 130 000 naturalisations : c’est un des pays sinon le pays d’Europe qui naturalise le plus et qui, en proportion de sa population, est la terre d’asile la plus recherchée…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais il y a des pays où les étrangers ont le droit de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… et qui a le plus vocation à intégrer.

Il y a bien sûr des difficultés, et je ne confonds pas intégration et respect de l’étranger qui travaille et vit ici, mais il faut qu’il y ait un vrai débat sur notre système d’intégration. Voyons pourquoi le modèle social, le modèle républicain n’intègre plus aussi bien que par le passé.

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Je vous le dis, vous vous trompez de combat ! Posons-nous les bonnes questions : comment mieux intégrer et profiter de l’apport de toutes celles et ceux qui pourraient devenir Français ? En défendant le droit de vote des étrangers, vous donnez au contraire le sentiment qu’il n’y a pas besoin d’intégrer la nation française pour en être partie prenante.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

C’est une erreur ! La nation, je vous le rappelle, mes chers collègues, était une idée de gauche. J’ai entendu beaucoup parler du XIXe et du XXe siècle, mais qui a dit que c’était la nation qui était souveraine ? Les révolutionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les monarques, eux, niaient la nation pour mettre en avant leur légitimité divine.

Une nation existe, et c’est cette nation qui est le creuset de la République et fait la force de la France. Croyez-vous sincèrement que ce moment de doute, où la légitimité de chacun de nos actes est une véritable interrogation, soit un moment bien choisi pour remettre en cause le droit de vote ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-Eelv

C’est le moment pour cette loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

C’est plutôt le moment de rassembler la nation !

Le droit de vote, c’est le droit de voter à toutes les élections et d’être un Français à part entière, parce qu’il n’y a pas de nationalité de deuxième ordre dans une véritable nation.

D’aucuns s’étonnaient tout à l’heure d’un ton léger que certains votent et d’autres non. Mais aucune nation n’est supérieure aux autres ! C’est un honneur que les Tunisiens qui vivent en France aient participé aux élections législatives qui se sont déroulées en Tunisie : c’est bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

À quel titre pouvons-nous réclamer qu’ils soient dans la nation française ou de nationalité française ? La nation, c’est quelque chose qui appartient à chaque peuple et ce peuple a le droit d’intégrer, de s’ouvrir, d’être tolérant, d’être respectueux.

Je vous le dis : c’est un mauvais débat, c’est un mauvais combat. La République vaut mieux que cela !

Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l ’ UMP et de l’UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, allais-je dire, mais il est parti, monsieur le ministre, vous qui êtes resté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… madame la rapporteure et chère Esther, mes chers collègues, il était temps ! Le droit de vote des étrangers aux élections locales, les écologistes le défendent, sans failles, depuis longtemps. Déjà, en 2000, mon ami Noël Mamère était le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Aujourd’hui, c’est Esther Benbassa qui assume cette fonction au Sénat. Je salue le travail remarquable qu’elle a accompli avec culture, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

C’est avec une grande fierté que je soutiens aujourd’hui, au nom de l’ensemble des écologistes, cette proposition de loi constitutionnelle hautement symbolique, qui s’inscrit dans l’histoire de notre pays.

Après le droit de vote des femmes, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

pour qu’enfin il n’existe plus, en France, de citoyens de « seconde zone ».

Certaines et certains n’hésitent pas à instrumentaliser ce débat à des fins bassement politiciennes

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. ... n’hésitant pas à stigmatiser nombre de nos concitoyennes et concitoyens. À croire que, pour eux, et manifestement pour certains d’entre vous, mes chers collègues de l’opposition, les étrangers n’ont qu’un droit, celui d’avoir des devoirs.

Oh non ! sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Je n’en dirai pas davantage. La « préférence nationale », nous la laissons à d’autres, notamment à Mme Le Pen qui vous a fait le plaisir de venir vous soutenir dans votre opposition devant la Haute Assemblée tout à l’heure !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Attendez la fin !

Profondément attachés à la lutte contre les discriminations, les écologistes estiment qu’il est urgent de mettre un terme à cet apartheid politique.

Mlle Sophie Joissains s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Toutes ces femmes et ces hommes vivent en France, contribuent à créer la richesse nationale, s’acquittent de leurs impôts, participent à la vie locale, comblent le trou de la sécurité sociale que vous contribuez à creuser encore et encore.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Peut-on encore avoir, en France, des « sous-citoyens » honteusement écartés des urnes, alors que, comme l’ont rappelé le président Rebsamen et plusieurs orateurs, ils sont membres des conseils d’école, délégués du personnel ou encore investis dans un syndicat ou une association, et même comptabilisés pour déterminer le nombre de conseillers municipaux de leur mairie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Il faut leur donner le droit de vote national, alors !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. En 2011, c’est tout simplement injuste et absurde ! Nous sommes l’un des derniers pays en Europe à n’accorder aucun droit politique aux ressortissants non communautaires.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Ce sujet mérite amplement d’être envisagé avec un peu de hauteur – et non pas… avec bassesse, allais-je dire, mais c’eût été excessif – car il dépasse tous les clivages et fait appel, avant tout, à notre amour de la République et des valeurs de la France des droits de l’homme et du citoyen qu’en tant que sénatrices et sénateurs nous défendons tous ici.

Au-delà des valeurs d’intégration sociale et d’égalité partagées par l’ensemble de la gauche, les écologistes sont favorables au droit de vote des étrangers, car il favorisera la démocratie locale, à laquelle nous sommes extrêmement attachés comme outil indispensable du développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

À vrai dire, pour aller jusqu’au bout de mon raisonnement, M. Karoutchi le sait, je souhaite même que nous allions plus loin et que, à terme, nous étendions le droit de vote aux étrangers à toutes les élections locales, comme le proposait Nicolas Sarkozy en 2005, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… et nous aurons, je l’espère, l’occasion d’en reparler dans les années à venir.

Ce texte représente donc un premier pas positif et ambitieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour conclure, mes chers collègues, pour le jeune parlementaire que je suis, c’est une très grande fierté et un immense honneur de vivre ce moment important. Vous le voyez peut-être, je ne suis ni Coréen ni national.

Plusieurs sénateurs de l ’ UMP s’esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je m’inscris à cet égard dans les principes et valeurs portés par un grand ministre centriste, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… républicain et humaniste, qui a écrit en 1984 un magnifique ouvrage…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. C’est pour cela que, au-delà de la majorité sénatoriale que je sais unie et rassemblée – j’ai aussi apprécié, avec quelques nuances, l’excellent discours de Jacques Mézard

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je vous invite au courage de la liberté et de la conviction. Ayez le courage non pas de dire oui à la majorité sénatoriale, mais de dire oui à une conception qui, j’en suis sûr, nous est commune, celle de la France éternelle, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

... belle, généreuse et accueillante, et donc plus forte et plus rayonnante.

Mes chers collègues, vive la France et vive la République !

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV. – Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Monsieur le président, monsieur le ministre, chère Esther, mes chers collègues, je crois que la France n’est jamais aussi belle que lorsqu’elle porte la tête haute en assumant sa diversité, comme nous avons pu le voir aujourd'hui à cette tribune.

Je suis fière de notre pays, quand il est capable de porter au plus haut sommet de l’État des hommes dont le nom à consonance étrangère rappelle leur origine diverse. Mais, ces dernières années, notre grand pays a eu tendance à se replier sur lui-même, à avoir peur de l’autre, à oublier tous les fils des autres nations qu’il avait accueillis. On pensera ici à Pablo Picasso, Jorge Semprun ou Romain Gary, qui ont su mieux que quiconque contribuer au rayonnement de la France, ou encore à Émile Zola, Robert Badinter, Françoise Giroud, Serge Gainsbourg et Coluche : ils sont la France.

Plusieurs sénateurs de l’UMP s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Ne vous inquiétez pas, messieurs, j’y viens !

On pensera aussi, plus modestement, aux gens que l’on croise dans nos cités, sur les chantiers, dans les usines, dont certains ont, comme mon arrière-grand-père, fui des régimes autoritaires et trouvé en France une terre d’accueil.

La question du droit de vote des étrangers aux élections municipales est intimement liée à notre histoire, à nos paradoxes. C’est un sujet que les forces progressistes revendiquent collectivement depuis 1981. Il n’était que temps d’inscrire cette proposition de loi constitutionnelle à l’ordre du jour d’un Sénat de gauche, cher monsieur Mézard.

Face aux critiques et caricatures lancinantes, nous devons aujourd’hui affirmer qu’accorder le droit de vote des étrangers aux élections municipales, c’est avoir conscience que l’épanouissement de chacun est lié à la promotion du groupe. Nous vivons actuellement sous le règne d’une défiance généralisée : peur de l’avenir économique, social, peur de l’autre, de la différence. Il est grand temps de « refaire société » comme le dit Pierre Rosanvallon.

Le droit de vote des étrangers, qui place l’égalité comme condition première de notre « vivre ensemble », s’inscrit dans ce mouvement inéluctable de justice contre lequel il sera difficile de lutter plus longtemps. En participant à la vie de tous les jours, en payant les charges qui leur incombent, ces « étrangers » sont déjà des citoyens auxquels ce statut est dénié. Or, nous le savons, l’inscription dans la cité présuppose l’égalité.

Alors qu’est donnée aux étrangers communautaires la possibilité de voter, ceux qui ont tant donné à la France en sont privés ! M. le Premier ministre a avancé l’argument selon lequel la nationalité serait la condition sine qua non de la citoyenneté. Or, en effet, monsieur Karoutchi, depuis le traité de Maastricht de 1992, qui a institué une citoyenneté de l’Union européenne avec un droit de vote municipal et européen pour les ressortissants des États membres, une rupture entre la nationalité et la citoyenneté s’est opérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Les pourfendeurs du droit de vote des étrangers se trompent de débat et d’époque : ils devraient avoir en mémoire que les femmes de nationalité française n’étaient pas des citoyennes de 1848 à 1944.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Ça n’a rien à voir !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

On ne peut plus continuer à soutenir que ne sont citoyens que ceux qui font allégeance pleine et entière en acquérant la nationalité, sans risquer de paraître bien loin de la réalité quotidienne de nos territoires.

Certains pensent que les Français ne seraient pas prêts, M. Accoyer l’affirmait voilà peu. Pourtant, ils sont 61 % à le vouloir et 75 % des jeunes y sont favorables. Il est grand temps que les élus de la nation que nous sommes et surtout le Gouvernement se remettent à prêter attention à ce que cherche à nous dire le peuple français. Ne pensez-vous pas que les descendants d’étrangers se sentiraient enfin pris en compte si le droit de vote était accordé à leurs parents, si la République leur donnait la place qu’ils méritent, en leur disant que, demain, ils pourront aller s’inscrire sur les listes électorales et que leur voix sera enfin écoutée ?

Le coup de semonce de l’automne 2005 n’aura donc pas servi. Depuis dix ans, ces gouvernements attisent les haines en faisant régner la peur entre les différentes catégories de population. Ils se permettent de penser qu’il suffirait d’un kärcher pour régler des décennies de frustration. Selon moi, le mal est plus profond et le droit de vote serait un élément de réponse au ressentiment d’une partie de notre population à l’égard d’une société qui semble ne pas lui offrir les moyens de construire son existence. Je crois profondément que, dans certaines parties de notre territoire, un bulletin de vote serait bien plus efficace qu’un escadron de CRS.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Entre les stigmates d’une mondialisation démesurée, d’un côté, et la difficile construction européenne, de l’autre, il reste un espace : celui du local. Cette notion, aux contours imprécis, est un univers concret, un territoire de possibilités. C’est l’espace du quotidien et du cadre de vie. C’est un lieu de carrefour, de rencontres, de circulations d’idées. La démocratie locale est propice à la cohésion sociale : le logement, l’école, les équipements collectifs sont autant de problèmes concrets, partagés par tous les habitants, quelle que soit leur nationalité.

Certains s’y opposent en agitant les chiffons rouges du communautarisme, du fondamentalisme. Cependant, loin des constructions symboliques et autres fantasmes identitaires, cette proposition de loi constitutionnelle ne souhaite qu’une chose : donner la possibilité aux étrangers résidant en France depuis plusieurs années de pouvoir voter aux élections municipales. Elle exclut l’accès des étrangers aux fonctions de maire ou d’adjoint ainsi que leur participation à d’autres élections pour l’instant. En rien, le droit de vote ne s’apparenterait à un repli identitaire, au contraire !

Ces gens participent déjà, comme le disait Jean-Vincent Placé, aux élections des comités d’entreprise, aux élections prud’homales, aux élections de parents d’élèves ; ils siègent aux conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, des offices d’HLM, etc. Certaines municipalités ont même commencé à associer la population étrangère à la vie politique locale par le biais de différentes structures à caractère consultatif. Le succès que rencontrent ces dispositifs souligne la volonté des étrangers de prendre part à la cité. Il y a donc là une forme d’hypocrisie dont nous nous rendons coupables en refusant d’y remédier.

Ne nous y trompons pas : cette question n’est pas un enjeu électoral pour le parti socialiste

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

… qui proclame ce droit depuis des décennies. Mais elle l’est bel et bien pour le Gouvernement, qui se doit de ratisser des voix à la droite des contours de la majorité gouvernementale. Il y a ceux qui n’ont pas voulu voir depuis de nombreuses décennies que la France avait évolué. Et il y a ceux qui se battent pour la promotion d’une intégration aboutie et accomplie. Je préfère faire partie de ceux-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Vous avez dépassé votre temps de parole depuis déjà deux minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

À ceux qui nous accusent d’instrumentalisation – je pense à M. Zocchetto –, je répondrai en citant cette phrase prononcée en 1990 par François Mitterrand, qui n’a pourtant jamais franchi le pas de cette question essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Un peu de respect, merci !

