Séance en hémicycle du 9 décembre 2011 à 15h10

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 9 décembre, deux décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité. (nos 2011-204 QPC et 2011-2005 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion en procédure accélérée de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, présentée par M. Jacques Legendre (proposition n° 54 rectifié, rapport n° 151).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec de Parlement, mes chers collègues, nous débattions il y a peu du prix unique du livre numérique. La commission de la culture de la Haute Assemblée s’est souvent préoccupée des effets de cette technique nouvelle, par exemple, sur le fonctionnement de nos bibliothèques. Nous nous étions interrogés jadis sur les propositions de Googlevisant à numériser les œuvres détenues par les principales bibliothèques nationales de nos pays.

Ces nouvelles technologies font naître préoccupations, mais aussi espérances. Il nous semble qu’il faut, sans plus tarder, tirer toutes les conséquences de la possible numérisation de l’ensemble des livres.

La disponibilité du livre au format numérique est désormais une réalité.

Les titres nouveaux sont aujourd’hui édités dans des formats électroniques natifs, permettant une commercialisation numérique. C’est le cas, par exemple, d’une grande partie des 654 romans de la rentrée littéraire de 2011, proposés conjointement sous forme imprimée et sous forme digitale.

Bien évidemment, les bibliothèques publiques souhaitent s’engager résolument dans la numérisation de leurs collections. La BNF, la Bibliothèque nationale de France, l’a fait depuis longtemps déjà avec Gallica, et l’on sait quel rôle elle joue aussi pour la réalisation du programme Europeana. Néanmoins, il s’agit d’œuvres tombées dans le domaine public, c'est-à-dire écrites entre le XVe et le XIXe siècle. Le problème auquel la présente proposition de loi entend apporter une réponse concerne le XXe siècle.

Pour des raisons de faible rentabilité économique, une grande partie des ouvrages publiés au XXe siècle n’a pas été rééditée. Les titres sont épuisés sous forme imprimée, indisponibles dans le commerce et ne sont que rarement accessibles dans les bibliothèques.

Dans ce contexte, la numérisation est la seule possibilité, voire l’unique chance à saisir, pour faire renaître cet important corpus, mais elle n’est juridiquement pas possible, car la titularité des droits numériques est incertaine. La raison en est, évidemment, que les éditeurs n’ont fait figurer des dispositions relatives à l’exploitation numérique dans les contrats qu’à partir de la fin du XXe siècle. Les droits numériques sur les œuvres déjà anciennes sont revendiqués tant par les auteurs que par les éditeurs.

Il ne semble guère possible d’adapter des centaines de milliers de contrats anciens à la réalité digitale. Hors quelques titres au réel potentiel commercial, les modèles d’affaires sous-jacents à la réexploitation numérique de ces œuvres sont peu compatibles avec les coûts de transaction qu’entraînerait la mise à jour des contrats. Les éditeurs ne peuvent pas envisager l’exploitation numérique marchande. Quant aux bibliothèques, elles ne sont pas davantage titulaires des droits numériques sur les œuvres indisponibles, même si elles estiment parfois avoir cette légitimité en raison des efforts qu’elles ont déployés pour conserver les livres.

En l’état du droit, la reproduction numérique d’œuvres protégées par les bibliothèques, sans qu’elles y soient autorisées, constitue une contrefaçon. Il faut sortir de cette situation.

Le XXe siècle, dont la pensée nous est si familière, car nous en sortons à peine, a été une période d’intense production éditoriale. C’est environ 500 000 titres qu’il s’agit de rendre de nouveau accessibles. Telle est l’ampleur de l’objectif à atteindre.

Comment pourrait-on justifier auprès du lecteur une discontinuité d’un siècle dans le corpusdes livres disponibles au format numérique ? Va-t-on faire apparaître le droit d’auteur comme une entrave au développement de la société de l’information ?

Il est indispensable de trouver une solution juridique et économique innovante au problème des œuvres indisponibles. Il faut prouver que le droit d’auteur est suffisamment flexible pour être adapté sans que ses fondements soient remis en cause.

La solution prévue par la présente proposition de loi vise à instaurer une gestion collective des droits numériques sur les œuvres indisponibles par une société de perception et de répartition des droits. Ce mécanisme nécessite une modification du code de la propriété intellectuelle ; c’est l’objet de la présente proposition de loi, qui vise deux objectifs principaux.

Il s’agit, tout d’abord, d’éviter le « trou noir » que représente le XXe siècle pour la diffusion numérique des livres français en permettant à des œuvres devenues indisponibles de trouver une nouvelle vie au bénéfice des lecteurs. La proposition de loi vise à présenter une offre légale et abondante de livres numériques pour faire démarrer ce marché naissant.

Il s’agit, ensuite, de replacer les ayants droit au premier plan de la valorisation et de l’exploitation des œuvres, en évitant toute nouvelle exception au droit d’auteur. Voilà pourquoi j’ai été étonné de lire, en réaction à cette proposition de loi, que le Sénat chercherait à attenter au droit d’auteur ! Au contraire, nous voulons faire en sorte que chacun puisse accéder à des œuvres indisponibles tout en permettant aux auteurs et aux éditeurs de se réapproprier leurs droits, afin de les exploiter selon des modèles différents du commerce des nouveautés. Grâce à internet, ce système pourra trouver une pertinence et un équilibre.

Le problème que nous entendons résoudre se rencontre partout dans le monde. Aux États-Unis, Google avait espéré conclure un accord transactionnel avec les ayants droit du monde entier pour faire valider la copie, sans autorisation, des œuvres protégées conservées par les bibliothèques. Si la présente proposition de loi devait être adoptée, la France serait le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme moderne et efficace pour régler la question des œuvres indisponibles.

Mais, avant cela, il nous faudra répondre à de nombreux problèmes juridiques, dont nous ne pouvons passer sous silence la complexité. Je pense, par exemple, au fait que certaines œuvres indisponibles de notre patrimoine littéraire du XXe siècle sont orphelines. La recherche des ayants droit doit donc être réelle et active. Nous ferons un certain nombre de propositions en ce sens.

Les auteurs ont parfaitement le droit de ne pas souhaiter que leur œuvre soit numérisée, quitte à ce qu’elle ne soit plus portée à la connaissance du public. Ce désir doit être impérativement respecté. Pour autant, qu’en est-t-il de leurs ayants droit ? Cette question est plus délicate à trancher. Il est donc utile que la représentation nationale se saisisse du problème pour l’examiner.

Je pourrais m’étendre davantage sur les nombreuses difficultés que soulève ce texte. Mais il aurait sans doute été souhaitable que nous disposions d’un temps plus long pour examiner l’ensemble des questions qui posent problème. Nous abordons aujourd’hui notre discussion en l’absence du ministre de la culture, qui m’a écrit pour me dire combien il regrettait de ne pouvoir être présent parmi nous dans cet hémicycle pour participer à nos travaux. À cette occasion, qu’il me soit permis de vous remercier, monsieur le ministre, d’avoir bien voulu le représenter. Quoi qu’il en soit, nous avons préféré que cette proposition de loi puisse, sans tarder, entamer son parcours législatif afin de le terminer, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, avant la suspension des travaux en séance plénière en raison de la campagne électorale.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement

Voilà pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je ne suis pas toujours favorable à cette procédure, monsieur le ministre, mais, dans le cas de figure présent, il est tout à fait bienvenu de l’avoir engagée.

La numérisation, qui ouvre des perspectives enthousiasmantes à l’ensemble des lecteurs, doit pouvoir bénéficier des ressources exceptionnelles du grand emprunt.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois très sincèrement que nous engageons aujourd’hui la mise en place d’un dispositif très important pour les auteurs, pour les éditeurs, pour les lecteurs, pour la culture et, tout simplement, pour notre pays !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les grandes civilisations ont souvent caressé le rêve d’une bibliothèque universelle, celle qui réunirait en un seul endroit tous les savoirs et toutes les créations de l’esprit humain.

Une bibliothèque universelle, c’est un lieu de mélange et de foisonnement au service du genre humain ; c’est une incarnation monumentale parfaite de la pensée des Lumières à la portée de tous.

Ce rêve, si longtemps caressé, est à portée de main grâce à l’ère numérique qui permet de rétrécir le temps et l’espace, et de favoriser l’accès de tous à tous les livres. Néanmoins, une telle entreprise ne peut se concrétiser qu’en respectant un certain nombre de principes fondateurs de notre droit et de notre culture.

Les ouvrages anciens sont tombés dans le domaine public et leur exploitation est gratuite. Ce principe est acquis, comme l’a rappelé M. Legendre. Pour autant, ce n’est pas le cas des livres plus récents, protégés par le droit d’auteur. Cela signifie, notamment, que les auteurs doivent pouvoir profiter de leur labeur grâce à la vente de leurs créations.

La question de l’exploitation numérique des livres indisponibles est ainsi au cœur de la problématique relative au respect du droit d’auteur dans les bibliothèques numériques.

Les livres indisponibles sont entrés dans le débat public à l’occasion de la tentative d’un opérateur privé, Google, de constituer une bibliothèque numérique universelle. Le principe était le suivant : Google proposait à une grande bibliothèque de numériser gratuitement les œuvres dont elle disposait, puis la firme américaine pouvait ensuite les exploiter, en donnant accès seulement à une petite partie de l’œuvre, dans le cadre du fair use américain.

Deux problèmes se posaient : Google n’avait pas les droits sur ces œuvres et les bibliothèques ne les avaient pas non plus. Ces dernières ont bien acheté des ouvrages « papiers », mais ne peuvent pas pour autant négocier l’exploitation des droits avec un tiers, que ce soit dans un format papier ou numérique. Rappelons que ce problème n’existe pas pour les œuvres anciennes libres de droits, mais se pose évidemment avec acuité pour les livres du XXe siècle protégés par le droit d’auteur.

Il se trouve qu’une grande partie de la production intellectuelle française n’est ainsi concrètement accessible que par quelques chercheurs sous une forme imprimée à la Bibliothèque nationale de France. On ne peut se satisfaire de cet état de fait, qui n’est favorable ni aux auteurs ni aux lecteurs. Le dévoilement des œuvres participerait pleinement d’une politique d’accès de tous à la culture.

Cette situation regrettable est liée à la fois aux doutes sur les titulaires des droits numériques des œuvres et à la faible rentabilité économique d’une éventuelle exploitation numérique. En effet, l’exploitation numérique des livres du XXe siècle risque d’être peu rentable, ce qui nuit à leur numérisation, car le coût de l’entreprise est assez élevé.

Par ailleurs, admettons que l’on puisse être intéressé par l’exploitation numérique des livres, ce qui semblait être le cas de Google, encore faut-il disposer des droits. Or les droits d’exploitation numérique n’ont pas été prévus dans les contrats d’édition, contrairement aux livres édités récemment, et font l’objet de débats sans fin portant sur la qualité de leurs titulaires.

La seule chance que l’on ait de pouvoir mettre à disposition du public les œuvres indisponibles du XXe siècle est en fait de confier à un acteur unique le pouvoir d’autoriser l’exploitation des droits numériques sur les ouvrages. Cette solution permettrait de réduire un certain nombre de querelles juridiques sur les titulaires de droit et de constituer un portefeuille de droits suffisamment large pour que son exploitation soit viable.

Google a essayé de devenir cet acteur unique en négociant les droits avec les représentants des auteurs, mais le juge américain a souligné que cette exploitation ne pouvait pas être concédée contractuellement par de simples représentants des auteurs. Il a considéré qu’une telle cession appelait, en fait, l’adoption d’une loi fédérale. Aux États-Unis, comme en France, seule une loi peut opérer le transfert des droits des auteurs et des éditeurs vers un acteur unique.

La proposition de loi déposée par notre collègue Jacques Legendre vise précisément à répondre à cette problématique et à prévoir l’instauration d’une gestion collective pour l’exploitation numérique de la production éditoriale française du XXe siècle.

Le mécanisme proposé repose sur un transfert de l’exercice des droits à une société de gestion collective, gérée paritairement par des représentants des auteurs et des éditeurs. Il s’agit bien d’un transfert de l’exercice du droit d’exploitation, mais pas des droits d’auteur.

Une liste des livres indisponibles est constituée. Pendant un délai de six mois, les auteurs et les éditeurs peuvent choisir de ne pas opter pour les mécanismes de gestion collective.

L’auteur peut, de droit, refuser cette exploitation. Dans ce cas, il pourra exploiter directement l’œuvre s’il dispose des droits numériques ou négocier avec son éditeur si ces droits sont partagés.

Si l’éditeur est celui qui manifeste le désir de sortir de la gestion collective, il doit bien sûr être pleinement titulaire du droit d’exploitation numérique ou, plus probablement, le négocier avec l’auteur ; il dispose de deux ans pour mettre en place cette exploitation.

C’est donc contractuellement que la répartition des droits est fixée. À défaut d’exploitation, le livre entrera dans le champ de la gestion collective. Cela permet de protéger à la fois l’auteur, qui verra forcément son œuvre exploitée numériquement, et le public, en raison du dégel des droits d’exploitation.

Si, en revanche, les auteurs ou les éditeurs ne choisissent pas de sortir du dispositif, ils entreront de droit dans la gestion collective. Deux cas sont alors envisagés.

Le principe est que la société de gestion des droits propose l’exploitation exclusive de l’œuvre à l’éditeur initial du livre. S’il accepte, il a trois ans pour exploiter les droits. Notons que la gestion de ces droits restera alors de toute façon collective, avec une répartition des sommes fixée par la société de gestion. L’éditeur ne touchera directement que la marge du vendeur. S’il n’exploite pas le livre indisponible, son exploitation sera alors proposée à tous de manière non exclusive.

Enfin, le dernier cas est celui des œuvres pour lesquelles aucun éditeur ne détient les droits papier.

Je signale à cet égard que les informations relatives aux réels titulaires des droits, qui sont aujourd’hui connues, notamment par le Centre français d’exploitation du droit de copie, le CFC, devront être mises à disposition de la société de gestion. Dans ce cas, la société de gestion confie à un tiers, de manière non exclusive, le droit d’exploitation.

Il faut souligner qu’il sera toujours possible à l’auteur qui le souhaite de sortir du dispositif de gestion collective par une simple notification.

Quatre points méritent d’être soulignés.

Ce mécanisme ne préjuge en rien de l’épuisement éventuel du livre. Si l’auteur ou un ayant droit fait constater l’épuisement en application des dispositions existantes du code de la propriété intellectuelle, il récupérera l’intégralité des droits sur l’ouvrage.

De même, le droit moral de l’auteur n’est absolument pas remis en cause. Le droit de retrait est notamment maintenu à tout moment.

Ce mécanisme traite de la question de l’exploitation des œuvres orphelines du XXe siècle, parce qu’elles sont pour la plupart incluses dans les œuvres indisponibles. Le système prévoit que c’est à la société de gestion collective d’autoriser l’exploitation numérique desdites œuvres : elle récupérera donc les droits au nom des auteurs ou ayants droit inconnus. La société ne sera agréée par l’État que si elle met en œuvre des moyens d’identification des titulaires de droits. Les œuvres orphelines postérieures à 2000 ne sont pas concernées et leur cas pourrait être traité à l’occasion de la transposition de la directive européenne sur les œuvres orphelines actuellement en préparation.

Enfin, je tiens à souligner que des situations de gestion collective existent déjà dans le domaine du livre en France avec la SOFIA, la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit, et le CFC.

Le mécanisme est donc très intéressant dans son principe et devrait permettre d’ouvrir enfin l’accès aux œuvres du XXe siècle qui ne sont plus exploitées sous forme imprimée.

