Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 avril 2010 à 22h00
Grand paris — Article 18

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Cet article est très important : il est censé constituer le socle du partenariat noué entre les collectivités locales et l’État.

Or, cette possible coopération s’apparente plus à un partenariat forcé qu’à une association sur un pied d’égalité, respectueuse des différents acteurs.

En effet, quelle sera réellement la capacité des villes dans leur pouvoir de négociation alors qu’elles savent pertinemment que, si elles n’accèdent pas aux desiderata de l’État, les quelques euros d’investissement auxquels elles auraient pu prétendre iront ailleurs ?

C’est à un choix cornélien, dans un contexte d’assèchement de leurs ressources, que seront confrontées les collectivités.

Au regard du délai imparti pour conclure ces contrats, nous sommes également circonspects sur la capacité de ces collectivités à réagir dans un temps aussi court. Ainsi, les tractations préalables à la conclusion d’un tel contrat seront engagées avant même que le schéma du réseau du Grand Paris soit adopté. Cela pose un problème, notamment concernant la publicité et les nécessaires débats citoyens que ces contrats de développement territorial doivent susciter.

Selon l’autre argument avancé pour justifier de cette dimension partenariale, en cas de signature d’un tel contrat, la Société du Grand Paris ne pourra disposer d’un droit de préemption que dans les zones définies par ce contrat. Mais, à défaut, l’État peut, sans nécessairement obtenir l’accord des collectivités, créer des zones d’aménagement différé et ainsi disposer, de fait, d’un droit de préemption là où il le décide.

Pourtant, cet argument n’est pas recevable. En effet, selon vos propos, monsieur le secrétaire d’État, ces contrats seront notamment financés sur l’enveloppe des contrats de projets État-région.

Malgré les précautions introduites par la commission spéciale, la définition de leur contenu enferme dans un tête-à-tête les communes et l’État. Il est anormal que la région et les départements n’y soient pas pleinement associés mais simplement consultés.

Sur le fond, il s’agit, sous couvert de coopération et de partenariat, de donner la possibilité à l’État d’interférer dans les politiques menées par les municipalités et les intercommunalités. En effet, ces contrats pourront venir en totale contradiction avec les documents locaux d’urbanisme, qu’il s’agisse des plans locaux d’urbanisme, des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, et du schéma directeur régional. Leur qualification en projet d’intérêt général contraindra à la modification des documents d’urbanisme préexistants.

À l’inverse, selon nous, ces contrats doivent être obligatoirement compatibles avec les documents supérieurs d’urbanisme, sous peine de remettre en cause la cohérence globale de l’aménagement du territoire francilien.

Par ailleurs, les objectifs fixés à ces contrats, par leur manque de précision, ouvrent la voie à des documents dont l’objet sera très vaste, mettant en cause de manière indue la libre administration des collectivités locales.

S’agissant du fond, nous ne pouvons afficher que du scepticisme sur la volonté de l’État, par ce biais, de se réinvestir localement, notamment sur les questions du logement, alors même que toutes les politiques menées, toutes les lois adoptées, par exemple la loi Boutin, organisent un désengagement massif de l’État des questions du logement et de la politique de la ville.

Nous sommes pour un réengagement de l’État dans ses domaines de compétences traditionnelles : le logement, les transports, la santé, les équipements… Les sommes allouées dans la loi de finances à ces secteurs doivent être en augmentation franche, et non en diminution, comme c’est le cas depuis plusieurs années.

Par la nouvelle fiscalité introduite dans ce texte, vous permettez que la Société du Grand Paris capte pour partie les excédents des opérations d’aménagement au détriment de la nécessaire péréquation régionale.

Nous pouvons alors légitimement craindre que ces nouvelles dispositions, en organisant la spéculation autour des gares, pour rentabiliser les investissements de l’État, n’éloignent encore un peu plus les populations fragilisées du centre métropolitain. Ce texte, finalement, porte le risque d’une ségrégation plus importante et non l’opportunité d’une réduction des inégalités sociales, territoriales et fiscales au sein de la région d’Île-de-France, comme l’affirme l’article 1er.

À l’inverse de cette logique, nous souhaitons que les contrats de projets État-région se fixent des objectifs plus ambitieux et que leur financement soit revu à la hausse pour la période 2013-2018.

Nous sommes également pour la coopération entre les collectivités et l’État. Les outils existent aujourd’hui. Il n’est donc pas utile d’en créer de nouveaux encore plus contraignants pour les collectivités, puisque rien n’obligera l’État à honorer ses engagements.

Pour conclure, l’aménagement du territoire, qui est une question politique, incombe principalement aux élus, représentants du peuple, mais également à l’État, garant de l’intérêt général. Un équilibre doit être trouvé, mais votre projet ne le permet pas, en donnant tout pouvoir à l’État, contrat de développement territorial ou non, pour confier au secteur privé la définition des ambitions en termes d’aménagement du territoire, en dehors de toute considération d’intérêt général.

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