François Mitterrand disait ceci : « C’est comme si vous reprochiez aux socialistes du XIXe siècle et du XXe siècle d’avoir “agité en permanence” les droits de la femme, les droits de l’enfant, le droit à la retraite, le droit au repos, le droit à la sécurité sociale. Ils les ont agités, en effet, jusqu’au moment où ils ont eu gain de cause. » C’est ce que nous ferons !

Enfin, permettez-moi de souligner que le mot « vote » vient du latin votum, qui signifie « émettre un vœu ». Lorsque l’on ne peut plus émettre de vœu, que nous reste-t-il ? Trop peu de chose, en effet !

N’ayons plus peur de l’autre ! La France s’est toujours nourrie de ses différences, en les rassemblant puis en les sublimant, pour porter haut et fort un message de liberté, d’égalité et de fraternité.

C’est ce triptyque républicain qui fonde ma conviction.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

C’est fini !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Je salue le travail de ceux qui ont repris cette proposition de loi au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Je conclus, monsieur le président.

Le train de l’histoire de l’intégration est en marche !

Fille de France, petite-fille d’Espagne, je veux, dans cet hémicycle, être la porte-parole de la jeunesse et défendre ses aspirations.

(Exclamations sur les travées de l ’ UMP.) : pour ma part, je ne comprends pas que le Président de la République se renie, en s’opposant aujourd’hui à un droit qu’il défendait hier.

Brouhaha sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Il nous faut faire le pari de l’avenir. M. le Premier ministre est parti, mais il parlait tout à l’heure de faire honneur à la France §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il aura donc fallu attendre dix longues années pour que la représentation nationale se saisisse de nouveau de la question fondamentale du droit de vote des résidents étrangers non communautaires aux élections municipales. Dix années pendant lesquelles ce droit n’a cessé de recueillir un assentiment toujours plus large parmi nos concitoyens. En effet, près de 61 % des Françaises et des Français sont favorables à ce droit.

Le choix que chacune et chacun d’entre nous, en conscience, va faire aujourd’hui peut engager le Sénat sur la voie de la modernité et faire honneur à notre universalisme démocratique.

L’ouverture du droit de vote des résidents étrangers non communautaires aux élections municipales, est un acte décisif dans le progrès des libertés individuelles. Notre pays est un creuset d’origines, de cultures et de destins, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

… que chaque habitant, qu’il soit ou non citoyen, porte en partage. C’est l’héritage de notre Révolution, c’est notre Histoire ! Ce doit être notre réalité aujourd’hui !

Les résidents étrangers participent à la création de notre richesse nationale, sans qu’il leur soit permis de rejoindre notre destin national. Comment admettre que l’on puisse payer l’impôt sans avoir le droit d’en contrôler l’usage ? Et comment pourrions-nous l’accepter ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Il est de nouveau temps, pour reprendre les mots de l’un de ses plus grands serviteurs, parlant de « millions d’hommes sur la terre », que la France soit « prête à leur parler le langage qu’ils ont appris à aimer d’elle ».

Il est dans la nature d’une grande nation de concevoir de grands desseins : n’est-il pas de plus noble devoir, pour l’habitant d’un pays, que de participer à l’élaboration de sa vie publique ?

Nous ne pouvons, par rapport à nos voisins européens, supporter le moindre déficit démocratique. Rappelons que treize d’entre eux ont déjà accordé ce droit. Comment, demain, nos discours pourraient-ils être entendus si nous ne tranchons pas enfin la question ?

Nous ne pouvons tolérer que les résidents étrangers en France soient systématiquement masqués dans « l’angle mort » de notre démocratie. Ce sont environ 1, 8 million d’hommes et de femmes qui, par leur présence, leur travail, leur culture, contribuent à façonner notre destin collectif. Chaque habitant de ce pays doit savoir ce qui le relie à la communauté nationale : un lien inaltérable et sacré, la République !

Par notre vote, nous permettrons à la France d’aller enfin à la rencontre de celles et ceux qui sont aussi ses enfants. Monsieur le ministre, vous avez osé affirmer que nous favoriserions ainsi un vote fondamentaliste ou, tout au moins, communautaire.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Comme j’ai beaucoup de respect pour votre fonction, je dirai que ces propos relèvent, au mieux, du fantasme, au pire, de la mauvaise foi !

Comme toujours, à l’heure des choix cruciaux, la droite joue sur les peurs

MM. Jacques Legendre et Roger Karoutchi s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Ce qui sort du suffrage universel, c’est un mouvement puissant et souverain contre le communautarisme, puisqu’il associe chacun au destin de tous. Il s’agit d’un instrument d’ouverture, et non de repli.

Notre démocratie a construit, au fil des mandats et des législatures, une citoyenneté sociale pour les étrangers vivant en France. Cette citoyenneté n’a pas dévoyé le destin des comités d’entreprise, des directions syndicales, des conseils d’administration des collèges, des lycées, voire des conseils d’école, des CROUS, les centre régionaux des œuvres universitaires et scolaires, et des conseils d’administration des caisses d’assurance maladie : au contraire, elle l’a enrichi.

M. Jean-Vincent Placé opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Je suis maire du XIXe arrondissement de Paris depuis plus de seize ans. Il s’agit d’une véritable ville de 187 000 habitants. Et je ne suis pas fier de constater que près de 50 000 personnes sont exclues des choix décisifs de la vie locale !

Vous pouvez continuer à retarder la reconnaissance de cette destinée commune. Ce n’est pas à votre honneur !

Le candidat Nicolas Sarkozy était favorable à ce droit de vote, mais, aujourd’hui, le Président de la République le refuse. Voilà encore une manifestation de votre incapacité à comprendre le pays et de votre volonté farouche de vous retrancher derrière vos préjugés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

M. Roger Madec. J’ai entendu les arguments sur le calendrier, qui ne serait pas approprié. Toutefois, mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, c’est vous qui aviez la maîtrise du calendrier avant nous ! Pendant dix ans, vous aviez la majorité au Sénat et la logique démocratique aurait voulu que cette proposition de loi constitutionnelle soit inscrite à l’ordre du jour

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

… même si vous étiez contre. Votre devoir était de l’inscrire à l’ordre du jour.

De grâce, ne nous opposez pas l’argument selon lequel les étrangers voulant voter n’ont qu’à se faire naturaliser

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

M. Roger Madec. Monsieur le ministre, depuis que vous avez réformé cette procédure et confié ce pouvoir régalien au préfet, les choses sont encore plus compliquées.

Mme Patricia Schillinger applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

M. Roger Madec. Si l’on n’est pas ingénieur ou informaticien, on a peu de chances d’être naturalisé dans un délai raisonnable.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Aujourd’hui peut-être, demain à coup sûr, la communauté nationale, dont nous sommes les représentants, ouvrira bien grand les bras à toutes celles et tous ceux qui construisent avec nous le destin de notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous se sont émus de l’opportunité et du calendrier de cette proposition de loi constitutionnelle.

Force est de constater que le parti socialiste, avec une régularité d’horloger, depuis 1981, opportunément et systématiquement, remet cette question à l’ordre du jour, à la veille de chaque grande échéance électorale.

Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Ce fut le cas en 1981, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… ce fut le cas avec ce texte même que vous avez choisi d’inscrire à votre ordre du jour, et qui fut adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 3 mai 2000.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Monsieur Rebsamen, je me permets de souligner que c’est non pas le Gouvernement, mais votre majorité qui remet ce point à l’ordre du jour.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Ne nous dites pas que vous n’avez pas pu le faire avant. Il est vrai que François Mitterrand, Président de la République, après l’avoir inscrit dans les 110 propositions lorsqu’il était candidat, a estimé que les Français n’étaient pas prêts pour le droit de vote des étrangers et qu’il ne fallait donc pas le soumettre au vote.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Ce choix est, du reste, révélateur, il faut que les Français le sachent, de votre sens des priorités. Ils sont prévenus : alors même que l’Europe traverse une crise sans précédent, que tant d’autres sujets tenant aux conditions de vie quotidienne de nos compatriotes, à leur emploi, à notre économie, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. … à l’accès au logement, à la question des choix énergétiques, à leur sécurité quotidienne sont en jeu, c’est au droit de vote des étrangers que va votre priorité !

Applaudissementssur plusieurs travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je n’oublie pas qu’au soir des élections sénatoriales les principaux responsables du parti socialiste ont immédiatement déclaré à la télévision qu’on allait enfin pouvoir passer à cette priorité, qui s’imposait par rapport à toutes les autres.

Cette question touche à l’essence même de la République française, elle touche à l’essence de ce qui fait la nation.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

À ce titre, elle ne doit pas être prise à la légère, traitée comme une question électoraliste.

Monsieur Béchu, vous avez raison de souligner qu’on peut être en même temps républicain et hostile au droit de vote des étrangers aux élections locales. J’ajoute que l’on peut ne pas partager les idées du parti socialiste, tout en étant profondément républicain !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est souvent contesté, monsieur Sueur ! Voilà pourquoi je me permets de l’affirmer ! Il ne s’agit pas de vous, car, je le sais, vous êtes un vrai républicain.

Le Gouvernement, M. le Premier ministre l’a réaffirmé avec force tout à l’heure, est résolument hostile à cette proposition de loi constitutionnelle, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… d’abord pour des raisons tenant à la conception de notre droit.

Comme l’ont rappelé les sénateurs de la majorité gouvernementale, dans notre pays, depuis des siècles, la nationalité va de pair avec la citoyenneté : on vote parce que l’on est citoyen et on est citoyen parce que l’on est Français !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Les socialistes – c’est la vision que leurs représentants nous ont exposée – veulent, au contraire, dissocier l’appartenance à la nation française de l’exercice de la souveraineté, en créant une citoyenneté de résidence.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est faire fi de l’essence même de nos institutions et de notre tradition républicaine, Roger Karoutchi l’a dénoncé de façon brillante tout à l’heure.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je le répète, on vote parce que l’on est citoyen et on est citoyen parce que l’on est Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Et les Européens ? Votre démonstration ne tient pas !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. On est citoyen non pas parce que l’on habite la France, mais parce que l’on partage le destin de la France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Vous me permettrez, monsieur Madec, de dire que réduire le partage du destin de la France au fait de payer des impôts me semble étonnamment réducteur.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les citoyens du lac Léman, qui ne paient pas d’impôts, eux, votent bien en France !

Exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J’y viens, madame Borvo Cohen-Seat !

Vous affirmez que le traité de Maastricht aurait ouvert « une brèche » dans ce lien historique entre nationalité et citoyenneté.

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Au contraire, dans sa décision du 9 avril 1992, le Conseil constitutionnel le confirme, en soumettant l’adoption du traité à la modification de la Constitution en considérant que « seuls les nationaux français ont le droit de vote et d’éligibilité pour la désignation de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale de la République ».

D’aucuns arguent du fait qu’accorder ce droit serait une question de justice et mettrait fin à « l’apartheid politique », pour reprendre les mots de M. Placé, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… dans lequel se trouveraient les non-ressortissants de l’Union Européenne, par rapport aux ressortissants de l’Union.

Non, les étrangers se trouvant dans notre pays ne sont pas des citoyens de seconde zone, comme j’ai pu l’entendre à plusieurs reprises, car, tout simplement, ils ne sont pas des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Ils ne sont pas des citoyens ? Mais c’est grave ! Ce sont des extraterrestres ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Ils habitent dans notre pays, c’est vrai, mais ils n’en sont pas citoyens.

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J’ajoute qu’ils ne sont pas non plus des sous-citoyens, comme cela a également été dit.

Le principe d’égalité, auquel vous vous référez, n’a jamais empêché de traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes.

Cette différence, c’est celle de la citoyenneté européenne, reconnue, au travers du traité de Maastricht, faut-il le rappeler, par le peuple français, qui s’est prononcé par la voie du référendum. À cet égard, je voudrais saluer la démonstration de M. Zocchetto sur ce point.

Il s’agit non pas d’un concept subjectif, mais bien d’un concept juridique. C’est l’aboutissement de la communauté de destin qui lie les Européens depuis 1957.

La citoyenneté européenne est conditionnée à la possession de la nationalité de l’un des États membres ; elle englobe donc la citoyenneté française. C’est pour cette unique raison que les citoyens européens ont un traitement différent des étrangers non européens. Il s’agit d’un choix politique construit et profond.

De surcroît, votre proposition introduit une étrange distorsion, certains l’ont souligné, entre européens et non européens. En effet, les premiers ne peuvent exercer leur droit de vote que sous condition de réciprocité, mais vous dispensez les seconds d’une telle condition. Vous introduisez donc une nouvelle discrimination et, à vrai dire, vous donnez aux étrangers extracommunautaires des droits supérieurs à ceux des étrangers citoyens de l’Union européenne.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

C’est la meilleure ! Vous poussez le cynisme à son comble !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Pour ce faire, vous invoquez notamment, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, le renforcement de la cohésion sociale et de l’intégration qu’entraînerait l’octroi du droit de vote et d’éligibilité.