La question juridique des titulaires des droits est bien traitée. Le modèle économique sous-jacent devrait permettre une numérisation rapide, notamment en profitant du grand emprunt et de l’accord passé entre le ministère, la BNF, la Société des gens de lettres, le Commissariat général à l’investissement et le Syndicat national de l’édition.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Toutefois, des questions se posent encore. La commission, qui n’a pas adopté de texte la semaine dernière, a donc choisi, sur ma proposition, de modifier la proposition de loi de M. Legendre par de nombreux amendements.

Ces amendements sont guidés par trois objectifs.

Le premier est la protection des auteurs, qui est une règle intangible pour la commission de la culture. La commission a ainsi adopté des amendements tendant à la fois au renforcement de la publicité faite à la liste des livres indisponibles et à une amélioration des conditions d’opposition des auteurs à l’inscription de leurs œuvres sur cette liste. Certains de ces amendements visent même à faciliter le retrait de ces livres après leur inscription sur la liste.

Le deuxième objectif est la protection de l’ensemble des ayants droit au travers de propositions sur les livres indisponibles dont on ne connaît pas les auteurs. La commission souhaite ainsi que la société de gestion collective mène des recherches avérées et sérieuses, sous l’œil attentif d’un commissaire du Gouvernement, qui devra être le garant de l’effectivité de ces recherches.

Le troisième objectif est la promotion de l’accès de tous à toutes les œuvres. À cette fin, la commission a estimé que les livres qui ont fait l’objet de dix années de recherches avérées et sérieuses et pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé devaient être exploités et diffusés gratuitement, notamment par les bibliothèques. Il s’agit d’un mécanisme équilibré dans son principe, qui garantit à la fois le respect du droit d’auteur et celui du public d’avoir accès aux œuvres.

Je ne doute pas un instant que vous adhérerez à ces principes.

Je souhaite, par ailleurs, saluer la créativité de mes collègues sur ce texte ; certains de leurs amendements ayant reçu un accueil très favorable de la commission, on peut espérer que vous nous suivrez là encore.

Enfin, je tiens à saluer le travail de M. Jacques Legendre, qui a proposé ce texte pour le bien commun et dans un esprit de rassemblement. Pour ma part, je suis fière d’avoir participé à la construction de ce projet d’avenir passionnant.

C’est dans un esprit consensuel et constructif que la commission a travaillé et qu’elle vous propose d’adopter ce texte, sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’excuser le ministre de la culture, qui, à son grand regret, ne peut être présent aujourd'hui au Sénat du fait d’un déplacement à Rome prévu de longue date et qui n’a pu être reporté. Ce déplacement doit notamment lui permettre de signer avec son homologue italien une convention de la plus haute importance pour la collaboration dans le domaine de la culture entre nos deux pays.

Pour ma part, je me réjouis d’exprimer la position du Gouvernement sur une proposition de loi qui permettra de redonner vie, par une nouvelle exploitation numérique, à une grande partie de la production éditoriale du XXe siècle, devenue difficilement accessible.

Déposée dans les mêmes termes par Jacques Legendre au Sénat et Hervé Gaymard à l’Assemblée nationale, rapportée à la Haute Assemblée par Bariza Khiari, cette proposition de loi me paraît, dans son principe, susciter des positions convergentes et positives de la part des différentes composantes politiques de votre assemblée.

Ayant eu l’occasion d’étudier ces sujets quand je présidais la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, je leur porte un grand intérêt.

Les représentants de tous les groupes de votre assemblée se sont plongés dans ce sujet si essentiel pour l’avenir du livre. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de Marie-Annick Duchêne, qui fera tout à l’heure sa première intervention dans l’hémicycle au nom de son groupe et qui a demandé également l’inscription de ce texte à l’ordre du jour.

Je souhaite que le dialogue constructif engagé entre les différentes sensibilités de l’hémicycle puisse aboutir à un texte équilibré, qui satisfasse aussi bien les auteurs et les éditeurs que les lecteurs.

Un esprit positif a présidé depuis deux ans aux discussions entre auteurs et éditeurs sur ce texte très attendu – c’est en tout cas ce que m’a affirmé Frédéric Mitterrand –, ce qui explique son caractère parfaitement consensuel entre ces deux parties. Le consensus ira-t-il jusqu’aux deux assemblées ? Je le souhaite de tout cœur.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’adapter le droit à la modernité sans en remettre en cause les principes fondateurs. Cela ne doit pas être impossible dans un climat de consensus.

Je tiens d'ailleurs à remercier Mme la rapporteure et l’ensemble de la commission du travail extrêmement positif accompli par ses membres, qui nous a permis de totalement surmonter les différences d’appréciation existant entre nous. Nous avons globalement trouvé un accord, puisque, sur les trente-cinq amendements déposés, le Gouvernement s’est déclaré favorable à vingt-six d’entre eux, ce qui n’est pas si mal, et qui prouve combien le travail engagé a été positif.

Le bon climat qui a prévalu afin – je l’espère – que ce texte aboutisse nous a conduits, en accord avec Mme la rapporteure, à engager la procédure accélérée. En effet, si vous voulez avoir la certitude que ce texte sera définitivement voté avant la fin de la législature, le 22 février 2012, nous devons, compte tenu de la multitude de textes qu’il reste encore à examiner, recourir à cette procédure. Je vous remercie d’en avoir accepté le principe compte tenu du peu de temps utile qu’il nous reste avant la suspension des travaux parlementaires.

L’Assemblée nationale risque de ne pouvoir se saisir de ce texte avant la fin du mois de janvier 2012, ce qui justifie encore plus la méthode que je viens d’indiquer.

Cette proposition de loi répond aux objectifs que nous souhaitons atteindre en matière de politique culturelle à l’ère numérique : développer une offre légale abondante de contenus culturels accessibles en ligne dans des conditions respectueuses du droit d’auteur et encourager le développement durable du marché du livre numérique.

En effet, si internet offre des perspectives inédites pour la diffusion des connaissances et de la création, le maintien et la promotion de la diversité culturelle sur les réseaux exigent des efforts, de la part des États, pour assurer la présence de corpus de textes variés dans des langues autres que l’anglais.

La France a joué un rôle de précurseur en Europe pour l’élaboration de politiques publiques de numérisation, fondées sur une intervention volontariste des États. Elle a alloué des fonds importants à des programmes de numérisation des imprimés du domaine public et des collections les plus contemporaines.

Cependant, les œuvres du XXe siècle, toujours protégées par le droit d’auteur, n’ont à ce jour fait l’objet d’aucun projet ambitieux de numérisation. Cette situation est due aux difficultés particulières que soulèvent ces œuvres. D’une part, en effet, la titularité des droits numériques est très difficile à établir, car, jusqu’à une date récente, les contrats d’éditeurs ne prévoyaient pas de façon suffisamment explicite d’autres modes d’exploitation que celui de l’imprimé. D’autre part, les perspectives de retour sur investissement de la numérisation de ces œuvres par les éditeurs sont très difficiles à établir et rendent ce type d’entreprise très risqué. Il est donc nécessaire de nous adapter aux progrès du numérique.

La question est d’importance, car ces livres devenus indisponibles dans le commerce de librairie représentent un corpus considérable, de 500 000 à 700 000 titres, selon des estimations grossières. C’est autant que les références aujourd’hui commercialisées par les éditeurs. Une bonne partie de notre patrimoine éditorial du XXe siècle échappe ainsi à toute valorisation numérique.

La proposition de loi de M. Legendre permet de résoudre la difficulté principale liée à la titularité des droits par l’établissement d’une gestion collective des droits numériques pour les œuvres indisponibles du XXe siècle.

À l’inverse des modèles fondés sur la gratuité de l’accès, qui opèrent une rupture brutale avec le système d’autorisation prévu par la législation sur le droit d’auteur, le système de gestion collective envisagé dans cette proposition de loi, contrairement à ce que l’on entend, permet de respecter les grands principes du droit d’auteur : le droit de propriété des ayants droit est préservé, ceux-ci ont la possibilité de sortir de la gestion collective et leur rémunération est assurée en cas d’exploitation de l’œuvre. Les auteurs et les éditeurs pourront ainsi se réapproprier leurs droits sur les œuvres indisponibles et décider de leur exploitation numérique.

Le Gouvernement est favorable à cette orientation, car, de manière générale, il est très attaché au fait que les ayants droit soient placés au premier plan de la valorisation et de l’exploitation numérique des œuvres. En effet, il est opportun de favoriser le développement d’une économie numérique dans laquelle les acteurs de la création conservent le contrôle de l’exploitation des œuvres. C’est le sens de la loi du 26 mai 2011 sur le prix du livre numérique.

La gestion collective est le premier pilier de la réponse apportée au problème complexe posé par la réexploitation des œuvres devenues indisponibles. Cette étape est indispensable. L’impossibilité de numériser ces livres en raison du caractère mal établi des droits qui y sont attachés est, en effet, incompréhensible pour la grande majorité des lecteurs ; ces derniers, habitués aujourd’hui par l’internet à bénéficier d’un accès global à toutes les œuvres, ne peuvent comprendre ni accepter de voir l’offre numérique bridée pour d’obscures raisons. Par conséquent, la création d’un mécanisme innovant permettant de régler la question des droits évitera que ces œuvres ne fassent l’objet d’appropriations privées incompatibles avec le droit d’auteur, voire de piratage, et ce au bénéfice du développement de l’offre légale.

Néanmoins, la gestion collective ne suffit pas à garantir à elle seule l’accès à ce corpus. Encore faut-il que les livres puissent être numérisés. Comme le nombre de références se compte en centaines de milliers, l’entreprise de numérisation est de niveau industriel et nécessite des moyens financiers et humains qui dépassent la capacité de nos acteurs économiques nationaux, fussent-ils de la taille de nos grands groupes d’édition.

Pour donner la garantie que les livres indisponibles au format imprimé redeviennent accessibles au format numérique, il fallait accoter la gestion collective à un ambitieux volet financier ; nous avons proposé à cette fin d’articuler cette réforme du code de la propriété intellectuelle au volet numérique des investissements d’avenir et de l’emprunt national. C’est le second pilier du projet, qui apparaît ainsi dans toute sa cohérence.

C’est pourquoi, parallèlement aux négociations menées entre auteurs et éditeurs sur le terrain des droits, d’importantes discussions ont été poursuivies avec M. René Ricol, le commissaire général à l’investissement, afin d’articuler les deux aspects de ce projet. Un protocole d’accord a été signé le 1er février 2011 entre toutes les parties prenantes – auteurs, éditeurs, BNF, ministère de la culture et de la communication, Commissariat général à l’investissement – afin d’assurer la viabilité économique et financière de l’entreprise.

Le recours aux investissements d’avenir pour asseoir ce projet sur le long terme présente de nombreux avantages. Cela est parfaitement cohérent avec la stratégie affichée par le ministère de la culture et de la communication en matière de numérisation.

Je rappelle, tout d’abord, que les livres concernés sont particuliers : ils sont toujours protégés par le droit d’auteur, mais ils ne sont plus disponibles que pour les usagers des bibliothèques publiques et, plus spécialement, pour les lecteurs de la Bibliothèque nationale de France, qui les conserve tous puisqu’elle bénéficie du dépôt légal. Il s’agit donc de livres à mi-chemin entre les livres de notre patrimoine et ceux qui sont commercialisés. La bonne approche pour numériser et diffuser ce corpus est donc le partenariat public-privé ; les investissements d’avenir offrent un cadre adapté à ce partenariat.

Je précise, ensuite, qu’un tel mécanisme donne un rôle central à la Bibliothèque nationale de France, qui est une cheville ouvrière essentielle du projet. À l’heure où la constitution de vastes bibliothèques numériques devient un enjeu culturel de première importance, notre grande institution nationale trouve là un moyen de prendre une avance considérable en la matière. Ce projet lui donne les moyens légaux et financiers de procéder sur le long terme à la numérisation d’une partie très importante de ses collections, alors qu’elle était jusqu’à présent limitée au domaine public.

Grâce au projet des œuvres indisponibles et aux crédits alloués chaque année par l’État à la numérisation du patrimoine de la BNF, la bibliothèque numérique Gallica pourra devenir la base de données la plus complète au monde en références françaises, en donnant accès à toute notre production éditoriale, de l’invention du livre imprimé jusqu’à la fin du XXe siècle. Nous pouvons nous féliciter d’avoir obtenu ce remarquable résultat pour les lecteurs du monde entier, car, rappelons-le, ce projet leur est avant tout destiné.

La constitution d’un partenariat public-privé, s’il donne un rôle important à la BNF pour la numérisation et l’exposition des œuvres, doit reposer, du côté privé, sur l’acteur naturel de l’exploitation des livres, qu’ils soient imprimés ou numériques, à savoir l’éditeur. À cet égard, le droit de préférence accordé à l’éditeur d’origine dans la proposition de loi semble parfaitement légitime. Non seulement ce droit de préférence permet d’éviter que ne survienne une dépossession totale des œuvres au profit de grands opérateurs de l’internet, mais il remplit aussi une fonction pédagogique en confiant une responsabilité particulière aux éditeurs qui devrait les inciter à jouer pleinement leur rôle dans l’économie numérique.

Actuellement, les modèles économiques s’inventent encore. Les bibliothèques voudraient, à raison, que les éditeurs leur fassent d’autres propositions sur le numérique. Les œuvres indisponibles permettront aux éditeurs d’explorer des modèles novateurs pour proposer des offres intéressantes aux bibliothèques.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les livres deviennent indisponibles en raison de l’irrationalité économique pour l’éditeur à envisager une réédition en version papier, compte tenu des faibles perspectives de ventes attendues. Or le numérique, grâce à des coûts de diffusion peu élevés, offre une opportunité d’envisager une nouvelle diffusion de ces œuvres. Dans ce cadre, il est légitime de permettre aux éditeurs d’origine d’assurer, s’ils le souhaitent, cette nouvelle diffusion. Par exemple, et je pense que vous serez d’accord avec moi, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’imaginerais pas de voir les anciens livres du catalogue Gallimard être diffusés par un opérateur tiers.

Madame la rapporteure, nous en avons discuté ensemble avant-hier, il y a un accord parfait entre le Gouvernement et la commission sur ce point, comme d’ailleurs sur la quasi-totalité des amendements que vous avez déposés.

Le seul point de nuance qui pourrait subsister entre nous est relatif à votre préoccupation d’imposer le principe d’une exploitation exclusivement gratuite pour les œuvres dont la société de gestion collective n’aurait pas retrouvé les auteurs au terme d’une période de dix ans.

Le problème ne porte pas sur le fond, car vous soulevez une question importante avec cet amendement, dont le Gouvernement reconnaît l’esprit généreux et objectif ; nous ne sommes d’ailleurs pas en désaccord avec les perspectives que vous proposez. Cependant, nous craignons les effets collatéraux négatifs que cet amendement pourrait engendrer, car l’interdiction de percevoir une rémunération n’est pas de nature à encourager l’exploitation et la diffusion de ces œuvres, y compris d’ailleurs sous des formes innovantes, telles que des bouquets thématiques ou des corpus éditorialisés, alors que c’est l’objet même de la proposition de loi.

S’agissant d’œuvres encore sous droits et dont on connaît l’éditeur, cette interdiction soulève également une difficulté majeure au regard des principes du droit d’auteur. À cela, s’ajoute le fait que ces livres seraient paradoxalement soumis à un régime plus strict que ceux tombés dans le domaine public, qui peuvent faire l’objet d’exploitation marchande et permettre d’apporter des ressources propres aux bibliothèques.

Madame la rapporteure, je veux être clair avec vous avant que nous ne commencions à discuter des amendements : nous sommes d’accord presque sur tout, mais le Gouvernement a de fortes interrogations sur le point que je viens de soulever. J’espère que les travaux des deux assemblées permettront d’avancer sur cette question.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi enfin de m’exprimer sur un autre sujet évoqué lors des débats au sein de la commission de la culture. En effet, la proposition de loi de M. Legendre, qui, je le rappelle, constitue une solution exceptionnelle à un problème lui-même exceptionnel, entre en résonance avec la question du contrat d’édition à l’ère numérique.

