Intervention de Dominique Gillot

Réunion du 9 décembre 2011 à 15h10
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée modifiée

Photo de Dominique GillotDominique Gillot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au dynamisme des acteurs privés, que je ne veux pas diaboliser, la puissance publique doit prendre sa juste place dans la mise en œuvre des progrès extraordinaires de la technologie, qui permettent aujourd’hui l’ouverture aux créations, savoirs et connaissances accumulés depuis des siècles à tous, y compris à ceux que leurs conditions familiale, sociale ou géographique privent d’un accès aisé au patrimoine culturel et intellectuel de l’humanité. Puisque des choix sont effectués, il est nécessaire d’établir une hiérarchie de l’offre pour éviter que le ressort marchand ne l’emporte sur le ressort culturel.

L’examen de cette proposition de loi intervient à point nommé, dans un contexte politique, technologique et économique particulier. Avec plusieurs centaines de millions d’ouvrages imprimés vendus à travers le monde, l’édition est la première industrie créative. La montée en puissance des technologies numériques, l’essor des liseuses et tablettes tactiles, soumet la lecture à une profonde mutation. Nous vivons sûrement la plus grande révolution depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg : le livre numérique ouvre de nouveaux horizons.

À l’affût des bénéfices de cette mutation technologique, Google et d’autres acteurs ont saisi l’occasion commerciale qu’offraient les progrès de la technique. L’ambition affichée du moteur de recherche américain est d’« organiser toute l’information du monde pour la rendre accessible et utile à tous ». Si ces aspirations messianiques semblent louables de prime abord, elles ne manquent pas d’inquiéter, en Europe et en France. Il ne faut pas avoir la naïveté de penser que ce slogan ne reflète que l’altruisme du partage des connaissances : de réels intérêts commerciaux sont bien en jeu, qu’il s’agisse de la vente de publicité, de produits numériques et de l’organisation d’une forme de monopole.

Face à cette situation, nous nous devons d’intervenir : il est en effet urgent de légiférer, même si le rythme du calendrier qui nous est imposé n’a pas permis l’examen du texte avec tout le temps et le recul que nous aurions souhaités. Notre éminent collègue Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi, ne s’attendait pas à ce que son texte vienne en discussion aussi vite, le ministre de la culture n’a pas pu se rendre disponible aujourd’hui – et nous acceptons bien volontiers ses excuses –, tout comme la présidente de la commission de la culture, elle-même retenue pour des raisons familiales importantes.

Nous aurions pu refuser de travailler sur cette proposition de loi dans de telles conditions, mais, face à l’importance des enjeux et à la rapidité des évolutions dans ce domaine, mon groupe a tenu à prendre ses responsabilités. Je tiens à saluer la diligence et la pertinence avec lesquelles notre rapporteure s’est emparée du sujet, nous donnant à tous le sentiment de fierté de saisir l’occasion d’un débat essentiel pour définir une architecture opposable à ce nouvel ensemble bibliographique.

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