Notre vision de l’immigration et de l’intégration n’est pas celle-là.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Notre politique, c’est de faire en sorte que les étrangers qui vivent dans notre pays et sont admis à y résider s’intègrent,

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… qu’ils s’y sentent bien et que, dans le même temps, les Français soient à l’aise dans leurs relations avec eux.

Pour cela, comme certains l’ont rappelé, notamment Mme Assassi, mais je ne tire pas les mêmes conclusions qu’elle des informations qu’elle a données à la Haute Assemblée, les étrangers non communautaires ont d’ailleurs la plénitude des droits sociaux, au même titre que les Français, afin d’assurer leur participation à la vie économique et sociale de notre pays.

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… membres de comités d’entreprise ou bien électeurs aux prud’hommes.

Au terme du processus d’intégration, que la jouissance de ces droits favorise, un étranger peut, s’il le souhaite, obtenir le droit de vote et d’éligibilité, en devenant Français.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Cela suppose, bien sûr, qu’il adhère aux valeurs qui sont les nôtres. Cela suppose aussi, et je revendique cette exigence supplémentaire, qu’il parle le français.

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Les étrangers le parlent, ne vous inquiétez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Surtout quand ils sont en France depuis quarante ans !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Il est paradoxal de vouloir donner une tranche de citoyenneté, je dis bien « une tranche de citoyenneté », à quelqu'un qui n’émet pas le souhait de devenir Français et de se lier à notre communauté de destin, alors qu’il en a la possibilité.

Cela n’empêche pas, monsieur Mézard, je vous rejoins tout à fait, que nous avons tous le devoir de respecter toutes les personnes de nationalité étrangère admises et accueillies chez nous et de faire en sorte qu’elles vivent à l’aise dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

C’est très gentil de votre part, monsieur le ministre…

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens à un autre point qui a été évoqué : oui, il existe bien, aux yeux du Gouvernement, des risques communautaristes intrinsèques à une telle proposition.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

La commune gère des questions essentielles, dont on ne peut minorer l’importance. Vous proposez de soumettre la gestion des services publics à des personnes, qui, parce qu’elles n’appartiennent pas à la nationalité française, n’en partagent pas forcément les valeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tous ceux qui sont présents sur notre territoire doivent respecter nos valeurs !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

La citoyenneté, comme la souveraineté, ne se divise pas. M. Retailleau a tout à l’heure insisté sur ce sujet.

Comment peut-on banaliser ainsi, au sein de ce que Clemenceau appelait le « Grand conseil des communes de France », les décisions de la vie locale ? Comme si participer à la vie locale dans les élections municipales était de peu d’importance.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Les communes de France sont aussi porteuses des grands principes de la République et elles les mettent en œuvre dans les décisions qu’elles prennent.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Imaginons ce qui pourrait se passer sur plusieurs sujets, que certains d’entre vous, notamment M. Béchu, ont déjà mentionnés.

Prenons un débat sur les cantines scolaires : ne risquerait-il pas d’aboutir à des règles relatives au fonctionnement des cantines et à l’alimentation des enfants qui soient contraires au principe de laïcité ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Moi-même j’ai longtemps mangé du poisson le vendredi !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Évoquons les délibérations susceptibles d’être prises en matière de fréquentation des piscines : ne court-on pas le danger d’avoir un règlement contraire à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Esnol

Vous ne connaissez pas les réalités locales, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Je le dis solennellement, offrir la possibilité d’une représentation communautaire au sein des conseils municipaux ouvre la voie au communautarisme.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Mme Samia Ghali. Rejoignez donc Marine Le Pen !

Oh ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Luc Carvounas

La chasse aux voix de l’extrême droite est ouverte !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Par ailleurs, je voudrais réfuter un certain nombre d’affirmations qui ont été lancées tout à l’heure par différents intervenants, en particulier par MM. Rebsamen et Leconte.

Jamais je n’ai dit que la proposition de loi constitutionnelle débattue aujourd'hui pouvait se traduire par l’élection de maires étrangers.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Non, madame !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je sais lire, en l’occurrence sept lignes, et je répète ce que je viens de dire ! J’ai simplement fait allusion à un accord passé entre le parti socialiste et les Verts, lequel prévoit expressément le droit de vote et d’éligibilité des étrangers.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Référez-vous donc à ceux qui ont déjà travaillé sur la question, vous vous apercevrez que M. Mamère, dans le rapport qu’il a déposé lors de la discussion de la proposition de loi constitutionnelle en 2000, a bien évoqué d’autres étapes à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas dans le texte d’aujourd'hui !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Pour prendre une référence plus actuelle, je citerai M. Placé, qui, tout à l’heure, n’a pas démenti le fait que d’autres étapes étaient envisagées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce sont les parlementaires qui votent, ce n’est pas vous, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Alors, bien sûr, il y a une petite difficulté dans cette affaire, c’est que je n’avais consulté que le site des Verts pour prendre connaissance de l’accord. Or quand vous consultez aussi celui du parti socialiste

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

, vous découvrez que le texte n’est pas le même : il paraît que c’est tout de même un accord…

Sourires et applaudissementssur plusieurs travées de l’UMP. – M. Gérard Larcher lève les bras au ciel. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S’il fallait se fier à ce que disent les membres de l’UMP, on en ferait des montagnes !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le risque de communautarisme que je souligne est d’autant plus fondé que, ne l’oublions pas, dans le projet du parti socialiste, il est prévu de régulariser les étrangers qui se trouvent en France en situation irrégulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Vous n’êtes pas dans un meeting électoral, monsieur le ministre, vous êtes au Sénat !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Cela est écrit et a même fait l’objet d’un vote à l’unanimité lors d’une convention du parti socialiste.

Je le précise, parce que je suis honnête, cette proposition est assortie d’une condition : une telle régularisation se fera sur des critères clairs et transparents.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

La traduction a été donnée par la première secrétaire du parti socialiste, interrogée sur le sujet. Elle a répondu qu’elle ferait comme M. Zapatero en Espagne, lequel a régularisé tout le monde : 800 000 régularisations. Voilà l’exacte vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Ce n’est pas une estrade électorale, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

On ne peut même pas exclure qu’il n’y ait aucun lien entre les travaux d’une association qui revendique sa proximité avec le parti socialiste, sa qualité de pourvoyeuse d’idées…

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je suis d’accord qu’elle ne représente pas le parti socialiste, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… mais il n’en est pas moins vrai qu’elle s’érige en inspiratrice d’un certain nombre de ses décisions.

Cela a été dit tout à l’heure, l’association en question a relevé que la classe ouvrière avait déserté peu à peu les rangs du parti socialiste.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Elle en a tiré cette conclusion dans un rapport : le parti doit se saisir d’une nouvelle catégorie de la population, à savoir les étrangers, qui sont censés voter davantage à gauche ; en conséquence, il faut leur faciliter l’accès au vote en commençant, pourquoi pas, par les élections municipales.

Brouhaha continu sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Vous n’avez jamais été élu, cela se voit !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Présidez, monsieur le président, présidez !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Le risque de communautarisme, mesdames, messieurs les sénateurs, est réel, et c’est pourquoi le Gouvernement, qui veille au respect de nos principes républicains, s’oppose fermement à cette proposition.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le communautarisme ne fait pas partie de la République !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J’ai même entendu ce mot à gauche !

Vous invoquez aussi l’argument selon lequel la France serait archaïque, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

… voire moins démocratique, car elle n’appliquerait pas ce que nombre de ses voisins font déjà. Cet argument me semble audacieux.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Beaucoup d’entre vous en ont déjà souligné la limite. Il n’existe pas de modèle unique européen auquel nous devrions nous soumettre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous êtes mal placés à l’UMP pour affirmer cela !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Les choix des pays sont la résultante d’histoires et de traditions politiques extrêmement différentes.

Tout à l’heure, il a bien été montré, sur les travées de la droite, à quel point les études de droit comparé auxquelles vous vous étiez livrés étaient sommaires.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Je dirai, très franchement, que la France n’est pas moins démocratique que l’Irlande parce qu’elle n’accorde pas le droit de vote aux étrangers.

Très bien ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Il est absurde de classer les démocraties et juger de leur qualité selon un seul critère de ce genre.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement, je le rappelle, a une volonté politique en matière d’immigration, celle de réussir l’intégration.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est l’absence de politique d’intégration et l’absence de toute politique de contrôle de l’immigration qui ont abouti à la constitution de véritables ghettos, lesquels ne font pas honneur à notre République.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le communautarisme, c’est l’exact opposé des valeurs françaises. La France refuse la juxtaposition de communautés séparées et l’État a le devoir de veiller au respect d’une République une et indivisible.

Le Gouvernement refuse que l’on prenne le risque de voir créées des tensions supplémentaires dans notre pays, de voir remis en cause les principes les plus fondamentaux, les plus structurants de notre vie républicaine. Il rejette l’idée d’instaurer une citoyenneté partielle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être citoyen à part entière, il faut être Français : c’est tout simple !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

M. Jean-Pierre Raffarin remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le ministre, je veux vous poser une question. La réciprocité et le communautarisme sont des thèmes éculés. Quand bien même vous en parlez, il n’y aura pas plus de communautarisme demain qu’il n’y en a maintenant !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je tiens d’ailleurs à rappeler à M. Béchu certains de ses propos, qui sont consignés dans mon rapport. Lors de l'examen du texte en commission, voici ce qu’il avait déclaré : « Ne prêtez pas au vote des étrangers des vertus qu’il n’a pas et évitons les phantasmes ! Il n’ouvre pas la porte à tous les communautarismes, pas plus qu’il n’est en soi un moyen d’intégration ».

Je m’aperçois que la droite change d’avis suivant les circonstances.

M. Christophe Béchu fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il y a un règlement, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Monsieur Gérard Larcher, je vous ai écouté, laissez-moi parler !

Il n’a pas parlé ! et exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

(M. Roger Karoutchi s’exclame.) Monsieur Karoutchi, vous, je vous ai entendu

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le ministre, vous ne cessez de répéter que ce n’est pas le moment de discuter du droit de vote des étrangers, au prétexte que la France aurait de nombreux problèmes à affronter. §, laissez-moi parler, je vous prie !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le ministre, vous nous renvoyez sans arrêt à la loi Ciotti : elle n’est pas sitôt repartie qu’elle nous revient déjà ! Que je sache, 166 mômes que l’on va placer dans les EPIDE, en quoi est-ce le grand problème de la France ? Ce n’est qu’une loi d’affichage !

En revanche, répondez à ma question : pourquoi avez-vous changé d’avis ? Comme le disait la droite voilà trois ou quatre ans à peine, vous avez vous-même affirmé récemment, à l’occasion d’un déplacement à Milan, que vous n’étiez pas contre ce droit de vote, mais que la France n’était pas mûre.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Absolument pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. Maintenant, la France l’est puisque 61 % des Français sont d’accord !

M. Jean-Pierre Michel et Mme Odette Duriez applaudissent. – Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Madame la rapporteure, je ne vous répondrai que sur un seul point. Je m’inscris totalement en faux contre ce que vous avez dit : non, le communautarisme n’est pas un thème éculé ; oui, il faut avoir cette réflexion à l’esprit, car ce thème reste pleinement d’actualité tant il est grave et lourd de sens pour notre communauté nationale.

Vous avez sans doute lu, puisque vous vous passionnez pour ces questions – à juste titre, parce qu’elles sont tout à fait passionnantes –, le rapport piloté par Gilles Kepel sur la situation de deux communes en Seine-Saint-Denis.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je trouve qu’il est extrêmement grave que, dans notre République, puisse poindre le spectre de collectivités qui n’obéissent plus aux lois de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Et quand le Président de la République parle de Kärcher ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. … qui préfèrent être régies par leurs propres lois !

Applaudissementssur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur Béchu, je vous donnerai la parole tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J’ai été mis en cause, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Les prises de parole pour fait personnel ont lieu en fin de séance, monsieur Béchu. J’ai bien noté votre demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je ne demande qu’une minute, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Même pour une minute, je ne puis vous donner la parole en cet instant, mon cher collègue. Le problème, dans ce genre de débats, c’est que les minutes ont facilement tendance à s’accumuler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je suis saisi, par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (143, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si, bien entendu, cette proposition de loi constitutionnelle a peu de chances d’aboutir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et même dans un proche avenir, est-ce bien l'objectif recherché par ses auteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Rien n’empêche de débattre de la question ! C’est d’ailleurs ce que nous faisons depuis de nombreuses années.

Personnellement, je déplore l’instrumentalisation de cette question par la majorité de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous pouvons d’ailleurs nous interroger.

Le clivage entre les opinions diverses n’est pas aussi simple qu’il y paraît.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En effet, certaines personnalités ont dit qu’elles étaient favorables à ce vote, tandis que d’autres faisaient savoir qu’elles ne l’étaient pas. Personnellement, j’y ai toujours été défavorable, je vous expliquerai tout à l’heure pourquoi.

Mon cher collègue Placé, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

Il est à la télé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je crois vraiment que M. Placé a mal lu l’ouvrage de Bernard Stasi dont je m’honore d’avoir été l’ami fidèle.

Je pense qu’on ne peut pas utiliser des arguments faux, car Bernard Stasi était partisan de favoriser l’acquisition de la nationalité française, et certainement pas pour faire des étrangers des citoyens de seconde zone !