À cet égard, je souhaite préciser que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui ne permet pas d’apporter de réponse à l’importante question qui est celle de l’adaptation du code de la propriété intellectuelle, plus spécialement des dispositions relatives au contrat d’édition, à l’univers de la diffusion numérique. Il s’agit non pas de trouver une solution à l’équilibre du contrat liant un auteur à un éditeur pour la diffusion numérique des œuvres, mais d’apporter une réponse à l’exploitation des œuvres du XXe siècle devenues indisponibles, c’est-à-dire à un problème circonscrit et à un corpus d’œuvres fini dans le temps, qui, au demeurant, s’amenuise chaque année, des titres tombant dans le domaine public.

La question plus générale du contrat d’édition et de son adaptation au numérique fait l’objet d’une réflexion spécifique de la part du ministère de la culture, à laquelle est associé le Parlement, dans le cadre d’une commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique : il importe que la réflexion à ce sujet puisse se poursuivre dans ce cadre et aboutir à des conclusions.

Je dois dire à cet égard que les travaux de ce groupe avancent très correctement et que les deux années de discussion entre auteurs et éditeurs sur les œuvres indisponibles ont eu incontestablement des vertus pédagogiques : elles ont permis aux parties d’échanger de manière constructive sur les modalités d’exploitation des nouveaux livres numériques.

Pour conclure, je tiens à souligner de nouveau l’intérêt du Gouvernement pour la proposition de loi de M. Legendre : elle devrait permettre aux signataires du protocole d’accord du 1er février 2011 de travailler à la mise en place d’un modèle soutenable pour un projet industriel lourd qui contribuera significativement au développement de l’économie numérique dans notre pays et à la présence des contenus culturels et scientifiques français sur internet.

Nous avons travaillé dans un climat harmonieux pour faire évoluer la loi dans un sens tout à fait positif, ce qui est tout à l’honneur du Gouvernement et du Parlement.

II est incontestable que, avec ce dispositif, suivi de près par la Commission européenne, notre pays aura accompli un pas décisif pour adapter le droit d’auteur, dans un contexte consensuel, au plein développement d’une économie numérique de la créativité et de l’innovation.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le livre numérique représente une véritable opportunité culturelle. Il porte en lui l’espoir d’une diffusion plus large des savoirs et d’un accès universel à la culture par la révolution de ses modes d’élaboration et de diffusion. Il n’en reste pas moins porteur de danger, car ce mythe d’universalité s’accompagne de la tentation de la gratuité, ce qui soulève la question de l’équilibre entre les droits d’auteur et l’accès du public à la culture.

La numérisation des livres est devenue une nécessité, sans quoi une partie des livres pourrait sombrer dans l’oubli, mais elle doit s’effectuer dans les conditions nécessaires au respect des droits moraux et patrimoniaux des artistes. La numérisation des œuvres épuisées est, à ce titre, un enjeu fondamental. Elle constitue un obstacle aux grands projets de numérisation, tels que le portail du patrimoine culturel Europeana, ainsi qu’à la numérisation des collections des bibliothèques.

Ces œuvres n’en sont pas moins porteuses de potentiel économique : rien qu’en France, on estime qu’elles sont au nombre de 500 000, voire de 700 000 si l’on retient le chiffre avancé par M. le ministre. Google l’a d’ailleurs bien compris. Avec Google Books, ont été effectuées des tentatives de numérisation massive de ces œuvres, sans qu’ait été recueilli au préalable le consentement des ayants droit ou que des recherches aient été effectuées si ces derniers sont inconnus, afin de les commercialiser. Avec le système dit de l’opt out, il reviendrait aux titulaires de s’y opposer. Or ce système a été condamné par le juge américain comme attentatoire aux fondements du droit d’auteur.

À la suite des procès Google, des réflexions se sont donc engagées pour trouver des modèles juridiques et économiques permettant de numériser les œuvres épuisées sous droits. La Commission européenne a adopté, le 24 mai 2011, une proposition de directive européenne sur les seules œuvres orphelines : une bibliothèque, un musée, des archives seront chargés d’effectuer une recherche approfondie pour retrouver le détenteur du droit d’auteur avant de produire une version numérique. Si le détenteur du droit ne peut être identifié ou localisé, l’œuvre pourra être mise en ligne sans autorisation préalable, jusqu’à ce que le propriétaire soit identifié et retrouvé.

Cette proposition de loi vise donc à résoudre la question plus vaste de la numérisation des œuvres dites « indisponibles », faisant suite à l’accord-cadre signé le 1er février 2011 par le ministre, la Société des gens de lettres et le Syndicat national de l’édition. Cette proposition de loi est souhaitable, mais elle nous semble devoir être précisée sur certains aspects.

La notion d’œuvres indisponibles est assez imprécise. La proposition de loi crée une nouvelle notion, alors qu’existe dans le code celle d’œuvres épuisées. Quand une œuvre est épuisée, l’éditeur est considéré comme ayant manqué à l’une des obligations découlant des contrats d’édition : l’exploitation permanente et suivie, ce qui peut entraîner la résiliation du contrat à la demande de l’auteur et le retour de ses droits. Cette nouvelle définition de livre « indisponible » pourrait être un obstacle à la procédure de récupération des droits par l’auteur au titre du manquement par l’éditeur à ses obligations de diffusion de l’œuvre.

Par ailleurs, si la proposition de loi entend par œuvres indisponibles les œuvres sous droits non disponibles commercialement, elle englobe des œuvres orphelines sans pour autant les traiter spécifiquement. La loi doit pourtant définir cette notion. En l’absence de définition, un régime unique s’applique, excluant la recherche des ayants droit des œuvres orphelines que le projet de directive européenne prévoit pourtant.

Notons également que la proposition de loi s’inscrit dans la logique de l’opt out, au titre duquel Google a été condamné : l’autorisation préalable des auteurs n’est pas requise, mais ces derniers ont la possibilité de demander le retrait a posteriori. Les garanties accordées aux auteurs sont insuffisantes. Alors qu’aucun accord préalable de l’auteur ni de l’éditeur n’est requis, ils ne disposent que de six mois pour s’opposer.

Il est intéressant de mettre ce dispositif en parallèle avec le droit de représentation, qui est actuellement encadré par l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, aux termes duquel la numérisation d’une œuvre pour sa communication au public doit obtenir le consentement exprès de l’auteur. Cette proposition de loi crée donc une exception.

Quant aux œuvres orphelines, alors qu’aucune recherche préalable des ayants droit n’est effectuée, ces derniers ne peuvent par définition s’y opposer. Le délai de six mois nous semble donc insuffisant, d’autant que les auteurs et les éditeurs ne sont pas informés de l’inscription au registre. Il leur appartient de s’en informer pour pouvoir éventuellement exercer, par la suite, leur droit d’opposition à la reproduction de l’œuvre par la société de gestion collective.

Ce faisant, la proposition de loi favorise les éditeurs au détriment des auteurs : il est de fait plus facile pour eux de suivre les inscriptions au registre. Si la Société des gens de lettres affirme qu’elle prendra en charge l’information de ces auteurs, cela n’est pas obligatoire et ne couvre en aucun cas tous les auteurs. Ce déséquilibre d’information entraîne la possibilité de récupération d’un droit d’exclusivité sur une œuvre perdu par l’éditeur. Cela donne de fait des droits numériques à l’éditeur avec qui a été passé un contrat d’exploitation à l’origine imprimée.

Si les contrats d’édition ne le prévoient pas, l’auteur doit être consulté et avoir la possibilité de conclure un contrat d’édition numérique avec un autre éditeur. Il ne faudrait pas en effet que la proposition de loi devienne un obstacle à la procédure de récupération des droits de l’auteur par une reconduction automatique des contrats d’édition.

Enfin, l’auteur possède un droit de repentir ou de retrait qui lui permet de faire cesser l’exploitation de son œuvre ou des droits cédés, à condition d’indemniser l’éditeur. Ce droit doit pouvoir être exercé par l’auteur sur ces œuvres numériques. De même, l’auteur doit pouvoir disposer d’un droit à l’oubli qui lui permet de refuser la numérisation de son œuvre, sans conditions.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi est effectivement utile. Elle trouve une solution à la numérisation massive des œuvres du XXe siècle sous droits et indisponibles.

Toutefois, je l’ai dit, elle présente à ce jour et en l’état quelques insuffisances qu’il nous faut combler. Elle est en effet au carrefour des auteurs, des éditeurs et des lecteurs. C’est pourquoi nous la voterons, à condition que les amendements relatifs aux œuvres orphelines et au renforcement de la protection des auteurs soient adoptés, ce que laisse présager l’avis favorable donné par la commission aux différents amendements proposés par la rapporteure.

Néanmoins, une question demeure. À la suite des procès Google, des accords de numérisation ont finalement été conclus entre l’entreprise et de grands éditeurs français. Nous devons donc nous interroger sur la portée de la future loi, et nous resterons vigilants pour éviter son contournement par des accords de ce type.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est d’une grande importance : s’il est fondamental sur le plan juridique, il contribuera également de façon significative à l’élargissement de ce qu’il est convenu d’appeler « la société de la connaissance ».

Ce texte est de son temps, dans son temps et pour demain, car il montre la capacité de notre société à répondre aux défis posés par les nouvelles technologies de la communication.

J’adresse mes compliments à Jacques Legendre, qui est à l’origine de cette proposition de loi. Je veux également féliciter notre excellente collègue Bariza Khiari de la qualité de son rapport et de son implication personnelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

… ainsi que l’ensemble de nos collègues, qui, depuis longtemps et avec beaucoup de compétence, sont attentifs à l’évolution de notre société.

C’est dans l’observation du comportement culturel de chacun que l’on peut percevoir les mouvements de demain ; cette proposition de loi en est l’illustration.

Quel est l’objet de ce texte ? Je serai bref, puisque cela a déjà été longuement développé.

La proposition de loi vient combler un vide juridique dommageable relatif à la production éditoriale du XXe siècle. En effet, au contraire des textes publiés jusqu’au XIXe siècle, qui appartiennent au domaine public, et de ceux publiés à partir du XXIe siècle, dont les contrats d’édition incluent en règle générale des dispositions relatives à leur version numérique, la majorité des œuvres du XXe siècle ne peuvent, en l’état du droit, faire l’objet d’une numérisation systématique.

Cela concerne évidemment un grand nombre de livres. Si les chiffres que j’ai entendus diffèrent, entre 500 000 et 800 000 ouvrages sont concernés. À cet égard, le chiffre de 500 000, qu’a évoqué tout à l'heure Jacques Legendre, est déjà considérable.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Énorme, même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Comme aurait pu le dire M. de La Palice, les livres sont faits pour être lus ; ils sont faits pour être diffusés et pour être échangés. C’est pour cette raison que, en proposant de faciliter la numérisation des livres du XXe siècle, et par suite leur diffusion, le présent texte contribue à combler un vide juridique, répondant ainsi à un véritable besoin. Comme le rappelle notre collègue Bariza Khiari dans son rapport, 57 % des livres publiés depuis 1900 seraient actuellement épuisés ou orphelins.

En outre, les récentes initiatives de Google pour pénétrer avec force le marché de la numérisation montrent à quel point il est urgent que le législateur réglemente ce secteur pour préserver la gestion de notre patrimoine littéraire. À cet égard, le texte propose des solutions appropriées, adaptées, souples et équilibrées, qui s’inscrivent dans la lignée des positions traditionnellement défendues par notre commission.

Je pense tout d’abord à la constitution d’une base de données numériques de la production éditoriale du XXe siècle.

Je pense ensuite à la société de perception et de répartition des droits. Il est à mon avis important de confier la gestion concrète des droits d’auteur à une structure de ce type, plutôt qu’à une simple entreprise privée, qui pourrait être partie prenante. De surcroît, cela a été dit, le mode de gestion retenu – collectif et paritaire – et la souplesse des mécanismes envisagés offrent les garanties nécessaires à la protection effective des droits d’auteur.

De manière plus générale, la proposition de loi prévoit plusieurs mesures visant à protéger ces derniers. Comme M. Legendre l’a rappelé, cela répond à un souci exprimé depuis longtemps et de manière constante au sein de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Par ailleurs, je souligne que le texte ne laisse pas de côté la question des œuvres dites « orphelines » ; au contraire, il propose des mesures concrètes incitant à la recherche active des ayants droit. Là encore, on pense à la question similaire des œuvres visuelles orphelines, que notre commission a d'ores et déjà traitée.

En outre, la proposition de loi prévoit qu’une partie des financements dégagés sera affectée à des actions de promotion, en particulier de la lecture ; on ne peut que s’en réjouir.

Avant de conclure, je rappelle brièvement que la proposition de loi fait suite à plusieurs projets de numérisation en cours : les appels d’offres pour la valorisation de la numérisation des contenus culturels, scientifiques et éducatifs, dotés de 750 millions d’euros dans le programme « Investissements d’avenir », ou encore l’accord passé le 1er février dernier entre le ministère de la culture et de la communication et d’autres partenaires, dont la BNF et la Société des gens de lettres, pour mener conjointement la numérisation de 500 000 ouvrages sur cinq ans.

En réalité, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte n’est pas simplement juridique ; il est avant tout une réponse politique commune, d’abord, de notre commission et, je l’espère, dans quelques instants, du Sénat : il traduit notre volonté de maîtriser, de diffuser et de rendre accessible au plus grand nombre notre patrimoine littéraire pour, comme cela a été dit, préserver les intérêts particuliers, mais surtout dans des conditions répondant à l’intérêt général.

C'est la raison pour laquelle notre groupe votera ce texte, modifié par les amendements qui seront ensuite présentés. Il serait dommage d’échouer à cause d’un petit amendement nécessitant une réflexion plus poussée.

Monsieur le ministre, j’ai été très sensible à votre souhait de déclarer la procédure accélérée sur ce texte ; je fais partie de ceux qui sont très attachés à cette proposition de loi et qui voudraient la voir aboutir avant la fin de la législature.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Annick Duchêne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’exploitation numérique des livres est devenue une réalité de notre monde moderne, même si la part de marché des livres numériques est, aujourd’hui encore, faible en France. En effet, selon le Syndicat national de l’édition, le marché du livre numérique représentait, à la fin de l’année 2010, 1, 8 % du chiffre d’affaires de l’édition.

Mais l’essor de l’offre d’appareils, avec des prix de plus en plus réduits, l’amélioration des technologies, qui rend les outils de lecture numérique de plus en plus maniables et agréables à utiliser, de même que l’arrivée des leaders mondiaux sur le marché français, avec leurs moyens publicitaires et leur culture de l’information de masse, pourraient contribuer à l’envol du marché des livres numériques à un horizon que nous espérons proche.

Parallèlement, le Président de la République a confirmé la baisse, à compter du 1er janvier 2012, de la TVA sur le livre numérique au taux réduit de 7 %, pour l’harmoniser avec le taux applicable au livre papier. Cette mesure contribuera également à faire grandir l’intérêt des consommateurs pour le numérique.

À ce jour, toute une partie des œuvres de notre patrimoine culturel ne peut pas être rendue accessible en version numérique. Pour être précis, il s’agit de livres sous droits indisponibles du XXe siècle, mais pas de tous les livres de cette époque. En effet, certains livres du début du XXe siècle sont déjà tombés dans le domaine public, tandis que d’autres sont encore commercialisés ; je pense en particulier aux classiques et au fonds de référence.

C’est d’autant plus regrettable que de très nombreux livres du XXe siècle n’ont pas été réédités pour des raisons de rentabilité et ne sont donc disponibles que dans les bibliothèques. Monsieur Legendre, vous l’avez dit : la numérisation peut offrir à ces livres une seconde vie.

N’oublions pas non plus que, d’une part, les œuvres antérieures au XXe siècle sont tombées dans le domaine public – plusieurs d’entre nous l’ont rappelé – et que, d’autre part, les œuvres postérieures sont désormais éditées directement, la question de leur accessibilité numérique ayant été réglée.

Comme l’a déclaré M. Legendre, le XXe siècle fut une période d’intense activité créatrice ; il a enrichi de manière non négligeable notre patrimoine littéraire. Il serait donc dommage que, en n’ayant pas recours au numérique, nous laissions dans un vide culturel un très grand nombre d’ouvrages publiés au cours d’un siècle et, ainsi, que nous entravions l’accès de tous à la culture.

Fidèle à ses traditions, la France mène une politique qui allie préservation de notre culture littéraire et ouverture à une nécessaire modernité. Ce pas vers le futur, il nous faut le franchir pour promouvoir le rayonnement national et international de nos œuvres.

Notre pays a su se positionner tôt sur cette voie, par la numérisation des contenus culturels. Je veux parler, comme d’autres l’ont fait avant moi, du programme Gallica de la Bibliothèque nationale de France, qui représente actuellement 1, 5 million de documents numérisés. Ce programme propose non seulement des livres tombés dans le domaine public, mais aussi 60 000 autres livres disponibles à la vente via des librairies en ligne.

Mais la France est aussi et surtout très attachée à la protection des droits des auteurs, comme nous l’avons évoqué longuement ce matin en commission. C’est pourquoi le dispositif présenté par la proposition de loi apporte diverses garanties pour respecter la volonté des auteurs.

Je ne reviendrai pas sur tous les aspects techniques du dispositif ; Mme la rapporteure les a évoqués. Je veux surtout insister sur les équilibres trouvés.

Pour les éditeurs, la solution juridique actuelle concernant les œuvres indisponibles serait de revoir les contrats anciens, afin de les adapter aux besoins numériques. Cependant, nous convenons tous que cela n’est pas réalisable, que ce soit en termes de coût ou de temps. Par conséquent, il ne s’agirait pas d’une solution satisfaisante.

La réponse qui nous est proposée par M. Jacques Legendre consiste à créer un mécanisme de gestion collective pour l’exploitation des droits numériques sur les œuvres indisponibles du XXe siècle. Un tel mécanisme est déjà connu du domaine des droits d’auteur, dans le cadre de la reproduction par photocopie notamment, ou dans celui de la gestion des droits des auteurs, lorsque le livre est mis à la disposition du public en bibliothèque.

La proposition de loi permet un transfert des droits à une société de perception et de répartition des droits, agréée par le ministre chargé de la culture. Cette société bénéficierait uniquement du transfert de l’exercice des droits et non d’une cession légale des droits. La société serait gérée paritairement par les représentants des auteurs et des éditeurs, ce qui représente une garantie de protection des intérêts des auteurs.

Le système serait le suivant : d’abord, une liste des livres indisponibles devra être constituée ; ensuite, une période de six mois s’ouvrira, pendant laquelle les auteurs et les éditeurs titulaires des droits pourront choisir s’ils veulent ou non demeurer dans ce mécanisme de gestion collective. C’est le point le plus important : le dispositif instauré dans le cadre de la proposition de loi s’attache à garantir un droit d’opposition et de retrait de l’auteur ou de l’éditeur, aux différents moments du processus, à condition qu’il soit titulaire des droits sur l’œuvre. La société de gestion collective gérera donc les droits si, et seulement si, les auteurs ou les éditeurs le permettent.

Il est expressément prévu que le dispositif ne pourra concerner que certaines œuvres. Celles-ci devront avoir fait l’objet d’une publication sous forme de livre, avant le 31 décembre 2000, faire l’objet d’une indisponibilité de nature commerciale et, enfin, être inscrites sur un répertoire public. J’ajoute que pèsera sur la société de gestion une obligation de moyens pour rechercher et identifier les titulaires de droits dans le cas des œuvres dites « orphelines », dès que l’exploitation des droits aura produit certains revenus, car, nous le savons bien, dès qu’apparaîtra une perspective de revenus, les œuvres peuvent ne pas rester longtemps orphelines.

À ce sujet, je souscris à l’amendement présenté par notre rapporteure tendant à ce qu’une partie des fonds ne pouvant être répartis par la société de gestion puisse être consacrée à l’aide à la lecture publique ou à tout organisme favorisant la lecture.

La littérature fait partie du patrimoine culturel français. Nous devons à la fois poursuivre un but de préservation et de diffusion de notre richesse littéraire, tout en assurant la protection efficiente des droits des auteurs et éditeurs d’œuvres encore protégées. Par conséquent, nous voulons éviter, par ce dispositif de gestion collective, que ne se développe un contentieux, et nous entendons protéger les droits des auteurs et des éditeurs de l’action de ceux qui seront tentés de se lancer dans la numérisation de ces œuvres. Les chiffres avancés par les professionnels semblent pour le moment confirmer une tendance : aux États-Unis, par exemple, l’essor du livre numérique, qui est déjà développé, « cannibalise » une partie du livre physique, la perte du chiffre d’affaires du livre physique n’étant pas compensée par l’augmentation de celui de l’édition numérique.

Enfin, je tiens à souligner que nous ferions aussi œuvre créatrice en adoptant ce dispositif, puisque la France innoverait en étant le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme contemporain pour répondre à la problématique des œuvres indisponibles.

Notre groupe salue cette initiative et se réjouit qu’elle réunisse un large consensus au sein de la commission de la culture, qui s’est approprié ce texte.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face au dynamisme des acteurs privés, que je ne veux pas diaboliser, la puissance publique doit prendre sa juste place dans la mise en œuvre des progrès extraordinaires de la technologie, qui permettent aujourd’hui l’ouverture aux créations, savoirs et connaissances accumulés depuis des siècles à tous, y compris à ceux que leurs conditions familiale, sociale ou géographique privent d’un accès aisé au patrimoine culturel et intellectuel de l’humanité. Puisque des choix sont effectués, il est nécessaire d’établir une hiérarchie de l’offre pour éviter que le ressort marchand ne l’emporte sur le ressort culturel.

L’examen de cette proposition de loi intervient à point nommé, dans un contexte politique, technologique et économique particulier. Avec plusieurs centaines de millions d’ouvrages imprimés vendus à travers le monde, l’édition est la première industrie créative. La montée en puissance des technologies numériques, l’essor des liseuses et tablettes tactiles, soumet la lecture à une profonde mutation. Nous vivons sûrement la plus grande révolution depuis l’invention de l’imprimerie par Gutenberg : le livre numérique ouvre de nouveaux horizons.

À l’affût des bénéfices de cette mutation technologique, Google et d’autres acteurs ont saisi l’occasion commerciale qu’offraient les progrès de la technique. L’ambition affichée du moteur de recherche américain est d’« organiser toute l’information du monde pour la rendre accessible et utile à tous ». Si ces aspirations messianiques semblent louables de prime abord, elles ne manquent pas d’inquiéter, en Europe et en France. Il ne faut pas avoir la naïveté de penser que ce slogan ne reflète que l’altruisme du partage des connaissances : de réels intérêts commerciaux sont bien en jeu, qu’il s’agisse de la vente de publicité, de produits numériques et de l’organisation d’une forme de monopole.

Face à cette situation, nous nous devons d’intervenir : il est en effet urgent de légiférer, même si le rythme du calendrier qui nous est imposé n’a pas permis l’examen du texte avec tout le temps et le recul que nous aurions souhaités. Notre éminent collègue Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi, ne s’attendait pas à ce que son texte vienne en discussion aussi vite, le ministre de la culture n’a pas pu se rendre disponible aujourd’hui – et nous acceptons bien volontiers ses excuses –, tout comme la présidente de la commission de la culture, elle-même retenue pour des raisons familiales importantes.

Nous aurions pu refuser de travailler sur cette proposition de loi dans de telles conditions, mais, face à l’importance des enjeux et à la rapidité des évolutions dans ce domaine, mon groupe a tenu à prendre ses responsabilités. Je tiens à saluer la diligence et la pertinence avec lesquelles notre rapporteure s’est emparée du sujet, nous donnant à tous le sentiment de fierté de saisir l’occasion d’un débat essentiel pour définir une architecture opposable à ce nouvel ensemble bibliographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

La proposition de loi part du constat que, à l’heure du développement numérique, sont disponibles, dans ce format, soit les œuvres littéraires publiées après le 1er janvier 2000, qui font l’objet d’un double contrat d’édition, papier et numérique ; soit des œuvres qui ne sont plus protégées par le droit d’auteur, publiées entre le XVe siècle et le début du XXe siècle. Un vide regrettable existe donc pour les œuvres du XXe siècle qui sont encore protégées par le droit d’auteur, mais pour lesquelles les contrats n’ont pas prévu d’exploitation numérique ; ce vide est d’autant plus regrettable que les œuvres en format papier sont souvent épuisées et que leur réédition n’est pas envisagée par les éditeurs, compte tenu du coût qu’elle représenterait au regard d’un intérêt commercial non exploité.

Les enjeux liés à la proposition de loi sont multiples.

La démocratisation culturelle est le premier de ces enjeux. La numérisation et l’exploitation des livres indisponibles, la mise à disposition de ces œuvres sur les réseaux numériques, élargissent au grand public un accès qui n’était jusqu’alors ouvert qu’aux chercheurs, pour des raisons légitimes de rareté et de fragilité des livres en question. La proposition de loi évite un risque de monopole qui, animé par une utilisation mercantile des livres numérisés, limiterait l’accès à certaines œuvres.

La préservation de notre patrimoine est le deuxième enjeu de ce texte. La numérisation des œuvres indisponibles sous droits, qu’elles soient orphelines ou non, reste encore un défi et l’archivage numérique de tout notre patrimoine littéraire reste un objectif difficile à atteindre, sans préjudice de la compétence légale de la Bibliothèque nationale de France. Là encore, on ne peut écarter le risque qu’une hiérarchisation invisible des œuvres par le marketing n’en impose une sélection non objective. Par exemple, chez Google, des livres apparaissent en tête des résultats de recherche en fonction de critères inconnus : la possibilité de biaiser la recherche et de faire disparaître certains titres représente bien un risque réel.

Autre sujet : la vie numérique n’est pas éternelle. Google, entreprise commerciale, peut décider de mettre fin à son programme Google Books, ou revendre son corpus, sans compter une faillite qui n’est jamais à exclure dans le domaine du commerce. Du jour au lendemain, nous pourrions nous trouver privés d’accès aux livres numériques ! La culture, le savoir et l’accès aux livres sont autant de sujets d’intérêt général qui doivent être traités comme tels, et non abandonnés à des contrats privés.

Un troisième enjeu de la loi est de réguler les pratiques qui seraient en infraction à notre droit et qu’il faut encadrer pour éviter des dérives. Il est aujourd’hui nécessaire que le législateur intervienne pour éviter que ne se perpétuent les atteintes au droit d’auteur, qui doit être respecté, sans être accusé de constituer une entrave au développement de la société de l’information et de la connaissance.

Autre enjeu : la protection et la valorisation des droits des auteurs et des éditeurs, car l’essor du numérique remet en cause leurs intérêts, comme c’est le cas pour la musique et le cinéma. De fortes menaces pèsent sur le livre, la loi doit y apporter des solutions attendues.

Le dernier enjeu est financier. Le volume des fonds publics mis à disposition au titre du grand emprunt, 750 millions d’euros, impose la définition d’une base juridique à l’accord-cadre relatif à la numérisation et l’exploitation des livres indisponibles signé le 1er février dernier, d’autres l’ont rappelé avant moi.

Cet accord vise à permettre l’exploitation, sous forme numérique, de 500 000 livres du XXe siècle encore protégés, mais plus commercialisés en France. La numérisation sera effectuée à partir des collections conservées au titre du dépôt légal par la BNF, sur la base Gallica. Le pari est fait de la viabilité du modèle économique du système, selon le principe de la « longue traîne ». En effet, on peut escompter, sans risque, un phénomène d’accélération, du fait de cette législation, à l’avantage de l’éditeur et de l’auteur, par la fluidification et le raccourcissement des délais. Il faudra cependant que le mode de relation avec les auteurs et les éditeurs soit bien établi par le décret d’application.

Pour le groupe socialiste-EELV, cette proposition de loi va dans le bon sens pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le texte garantit la sécurité juridique nécessaire à l’exploitation numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle en lui donnant un cadre légal qui faisait jusqu’ici défaut, et il ne crée pas de nouvelle exception.

Ensuite, le dispositif proposé respecte un équilibre relatif entre les intérêts des auteurs, des éditeurs et du public.

Les auteurs auront la possibilité de pouvoir être lus à nouveau. Leur droit moral n’est pas remis en cause, puisqu’ils jouiront de la liberté de refuser la numérisation de leur livre ; avec leurs éditeurs, ils disposeront d’un droit à s’opposer à la gestion collective d’une œuvre indisponible dont ils restent titulaires des droits. Ce droit est protecteur des auteurs, à double titre, contre les pratiques des éditeurs qui ont coutume de ne pas procéder à réédition, une fois l’œuvre épuisée, ou qui ne tiennent pas compte du refus des auteurs qui ne souhaiteraient pas voir exploiter leur œuvre en mode numérique.

Les éditeurs disposeront d’un nouveau cadre pour assurer l’exploitation numérique des œuvres indisponibles et bénéficieront ainsi de nouvelles opportunités commerciales.

Les lecteurs, quant à eux, pourront redécouvrir, voire découvrir des œuvres dont ils sont privés actuellement.

Ces points positifs énoncés, le groupe socialiste-EELV émet quelques réserves, qui peuvent être levées aisément sans trahir l’esprit du texte initial.

Le cas des œuvres orphelines, dans le texte, est inclus dans celui des œuvres indisponibles. La définition proposée ne les distingue pas de ces dernières. Il faudrait prévoir un régime ad hoc pour ce type d’œuvres. En effet, le code de la propriété intellectuelle ne comprend pas, pour l’heure, de définition de l’œuvre orpheline.

En attente de la transposition d’une directive européenne, la proposition de loi déposée en 2010 par Marie-Christine Blandin et les membres du groupe socialiste, adoptée par le Sénat, visait à introduire une disposition précise dans le code de la propriété intellectuelle, selon laquelle la recherche des ayants droit devait faire l’objet d’une recherche diligente, c’est-à-dire avérée et sérieuse.

Aujourd’hui, le groupe socialiste souhaite que cela se fasse sous le contrôle des pouvoirs publics et serait favorable à une mise à disposition gratuite des œuvres, au terme d’une recherche infructueuse après un délai significatif, aux bibliothèques publiques.

S’agissant de l’organisme qui sera chargé de créer la base de données publique, mentionné à l’alinéa 4 de l’article 1er, on peut noter le grand flou de sa nature juridique et de sa composition, ainsi que des modalités de son fonctionnement.

Comment sera assurée la publicité de la base de données ? Nous souhaitons que la loi soit plus précise à cet égard ; elle pourrait ainsi donner la responsabilité de la base de données à la Bibliothèque nationale de France. Il reviendrait à celle-ci, avec le ministère, de garantir l’accessibilité de la base de données à tous les opérateurs susceptibles d’être intéressés. Il faudra aussi assurer un droit d’appel aux auteurs et aux ayants droit leur permettant de réclamer l’intégration d’une œuvre qui aurait été omise dans la base de données, ce que ne prévoit pas la loi aujourd'hui.

Dans l’accord-cadre, la plate-forme de diffusion des livres numérisés n’est évidemment pas définie dans le texte. Le portail Gallica, géré par la BNF, procédera au référencement à l’index qui constituera le catalogue exhaustif des livres indisponibles. Nous veillerons à ce que soient adaptés les moyens de fonctionnement à proportion des charges supplémentaires relatives à cette mission.