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Comme beaucoup d’entre vous, je me suis replongé dans une lecture extrêmement intéressante, celle des débats sur l’actuel article 88–3 de la Constitution en 1992, lequel n’a donné lieu à une loi organique d’application qu’en 1998. C’est assez dire que le temps médiatique ne s’accorde pas souvent avec le temps législatif. J’ajoute, bien entendu, qu’aucune proposition de loi constitutionnelle n’a jamais abouti. Aucune ! Cela signifie bien qu’on est dans un autre débat.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On pourrait m’objecter que l’exception d’irrecevabilité n’est pas pertinente. M. le président de la commission des lois ne m’a pas encore dit : où est l’inconstitutionnalité ? Mais il va bientôt le faire !

S’agissant d’une proposition de loi constitutionnelle, l’exception d’irrecevabilité n’est pas pertinente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Attendez ! Et même si le juge constitutionnel n’a pas à se prononcer sur la conformité à la Constitution d’une norme constitutionnelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… il doit le faire obligatoirement sur les lois organiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

D’où l’importance d’une rédaction précise et claire des dispositions constitutionnelles, sauf à rendre impossible le contrôle par le juge constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Rien n’empêche, ne vous en déplaise, monsieur le président Sueur, de relever les contradictions qui existent entre la proposition de loi et les autres dispositions constitutionnelles concernant la citoyenneté et le droit de vote.

La règle essentielle dans ce domaine est inscrite à l’article 3 de la Constitution qui précise, dois-je vous le rappeler, que « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par la voie du référendum. » Plus loin, dans ce même article, on lit surtout que « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. » On fait ici référence à ce que les anglo-saxons appelleraient les « droits civiques ».

Il apparaît clairement que votre texte, renvoyant, certes, à une loi organique, n’a pas la même exigence que ce qui fait la règle générale pour avoir la qualité d’électeur, ce qui est paradoxal, mais en vous étant calqué sur l’article 88–3, vous n’avez pas défini les règles essentielles et constitutionnelles pour les électeurs étrangers, qui sont imposées pour les citoyens français.

Par ailleurs, et c’est sûrement ce qui nous différencie de votre approche, – vous l’avez très bien rappelé tout à l’heure, monsieur le ministre – c’est la différence existant entre les ressortissants de l’Union européenne et les étrangers – au moins en situation régulière et dont la durée de séjour est suffisante. Car il existe une véritable citoyenneté européenne qui confère à ceux-ci des droits spécifiques et politiques. Madame le rapporteur, vous avez bien cité la décision de 1992.

Il ne s’agit pas seulement de la participation des citoyens européens aux élections municipales, il s’agit, surtout, et je crois que c’est le plus important, de leur participation aux élections au Parlement européen. Je vous renvoie, d’ailleurs, à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ses articles 39 et 40, qui précisent le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen des citoyens de l’Union européenne : « dans les mêmes conditions » que les ressortissants de l’État membre où il réside. On exige les mêmes conditions !

L’article 40 répond aux mêmes exigences. La combinaison de la conformité du droit de vote des étrangers européens à celui des nationaux constituant une exception – d’où le terme « seuls » que vous souhaitez supprimer à l’article 88–3 – au principe de l’article 3, et sous réserve de réciprocité, reconnaît donc bien la spécificité de la citoyenneté européenne, dont les traités successifs ont d’ailleurs affirmé l’existence de droits civils particuliers ; je pense, par exemple, à la liberté de circulation, à la liberté d’installation. Les citoyens européens ont des droits que n’ont pas les autres étrangers. Souhaitez-vous que ces mêmes principes s’appliquent à tous les étrangers, c’est-à-dire qu’ils puissent circuler librement et passer à leur gré toutes les frontières ?

Rien dans votre texte ne précise les mêmes conditions pour être électeur que les citoyens français ou européens, et il nous semble que la loi organique n’est pas la garantie de règles en matière de droit de vote, même s’il s’agit d’élections locales.

Pas d’exigence d’avoir des droits civils et politiques – comment les vérifier, d’ailleurs ? –, pas de réciprocité, même pas la condition de majorité civile, ce qui, vous en conviendrez, est paradoxal !

Je me suis posé une question. L’article 88–3 fait mention d’« une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. » En effet, cette loi concerne le Sénat en ce sens que, indirectement, même si c’est négativement, cela concerne l’élection des délégués sénatoriaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Et nous sommes très attachés, du moins je l’espère, à nos prérogatives. Ce qui a été fait pour le texte de 1992 aurait dû être étendu, au nom du parallélisme, puisque votre texte pose les mêmes conditions.

C’est pourquoi, sur le plan de la logique juridique et de la cohérence des dispositions constitutionnelles, votre texte est contradictoire et inapplicable. Mais vous n’en avez sans doute cure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. En effet, votre objectif n’est pas là puisqu’il est uniquement politicien.

M. Éric Doligé opine et Mlle Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Reste une question fondamentale que le rapport de Mme Benbassa étudie un peu, en citant quelques constitutions anciennes alors que la tradition constante de notre pays est de lier citoyenneté et droit de vote. Parmi ces constitutions, il en est qu’il ne faut pas lire complètement, la Constitution votée par la Convention, par exemple. Je le dis, franchement, chaque fois que je la lis, j’en ai froid dans le dos !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On y disait aussi qu’on pouvait tout de suite, sans jugement, « zigouiller » les hommes libres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Une période formidable, en effet !

D’aucuns ont fait allusion à quelque chose de très intéressant : tous ceux qui venaient en France et qui s’associaient parce qu’il s’agissait de gens remarquables – il y en a eu heureusement beaucoup dans l’Histoire ! – devenaient automatiquement citoyens français. Je suis tout à fait d’accord pour qu’un grand prix Nobel, désireux de s’installer en France, se voie accorder la nationalité. Cela ne me choque pas du tout ! Telle est en effet notre caractéristique.

La distinction entre les Droits de l’homme et du citoyen que fait le préambule de 1789 implique à la fois le respect de toute personne dans ses droits fondamentaux, mais réserve le droit de vote aux citoyens, détenteurs seuls de la souveraineté, ce que rappelle l’article 3 de notre constitution, après beaucoup d’autres, depuis près de deux siècles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’argument pour accorder le droit de vote aux étrangers résidant en France, parce qu’ils paient des impôts et que leurs enfants vont à l’école, ne tient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Car il peut y avoir des citoyens français qui ne paient pas d’impôts…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Ceux-là ne votent pas. Qu’est-ce que cela signifie ? Pour être électeur, il ne suffit pas d’avoir des prestations ou de participer à un certain nombre de choses.

Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La question pertinente est celle-ci : existe-t-il une citoyenneté locale différente de la citoyenneté ? Toute notre histoire politique a été, tout en admettant les diversités locales, de constituer une nation unique, dont les citoyens sont les acteurs.

On me donne souvent des comparaisons internationales en ce qui concerne le vote des étrangers aux élections locales. D’abord, il n’est pas aussi répandu que vous l’affirmez. Il a même fallu chercher des cantons suisses !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Ensuite, je vous rappellerai que, dans un certain nombre de pays, ce vote des étrangers aux élections locales – et j’en suis profondément troublé – a entraîné du communautarisme

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et en France, comment l’expliquez-vous, la montée de l’extrême droite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Voulez-vous que je vous cite un certain nombre d’exemples en Europe ?

Oui ! sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et vous allez nous faire croire que la montée de l’extrême droite en France, c’est pour les mêmes raisons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cela suffit ! On sait très bien comment s’explique la montée de l’extrême droite en France !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… mais c’est peut-être ce que vous cherchez !

Bien souvent, cette participation des étrangers aux élections locales se fait sous réserve de réciprocité, excepté, bien entendu, dans les pays du Commonwealth, héritiers de la colonisation britannique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comme s’il n’y avait pas eu de colonies françaises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je le rappelle, nous connaissons bien ce cas spécifique, avec la réintégration de certaines personnes issues de pays antérieurement français dans la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Puisqu’on y a mis fin, vous le savez fort bien, madame Assassi, et, d’ailleurs, par des gouvernements de gauche !

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Mais ce qui nous différencie profondément d’autres États, c’est notre droit de nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai relu avec attention les travaux de la commission de la nationalité présidée par Marceau Long – je vous en conseille d’ailleurs la lecture –, parus en 1988, qui sont très éclairants pour notre sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Même si beaucoup d’États européens ont progressivement renoncé au seul « droit du sang », et même si l’opposition entre le droit du sol et le droit du sang n’a jamais été pertinente dans notre droit, il faut convenir que nous avons des conditions d’accès à la nationalité qui demeurent, à l’exception du cas particulier des États-Unis, les plus ouvertes en Europe. On pourra m’objecter que c’est de plus en plus compliqué. Parfois, je regrette la multiplication des obstacles. Il faut, bien sûr, éviter les fraudes mais je pense que notre pays devrait être plus offensif dans ce domaine pour acquérir la nationalité française. C’est toujours ce que j’ai défendu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La nationalité est fondée essentiellement sur l’élection – beaucoup d’auteurs le disent, élire, c’est choisir. En une période où l’intégration des étrangers est plus difficile, pour des raisons sociales et économiques, faut-il renoncer à considérer que les étrangers installés durablement sur notre sol, pour devenir citoyens, peuvent le faire en devenant français ? On ne saucissonne pas la citoyenneté, comme le rappelait récemment le ministre Jean-Pierre Chevènement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai expliqué que la citoyenneté européenne existe !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Ne créons pas, par une réforme mal conçue, une citoyenneté à deux vitesses, l’une purement utilitariste, l’autre, qui est la vraie spécificité de notre pays et sa grandeur depuis de nombreux siècles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les qualités de juriste de Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Et nous avons eu beaucoup de sympathie pour lui, en l’occurrence, car, comme il a commencé à dire, à très juste titre, qu’il n’y avait pas de fondement à déférer devant le Conseil constitutionnel une loi constitutionnelle, tout était dit au bout de la troisième minute si bien qu’après, naturellement, il fallait, en quelque sorte, meubler !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, je vais revenir sur cette question, qui a traversé tout le débat, du rapport entre nationalité et citoyenneté, en redisant que dans les sources historiques de notre République, il y a des conceptions de la citoyenneté qui ne sont pas liées à la nationalité.

C’est évident : vous n’aimez pas, je l’ai bien compris, que l’on cite la constitution de l’An I

Mme Joëlle Garriaud-Maylam s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous pourrions, si vous le voulez, monsieur Hyest, nous en tenir à la Constitution du 3 septembre 1791, qui, comme vous le savez, dispose dans son article 3 que « Ceux qui, nés hors du royaume de parents étrangers, résident en France, deviennent citoyens français, après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils y ont, en outre, acquis des immeubles ou épousé une Française […] »

Pour ma part, j’aurais plutôt inversé l’ordre, de sorte que l’on puisse lire : « épousé une Française ou acquis des immeubles » !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quoi qu’il en soit, monsieur Hyest, voici ce que M. Marceau Long, éminent vice-président du Conseil d’État que vous avez vous-même cité, écrit sur la nationalité : « Après 1791, la notion finit par être absorbée par celle de citoyenneté, tant est puissant l’idéal d’universalité et d’internationalisme de l’Assemblée législative ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Et Marceau Long ajoute : « Tout homme fidèle aux idées révolutionnaires, quelle que soit son origine, est digne d’être citoyen ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

C’est le sens de la naturalisation : adhérer à un projet collectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La Constitution du 3 septembre 1791 est l’une des sources de notre histoire, de la même manière que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, dont vous savez qu’elle continue à faire partie de notre bloc de constitutionnalité.

Il est vrai, monsieur Hyest, que la proposition de loi constitutionnelle déroge aux articles 3, 24 et 72 de la Constitution, c’est une évidence. Mais vous n’ignorez pas que, dans sa décision du 2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel a jugé qu’il est loisible au pouvoir constituant « d’abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu’il estime appropriée » et qu’« ainsi rien ne s’oppose à ce qu’il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu’elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle », ajoutant que « cette dérogation peut être aussi bien expresse qu’implicite ».

Enfin, monsieur Hyest, puisque vous avez également fait allusion à l’alinéa 5 de l’article 89 de la Constitution…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il m’avait semblé… Disons donc que, dans l’hypothèse où vous vous seriez appuyé sur cette disposition, votre démarche aurait été vouée à l’échec. En effet, dans sa décision du 26 mars 2003, le Conseil constitutionnel a jugé que « le Conseil constitutionnel ne tient ni de l’article 61, ni de l’article 89, ni d’aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle. »

Pour finir tout à fait, mon cher collègue, j’observe que la dernière partie de votre argumentation portait sur une loi organique à venir… Ce n’est pas la question qui se pose aujourd’hui !

À la vérité, comme vous savez bien que rien ne permet de déclarer inconstitutionnelle la présente proposition de loi constitutionnelle, vous vous retranchez derrière une future et éventuelle loi organique… N’ayez crainte ! Comme loi organique, elle sera forcément soumise au Conseil constitutionnel : vos soins et vos soucis auront donc été des précautions inutiles !

Je considère donc, mes chers collègues, qu’il n’y a pas d’argument pour voter la motion de M. Jean-Jacques Hyest tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Pouvons-nous considérer, monsieur le président de la commission des lois, que vous avez exprimé l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Comme vient de le reconnaître M. Sueur, un problème de cohérence existe entre la mesure proposée et d’autres dispositions qui continueraient de figurer dans la Constitution, notamment son article 1er, qui dispose : « La France est une République indivisible ». La France n’est pas une mosaïque de communautés !

M. David Assouline s’exclame.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Je veux aussi citer l’article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Dans l’exercice de cette souveraineté, les élections locales ne sont pas distinguées des élections nationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, il va de soi que les sénateurs du groupe UMP voteront la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Assurément, la proposition de loi constitutionnelle pose problème : son adoption introduirait des contradictions dans notre Constitution. Ses auteurs entendent modifier celle-ci sur une question fondamentale, au détour d’une mesure présentée habilement et empreinte de bons sentiments. Avec le talent que nous lui connaissons, notre collègue Jean-Jacques Hyest vient de le démontrer.

En plus d’entrer en contradiction avec certaines dispositions de la Constitution, la proposition de loi constitutionnelle porte atteinte aux principes hérités de la longue histoire de la fondation de notre pacte républicain ; elle porte atteinte à notre définition de la Nation et de la citoyenneté.

L’article 1er de notre loi fondamentale, qui figure dans le titre relatif à la souveraineté, dispose en effet, je le cite à mon tour, que la France « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

Pour en arriver là, il aura fallu aux républicains plus de deux siècles de luttes parfois acharnées. Aujourd’hui, plus personne ne songerait à remettre en cause ce grand principe. Encore faudrait-il ne pas lui porter atteinte…

Or, à nos yeux, la proposition de loi constitutionnelle porte en elle les ferments d’une possible division de notre République.

Comment ne pas voir qu’elle constitue potentiellement un vecteur du communautarisme, ce communautarisme que nous devons combattre à tout prix si nous souhaitons que la République, à laquelle nous sommes tous attachés, ne s’effiloche pas sur des pans entiers du territoire national ?

Nous sommes nombreux sur ces travées à être confrontés, dans nos communes, à l’essor de revendications émanant de catégories d’individus qui, à un titre ou à un autre, s’organisent pour peser sur les choix politiques locaux.

Mes chers collègues, ne nous cachons pas la réalité : l’octroi du droit de vote aux étrangers non communautaires, présenté par ses défenseurs comme un facteur d’intégration, porte au contraire le risque d’encourager le repli identitaire, contraire à l’unité de la République et à ses valeurs.

Dans nos banlieues, la mixité sociale est un enjeu crucial. La ségrégation territoriale y est malheureusement une réalité. Prenons garde qu’elle ne se double d’une ségrégation territoriale à base ethnique. Êtes-vous certains, chers collègues, vous qui parlez d’intégration, que votre projet n’y contribuerait pas ?

Je regrette sincèrement que certains, qui exaltaient et défendaient autrefois la République une et indivisible et ses textes fondateurs, comme la loi de 1905, s’écartent aujourd’hui de cet héritage, prenant le risque de détricoter les fondements de notre pacte républicain…

L’article 3 de la Constitution définit expressément comme électeurs « tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». La règle est simple, clairement énoncée : pour voter, il faut être Français !

Le droit de voter est la plus haute manifestation de l’appartenance à notre nation. À ce titre, il est indissociable de la citoyenneté et de la nationalité françaises : nous ne sommes manifestement plus, gauche et droite, d’accord sur ce point.

Mais ce choix politique et institutionnel, c’est celui de nos pairs, qui ont consacré la Nation comme seule détentrice de la souveraineté.

Ce choix est au cœur de notre socle républicain et aucun des constituants successifs ne l’a jamais remis en cause. Vous avez changé d’avis : les Français jugeront !

Le droit de désigner les représentants du peuple français, au niveau national comme au niveau local, et ainsi de participer à l’exercice de la souveraineté nationale, ne peut appartenir qu’au peuple français.

Pour obtenir ce droit, un ressortissant étranger doit impérativement embrasser les valeurs de la République et faire le choix de lier son destin à celui de la France, en faisant l’acquisition de la nationalité française.

Vous admettrez, mes chers collègues, qu’il n’y a pas beaucoup de pays au monde, quoi que vous en disiez, dans lesquels l’acquisition de la nationalité soit plus facile qu’elle ne l’est en France, pour celui qui la désire.

Si des étrangers vivant en France depuis longtemps ne souhaitent pas accéder à la nationalité française, c’est leur droit le plus strict ; mais ne venez pas nous dire alors qu’ils sont discriminés… S’ils n’ont pas le droit de vote, c’est parce qu’ils ne veulent pas devenir Français : leur choix est respectable mais, de grâce, ne nous en faites pas le reproche !

Le débat se résume à cette vérité simple : il n’est pas acceptable d’introduire dans notre Constitution, au détour du titre XII consacré aux collectivités locales, une mesure créant de facto différents degrés de citoyenneté. Cette segmentation serait discriminatoire et contraire au principe d’égalité qui prévaut depuis plus de deux siècles !

Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Monsieur le président, et le temps de parole ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. En définitive, mes chers collègues, sans même qu’il soit nécessaire de soulever de polémique sur l’opportunité politique purement contextuelle de notre débat – il y aurait pourtant beaucoup à dire –, nous considérons que la présente proposition de loi constitutionnelle est manifestement non conforme à nos principes républicains fondamentaux. Le groupe UMP, qui s’oppose fermement à l’adoption de ce texte, votera la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il va de soi que notre groupe votera contre la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Manifestations de déception feinte sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Longtemps président de la commission des lois, M. Hyest a combattu avec ironie, il n’y a pas longtemps, une motion déposée par mon groupe tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, la fameuse « règle d’or ».

Ainsi, la rigueur du juriste qui vaut pour l’abandon de la souveraineté de la France au profit des marchés financiers vaut beaucoup moins lorsqu’il s’agit de reconnaître aux étrangers non communautaires le droit de vote aux élections locales… Dont acte !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais passons sur la forme et voyons la question de fond, celle des rapports entre la nationalité, la citoyenneté et le droit de vote.

Monsieur Hyest, monsieur le ministre, vous avez soulevé le problème des contradictions qui seraient introduites dans la Constitution. Mais vous savez bien, même si vous dites le contraire, que nous ne proposons de modifier ni son article 1er ni son article 3 !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

D’ailleurs, ce n’est pas l’article 3 qui a été visé pour octroyer le droit de vote aux étrangers communautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Certes, c’était le traité de Maastricht. Mais vous omettez de dire qu’il n’y a pas de citoyenneté européenne : elle n’est inscrite ni dans notre Constitution ni dans un texte supranational constitutionnel.

Si une telle citoyenneté existait, les citoyens européens disposeraient des mêmes droits sociaux, des mêmes droits économiques, des mêmes droits en matière de justice partout en Europe. Or ce n’est pas le cas. Les juristes qui donnent des leçons de conformité à la Constitution devraient se pencher sur la question…

Nous ne proposons donc pas de modifier le régime de la nationalité : nous voulons rendre égaux, dans la Cité, des résidents qui, aujourd’hui, sont loin de l’être.

Un étranger communautaire propriétaire d’une résidence secondaire dans une ville ou un village de notre pays dispose du droit de vote aux élections locales. Il en va de même pour un citoyen du lac Léman qui possède une résidence secondaire dans notre pays : puisqu’il est Français, il vote bien sûr aux élections locales.

En revanche, un Algérien, un Marocain ou un Tunisien qui habite dans le même village, dont les enfants vont à l’école, qui travaille et paie des impôts – c’est pour le lac Léman que j’ajoute cette précision… – ou qui a pris sa retraite après avoir travaillé, lui dont les fils et les filles sont Français, qui a donné à la France son travail, qui lui a donné des enfants, lui ne peut pas voter pour élire des conseillers municipaux et participer à l’élection du maire ! Trouvez-vous cela juste ? Trouvez-vous cela conforme à l’égalité ? Trouvez-vous que ce problème a quelque chose à voir avec la nationalité ?

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ump

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Eh bien, non !

Pour voter, dites-vous, il faut avoir la nationalité française, et celle-ci serait accordée facilement dans notre pays.

Je vais vous donner un exemple tout à fait édifiant de cette « facilité ». C’est celui d’une femme algérienne - j’ai saisi M. le ministre de l’intérieur de son cas, et je pense qu’il donnera une suite favorable à ma demande – dont le père est mort, ou plutôt a été déclaré mort, le 17 octobre 1961. Cette date vous rappelle sans doute quelque chose…

Cette femme, donc, vient de se voir refuser la naturalisation au motif qu’elle n’a d’autre ressource que celles qui lui sont accordées au titre de l’aide sociale. Pourtant, déjà installée en France en 1961, elle y est restée et y a travaillé pendant des années. Aujourd’hui, son mari est invalide et il est vrai qu’elle ne travaille plus. Mais tout de même…On lui a donc refusé la naturalisation, sans doute en mémoire de son père, cet Algérien qui fut jeté à la Seine…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chers collègues, voilà comment on accorde la nationalité française !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous évoquez la République ? On ne peut pas occulter l'histoire ! La République est héritière de 1789, que cela vous plaise ou non !

M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C'est Napoléon qui est revenu sur ce droit, sans que cette décision ait jamais été remise en cause par la suite, à mon grand regret.

Puisque vous aimez vous référer à l'histoire, permettez-moi de vous rappeler que la France a déchu des Français de leur nationalité dès le xive siècle, dont un professeur de philosophie cher à mon cœur, parce qu'ils étaient juifs. Aussi, il faut prendre garde de ne pas trop manier l'histoire à ce propos.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.- Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Alors nous disons non à l’irrecevabilité défendue par M. Hyest. Pour nous, la justice commande que nous adoptions une conception moderne de la citoyenneté, celle à laquelle nous invitait en 1991 le Conseil de l'Europe lorsqu’il engageait les pays européens à accorder aux étrangers résidant sur leur territoire le droit de vote pour les élections locales.

Pour terminer, je ne résisterai pas au plaisir de vous citer M. Longuet, ministre de la République, qui, interrogé hier sur cette question, déclare : « Je souhaiterais qu'on soit très détendu sur ce sujet. C'est la vie locale, les gens sont là, il faut les associer. Si une majorité décidait d’adopter le texte, je ne me ferais pas brûler sur un bûcher en protestation. »

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne sais pas si cette proposition de loi constitutionnelle est conforme ou non à la Constitution dans sa rédaction actuelle. Toujours est-il que ce ne serait pas la première modification, même substantielle, de notre loi fondamentale. Je pense en particulier à l’instauration du quinquennat, qui a changé la nature du régime, qu’on le veuille ou non, ou le droit d’adresse, c’est-à-dire la possibilité offerte au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, décidée voilà peu de temps.

En revanche, je crois savoir que, si cette proposition de loi constitutionnelle est adoptée, ce sera la première fois, depuis la Révolution française, à deux exceptions près sur lesquelles je reviendrai, qu'il existera en France une citoyenneté de deux types, à deux vitesses : une citoyenneté nationale de plein exercice et une citoyenneté résidentielle locale.

Tout à l'heure, Jean-Pierre Sueur a évoqué la Révolution, au début de laquelle les étrangers s’étaient vu attribuer le droit de vote.

Je voudrais tout de même rappeler que ce droit était national et local ; il n'existait pas un droit national distinct du droit local. Pour être cohérent, il faudrait donc remplacer la référence nationale par la référence résidentielle.

Les étrangers ne paient-ils que des impôts locaux ? Ne paient-ils aucun impôt national ? À revenu équivalent, paient-ils moins d'impôts que les autres contribuables ?

Je rappelle aussi que, à l’époque, faire le choix de résider en France, c'était alors embrasser la Révolution, c'était combattre la coalition qui tentait de l'abattre. C'était un choix politique, celui précisément dont on espère qu'il guide le choix de ceux qui demandent leur naturalisation, qu’ils parlent ou non français, problème tout à fait subsidiaire à mon sens.

Je rappelle aussi que le suffrage était alors masculin et censitaire, et non universel. On serait alors autorisé à se demander si ce droit de vote n’était pas accordé moins aux citoyens qu’aux bourgeois !

Je voudrais maintenant dire quelques mots des deux exceptions que j'ai évoquées, dont il a été largement question cet après-midi.

Première exception : la situation qui est faite aux étrangers communautaires. Permettez-moi de vous faire observer qu'elle s'explique par l'existence d'un traité en bonne et due forme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… grâce auquel, cela ne vous aura pas échappé, nous disposons d'un passeport européen.

Si les étrangers non communautaires devaient être autorisés à voter, ils ne seraient pas exactement dans la même situation, il faut savoir le reconnaître.

En 1992, l’espoir, sans doute fou à la lumière des événements que nous vivons actuellement, était de voir se constituer une nation européenne et, en filigrane, un avenir commun. Peut-on en dire autant aujourd’hui ? Je ne le pense pas.

Seconde exception, moins glorieuse, sur laquelle je ne m’appesantirai pas pour l’instant : le système qui fut en vigueur dans les trois départements d'Algérie, départements français, territoires français, entre 1865 et 1946, voire 1956. Ce système admettait la dualité, que Dominique Schnapper a qualifiée de « monstruosité juridique ». Je passe sur la suite politique.

Le groupe du RDSE, vous le savez, est pluriel ; son expression sera donc diverse. Personnellement, je voterai cette motion.

En revanche, tous les membres du groupe s'interrogent sur l'opportunité de ce débat. Il y a des arguments pour et des arguments contre, mais, franchement – et je m'exprime à titre personnel –, je ne sais pas où l’on va !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

François Zocchetto ayant déjà exprimé la position du groupe de l'UCR, je serai bref.

Premièrement, le droit de vote et le droit d'éligibilité restent un attribut de la nationalité par laquelle on devient citoyen, même si, il est vrai, la nationalité française est amenée à s'étendre à la citoyenneté européenne, notamment aux termes du traité de Maastricht. C'est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes contre cette proposition de loi constitutionnelle.