Le groupe socialiste s’interroge sur les modalités de répartition des sommes en jeu.

Pour les auteurs, nous souhaitons que leurs conditions de rémunération fassent l’objet de garanties intangibles. Nous serons attentifs à ce que le décret d’application précise les conditions d’une répartition équitable des droits entre auteurs et éditeurs, ainsi que de la bonne utilisation des « irrépartissables ».

En allouant une partie du grand emprunt au fonds national pour la société numérique, le Gouvernement fait le pari de la viabilité économique de l’exploitation des livres numérisés, selon le modèle de la longue traîne. Un retour sur investissement étant indispensable, le décret devra également prévoir les conditions dans lesquelles chaque bénéficiaire des investissements contribuera au remboursement de l’emprunt.

Au total, quel sera le prix du livre numérisé ? À quel niveau sera-t-il taxé pour rémunérer l’éditeur, l’auteur, la société de gestion collective, la société numérisant les livres et le remboursement du grand emprunt ? Le livre redevenant disponible sur le marché, il pourra être consulté, loué, acheté, voire commandé en impression à la demande. Comment sera rémunéré ce circuit ?

Les sénateurs socialistes tiennent aussi à considérer la situation des bibliothèques publiques. Je rappelle que le fonctionnement des bibliothèques publiques dépend des collectivités territoriales. Même si elles disposent toujours de l’exception conservation, qu’en sera-t-il de leur capacité à proposer des livres indisponibles numérisés dès lors qu’ils retrouveront une valeur commerciale, quand bien même elles conserveraient un exemplaire papier dans leur fonds ?

Les revenus « irrépartissables » de la société de gestion collective devraient en partie être dédiés à la promotion de la lecture publique, via un fonds qui serait accessible, suivant certains critères et une évaluation, aux collectivités territoriales, afin de soutenir des actions ciblées d’animation des lieux de lecture, véritables lieux de lien social et de progrès partagé, d’accès aux livres des publics les plus éloignés, de promotion de la lecture et de l’écriture, de renforcement du lien auteur-lecteur.

Bref, nous souhaitons, enfin, que l’application de cette loi fasse l’objet d’un suivi particulier.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’accès le plus ouvert à la culture la plus large et au savoir le plus vaste est un moteur du désir humain. Ainsi Jorge Luis Borges, dans La Bibliothèque de Babel, écrit-il : Après le “bonheur extravagant” lié à l’annonce de la bibliothèque universelle, « succéda comme il est naturel une dépression excessive. La certitude que quelque étagère […] enfermait des livres précieux, et que ces livres précieux étaient inaccessibles, sembla presque intolérable ».

Avec cette proposition de loi, monsieur Legendre, plus aucun livre ne devrait rester inaccessible ! La France est pionnière pour donner un cadre juridique stable et protecteur au livre, ce qu’avait déjà permis la loi Lang en 1981. Elle fonde et accompagne le changement d’attitude des opérateurs, qui ont abandonné leur arrogance conquérante et recherchent eux-mêmes le cadre qui légitimera leur activité.

Nous sommes favorables au développement de la société de l’information et de la connaissance. Nous prônons un internet transparent et respectueux. Il ne faut pas freiner ce mouvement inexorable vers le numérique, porteur de croissance, d’emplois et, en l’espèce, de diffusion de la culture.

Sous réserve de l’adoption des amendements qui seront présentés pour apporter au texte les précisions nécessaires, le groupe socialiste-EELV votera cette proposition de loi.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, chers collègues, comme tous les orateurs qui m’ont précédé à cette tribune, je ne peux que me féliciter de l’initiative prise par la commission de la culture du Sénat de vouloir faciliter et encadrer la numérisation des œuvres indisponibles du XXe siècle.

Il est urgent, en effet, de combler ce « trou noir », ce « chaînon manquant » de la numérisation de notre patrimoine écrit et, par là même, de faciliter son accès au plus grand nombre. La révolution technologique qui s’opère aujourd’hui nous permet d’entrevoir et d’espérer toucher du doigt – en quelques clics – le vieux rêve de la bibliothèque universelle.

Mais les utopies ouvertes par le formidable essor des technologies ne restent que des « utopies technologiques » si les sociétés humaines ne parviennent pas à s’en emparer, à faire des instruments des pratiques collectives, où chacun des acteurs de la transformation sociale trouve son compte et son équilibre.

La présente proposition de loi est d’abord motivée par un juste souci de préservation de notre patrimoine culturel commun. Se rapportant aux œuvres du XXe siècle, elle renvoie cependant assez fréquemment à des acteurs toujours vivants de la production livresque et éditoriale.

Notre réflexion doit donc répondre aussi au souci de garantir des équilibres socio-économiques acceptables pour celles et ceux qui sont engagés dans le présent et dans le devenir du livre. À ce titre, il me semble particulièrement important de préciser et de justifier la part des droits qui, dans ce cadre de diffusion numérique, devrait revenir aux différents acteurs de la production et de la diffusion des œuvres.

En ce qui concerne les éditeurs, je voudrais souligner pourquoi, à mon sens, il est juste de les rémunérer, tout comme les auteurs, sous forme de droits. Rappelons que l’auteur, au sens étymologique du terme, ne fait autorité que dans la mesure où il est édité et publié.

L’éditeur n’est pas qu’un simple intermédiaire technique entre l’auteur et son lecteur ; il est aussi un des artisans essentiels de la production et de la diffusion de l’œuvre. Il n’est pas non plus qu’un entrepreneur prenant un risque économique en proposant un ouvrage à la vente, il est aussi quelqu’un qui oriente et souvent bonifie l’œuvre et contribue activement à la construction de l’auteur. Il est donc nécessaire de reconnaître sa véritable place dans la création.

Cependant, il est également juste et nécessaire de bien évaluer son rôle et son implication dans le cadre, non pas d’une publication initiale sur papier, mais d’une republication sous une forme numérique.

La marge que celui-ci doit opérer sur l’exploitation numérique des œuvres ne peut être de la même importance que celle qui est pratiquée dans l’édition initiale sur support papier. Dans l’univers numérique, les frais de fabrication, d’édition, de diffusion, de promotion et de stockage sont singulièrement réduits.

C’est donc à la définition de cette nouvelle équité des droits, dans le cadre de la numérisation des œuvres déjà publiées, que nous devons nous attacher. C’est le sens d’un des amendements que nous soutenons visant « à garantir aux auteurs une rémunération au moins égale à celle versée à leurs éditeurs ».

Soulignons au passage qu’une telle rétribution de l’auteur liée et associée à celle de l’éditeur est aussi un moyen de garantir l’optimisation de la recherche des ayants droit. Outre les auteurs et les éditeurs, d’autres acteurs essentiels de l’univers du livre méritent d’être considérés.

Il s’agit notamment des lecteurs, sans qui les livres d’hier et ceux d’aujourd’hui n’auraient guère de raison d’être, mais aussi des bibliothèques, qui souvent assurent seules la conservation et la mise à disposition dans le temps des ouvrages.

Ces deux types d’acteurs ne peuvent naturellement pas bénéficier directement des droits afférents à la diffusion numérique des œuvres indisponibles du XXe siècle. Il est néanmoins indispensable de trouver des mécanismes qui leur permettront de ne pas être les laissés-pour-compte de la nouvelle donne numérique et des ressources qui se dégageront de l’exploitation des livres numérisés.

L’amendement proposé par Mme la rapporteur suggérant que, au terme de dix années de recherches infructueuses et avérées, le droit d’exploitation de l’œuvre est « autorisé » à titre gratuit et non exclusif constitue, selon nous, une bonne manière d’ouvrir certains droits à nos bibliothèques.

De même, l’amendement proposé par le groupe socialiste-EELV suggérant que les sommes non réparties aux ayants droit doivent échoir au financement d’actions de promotion de la lecture publique nous paraît aller dans le bon sens.

Pour conclure, je dirai que cette proposition de loi, sous réserve de certains aménagements que j’ai indiqués, me semble adaptée aux défis qui se posent à nous aujourd’hui : celui d’une meilleure diffusion de notre patrimoine culturel contemporain, celui d’une juste rémunération des acteurs et celui d’un soutien aux usages collectifs.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Au titre III du livre Ier du code de la propriété intellectuelle est créé un chapitre IV intitulé : « Dispositions particulières relatives à l’exploitation numérique de certaines œuvres indisponibles », ainsi rédigé :

« Art. L. 134-1. – On entend par œuvre indisponible, au sens du présent chapitre, une œuvre non disponible commercialement de façon licite dans un format papier ou numérique, publiée en France sous forme de livre avant le 31 décembre 2000 et inscrite sur la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« La date de publication de l’œuvre est déterminée par la mention de l’année de publication figurant sur la notice du catalogue général de la Bibliothèque nationale de France.

« Art. L. 134-2. – II est créé une base de données publique relative aux œuvres indisponibles. L’organisme chargé de mettre en œuvre cette base de données veille à son actualisation afin de maintenir à jour la liste des œuvres indisponibles et l’inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-6 et L. 134-7. Cet organisme est désigné par décret.

« L’inscription de l’œuvre dans la base de données ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-3. – I. - Le droit d’autoriser la reproduction dans un format numérique et la représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 et inscrite dans la base de données mentionnée au premier alinéa de l’article L. 134-2 depuis plus de six mois est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III et agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« II. - La ou les sociétés agréées ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits mentionnés au premier alinéa.

III. - L’agrément prévu au I du présent article est délivré en considération :

« 1° De la diversité des associés ;

« 2° De la représentation paritaire des auteurs et des éditeurs parmi les associés et au sein des organes dirigeants ;

« 3° De la qualification professionnelle des dirigeants ;

« 4° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour assurer le recouvrement des droits et leur répartition ;

« 5° Du caractère équitable des règles de répartition des sommes perçues ;

« 6° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour identifier et retrouver les titulaires de droits ;

« 7° Des moyens que la société propose de mettre en œuvre pour développer des relations contractuelles permettant d’assurer la plus grande disponibilité possible des œuvres.

« Art. L. 134-4. – I. L’auteur d’une œuvre indisponible au sens de l’article L. 134-1 ou l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants peut s’opposer à l’exercice de ses droits, tels que définis à l’article L. 134-3, par une société de perception et de répartition des droits. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 dans un délai de six mois suivant l’inscription de l’œuvre concernée dans la base de données mentionnée au même alinéa.

« Mention de cette opposition est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« II. – L’éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les deux ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2. À défaut d’exploitation de l’œuvre dans le délai imparti, la mention de l’opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2 et les droits sont exercés par une société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues à l’article L. 134-3.

« Art. L. 134-5. – À l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134-4 et à défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur dans ce délai, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction dans un format numérique et de représentation sur un réseau de communication au public en ligne d’une œuvre indisponible à l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants.

« Cette proposition est formulée par écrit. Elle est réputée avoir été refusée si l’éditeur n’a pas notifié sa décision par écrit dans un délai de deux mois à la société de perception et de répartition des droits.

« L’autorisation d’exploitation mentionnée au premier alinéa est délivrée par la société de perception et de répartition des droits à titre exclusif pour une durée de dix ans tacitement renouvelable.

« Mention de l’acceptation de l’éditeur est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa, notifiée par écrit à la société de perception et de répartition des droits dans un délai de deux mois suivant la publication de la mention prévue à l’alinéa précédent, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, l’œuvre indisponible concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« À défaut d’acceptation de la proposition mentionnée au premier alinéa ou d’exploitation de l’œuvre dans le délai prévu à l’alinéa précédent, la reproduction de l’œuvre dans un format numérique et sa représentation sur un réseau de communication au public en ligne par un utilisateur peuvent être autorisées par la société de perception et de répartition des droits, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années.

« L’utilisateur auquel une société de perception et de répartition des droits a accordé une autorisation d’exploitation dans les conditions prévues au précédent alinéa est considéré comme l’éditeur du livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

« Art. L. 134-6 – Une œuvre cesse d’être indisponible au sens de l’article L. 134-1, lorsque l’auteur de l’œuvre et l’éditeur ayant publié cette œuvre sous forme de livre dans le cadre d’un contrat d’édition défini aux articles L. 132-1 et suivants, notifient conjointement par écrit à la société mentionnée à l’article L. 134-3 leur décision d’exploiter l’œuvre à titre exclusif dans le cadre d’un contrat d’édition, ou lorsque l’auteur, pouvant prouver qu’il est le seul titulaire des droits définis à l’article L. 134-3, notifie par écrit à la société sa décision d’exploiter ou de faire exploiter l’œuvre à titre exclusif.

« Mention de cette notification est faite dans la base de données mentionnée à l’article L. 134-2.

« L’éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d’exploiter, dans les dix-huit mois suivant cette notification, l’œuvre concernée dans un format numérique ou imprimé. Il doit apporter à la société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective de l’œuvre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d’exploitation que l’œuvre a cessé d’être indisponible.

« Les ayants droit d’une œuvre qui cesse d’être indisponible ne peuvent s’opposer à la poursuite de l’exploitation de cette œuvre licitement engagée avant la notification mentionnée au premier alinéa et pendant la durée restant à courir de l’autorisation mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 134-5 .

« Art. L. 134-7 – Les modalités d’application du présent chapitre, notamment les modalités d’accès à la base de données prévue à l’article L. 134-2, la nature ainsi que le format des données collectées et les mesures de publicité appropriées à l’information des ayants droit, les conditions de délivrance et de retrait de l’agrément des sociétés de perception et de répartition des droits prévu à l’article L. 134-3, sont précisées par décret en Conseil d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 16, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 3

Rédiger ainsi ces alinéas

Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

« Chapitre IV : Dispositions particulières relatives à l'exploitation numérique des livres indisponibles »

« Art. L. 134-1. - On entend par livre indisponible au sens du présent chapitre, un livre publié en France avant le 1er janvier 2001 qui ne fait plus l'objet d'une diffusion commerciale par un éditeur sous une forme imprimée ou numérique.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement propose une nouvelle définition, à la fois plus simple et plus précise, de la notion de livre indisponible.

Elle prévoit ainsi que peuvent être considérés comme des livres indisponibles ceux que l’on trouve encore sur le marché de l’occasion mais qui ne font plus l’objet d’une diffusion commerciale. Le caractère « neuf » n’ayant pas d’existence juridique, nous avons trouvé cette formulation.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Dans le cadre du passage de la notion d’œuvre à celle de livre, la précision apportée par cet amendement semble tout à fait utile au Gouvernement.

Il émet donc un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 17, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

relative aux œuvres indisponibles

par les mots :

, mise à disposition par un service de communication au public en ligne, qui répertorie les livres indisponibles

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le présent amendement vise à assurer une publicité réelle à la liste des œuvres indisponibles en imposant sa mise à disposition au public sur internet. Cette précision me paraît utile.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Cette précision est effectivement utile : le Gouvernement y est favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 18, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

1° Deuxième phrase :

Rédiger ainsi cette phrase :

La Bibliothèque nationale de France veille à son actualisation et à l'inscription des mentions prévues aux articles L. 134-4, L. 134-5 et L. 134-6.

2° Dernière phrase :

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L'objet de cet amendement est de spécifier que la Bibliothèque nationale de France est responsable de la gestion de la liste des livres indisponibles.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement considère que la BNP est l’organisme le mieux à même de remplir cette mission. Nous l’aurions décidé par décret, mais nous émettons un avis favorable sur son inscription dans la loi.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 19, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

de l'œuvre

par les mots :

d'un livre

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il s’agit d’un amendement de coordination, visant à remplacer les mots « de l’œuvre » par les mots « d’un livre ».

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement de coordination avec le changement de titre.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 20, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-3. –I. - Lorsqu'un livre est inscrit dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 depuis plus de six mois, le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé par une société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III de la présente partie agréée à cet effet par le ministre chargé de la culture.

« Sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 134-5, la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées, moyennant une rémunération, à titre non exclusif et pour une durée limitée qui ne peut excéder cinq années.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement ne modifie pas, sur le fond, le mécanisme proposé par la proposition de loi.

Il vise en revanche à fixer le principe général selon lequel les autorisations d’exploitation des livres indisponibles sont délivrées à titre non exclusif et pour une durée de cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 9, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Cet amendement vise à porter de six mois à un an le délai au-delà duquel le droit d’autoriser la reproduction dans un format numérique d’une œuvre indisponible inscrite dans la base de données peut être exercé par une SPRD. Je me suis longuement exprimée sur cette question lors de la discussion générale.

Même si la création d’une liste publique est prévue, il n’en demeure pas moins que c’est à l’auteur qu’il appartiendra de vérifier que son œuvre y figure ou non. Un délai de six mois nous paraît donc trop court.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il est vrai, ma chère collègue, que le délai de six mois prévu par le présent texte est court.

Toutefois, les dispositions prises pour permettre aux auteurs d’exercer leur droit de retrait nous paraissent plus importantes pour protéger les auteurs que ce délai.

Telle est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Pour d’évidentes raisons, le Gouvernement tient à maintenir le délai de six mois. Il émet donc un avis favorable sur l’amendement de Mme le rapporteur et un avis défavorable sur celui de Mme Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Oui, monsieur le président.

Quoi qu'il en soit, je voterai l’amendement n° 20, dont la portée est plus large.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, l'amendement n° 9 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 10, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« II. – Au plus tard 15 jours avant l’inscription d’une œuvre indisponible sur la base de données, la société de perception et de répartition des droits en informe par écrit les éditeurs et les auteurs de l’œuvre.

« III. – Les œuvres orphelines telles que définies par l’article L. 113-10 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être inscrite sur la base de données qu’après des recherches avérées et sérieuses entreprises par la société de perception et de répartition des droits régie par le titre II du livre III, en vue de déterminer, localiser ou joindre le ou les titulaires des droits de l’œuvre.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il est retiré, monsieur le président, car il est satisfait par les amendements n° 17 et 18 de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 10 est retiré.

L'amendement n° 21, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

mentionnés au premier alinéa

par les mots :

dont elles ont la charge

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 22, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

, lorsqu’elle représente les intérêts des auteurs et des éditeurs parties au contrat d’édition

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à traiter le cas spécifique des sociétés de gestion représentant les droits des auteurs des œuvres visuelles présentes dans les livres – les photos, les esquisses, les dessins –, lesquelles ne doivent pas être assujetties à l'obligation de représentation paritaire.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 3, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De la présence de représentants des utilisateurs ;

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement tend à prévoir que, lors de la demande d’agrément formulée auprès du ministère de la culture par une société désireuse de gérer l’exploitation numérique d’œuvres indisponibles, la représentation des utilisateurs soit prise en compte au sein de cette société.

La notion d’utilisateur peut susciter des interrogations.

Après en avoir débattu avec les intéressés, je conclurai que se considèrent comme utilisateurs : les « consommateurs » de livres de toute espèce, les élus qui, au sein de leurs associations, souhaitent avoir un droit de regard sur les conditions d’exploitation numérique des œuvres, les bibliothèques et services d’archives, ainsi que les universités et autres établissements d’enseignement supérieur.

La Conférence des présidents d’université et les associations de consommateurs et d’élus sont ainsi demandeurs d’une participation dans la société agréée pour gérer l’exploitation numérique des œuvres indisponibles. Il semble logique que ces utilisateurs puissent avoir un droit de regard sur l’attribution des licences d’exploitation.

Les bibliothèques sont particulièrement intéressées par le format numérique des livres, domaine dans lequel elles sont souvent des précurseurs. Nombreuses sont celles qui effectuent déjà la numérisation de livres pour leurs adhérents afin de pouvoir leur proposer dans ce format le dernier ouvrage papier disponible dans leur fonds.

Il me semble donc important de faire entrer les utilisateurs au sens large dans la société agréée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je comprends tout à fait votre souhait, madame Gillot, que des représentants extérieurs soient présents au sein de la société d’exploitation.

Toutefois, sur votre conseil et sur celui de M. Legendre, la commission a préféré, comme nous le verrons plus tard, prévoir la participation d’un commissaire du Gouvernement aux assemblées délibérantes de la ou des sociétés agréées. Celui-ci aura pour mission principale de s’assurer que les recherches avérées et sérieuses de titulaires de droits ont bien été menées. Il me semble que c’est là une garantie suffisante.

Je vous prie donc, chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, au profit de l’amendement n° 24 de la commission.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Les sociétés de perception et de répartition des droits sont des sociétés civiles, madame Gillot, qui ont pour objet de faire valoir les intérêts patrimoniaux des titulaires de droits face aux utilisateurs des œuvres de leur répertoire.

L’introduction de représentants des utilisateurs au sein des sociétés de gestion est totalement contraire à l’essence même de ces sociétés.

En revanche, le Gouvernement est lui aussi favorable à l’introduction d’un commissaire du Gouvernement, comme tend à le prévoir l’amendement n° 24.

À l’instar de Mme le rapporteur, je vous prie donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement et de vous rallier à l’amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tous les arguments ont été avancés sur cet amendement, mais j’aimerais insister sur le fait que consulter les utilisateurs et prendre en compte leur avis ne serait pas sans conséquences.

Les sociétés de gestion des droits d’auteurs sont toutes les mêmes. Elles sont toutes composées de la même manière. La disposition qui nous est proposée nécessiterait donc une réforme d’ensemble et une large concertation. Or tel n’est pas l’objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

En outre, la représentation des utilisateurs – les présidents d’universités, les bibliothécaires, vous, nous… – serait impossible à mettre en œuvre.

Enfin, telle n’est pas la vocation des sociétés de gestion des droits d’auteurs.

Néanmoins, vous posez une bonne question, chère collègue. Peut-être le fonctionnement de ces sociétés, en particulier sur les questions de rémunération, est-il opaque pour le grand public ?

Mais franchement, s’il était adopté, votre amendement déstabiliserait un système très précis, très codifié. Il introduirait un élément peu professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Non, je vais le retirer, monsieur le président, car je n’ai pas l’intention de bloquer l’adoption de ce texte essentiel.

J’entends bien les arguments qui sont avancés. Toutefois, il me semble important que l’on puisse trancher entre les considérations marchandes et les considérations culturelles.

Mon intention n’est pas que tous les consommateurs soient représentés au sein de ces sociétés, je tiens juste à ce que l’intérêt des utilisateurs soit pris en compte. À cet égard, j’ai bien précisé qui étaient les utilisateurs. Pour mémoire, il s’agit des universités, de bibliothèques publiques, lesquelles formeront le lectorat qui donnera une nouvelle vie commerciale aux œuvres mises à disposition.

Ce que je souhaite, c’est que cette nouvelle vie commerciale ne se fasse pas au détriment des capacités d’utilisation des utilisateurs publics.

Je reviendrai sur cette question, car il me semble nécessaire de préserver les intérêts des utilisateurs publics. Ce sont eux qui feront la promotion de la lecture publique et qui, je le répète, formeront la future clientèle des livres numériques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Mme Gillot et moi avons déjà évoqué cette question. Nous avons en commun la volonté de faire en sorte que toutes les possibilités offertes par la numérisation soient pleinement utilisées.

Je suggère donc, ma chère collègue, que nous nous ralliions à l’amendement de Mme le rapporteur qui tend à prévoir l’introduction d’un commissaire du Gouvernement. Ce matin, en commission, j’ai même proposé que le rôle de ce dernier soit précisé davantage de façon à être sûr qu’il agira de façon active.

Sur ce point, nos préoccupations convergent absolument, chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 3 est retiré.

L'amendement n° 4, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le montant des sommes perçues par un auteur au titre d’un livre ne peut être inférieur au montant des sommes perçues par l’éditeur ;

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Nous souhaitons sécuriser la situation des auteurs dans le cadre de l’exploitation numérique de leurs œuvres.

Il est essentiel que cette exploitation constitue pour eux non pas un préjudice, mais une nouvelle chance. Aussi souhaitons-nous que ce mode d’exploitation leur garantisse une rémunération au moins égale à celle de l’éditeur.

La disposition que nous proposons est d’une grande souplesse. Cet amendement tend en effet à laisser ouverte la négociation entre les parties pour fixer les taux de rémunération, soit au cas par cas, soit par le biais d’accords collectifs.

En l’absence de tels accords, je souhaite qu’on garantisse une répartition des droits à parité entre l’éditeur et l’auteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Je partage complètement votre inquiétude, chère collègue. La disposition que vous nous proposez permettrait de protéger les auteurs et d’éviter qu’un rapport de force qui leur serait ponctuellement défavorable au sein de la société de gestion ne nuise à leurs intérêts.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je le regrette, mais le Gouvernement n’est pas d’accord.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement pense que le quantum de rémunération ne doit pas être fixé dans la loi. La rémunération des titulaires de droits doit être librement déterminée par la société de gestion collective dans la mesure où elle est le corollaire du transfert de l’exercice de leur droit d’exploitation organisé par la loi.

De plus, les auteurs et les éditeurs étant représentés à parité parmi les sociétés et au sein des organes dirigeants de la société, votre souci de préserver la juste rémunération des auteurs sera pris en compte, madame la sénatrice.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 23, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

pour identifier et retrouver les titulaires de droits

par les mots :

afin d’effectuer des recherches avérées et sérieuses permettant d’identifier et de retrouver les titulaires de droits

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à renforcer les obligations des sociétés de perception et de répartition des droits agréées, lesquelles devront se donner les moyens d'effectuer des recherches avérées et sérieuses afin d'identifier et de retrouver les ayants droit des livres indisponibles.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

La précision que vise à introduire l’amendement est utile. Le Gouvernement y est donc favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 24, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« IV. - Un commissaire du Gouvernement participe aux assemblées délibérantes de la ou des sociétés agréées. Il s'assure notamment que les recherches avérées et sérieuses de titulaires de droits ont bien été menées.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici l’amendement que nous attendions !

Il a pour objet de renforcer le contrôle sur les sociétés de perception et de répartition des droits agréées. À cet effet, il tend à prévoir qu’un commissaire du Gouvernement participera à leurs assemblées délibérantes – conseil d'administration, directoire ou assemblée générale. Il aura notamment pour rôle de s'assurer que les recherches des ayants droit sont effectivement menées à bien.

Cet amendement devrait vous satisfaire en partie, madame Gillot, monsieur Legendre : l’intérêt général sera garanti par la présence du commissaire du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Avis favorable ! Nous nous retrouvons tous sur cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs !

En effet, la désignation d’un commissaire du Gouvernement permettra de mieux prendre en compte les intérêts des ayants droit qui ne seraient éventuellement pas représentés au sein de la société de gestion collective. Vous avez donc satisfaction, madame Gillot.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 25, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-4. – I. - L’auteur ou l’éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d’un livre indisponible peut s’opposer à l’exercice du droit d'autorisation mentionné au premier alinéa du I de l'article L. 134-3 par une société de perception et de répartition des droits agréée. Cette opposition est notifiée par écrit à l’organisme mentionné au premier alinéa de l’article L. 134-2 au plus tard six mois après l’inscription du livre concerné dans la base de données mentionnée au même alinéa.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement a une visée rédactionnelle.

Il renforce en outre la possibilité pour les auteurs de ne pas intégrer le système de gestion collective en indiquant par avance, avant même l'inscription de l'un de leurs livres dans la base de données des livres indisponibles, qu'ils s'opposent à l'exercice du droit d'autorisation d'exploitation par les sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD.

Autrement dit, cet amendement vise à permettre aux auteurs d’exprimer a priori leur opposition, bien avant que leurs livres soient indexés par la BNF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 16, seconde phrase

Remplacer les mots :

six mois

par les mots :

un an

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 9 que je maintiens par cohérence intellectuelle. La même cohérence de la part du Gouvernement et de la commission aboutira, je pense, à ce qu’il connaisse le même sort !

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Mme Cukierman lit les intentions du Gouvernement comme dans un livre ouvert ! Mêmes causes, mêmes effets : nous préférons maintenir les six mois. Aussi, Mme Cukierman, je souhaiterais que vous retiriez l’amendement n° 11.

En revanche, l’amendement n° 25 apportant une précision utile, le Gouvernement y est favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, l'amendement n° 11 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 26, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'auteur d'un livre indisponible peut s'opposer à l'exercice du droit de reproduction ou de représentation de ce livre si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation. Ce droit est exercé sans indemnisation.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à permettre aux auteurs, mis par la loi dans une situation de présomption d'accord pour l'intégration de leurs livres dans un système de gestion collective, d'exercer à tout moment leur droit d'empêcher l'exploitation d'un de leurs ouvrages qui pourrait nuire à leur honneur ou à leur réputation, sans contrepartie financière à l'éditeur.

Disons les choses plus simplement : des livres ont pu être produits dans des périodes particulières, pendant la guerre par exemple. Des propos tenus ou écrits à cette occasion peuvent être regrettés par la suite. Cet amendement vise à donner aux auteurs la possibilité d’empêcher l'exploitation d’une œuvre quand elle pourrait nuire à leur honneur ou leur réputation.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement retient les raisons liées à l’histoire que Mme le rapporteur vient d’évoquer. Il est donc favorable à cet amendement qui introduit une nouvelle disposition protectrice du droit exclusif de l’auteur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 27, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Après l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, l'héritier de l'auteur d'un livre indisponible peut, si la reproduction ou la représentation de ce livre est susceptible de nuire à son honneur ou à sa réputation, demander l'insertion de l'expression de son désaccord sur le contenu du livre. Ce droit est exercé sans indemnisation et dans des conditions définies par décret.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement a été adopté par la commission afin de pouvoir être discuté en séance publique. Je dois avouer avoir été assez isolée au sein de la commission dans sa défense. Je suis néanmoins convaincue de sa pertinence.

La présente proposition de loi prévoit un dispositif très spécifique qui vise à déposséder les ayants droit de la possibilité d’autoriser la publication des livres indisponibles. Certains héritiers vont donc voir réapparaître des œuvres totalement inconnues d’eux-mêmes comme du grand public, rédigées dans des contextes très particuliers, comme ceux que je viens de rappeler, et susceptibles de nuire à leur réputation.

Il n’est pas proposé ici de les autoriser à censurer l’ouvrage. Cet amendement vise uniquement à les autoriser, s’ils ont outrepassé le délai de six mois leur permettant de s’opposer à la publication, d’exprimer leur désaccord sur le contenu de l'œuvre. Il s’agit en quelque sorte de leur permettre de se prémunir contre les réactions du grand public à la réédition en format numérique d’un ouvrage sorti de son anonymat et de son contexte.

En réalité, nous souhaitions proposer que les ayants droit puissent rédiger une postface pour manifester leur désaccord, ce qui a suscité un débat au sein de la commission.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement est bien ennuyé ! D’un côté, il comprend l’intention de Mme le rapporteur. Mais, d’un autre côté, la rédaction de l’amendement, visant à autoriser l’héritier à « demander l’insertion de l’expression de son désaccord sur le contenu du livre », lui paraît quelque peu incertaine sur le plan juridique. Or nous écrivons la loi. Il faut que sa rédaction soit certaine, pour que ses conséquences ne soient pas détournées de son but.

Je souhaiterais donc, madame le rapporteur, que vous puissiez continuer à travailler sur sa rédaction au cours de la navette.

Pour l’instant, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dans l’attente du travail qui sera mené conjointement avec l’Assemblée nationale pour lui trouver une rédaction plus précise juridiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Nous avons effectivement eu un débat en commission sur cet amendement ce matin. Nous en comprenons tous l’intention. Nous avons tous été d’accord pour accorder à l’auteur le droit de retirer ou de ne pas faire republier un livre, s’il estime avoir commis antérieurement une erreur ou si le livre contenait des idées qu’il regrette d’avoir exprimées.