Deuxièmement, et François Zocchetto a eu le courage de le souligner au début de son intervention, dans le contexte difficile que la France vit actuellement, dans cette période de campagne électorale propice à l’exacerbation des tensions, nous considérons que ce débat ne peut qu’avoir des effets déstabilisateurs. Aussi, je regrette que nos collègues socialistes se soient engagés sur ce terrain politicien.

Pour ces raisons, la majorité des membres du groupe de l’UCR considèrent que ce débat est inutile pour le moment et voteront par conséquent cette motion. Seuls six de nos collègues, membres du MODEM de François Bayrou, s'abstiendront.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous devons nous prononcer sur une motion tendant à opposer l’irrecevabilité à une proposition de loi constitutionnelle. Comme l’a expliqué Jean-Pierre Sueur, la logique est implacable : il n’est pas possible d’opposer l’irrecevabilité à un texte ayant pour objet de modifier la Constitution.

Aussi, notre groupe votera contre cette motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle également que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici le résultat du scrutin n° 62 :

Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés340Majorité absolue des suffrages exprimés171Pour l’adoption166Contre 174Le Sénat n'a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je suis saisi, par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 2.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France (143, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Patrice Gélard, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Voilà qui bouleverse nos habitudes ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Les temps changent, monsieur Desessard. (Nouveaux sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en premier lieu, je souhaite rendre hommage au travail accompli par Mme le rapporteur de la commission des lois, et en particulier à la conviction avec laquelle elle a défendu sa position.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je dois lui avouer que je suis en parfait désaccord avec elle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. … mais il n’empêche, je tenais à saluer Mme le rapporteur.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il y a une quinzaine de jours, j’ai déjà eu l’occasion d’exposer ma typologie des différentes questions préalables.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. Premièrement, la question préalable positive

Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Deuxièmement, la question préalable négative, que nous employons le plus souvent, a pour but de manifester un désaccord avec le texte proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Or nous sommes présentement placés devant un troisième cas, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. La question préalable « neutre » !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. … la question préalable pour inopportunité.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

(Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), et qu’il faudrait le remplacer par un autre. Je vais m’efforcer de le démontrer.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Mes chers collègues, cette procédure nous permet de constater que le texte qui nous est aujourd’hui présenté n’est pas opportun §

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ce texte est tout d’abord inopportun pour des raisons de procédure.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. En effet, certains orateurs l’ont précédemment souligné, jusqu’à présent, aucune modification constitutionnelle n’a pu aboutir par la voie parlementaire : les vingt-quatre révisions adoptées depuis 1958 procédaient toutes de l’initiative présidentielle.

M. Jean-Jacques Hyest manifeste son approbation

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Néanmoins, il existe un précédent qu’il convient de mentionner : celui du quinquennat.

M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Sous la présidence de Georges Pompidou, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté la révision constitutionnelle portant la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans ; néanmoins, lorsque cette révision a de nouveau été engagée, en 2000, nous n’avons pas eu recours au texte adopté en 1974 ; nous avons repris la procédure à son point de départ.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il s’agit d’un précédent important pour ce qui concerne le cas qui nous occupe aujourd’hui.

Comme l’a souligné le Premier ministre, depuis 2000, deux élections présidentielles ont eu lieu, auxquelles se sont ajoutées deux élections législatives ainsi qu’un renouvellement total du Sénat.

M. Gérard Larcher acquiesce

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Normalement, en pareil cas, une certaine éthique devrait nous conduire à reprendre l’intégralité de la procédure, même si rien n’y oblige formellement. C’était tout à fait possible : en effet, rien n’interdisait au groupe socialiste de déposer un nouveau texte, et de reprendre de même la procédure à son point de départ.

Mais ce texte est aussi inopportun en raison de la date choisie pour sa discussion : le calendrier n’est pas bon !

On l’a déjà dit et répété plusieurs fois sur ces travées, d’une part, les élections présidentielle et législatives approchent ; d’autre part, on sait pertinemment que cette proposition de loi ne fera pas l’objet d’un vote définitif avant ces échéances électorales. Il s’agit donc d’un coup d’épée dans l’eau, qui masque sans doute d’autres calculs, et de tels calculs ne justifieraient en rien le temps que nous pourrions consacrer à la discussion d’une proposition de loi, importante, certes, mais inopportune.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ce texte est enfin inopportun en ce qu’il lui manque une réelle étude d’impact.

M. Jacques Mézard manifeste son désaccord

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

En effet, un certain nombre de pays ont été retenus, d’autres ont été écartés de la comparaison ; j’aurais pourtant souhaité que l’on étudie le cas de la Lituanie, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

… où l’on ne peut voter aux élections locales qu’à condition de parler lituanien.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Qui parle lituanien, ici ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. Il convenait de mentionner ce cas intéressant !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ensuite, comme cela a été souligné à de nombreuses reprises, les situations diffèrent radicalement d’un pays à l’autre. Certains États privilégient ainsi des relations affectives anciennes, issues de la tradition, comme l’illustrent les relations du Royaume-Uni avec le Commonwealth, de l’Espagne avec les pays hispanophones ou du Portugal avec les pays lusophones.

En outre, cette étude comparative ne mentionne que très partiellement les limitations au droit de vote, qui jouent pourtant un grand rôle dans certains États.

Ce document est donc incomplet, d’autant plus que les données comparatives auraient dû être présentées en regard des conditions fixées par ailleurs dans chaque pays pour l’acquisition de la nationalité.

Au surplus, cette étude d’impact est insuffisante pour ce qui concerne les conséquences d’une telle révision en France.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Combien de personnes seraient concernées ? Dans quels territoires les problèmes se cristalliseraient-ils ? Pourquoi n’a-t-on pas étudié le cas des départements d’outre-mer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Au titre des inconstitutionnalités éventuelles, il est ainsi possible de citer le cas de la Nouvelle-Calédonie, qui échapperait nécessairement à toute disposition de cette nature.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. De surcroît, chacun mesure les conséquences dramatiques qu’entraînerait une telle révision constitutionnelle sur le fonctionnement des institutions locales de Guyane ou de Mayotte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il s’agit d’immigration illégale, monsieur Gélard : ne mélangez pas tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je vais y venir, madame Assassi.

Enfin, j’évoquerai les nombreux dysfonctionnements juridiques que l’adoption de ce texte entraînerait.

Les premiers ont été mentionnés par M. le ministre et par Jean-Jacques Hyest.

M. le ministre acquiesce

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Dès lors, le problème est le suivant : quel pourra être le contenu de la loi organique ?

Madame le rapporteur, je me suis interrogé sur la raison d’être de votre amendement, qui tend à remplacer les mots « peut être » par le mot « est ». Je rappelle qu’en droit le présent de l’indicatif vaut impératif. Ainsi, en écrivant « le droit de vote et d’éligibilité est assuré » et non plus « peut être assuré », vous signifiez « doit être assuré » !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Dans ces conditions, comment la loi organique pourra-t-elle encadrer ce droit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

C’est véritablement une question de fond. M. Alain Richard a répondu : ce cas de figure est prévu, la loi organique fixera les conditions. Certes, et sous le contrôle du juge constitutionnel…

Toutefois, dès lors que vous prévoyez cet impératif, les conditions ne pourront plus porter que sur des points de détail, qui sont bien connus : il s’agit des dispositions relatives aux modalités d’inscription sur les listes électorales ou au remplacement des grands électeurs pour les élections sénatoriales. Et cela s’arrêtera là, puisque le texte qui nous est présenté précise que tous les étrangers ont et doivent jouir du droit de vote.

En conséquence, ce droit ne connaîtrait plus la moindre borne, tandis que le traité de Maastricht encadre celui des citoyens européens, notamment par la clause de réciprocité. Il n’y a plus de condition tenant à ’âge, aux droits civils et politiques ou à la résidence, et le Conseil constitutionnel pourra à peine – et encore ! –fixer quelques limites, au nom du principe de proportionnalité… Mais un tel exercice devient épouvantablement aléatoire.

Dès lors, dans quelle mesure la loi organique pourra-t-elle être adoptée ?

Mes chers collègues, face à de tels dysfonctionnements juridiques, j’estime que le texte qui nous est présenté aujourd’hui n’est pas prêt, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

… et mérite d’être réécrit.

Enfin, je ferai mien un argument avancé à de nombreuses reprises par différents orateurs : cette proposition de loi va à contre-courant de nos principes républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard. En réalité, en accordant le droit de vote à des personnes qui sont non des citoyens français mais des étrangers – avec toutes les qualités que je leur reconnais pleinement – ce texte porterait atteinte à la théorie de l’État-nation et à la notion de souveraineté : les citoyens du monde remplaceraient dès lors ceux des États, ce qui remettrait en cause les fondements même de notre République !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, siégeant dans ce qui était alors la majorité sénatoriale, M. Gélard a pris l’habitude de fustiger ceux qui déposaient des motions tendant au renvoi à la commission ou tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… en affirmant que ces procédures n’étaient qu’un prétexte et qu’elles n’avaient guère de fondement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Eh bien, monsieur Gélard, vous venez de faire la démonstration…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… que, sitôt dans la minorité, vous usez des méthodes que vous condamniez naguère ! Et avec le sourire, qui plus est, en vous moquant de vous-même dès vos premiers mots, car vous savez que votre argumentation ne tient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur Gélard, je lis dans l’objet de votre question préalable – il fallait bien que vous donniez une justification à cette motion –que ce texte ne saurait être examiné par la Haute Assemblée, puisque la proposition de loi examinée aujourd’hui a été adoptée en 2000 et que, depuis lors, les mandats de députés ont été renouvelés. Tel est donc votre argument principal.

D’ailleurs, M. Fillon l’a également souligné au début de son grand discours liminaire. Le Premier ministre lui-même a en effet reconnu que son reproche est de nature politique, et qu’il ne s’appuie en rien sur le droit : il ne s’agit que d’une considération proprement politique, fondée sur l’opportunité.

Monsieur Gélard, vous semblez suggérer qu’une proposition de loi adoptée devient automatiquement caduque lorsque la chambre qui l’a votée fait l’objet d’un renouvellement. Il est vrai que l’Assemblée nationale considère comme caducs les textes dont elle est saisie dès lors que ses pouvoirs ont expiré. Mais on ne retrouve rien de tel dans notre assemblée !

L’article 28, alinéa 2, du règlement du Sénat impose certes de déclarer caduque toute proposition sur laquelle les sénateurs n’ont pas statué à l’ouverture de la troisième session suivant son dépôt, mais uniquement pour ce qui concerne les textes d’origine sénatoriale, ce qui n’est pas le cas de la présente proposition de loi, puisqu’elle a été transmise par l’Assemblée nationale !

Voilà pour le semblant d’argument juridique que vous avez avancé, que je qualifierai plutôt d’argutie juridique.

En d’autres termes, monsieur Gélard, je ne vois ici aucun motif juridique permettant de donner une suite favorable à votre requête. Ne serait-ce que pour cette simple raison, je peux d’ores et déjà inviter le Sénat à rejeter la motion que vous présentez.

D’ailleurs, vous ne pouvez pas même vous appuyer sur une éventuelle anticipation de la décision du Conseil constitutionnel qui aurait pu estimer, si nous avions proposé un vote conforme, que nous manquions au principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest proteste

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

De plus, il s’agit d’une proposition de loi constitutionnelle et non d’une « petite loi », à laquelle il serait possible d’opposer cet argument.

Sur le plan juridique, donc, quel que soit l’angle retenu, l’argument de l’opportunité ne tient pas.

Sur le plan politique, vous vous demandez légitimement pourquoi nous reprenons ce débat onze ans après l’adoption de la proposition de loi par l’Assemblée nationale.

La réponse est toute simple : engagement politique de la gauche pris voilà trente ans, le droit de vote des étrangers n’a pu être réalisé à l’occasion de la première grande alternance de la Ve République que nous avons suscitée, en raison de l’opposition du Sénat conservateur – cette proposition de loi constitutionnelle doit en effet être obligatoirement approuvée par la Haute Assemblée pour poursuivre son chemin.

MM. Claude Dilain et Claude Bérit-Débat applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce fut l’un de mes premiers engagements, et, avec toute la conviction et la fougue de la jeunesse, je demandai alors que cet engagement soit tenu aux gouvernements successifs de François Mitterrand. Toutefois, le même argument, imparable, m’était systématiquement opposé : le Sénat bloquait !

En 2000, nous avons voulu signifier à l’opinion que l’absence de dépôt d’un projet de loi sur le sujet ne s’expliquait ni par un manque de conviction ni par des atermoiements de notre part. Nous étions majoritaires en 2000 à l’Assemblée nationale ; nous avons donc fait voter une proposition de loi là où nous pouvions tenir nos engagements, à l’Assemblée nationale, texte que le Sénat conservateur a bien évidemment bloqué.

Toutefois, et vous êtes sans doute les mieux placés pour le savoir, chers collègues de l’opposition sénatoriale, le Sénat est depuis peu devenu majoritairement progressiste.

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Parce que nous avons gagné les élections sénatoriales sur la réforme des collectivités territoriales, nous avons tout d’abord voté une proposition de loi abrogeant le conseiller territorial.