Mais donner à un ayant droit, cinq, dix, voire trente ans plus tard, le droit d’écrire sur la nouvelle publication tout le mal qu’il pense de l’auteur, pose à mon avis un sérieux problème.

L’honneur d’un auteur peut être entaché par une publication. L’honneur de Céline ne s’est jamais remis de la publication de Bagatelles pour un massacre. Mais faut-il pour autant donner à un petit-fils ou à un arrière-neveu, bref à un quelconque ayant droit, le droit de fustiger une œuvre dont la reproduction aurait été décidée ? C’est à l’opinion publique de se faire juge, pas à un ayant droit.

Voilà pourquoi nous avons souhaité, Mme le rapporteur et moi, que ce débat ait lieu en séance publique, dans le souci de protéger les auteurs, mais aussi de respecter la liberté d’appréciation du public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Même si elle part d’un sentiment juste et louable, cette proposition d’amendement, qui vise à protéger les ayants droit, peut être dangereuse dans la mesure où elle leur donne un pouvoir qu’ils n’ont pas à avoir : celui de juger publiquement une œuvre.

Ce n’est pas à la loi de se prononcer sur la manière de régler les problèmes familiaux, si douloureux et compliqués soient-ils. Il faut laisser les auteurs maîtres de leurs œuvres et responsables des conséquences qu’elles peuvent avoir. Les ayants droit ne sont là, s’ils le souhaitent, que pour acter. Libre à eux d’exprimer publiquement, dans un autre ouvrage, dans la presse ou sur internet, leur désapprobation !

La question méritait en tout cas d’être posée, et la réflexion doit se poursuivre. Il faut donc faire preuve de sagesse sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

L’histoire est l’histoire. Ce qui a été dit a été dit, ce qui a été fait a été fait ! Jacques Legendre vient d’exprimer, avec la délicatesse qu’on lui connaît, son sentiment sur le sujet, et je souscris totalement à ses propos.

Je souhaite que cet amendement soit retiré car il étend le périmètre de la liberté des ayants droit au-delà de ses limites. Je me demande même s’il fallait voter l’amendement n° 26. Un auteur peut regretter ce qu’il a écrit. Il a aussi le droit de le redire, plus tard. Mais l’histoire n’a pas à être déformée. Or là, on en arrive presque à la contrefaçon historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Autant je pense que l’on peut laisser à l’auteur la liberté de s’opposer à la réédition de son livre – c’est l’objet de l’amendement n° 26 – car cela n’empêche pas son livre d’exister et d’être disponible pour les chercheurs et les historiens, autant il me semble que donner à des ayants droit, dont on ne connaît pas les antécédents, dont on ne connaît ni le lien ni les antagonismes avec l’auteur, un droit d’atteinte à l’œuvre qui subsiste après la disparition de ce dernier est excessif.

Comme l’indiquait Mme Cukierman, les ayants droit peuvent toujours s’exprimer par le biais de la presse ou d’un ouvrage contradictoire. C’est justement ainsi que se construit l’histoire : par l’échange d’arguments opposés qui sont jugés par l’opinion publique dans une perspective historique.

Quant à l’honneur et la réputation d’une personne, je pense que les historiens eux-mêmes ne peuvent pas nous en donner de définition, car elle change au fil des années et des époques successives. L’histoire est faite d’analyses et de points de vue différents qui convergent ou divergent tour à tour.

Je ne voterai donc pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n’est pas qu’une question d’histoire, c’est aussi une question de nature de l’œuvre. Les liens temporels, familiaux, de l’ayant droit avec l’auteur d’une œuvre peuvent parfois s’avérer pour le moins bizarres. L’ayant droit ne peut donc, au moment où une œuvre est remise à la disposition du public, avoir le droit de la dénigrer par l’adjonction d’une postface sur l’ouvrage lui-même ! En revanche, les ayants droit, comme les historiens, les journalistes, les critiques et bien d’autres ont le droit de s’exprimer et de dire ce qu’ils pensent de l’œuvre vingt ou cent ans après sa publication.

Il ne faut pas oublier que l’ayant droit a six mois pour refuser la publication de l’œuvre.

M. Plancade acquiesce

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

D’autant que, évoluant dans le monde moderne – il faut toujours considérer le droit en fonction de l’époque –, cet ayant droit aura tout loisir de se démarquer de l’œuvre et de dire ce qu’il en pense grâce à Internet, dans un blog par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il est vrai qu’avant il fallait « coller » à l’édition pour pouvoir atteindre les lecteurs de l’œuvre. Aujourd'hui, les moyens d’exposer sa position par rapport à elle sont plus larges et dépassent le cercle de ses lecteurs.

Aussi, je souhaiterais que cet amendement soit retiré, …ce que je pourrais faire moi-même d’ailleurs !

Rires et applaudissements sur diverses travées

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Ce débat est très intéressant et doit donc être poursuivi.

En définitive, les droits des ayants droit sont d’ordre juridique et financier.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Sont-ils d’ordre intellectuel ? Pour pousser le raisonnement un peu loin, peut-on imaginer qu’à côté d’un tableau de Picasso – heureusement, d’ailleurs, que cette proposition de loi concerne non pas toutes les œuvres mais les livres seulement ! – un ayant droit explique que ledit tableau comporte des éléments qu’il n’approuve pas ? Cela me semble impensable ! De la même manière, peut-on donner à un ayant droit le droit de livrer son appréciation sur le contenu d’une œuvre écrite il y a des décennies, par un auteur aujourd'hui décédé, et ce par une mention sur l’œuvre elle-même ?

Le Gouvernement est interpellé par la nature de l’amendement. Il est prêt à en discuter, mais il préférerait que Mme le rapporteur accepte de le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je tiens simplement à dire que de la discussion jaillit la lumière. Ce débat est intéressant, et il doit se poursuivre.

Monsieur le ministre, vous avez raison, ce serait dommage pour tous qu’un ayant droit veuille placer un carré blanc sur l’Origine du monde de Courbet !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’amendement n° 27 visait plutôt à protéger les droits moraux des ayants droit. Un ayant droit partageant le patronyme d’un auteur peut considérer que son honneur ou sa réputation seront offensés.

De toute façon, il était utile que ce débat ait lieu. Le compte rendu en sera publié au Journal officiel. Peut-être l’Assemblée nationale pourra-t-elle, ultérieurement, introduire dans le texte, des éléments plus intéressants ou pertinents sur le plan juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’amendement n° 27 est retiré.

L’amendement n° 28, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. – L'éditeur ayant notifié son opposition dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter dans les deux ans suivant cette notification le livre indisponible concerné. Il doit apporter par tout moyen la preuve de l'exploitation effective du livre à la société agréée en vertu de l'article L. 134-3. À défaut d'exploitation du livre dans le délai imparti, la mention de l'opposition est supprimée dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2 et le droit d'autoriser sa reproduction et sa représentation sous une forme numérique est exercé dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à soulager la BNF de la mission consistant à juger l’effectivité de l’exploitation des livres indisponibles. Il ne convient pas en effet d’ajouter à sa mission présente, qui est claire, des tâches complémentaires.

La SPRD doit être l’interlocuteur unique des éditeurs, s’agissant des preuves que ceux-ci doivent apporter de l’exploitation effective des livres indisponibles.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car il vise à permettre un meilleur contrôle par la SPRD de l’exploitation effective de l’œuvre par l’éditeur.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’amendement n° 5, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L’exploitation de l’œuvre dans les conditions prévues au présent article ne préjuge pas de l’application des articles L. 132-12 et L. 132-17.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement tend à préciser que l’obligation faite à l’éditeur d’assurer l’exploitation et la diffusion d’une œuvre qu’il a éditée, ainsi que les conditions de rupture et de résiliation du contrat d’édition, prévues aux termes du code de la propriété intellectuelle, s’applique même dans le cadre de l’exploitation obligatoire pendant deux ans de cette œuvre, découlant de l’opposition de l’éditeur de confier l’exploitation numérique de celle-ci à une SPRD.

Il s’agit de préciser que l’exploitation effective de l’œuvre en mode numérique ne doit pas interférer avec l’épuisement de l’œuvre, déjà prévu dans le code de la propriété intellectuelle. Cette disposition est protectrice aussi bien des auteurs, qui pourront contester l’exploitation, que des éditeurs, qui pourront continuer à se prévaloir des clauses de résiliation pour le livre papier prévues aux termes du contrat d’édition. Cette précision vise donc à garantir les droits de chacun.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement apporte une clarification pertinente. En effet, l’éditeur devra prouver, dans le cadre de l’article L.134-4, qu’il exploite le livre de manière effective. L’interprétation qui sera faite de cette notion par la SPRD ne doit pas préjuger de celle qui pourrait être faite par les juges s’agissant de l’exploitation permanente et suivie, au sens de l’article L.132-12 du code de la propriété intellectuelle.

L’avis de la commission est donc favorable.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je comprends le souci de Mme Gillot mais, en la matière, les articles L. 132-12 et L. 132-17 du code de la propriété intellectuelle relatifs au droit d’auteur s’appliquent de plein droit. Toutefois, si cela allait sans dire, cela va peut-être mieux en le disant...

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’amendement n° 29, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 134-5. – À défaut d’opposition notifiée par l’auteur ou l’éditeur à l’expiration du délai prévu au I de l’article L. 134-4, la société de perception et de répartition des droits propose une autorisation de reproduction et de représentation sous une forme numérique d’un livre indisponible à l’éditeur disposant du droit de reproduction de ce livre sous une forme imprimée.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Il est favorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’amendement n° 34, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 21

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf dans le cas mentionné à l'article 134-8

II. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-... – Si aucun titulaire du droit de reproduction d'un livre sous une forme imprimée autre que l'éditeur n'a été trouvé dans un délai de dix années après la délivrance de la première autorisation d'exploitation dudit livre indisponible sous une forme numérique, la reproduction et la représentation de ce livre sous une forme numérique est autorisée par la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 à titre gratuit et non exclusif.

« L’exploitation de ce livre sous une forme numérique est gratuite.

« L’auteur ou l’éditeur titulaire du droit de reproduction de ce livre sous forme imprimée peut recouvrer à tout moment le droit exclusif de reproduction et de représentation de ce livre sous forme numérique, dans les conditions prévues à l’article L. 134-6.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à traiter le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé, après des recherches avérées et sérieuses menées par la SPRD pendant dix ans.

L’exploitation de ces ouvrages devra être autorisée par la SPRD à titre gratuit et non exclusif. Tout utilisateur pourra ainsi numériser les livres indisponibles concernés et les exploiter ; il devra le faire à titre gratuit.

Cet amendement ouvre ainsi la possibilité aux bibliothèques de mettre à la disposition du public de nombreuses œuvres indisponibles qu’elles auraient numérisées.

Les ayants droit qui se feraient connaître auprès de la société de perception et de répartition des droits après ces dix ans pourraient récupérer l’intégralité de leurs droits.

Pour résumer, il s’agit d’autoriser, après dix ans, une exploitation à titre gratuit non exclusif, ce qui inciterait les éditeurs et la SPRD à effectuer des recherches avérées et indispensables. Le couperet tombant au terme de ce délai, on peut penser que les SPRD seront enclines à mener ces recherches.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le Gouvernement salue l’esprit généreux de cet amendement, mais ne saurait donner un avis favorable.

Tout en préservant le principe d’une autorisation préalable, il introduit l’extinction du droit à rémunération pour les auteurs que la SPRD n’aurait pas retrouvés au terme d’une période de dix ans. Il tend également à mettre en place, pour de tels livres, le principe d’une exploitation exclusivement gratuite.

Il vise – et c’est en cela qu’il est généreux – à permettre la mise à disposition gratuite d’œuvres orphelines au bénéfice du plus grand nombre par l’intermédiaire, notamment, des bibliothèques publiques.

Si le Gouvernement salue cette générosité, il s’interroge néanmoins sur d’éventuels effets contraires aux intentions du Sénat.

En effet, madame le rapporteur, je ne peux pas émettre un avis favorable tant que les interrogations suivantes restent sans réponse.

Tout d’abord, ces livres, s’ils n’ont pas d’auteur répertorié, ont en revanche un éditeur. Or l’interdiction de percevoir, à terme, une rémunération n’est pas de nature à susciter l’exploitation commerciale. La proposition de loi manquerait alors son objectif.

Ensuite, ces livres sous droits d’auteur seraient diffusés, paradoxalement, sous un régime plus strict que les livres du domaine public, qui peuvent, quant à eux, faire l’objet d’exploitation marchande et apporter des ressources propres aux bibliothèques, objectif que nous cherchons à atteindre.

Enfin, le numérique permet de concevoir des modèles de diffusion du livre qui dépassent la commercialisation titre à titre, en particulier sous forme de bouquets thématiques ou de corpus éditorialisés. En imposant la gratuité de certains livres, ne risque-t-on pas de freiner le développement de ces produits éditoriaux enrichis ? Ne condamne-t-on pas ces livres à l’isolement ? Je n’ai pas, dans l’immédiat, de réponse à ces questions.

En outre, l’objectif de gratuité peut s’avérer en partie illusoire, car des acteurs très puissants de l’internet – sur lequel nous n’avons aucun moyen d’intervention –, fondant leur modèle économique sur la rémunération publicitaire issue du trafic sur leur site, pourraient être les principaux bénéficiaires d’une telle mesure, ce qui serait contraire aux objectifs de la proposition de loi et aux souhaits de Mme le rapporteur.

Cette disposition généreuse risque ainsi d’avoir des effets collatéraux très importants. Elle pourrait favoriser des pratiques qui enrichiraient des diffuseurs profitant de l’avantage donné à des fins purement commerciales.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable. J’en suis désolé, car nous avons travaillé dans un esprit très constructif.

Nous allons réfléchir à une rédaction prenant en compte vos préoccupations touchant aux bibliothèques publiques, madame le rapporteur. Peut-être trouverons-nous un accord dans ce cadre ? Pour notre part, nous y sommes prêts.

Dans cet esprit consensuel, et au bénéfice de l’engagement que je prends d’approfondir la réflexion sur les bibliothèques publiques, je vous demande, madame le rapporteur, de bien pouvoir retirer votre amendement. Pour l’instant, il y a trop de questions en suspens ... À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

J’entends bien les arguments de M. le ministre, mais il nous faut revenir au texte de l’amendement. Celui-ci vise à traiter le cas des livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé après des recherches avérées et sérieuses menées par la SPRD pendant dix ans, avec la coopération du commissaire du Gouvernement, qui doit valider l’effectivité des recherches et établir un rapport.

Dans le cas où des ayants droit n’auraient pas été trouvés au terme de ce délai de dix ans, il serait dommage que ces livres tombent dans l’oubli, dans l’indifférence, alors même que se trouvent peut-être, parmi eux, des trésors.

Cet amendement présente l’avantage de permettre l’exploitation de ces ouvrages à la suite de l’autorisation de la SPRD, mais simplement à titre gratuit et non exclusif. Autrement dit, personne ne pourra gagner d’argent avec la numérisation de ces livres. En outre, une garantie est prévue : les ayants droit qui découvriraient, à l’occasion de sa nouvelle vie, l’intérêt d’un ouvrage écrit par un illustre parent, pourraient se faire connaître et récupérer les droits d’auteur.

Imaginez qu’une bibliothèque publique exhume de son fonds un ouvrage qu’elle détient depuis plus de quinze ans et que celui-ci obtienne un prix littéraire particulièrement rémunérateur ; je suis certaine que des ayants droit se feraient alors connaître.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

J’avoue éprouver un certain embarras. J’ai accepté cet amendement ce matin, en commission, et je suis donc solidaire de la position de la commission de la culture. Mais, si je l’ai voté, c’était au bénéfice de l’intention, parfaitement louable, de favoriser la publication.