Ensuite, en réponse à l’injustice absolue de la politique économique et fiscale du Gouvernement, nous avons débattu durant plus d’un mois sur la sécurité sociale, la santé, l’emploi ou encore la justice fiscale. Nous avons délibéré sur toutes ces questions et, aujourd’hui, les Français perçoivent mieux quel type de société nous voulons et dans quelle direction nous entendons nous diriger, en termes non seulement de justice sociale mais aussi de progrès possibles sur la voie d’une démocratie plus assumée.

Inopportune, cette proposition de loi constitutionnelle ? Au contraire !

Après trente ans d’attente, nous sommes majoritaires au Sénat et nous avons enfin la chance de faire ce que nous avons promis. Peut-être, de votre côté, avez-vous perdu l’habitude, chers collègues de l’opposition sénatoriale, de tenir vos engagements : non seulement vous ne faites jamais ce que vous dites, mais vous allez même parfois jusqu’à faire l’inverse de ce que vous aviez promis, comme le montre l’attitude de M. Sarkozy sur la question du droit de vote des étrangers ! Nous voulons au contraire rendre la parole politique plus crédible.

D’aucuns ont évoqué l’inopportunité politique de la démarche, à la veille de l’élection présidentielle. Quant à M. Guéant, il nous a accusés de vouloir changer le corps électoral pour gagner les prochaines échéances municipales. Il oublie simplement que, depuis de nombreuses années, grâce à la bonne gestion de nos élus locaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… nombreux sur ces travées, nous gagnons les élections locales, et ce sans avoir besoin du vote des étrangers !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En revanche, il est révélateur que M. Fillon, à la veille de l’élection présidentielle, vienne s’exprimer devant nous sur le droit de vote, et longuement, lui que nous avons attendu en vain quand nous débattions de la réforme territoriale, du budget ou des grandes questions économiques fondamentales pour le pays.

En réalité, M. Fillon est, lui, déjà en campagne électorale, comme en témoignent son grand discours liminaire et le soin qu’il met à diriger le phare de l’actualité sur cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avec ce thème, vous pensez encore pouvoir récupérer votre électorat, qui migre vers le Front national.

Pourtant, examinez l’agenda politique : c’est à une époque où l’on ne parlait pas quotidiennement et à tout propos de l’immigration que le Front national avait considérablement chuté dans les sondages, au lendemain notamment du 21 avril 2002, quand nous avions déployé, nous, un véritable cordon sanitaire républicain, allant même jusqu’à voter pour Jacques Chirac.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. À l’inverse, depuis que vous faites voter plus d’une loi sur l’immigration chaque année – six lois en cinq ans ! –, et a fortiori depuis que vous avez lancé le débat sur l’identité nationale, regardez les courbes des sondages : Marine Le Pen monte et Nicolas Sarkozy descend !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous aurions pu débattre dans le respect des convictions de chacun et renoncer à toute instrumentalisation du sujet – les étrangers extracommunautaires méritent en effet mieux que cela ! M. Fillon a d’ailleurs posé d’emblée les termes du débat, en s’interrogeant sur le lien entre nationalité et citoyenneté.

Ce débat intellectuel, politique au sens noble du terme, ne manque pas d’intérêt. Il a, du reste, toujours existé, ses lignes évoluant avec l’histoire de la République. Nous avons parlé de l’An I. En revanche, nous avons omis d’évoquer la Commune de Paris, qui nomma un juif de nationalité hongroise, Léo Fränkel, ministre du travail, et un général polonais, Jaroslaw Dombrowski, pour défendre l’honneur de la France et les idéaux universels de la République face aux Versaillais qui voulaient les casser.

Oui, il existe d’autres traditions, mais le débat a été tranché avec Maastricht. Des Espagnols, des Polonais ou des Allemands peuvent désormais voter en France aux élections locales, alors même qu’ils ne sont pas Français et qu’ils ne peuvent pas participer à l’exercice de la souveraineté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez décidé d’exclure les ressortissants extracommunautaires, alors même que certains ont un passé culturel bien plus important avec la France que les citoyens européens, notamment les étrangers issus des anciennes colonies, ou un présent beaucoup plus complet. Comment expliquer, par exemple, à des étrangers insérés dans le monde du travail, qui résident depuis vingt ans en France et dont les enfants sont Français, qu’ils ne peuvent pas bénéficier des mêmes droits que des ressortissants européens récemment installés ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous n’avez pas de réponse. Vous êtes prêts à abandonner aux fonctionnaires européens notre souveraineté, singulièrement notre souveraineté budgétaire, au nom d’une pseudo-règle d’or, mais vous refusez d’accorder aux étrangers un droit supplémentaire, qui ne présente aucun lien direct avec la souveraineté nationale.

Au lieu de hurler à la destruction de l’esprit républicain, vous feriez mieux de regarder concrètement la réalité. J’ai toujours été frappé, les dimanches d’élections municipales, de voir tous ces étrangers qui regardent par la fenêtre les autres aller voter. Ces étrangers, qui habitent en France depuis trente ans, qui connaissent par cœur les routes et les écoles de leur commune, représentent plus de 20 % de la population dans certains quartiers. Pensez que leurs enfants, qui vont devenir Français, n’ont jamais connu de ces débats que les Français ont tous quand, réunis autour de la table familiale, ils s’interrogent pour savoir qui vote quoi. Et l’on s’étonne ensuite que ces jeunes ne s’inscrivent pas sur les listes électorales ou n’aillent pas voter ? Mais ce n’est que normal, faute de cette pédagogie familiale.

La citoyenneté, c’est l’intégration ! Il faut que les parents puissent voter pour que les enfants considèrent le suffrage comme un moment important du vivre-ensemble, un acte de dignité. Ce n’est qu’en osmose avec leurs parents que ces enfants français nés de parents étrangers pourront être doublement fiers de porter leur histoire et, forts de leur nationalité française, de faire vivre notre République.

C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adresser ce signe fort non seulement à tous les ressortissants extracommunautaires mais aussi à leurs enfants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement soutient sans réserve la motion.

M. Gélard a posé de bonnes questions, notamment sur la cohérence de cette proposition de loi avec d’autres dispositions constitutionnelles et sur la faisabilité d’une loi organique qui viendrait préciser cette modification constitutionnelle.

Plus fondamentalement, sa motion est le reflet du bon sens.

Même si la procédure est régulière – M. Sueur a eu raison de le souligner, et le Premier ministre ne l’a d’ailleurs pas contesté –, il est tout de même assez curieux de voir arriver en discussion, onze ans après son adoption en première lecture par l’autre assemblée, une proposition de loi qui aurait pu être votée bien avant, des dispositions constitutionnelles le permettant tout à fait.

Mais, je le soulignais d’emblée, nos concitoyens ont d’autres priorités aujourd’hui, comme l’emploi, l’Europe ou encore la situation financière.

Nous avons des raisons de penser que cette proposition de loi constitutionnelle s’inscrit dans un objectif politique, pour ne pas dire politicien. La droite n’est d’ailleurs pas la seule à le penser, puisqu’un leader socialiste, Malek Boutih, déclare aujourd’hui que cette proposition de loi n’arrive pas au bon moment et est susceptible de donner du grain à moudre au Front national !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi constitutionnelle met en cause une tradition politique et juridique vieille de deux siècles.

Il existe dans notre pays un lien consubstantiel entre la nationalité française et le droit de vote.

En effet, notre Constitution est fortement dominée par les principes issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, et dont l’article III est ainsi rédigé : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »

Cette proposition de loi conduit à la rupture du lien entre l’appartenance à la Nation et l’exercice de la souveraineté qu’est le droit de vote.

La Constitution de 1958 confirme cette approche dans son article 3, selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple » et « sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques ». Et cet article se trouve au sein du titre Ier de la Constitution, intitulé De la souveraineté.

La souveraineté nationale est historiquement au cœur de notre système politique.

Selon le constituant de 1791, la Nation est une entité distincte des individus dans laquelle ces derniers se retrouvent. C’est parce qu’ils appartiennent à cette entité qu’ils sont en droit de peser sur sa destinée.

La Nation, et donc la nationalité, n’est pas l’addition de citoyens, elle est l’expression de la volonté générale, de l’intérêt général.

La souveraineté nationale est avant tout un principe d’identité. Dans l’esprit de nos constitutions, souveraineté et nation servent d’ailleurs de base à ce que l’on appellera plus tard la politique d’intégration.

Elle désigne, en outre, la faculté de créer des règles politiques et de charger un pouvoir de les organiser au sein d’un groupe, en même temps que l’on exprime son identité vis-à-vis de l’extérieur.

Le droit de vote est justifié par le caractère permanent de la nationalité.

L’acquisition du droit de vote doit donc être liée à l’acquisition de la nationalité française. Choisir de devenir Français implique de projeter son destin dans celui de la communauté nationale. S’engager sur la voie de la naturalisation est une démarche positive et porteuse de sens.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous devons cependant aussi respecter les étrangers résidant en France qui ne s’engagent pas dans une démarche de naturalisation. Pourquoi, chers collègues ? Parce qu’ils expriment ainsi leur attachement à leur nationalité et ne souhaitent pas, pour cette raison, accéder à la nationalité française et donc à la citoyenneté française.

Il en va différemment des ressortissants européens.

L’article 88-3 de la Constitution dispose : « Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. » En revanche, ces derniers ne peuvent pas exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs.

Cet article n’est pas une exception à l’article 3 de la Constitution, car il est lui-même lié à la condition de nationalité.

Le traité de Maastricht donne, en effet, une dimension politique à la citoyenneté européenne. Cette communauté de destin s’est construite, depuis 1957, étape après étape entre les peuples d’Europe.

La citoyenneté européenne est conditionnée, subordonnée à la possession de la nationalité d’un des États membres. C’est la raison pour laquelle on a pu parler de « citoyenneté de superposition » ou de conséquence.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Les ressortissants européens ne sont pas des étrangers comme les autres : ils sont citoyens européens et cette citoyenneté européenne englobe la citoyenneté française. Ainsi, c’est parce qu’on est citoyen français qu’en vertu du traité de Maastricht on accède à la citoyenneté européenne qui permet de circuler, de séjourner et de voter aux élections locales, partout dans l’Union.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’article 88-3 est simplement une mesure de réciprocité.

J’ajoute qu’il ne peut y avoir de discrimination entre ressortissants européens et étrangers non européens tout simplement parce qu’ils sont dans des situations différentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La jurisprudence du Conseil d’État est constante en la matière : le principe d’égalité n’interdit en rien de traiter différemment des personnes qui se trouvent dans des situations différentes.

Estimant que « pour voter, il faut être Français », tel que l’a rappelé le Président de la République le 23 novembre dernier, nous ne pouvons accepter d’adopter un texte de cette nature. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir voter cette motion.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, notre groupe s’opposera sans réserve à cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Gélard, avec beaucoup d’habileté, a mêlé des questions d’opportunité de date et des questions juridiques.

Mon cher collègue, sur l’opportunité de date, David Assouline a, me semble-t-il, répondu : le Sénat a bloqué pendant des années la possibilité de voter cette proposition de loi.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La droite ne l’a pas inscrite à l’ordre du jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La majorité a changé, nous la présentons maintenant. Voilà pour l’opportunité !

S’agissant de l’incohérence juridique, mon cher collègue, vous qui êtes un éminent professeur de droit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… vous devez savoir que l’article 3 de la Constitution emploie le présent pour les citoyens français qui votent, mais nonobstant ce présent – qui indique une obligation – il y a toute une série de conditions…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

… qui ne figurent pas seulement dans l’article 3.

Donc, si l’amendement présenté par Mme la rapporteure emploie le présent, cela signifie que c’est une obligation, certes, mais sous réserve que certaines conditions soient remplies, qu’il s’agisse de la durée de résidence ou de l’absence de condamnation, toutes conditions d’ailleurs qui sont applicables aux citoyens français votant aux élections.

Donc, cher collègue Patrice Gélard, malgré toutes vos éminentes qualités, vous avez, me semble-t-il, un peu tiré sur le droit, mais ce sont d’ailleurs les professeurs de droit et les juristes qui le font le plus souvent à l’appui de leurs démonstrations !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La vérité, c’est que vous ne voulez pas de ce texte pour des raisons qui vous appartiennent, qui sont purement politiciennes et idéologiques.

Oh ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous voterons donc contre la motion tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je rappelle simplement que le groupe UCR votera pour, sauf six de nos collègues, qui ne prennent pas part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je mets aux voix la motion n° 2, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi constitutionnelle.

Je rappelle également que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici le résultat du scrutin n° 63 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je suis saisi, par M. Portelli et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne résidant en France (143, 2011-2012).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Hugues Portelli, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, je ne vous lirai pas ce que j’avais écrit, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… me contentant d’aborder les questions qui me paraissent essentielles, compte tenu du débat que nous avons ce soir, et sur les motifs de cette motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

On a répété à plusieurs reprises dans le débat que, depuis 1789, la conception française de la citoyenneté est étroitement liée à la conception française de la nationalité et donc au droit de vote.

Chers collègues, en France, le droit de suffrage est la conséquence de la création de l’État-nation et non pas l’inverse. En France, en 1789, on a créé l’État-nation et le suffrage a suivi, notamment le suffrage universel. Dire le contraire, c’est affirmer une contrevérité historique !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

En France, en 1789, le citoyen est né en même temps que naissait la Nation. Le citoyen est celui qui appartient à la communauté nationale, qui en partage les valeurs, les devoirs et qui donc bénéficie des droits inhérents.

Dès lors, qu’est-ce que le vote ? Relisez attentivement la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la constitution de 1791, qui ont été rédigées par les mêmes personnes. Quant aux rédacteurs de la constitution de 1793, ils n’étaient plus tout à fait les mêmes que ceux de la constitution de 1791…

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Les rédacteurs de la déclaration de 1789 n’ont jamais parlé du « droit » de vote car, pour eux, le vote était une fonction liée à la qualité de citoyen, et non pas un droit. La citoyenneté vaut alors brevet de capacité électorale.

Petit à petit, le droit de vote a été étendu pour être attribué aux uns et aux autres, mais la conception n’a jamais changé en droit public français, sauf durant la grande période robespierriste, s’agissant précisément du droit de vote des étrangers.

Je le rappelle, le droit de vote des étrangers a été accordé avant 1793 à certains étrangers, tout simplement parce qu’on leur accordait la citoyenneté

On a ainsi accordé la citoyenneté aux amis de la Révolution française…

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. … en même temps qu’on retirait leur citoyenneté aux ennemis de la Révolution française, qui étaient des Français.

Marques d’approbation sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Donc, l’attribution ou le retrait de la citoyenneté relevait de critères purement politiques et idéologiques.

Puis ce fut la rédaction de la constitution de 1793, qui n’est jamais entrée en vigueur ; on a placé le document dans une arche sacrée en attendant la fin des hostilités. Malheureusement pour eux, à la fin de la guerre, les rédacteurs de la constitution de 1793 avaient été guillotinés…

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… et on était passé à une autre constitution, celle de 1795, où l’on parlait davantage des devoirs que des droits des citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il y avait le droit de vote des étrangers en 1795 !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Robespierre, dans la vision qui était la sienne, avait une conception idéologique du citoyen : l’étranger qui avait le droit d’accéder à la citoyenneté, c’était l’étranger vertueux.

Depuis 1793, tout cela a disparu corps et biens.

Les deux exceptions que l’on nous oppose aujourd'hui, sont, premièrement, les citoyens européens et, deuxièmement, les ressortissants étrangers non européens qui pourraient éventuellement bénéficier de ce droit de vote.

Pour ce qui est des citoyens de l’Union européenne, Patrice Gélard et Jean-Jacques Hyest l’ont bien expliqué tout à l’heure, nous disposons d’un cadre juridique complet, avec d’abord le traité de Maastricht, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. … puis le traité de Lisbonne, complété par la charte des droits fondamentaux de l’Union. Ainsi, les citoyens de l’Union européenne sont tous d’abord les citoyens d’États qui ont signé le même traité et appliquent la même charte des droits fondamentaux créant des droits et des devoirs pour chacun des membres de l’Union européenne et donc leurs ressortissants.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Laissez-moi m’exprimer !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Second point d’importance s’agissant des étrangers communautaires, c’est parce que l’on est ressortissant d’un État membre de l’Union européenne que l’on a le droit de vote, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… et non parce que l’on est ressortissant de l’Union européenne ! C’est l’appartenance à un État membre qui fonde le droit de voter aux élections européennes et aux élections locales. Ce n’est donc absolument pas incompatible avec notre droit national relatif à la citoyenneté et au vote.

J’en viens à la question des « extracommunautaires », comme les nomment les autres pays de l’Union européenne.

Il faut le dire clairement, on ne peut pas accorder aux extracommunautaires des droits supérieurs à ceux des communautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Si l’on suit le raisonnement des partisans de la proposition de loi, il faudrait au moins prévoir une égalité de traitement entre les citoyens et les non-citoyens de l’Union. Mais cette égalité suppose que soit prévue pour les deux cas l’obligation de réciprocité qui figure dans le Traité et dans la Constitution pour les citoyens des États membres de l’Union européenne, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… ainsi qu’une obligation de résidence principale et d’inscription sur les listes électorales du pays d’origine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La commission des lois aurait dû d’ores et déjà examiner toutes ces questions, et ce pour une raison très simple : quand on procède à une révision constitutionnelle, on doit automatiquement penser à la loi organique qui s’ensuivra.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

On ne peut pas se permettre de faire une révision constitutionnelle comme cela, en passant, en se disant que l’on verra bien ce que prévoira la loi organique le jour venu. Il n’est pas possible de procéder ainsi, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Pour notre part, nous n’avons jamais travaillé ainsi.

J’en arrive au problème de fond.

Il est vrai que nous avons un désaccord politique et idéologique majeur avec les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… et ce désaccord, nous l’assumons.

Si nous voulons rester fidèles à notre droit public, aux principes philosophiques qui le fondent et au droit positif qui les traduit, nous ne saurions enraciner le droit de vote dans une vision qui serait non pas politique, mais sociétale.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

La conception que nous avons traditionnellement en France, depuis 1789, veut que l’on vote parce que l’on est citoyen, et l’on est citoyen parce que l’on participe à la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Ainsi que M. le ministre l’a souligné tout à l'heure, on ne peut pas couper la commune de l’État, et ce pour une raison très simple : en France, la commune est une circonscription de l’État.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

De surcroît, les autorités de la commune sont en même temps des agents de l’État : le maire et ses adjoints sont placés sous l’autorité hiérarchique du préfet et du procureur de la République, Noël Mamère le sait bien.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Vous avez perdu en route les lois de décentralisation !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. On ne peut donc pas faire n’importe quoi en matière de mariage, de droit électoral, ou d’état civil.

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais si cette proposition de loi constitutionnelle est absolument injustifiée sur le fond, elle est également inopportune. Notre collègue Patrice Gélard s’en est parfaitement expliqué tout à l'heure, mais permettez-moi d’y insister.

Inopportune, cette proposition de loi constitutionnelle l’est au moins à deux titres, d’abord pour une raison d’agenda politique. Pourquoi a-t-on voulu inscrire à tout prix ce texte à l’ordre du jour de nos travaux, alors que la tradition parlementaire veut que l’on n’examine pas un texte de nature électorale au cours d’une année électorale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Certes, me direz-vous, les prochaines élections municipales n’auront lieu qu’en 2014. L’argument serait pertinent si nous adhérions à votre conception de la commune, c'est-à-dire si nous pensions que les élections communales n’ont rien à voir avec les autres scrutins qui jalonnent la vie de la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais c’est une conception que nous ne partageons pas.

Les élections municipales sont, au contraire, étroitement couplées avec les élections sénatoriales et même avec l’élection présidentielle…

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Heureusement ! C’est pour cela que nous vous avons battus !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… puisque du choix des conseillers municipaux, donc du maire, dépend le parrainage des candidats à l’élection présidentielle.

On ne peut donc pas faire comme si les élections municipales n’avaient rien à voir avec le reste de la vie politique nationale.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Pour cette première raison de calendrier politique, nous estimons que ce texte n’est ni sérieux ni opportun.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Mais la proposition de loi constitutionnelle n’est pas non plus opportune du fait des conditions dans lesquelles on nous présente ce texte.

Permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, ce que disait l’un de nos anciens collègues qui siégeait il y a quelque temps encore sur les travées du CRC et qui avait été, en 1981, secrétaire d’État chargé des immigrés, je veux parler de François Autain.

Interrogé à l’époque sur le droit de vote des travailleurs étrangers aux élections municipales, François Autain avait répondu que c’était totalement prématuré.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Vous verrez avec lui ce qu’il en pense ! Mais, à l’époque, ce membre du gouvernement de Pierre Mauroy estimait que le plus important pour les travailleurs immigrés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

En 2005, le Président de la République l’a dit aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… c’était leur dignité, c’était leur identité, le droit de vote étant une question secondaire, qui n’était pas vraiment d’actualité.

Nous comprenons très bien que vous ayez envie, par esprit de paternalisme, de dire aux travailleurs étrangers ce qu’ils doivent faire et de leur dicter leurs devoirs. Mais c’est à eux qu’il revient de dire s’ils veulent devenir français. Ils doivent le faire librement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… et ils ont d’ailleurs parfaitement le droit de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. Vous savez parfaitement que le droit de vote est, en France, le corollaire du droit de la nationalité.

M. François Rebsamen s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Pour avoir le droit de vote, il faut être français. Et, pour être français, il suffit d’en faire la demande !

Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

M. Hugues Portelli. C’est possible dès lors que l’on réside en France et que l’on remplit les critères traditionnels qui prévalent depuis deux siècles.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Votre proposition de loi constitutionnelle n’a qu’une valeur idéologique. Elle ne nous intéresse pas et nous préférons la retravailler tranquillement pour l’examiner le jour opportun.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, contre la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’y allons pas par quatre chemins : nous vivons un moment historique !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Ce processus, ouvert par la constitution de 1793, dans la ligne des fondements posés par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen un peu plus tôt, a été relancé par le biais de la démocratie sociale, dès 1946, via l’ouverture aux étrangers de l’élection aux comités d’entreprise, et s’est accéléré, partiellement tout du moins, au début des années quatre-vingt-dix, lorsqu’a été accordé le droit de vote aux ressortissants communautaires.

Nous vivons vraiment une journée historique, car nous allons créer un nouveau droit, dans le respect de la tradition qui honore notre République et qui fait d’elle un merveilleux outil au service du progrès, de la liberté et de la conquête de nouveaux droits civiques et politiques pour toutes et pour tous.

Oui, nous allons créer aujourd’hui un nouveau droit, et quel droit ! Nous allons permettre à des hommes et à des femmes qui vivent, travaillent et paient des impôts en France de donner leur avis, de choisir, de participer, bref, d’être enfin considérés comme des citoyens comme les autres.

Peu importe l’origine, peu importe la religion ou l’absence de religion, peu importe la condition sociale, le sexe ou la couleur de peau ! Convenez, chers collègues de l’opposition sénatoriale, que l’institution d’une véritable citoyenneté de résidence, telle que la permet cette proposition de loi, méritait mieux que certains propos entendus dans notre hémicycle, surtout en cette fin d’après-midi !

Avec la motion qu’il a déposée, M. Hugues Portelli nous invite à prendre le temps de la réflexion, afin d’être certains que nous proposons un texte respectant les principes fondamentaux de notre République. Il ne s’agit, ni plus, ni moins, que d’une déclinaison du proverbe : « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage » !

Nous avons affaire à une motion dilatoire, qui, sous couvert de s’appuyer sur les principes fondamentaux de la République, n’a comme seul objectif que de retarder encore, et encore un peu plus, le vote de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Vous le savez, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat ont déjà eu à débattre de ce sujet à plusieurs reprises.

La commission des lois de l’Assemblée nationale a rendu trois rapports sur la question : ceux de Noël Mamère en 2000, de Bernard Roman en 2002 et de Sandrine Mazetier, plus récemment.

Si, au Sénat, il n’y a pas eu de rapport avant celui de notre collègue Esther Benbassa – je la salue et je la remercie de la qualité de son travail –, c’est tout simplement parce que vous avez refusé, mesdames, messieurs membres de l’opposition sénatoriale, d’ouvrir le débat, notamment en vous opposant à la discussion du texte dont il était demandé l’examen immédiat par M. Jean-Pierre Bel, Mme Marie-Christine Blandin et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, en janvier 2006.

Si, comme vous le prétendez en soutenant cette motion tendant au renvoi à la commission, le texte comportait une quelconque difficulté au regard des principes fondamentaux de la République, pourquoi ne pas avoir agi de manière constructive en proposant des amendements de fond pour y remédier ?

Ce n’est pas le renvoi à la commission que vous cherchez, monsieur Portelli ! C’est tout simplement le renvoi aux oubliettes de ce texte et du droit qu’il crée, pénalisant ainsi ces milliers de femmes et d’hommes qui veulent qu’on les écoute et qu’on les entende.

Les Françaises et les Français attendent de nous du courage et de l’audace ; ils attendent des réponses et des actes. Il n’est plus urgent d’attendre, il est urgent d’agir ! Aussi, mes chers collègues, je vous propose de rejeter cette motion tendant au renvoi à la commission et, sans plus tarder, d’ouvrir la discussion sur le fond de cette proposition de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La commission est défavorable à cette motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement est favorable au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je mets aux voix la motion n° 3, tendant au renvoi à la commission.

Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable et le Gouvernement un avis favorable.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.

Il va donc être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici le résultat du scrutin n° 64 :

Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés339Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption165Contre 174Le Sénat n’a pas adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Christophe Béchu, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le président, j’aimerais simplement répondre à Mme la rapporteure, qui tout à l’heure m’a cité, et c’était trop d’honneur, expliquant que j’étais coupable d’avoir changé d’avis entre la réunion de commission et la séance publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

En commission, j’ai effectivement dit qu’il fallait faire attention à ne pas fantasmer et que ce texte n’ouvrait pas la porte à tous les communautarismes.

En effet, chers collègues, des communautarismes existent d’ores et déjà dans notre pays, malheureusement, et personne ne prétend que le phénomène va naître avec l’extension du droit de vote et d’éligibilité. Tel est le sens des propos que j’ai tenus en commission.

Quant à ce que j’ai dit à la tribune, cet après-midi, je croyais avoir fait preuve de prudence et de mesure…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

... en affirmant non pas que cette proposition de loi constitutionnelle allait susciter systématiquement les communautarismes, mais très précisément que, loin de les empêcher, elle risquait de les encourager. D’ailleurs, je maintiens en cet instant que ce texte porte bien en germe le risque d’une montée des communautarismes.

Que l’on ne me fasse donc pas un procès que je ne mérite pas !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Monsieur Béchu, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.