Toutefois, certains des arguments avancés par le Gouvernement sont assez persuasifs. Si un éditeur ne peut rien espérer de la mise en circulation d’un livre, il ne sera pas incité à l’éditer. Cette absence de motivation pose un vrai problème, alors même que nous souhaitons, au contraire, que ces œuvres soient publiées.

À ce stade du débat, je reconnais donc la pertinence des observations du Gouvernement. Je n’ai pas, pour ma part, de solution à apporter. Je pense que nous devons prendre acte de ces remarques et poursuivre cette réflexion, notamment avec l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Je partage le point de vue de M. Legendre. S’il n’y a aucun intérêt à publier ces œuvres, personne ne les éditera et elles tomberont dans l’oubli.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Certes, et nous devons réfléchir à la question des bibliothèques publiques. De ce point de vue, il ne faudrait pas retirer cet amendement sans contrepartie.

Au demeurant, si leur publication ne présente pas d’intérêt autre qu’intellectuel, le risque est grand que ces œuvres ne soient pas publiées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet échange est intéressant. Je considère, comme Mme la rapporteure et Mme Gillot, que nous sommes à un point d’équilibre du texte.

Dans un esprit constructif, nous avons fait en sorte que cette proposition de loi puisse être discutée rapidement et nous avons évité les affrontements partisans, alors même que ce texte émane de la droite. Nous avons en effet considéré qu’il nous fallait légiférer sur ce sujet important.

Je le dis d’emblée, le rejet de cet amendement mettrait à mal le consensus que nous souhaitons atteindre.

Cela dit, le Gouvernement a présenté trois arguments intéressants.

Il soutient, tout d’abord, qu’une telle disposition freinerait la numérisation des livres, car les éditeurs n’auraient plus d’intérêt économique à publier.

Rappelons que les éditeurs pourront exploiter en exclusivité pendant dix ans les livres orphelins. De ce fait, ils pourront rentabiliser la numérisation du livre, numérisation qui est, ne l’oublions pas, conformément à la volonté du Gouvernement et du Parlement, soutenue par le grand emprunt. En quoi la mesure proposée freinerait-elle alors la numérisation ? Votre premier argument, monsieur le ministre, n’est donc pas complètement pertinent.

Par ailleurs, j’en suis persuadé, les bibliothèques ou les opérateurs privés, bien connus de chacun d’entre nous, n’hésiteront aucunement à numériser les livres. Le présent amendement ne les bloquera en rien. Il faut purger notre débat de toute fausse peur.

Selon le deuxième argument que vous avez exposé, monsieur le ministre, l’exploitation gratuite des ouvrages visés entraînerait la disparition des droits d’auteur. Peut-être, mais précisément ces ouvrages n’ont plus ni auteur ni ayants droit ! Ceux-ci ont été cherchés sérieusement, mais en vain, pendant dix ans, selon un mécanisme que nous avons mis au point. Les droits d’auteur ont été perçus par la société de gestion collective, qui ne les a donc pas reversés. L’auteur, qui demeure introuvable, n’est en rien spolié.

Il me semble légitime dans ces conditions que le grand public puisse finalement accéder gratuitement à ces œuvres. La commission, en déposant l’amendement n° 34, s’est souciée de l’intérêt général, lequel doit parfois primer sur tel ou tel intérêt particulier.

Enfin, autre argument, monsieur le ministre : selon vous, l’adoption de cet amendement imposerait la gratuité des livres orphelins, gratuité qui n’a pas cours pour les livres tombés dans le domaine public.

Cet amendement serait donc trop vertueux. Pour notre part, nous aurions tendance à nous en féliciter. Mais les éditeurs de ces œuvres auront dix ans d’exploitation pour s’assurer d’une rémunération rentable, alors que les œuvres du domaine public ne bénéficient pas d’un tel régime !

Au demeurant, la navette commençant, on peut imaginer, monsieur le ministre, que, pour éviter le déséquilibre que vous avez mentionné entre les livres tombés dans le domaine public et les autres, le Gouvernement dépose un amendement tendant à rendre tout le secteur vertueux et à imposer une exploitation gratuite des œuvres du domaine public après dix ans de commercialisation numérique. Si une telle disposition était présentée au Sénat ou en commission mixte paritaire, je la voterais.

Bref, monsieur le ministre, vous jugez que les auteurs de l’amendement n° 34 sont animés de bons sentiments et vous ne disposez pas d’arguments suffisamment pertinents pour nous convaincre d’arrêter d’être vertueux.

Vous demandez du temps pour que l’on réfléchisse aux conséquences de la mesure. Mais le groupe de travail sur l’adaptation du contrat d’édition au numérique est en place. Il va livrer ses réflexions au Gouvernement avant la réunion de la commission mixte paritaire, dans environ un mois. Au cours de la navette, et au plus tard en commission mixte paritaire, nous pourrons, les uns et les autres, tenir compte en toute bonne foi des informations que nous aurons alors obtenues, pour élaborer le texte final.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le fait que cette proposition de loi était portée par un consensus. Lorsqu’il en est ainsi – et ce n’est pas la première fois pour la commission des lois – sur un sujet mouvant, lié comme celui-ci à la révolution numérique, qui exige efficacité et convergence de vues, il ne faut pas que ce consensus soit rompu, ce qui enlèverait de la force à la démarche entreprise. L’examen de ce texte doit donc demeurer consensuel. Si cet amendement est adopté – ce qui adviendra certainement puisqu’il émane de la majorité – nous voterons la proposition de loi. Dans le cas contraire, nous ne le pourrons pas.

Et si, au cours de la navette, vous l’enleviez du texte de façon inconsidérée, sans tenir compte de nos arguments, la proposition de loi serait vidée d’une partie de son contenu que nous considérons comme indispensable à notre acceptation. Je vous lance donc un appel à poursuivre le travail engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Claude Dilain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Dans le domaine des activités culturelles, heureusement, l’intérêt économique n’est pas le seul. De nombreux éditeurs publient sciemment des livres alors qu’ils savent qu’ils ne gagneront rien, voire qu’ils seront perdants. Si un tel état d’esprit n’existait pas, nous serions passés à côté de quelques poètes et de quelques philosophes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Cet amendement, important pour les bibliothèques, me tient à cœur. Il a recueilli un large consensus lors des travaux de la commission, qui a émis un avis favorable ce matin. En réalité, nous souhaitons instituer des garanties pour cette rencontre entre les lecteurs et les éditeurs, à l’époque où le numérique prend de plus en plus de place, sans toutefois que nous sachions de quoi demain sera fait.

Loin de moi l’idée d’un quelconque chantage mais, mes chers collègues, du vote de cet amendement, qui est l’aboutissement de réflexions collectives, intellectuelles, de prises de position politiques, dépendra notre position sur la proposition de loi. Pour ma part, je le voterai comme, je le souhaite, nombre d’entre vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Ce matin, j’ai adhéré à la position commune émise par la commission sur le présent amendement et il n’est pas question que je m’en désolidarise lors du vote en séance publique.

En toute bonne foi, je crois cependant que certains des arguments mis en avant par M. le ministre méritent eux aussi considération. Au-delà des équilibres politiques, nous devons essayer de rédiger le texte le meilleur et le plus opérationnel possible au cours de la navette. Je souhaite que le texte qui résultera de nos travaux poursuive son chemin à l’Assemblée nationale. Ne fermons la porte à rien !

En ce qui me concerne, je voterai l’amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Je voterai moi aussi cet amendement.

Je tiens néanmoins à souligner que la discussion qui a eu lieu a été ouverte et exempte d’a priori politique. Pour ma part, je ne mets pas en balance l’adoption de cet amendement et celle de l’ensemble de la proposition de loi, qui présente un intérêt certain.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je comprends bien que l’on puisse changer d’avis et aborder les questions de manière différente. Néanmoins, le Gouvernement, quant à lui, reste sur sa position. En tout cas, je considère comme excessif de faire dépendre le vote de cette proposition de loi, qui représente un grand progrès pour l’exploitation numérique, de l’adoption de l’amendement n° 34. En effet, les interrogations que j’ai soulevées, au nom du Gouvernement, sont réelles. Tout à l’heure, malgré votre désaccord, que je peux comprendre, vous avez reconnu que certains de mes arguments méritaient d’être pris en compte.

Monsieur Assouline, je n’ai pas dit que cet amendement était vertueux, j’ai dit qu’il était généreux. Cela dit, la générosité n’est-elle pas une vertu ? §

J’aurais parlé, selon vous, de la suppression des droits d’auteur. Pas du tout ! J’ai parlé des éditeurs.

Monsieur Assouline, vous ne pouvez pas nier que la mise en place du système de numérisation soit un acte économique très onéreux. L’exploitation à long terme garantit l’intérêt des acteurs économiques. Si, par des dispositions les privant de perspectives de rentabilité, on décourage ces derniers, qui fera le travail ? L’interdiction de percevoir à terme une rémunération n’est pas de nature à susciter l’exploitation commerciale.

En adoptant cet amendement, vous risquez d’aller à l’encontre de l’objet de la proposition de loi. Dans ces conditions, ne devez-vous pas vous interroger ? Le Gouvernement estime cet amendement généreux, mais considère qu’il présente plusieurs inconvénients.

J’ai bien compris qu’un consensus s’était dégagé sur ce sujet. Mais, et ce n’est pas une question de droite ou de gauche, je me dois de vous dire : attention !

J’ai évoqué en dernier lieu les acteurs d’Internet, sujet sur lequel vous n’êtes pas revenu, monsieur Assouline.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, j’aimerais attirer votre attention sur un point. Je vous entends à longueur de journée affirmer que le marché a besoin de régulation. Je suis d’ailleurs prêt à partager certaines de vos réflexions sur ce sujet. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent à tout prix favoriser l’enrichissement des actionnaires de certains groupes. Avec mon ami Jacques Legendre, nous nous sommes battus pour la participation, pour l’association capital-travail. Je n’ai aucun complexe à cet égard.

Je disais donc que vous, qui êtes pour la régulation, en arriviez à favoriser l’exploitation à titre gratuit de produits sur des sites internet qui en tireront des profits financiers me choque particulièrement. Au nom de vos principes, je m’oppose donc à l’amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Mme Dominique Gillot. Je souhaite vous rassurer, monsieur le ministre : il ne s’agit pas d’ouvrir des droits à des exploitants commerciaux. Nous pourrions d’ailleurs modifier l'amendement pour donner aux seules bibliothèques la possibilité de mettre à disposition du public les œuvres indisponibles qu’elles auront numérisées. Aucun bénéfice ne sera réalisé sur des œuvres mises en circulation par les bibliothèques publiques.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Ce débat est extrêmement intéressant. Au demeurant, nous savions que cet amendement serait un point important de la discussion.

Chacun a exprimé son opinion.

Monsieur le ministre, permettez-moi d’exprimer, au nom de vos principes

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Si les arguments qui sont exposés lors de la commission mixte paritaire nous convainquent que cet amendement heurte effectivement nos principes – mais il faudra le démontrer –, nous trouverons une rédaction plus équilibrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Mme Gillot a proposé un sous-amendement, et j’aimerais donc qu’il soit examiné avant que nous votions sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mon cher collègue, Mme Gillot n’a pas déposé de sous-amendement : elle s’est contentée de faire une suggestion orale.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Nous ne sommes pas ici pour nous livrer à un marchandage sur un amendement. Je souhaite, à titre personnel, bien sûr, mais aussi au nom de Frédéric Mitterrand et pour tous les acteurs concernés, que nous rédigions la meilleure loi possible.

Le Gouvernement estime, je le maintiens, que cet amendement comporte des risques.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Ces risques nous interdisent d’émettre un avis favorable.

Monsieur Assouline, je ne retire rien à ce que j’ai dit : n’oubliez pas que c’est la publicité qui permettra aux acteurs économiques d’Internet de dégager des revenus. Or, avec le système que vous souhaitez instaurer, ils ont de beaux jours devant eux ! Sincèrement, cela me choque. Toutefois, je me doute que, la majorité étant majoritaire, cet amendement sera adopté, même si j’observe des réactions positives chez certains de ses membres…

S'agissant des bibliothèques publiques, madame Gillot, nous sommes prêts à travailler avec vous, mais pas aujourd'hui. Je ne suis pas ministre de la culture, et ne peux donc vous donner l’accord du Gouvernement à la place de Frédéric Mitterrand.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Mais vous pourriez être ministre de la culture !

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Plus sérieusement, il est clair que je ne peux pas accepter cet amendement sans avoir préalablement réfléchi à la manière dont les bibliothèques publiques pourraient être concernées. En revanche, je propose que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous en discutions dans l’état d’esprit constructif que nous avons évoqué tout à l'heure. Ne nous précipitons pas !

Mon but n’est pas de gagner contre vous ; tel n’est pas mon état d’esprit.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je le sais bien.

Je pourrais aussi vous dire que l’article 45 de la Constitution permet beaucoup de choses, que l’Assemblée nationale va de toute façon régler tout cela… Or je ne le dis pas ! Alors, monsieur Assouline, ne m’opposez donc pas des raisons politiciennes ! Moi, je ne fais pas de politique : j’essaie de faire la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous faites quand même un peu de politique, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

C’est vous qui dites : « Si cet amendement n’est pas adopté, mon groupe ne votera pas la proposition de loi ! »

Essayons plutôt d’avoir une discussion positive. Je vous propose une telle discussion. Frédéric Mitterrand m’a dit que je pouvais le faire. J’ai confiance en mon collègue et en ses collaborateurs : ils trouveront une solution s'agissant des bibliothèques publiques.

Pour l’heure, je maintiens l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez avancé un nouvel argument, monsieur le ministre, et je me dois donc d’y répondre, d’autant que vous avez interpellé une partie de l’hémicycle…

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

La majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… sur ses valeurs. Vous avez dit que vous ne les partagiez pas. Quoi qu'il en soit, ce sont nos valeurs.

Si j’ai bien compris, vous voulez absolument, contre notre gré et en contradiction avec vos propres valeurs ou principes, faire en sorte que Google soit bien encadré, alors que vous n’êtes pas partisan de cet encadrement, mais parce que nous, nous le sommes ! Vous faites donc le boulot à notre place !

Je ne vous demande pas tant de zèle, monsieur le ministre ! La question des grands groupes qui, à l’instar de Google, profitent du développement d’Internet, parce que, disposant des « tuyaux », ils peuvent désormais publier des contenus culturels en quantité importante, n’est pas tout l’objet de cette proposition de loi. Les enjeux économiques sont gigantesques, et il faut donc trouver des moyens, y compris fiscaux, de réguler ce secteur.

Comprenons-nous bien : Google n’aura pas la possibilité de commercialiser les livres indisponibles pour lesquels aucun ayant droit n’a été trouvé. Le but est même inverse : nous souhaitons que toute personne, dont Google, …

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je n’ai cité personne !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Certes, mais soyons francs !

… puisse avoir accès gratuitement à ces ouvrages, dans un souci de démocratisation.

Vous me répondrez que Google ou d’autres entreprises pourront obtenir une rémunération grâce à la publicité. Mais nous ne pouvons l’empêcher puisque c’est déjà le cas quel que soit le contenu ! Dès lors, la contribution à l’intérêt général doit être la contrepartie de cette rémunération. Cette contribution pourrait notamment prendre la forme d’une taxe sur la publicité.

Cela ne concerne pas uniquement le livre, mais l’ensemble des produits culturels : le cinéma, l’audiovisuel, etc. Il faudra bien réguler un jour ou l’autre cette captation de droits d’auteur ou de création sur Internet ! Sinon, il nous sera difficile d’éviter que les intérêts financiers ou mercantiles à court terme n’exercent un contrôle absolu sur ce qu’on peut voir ou non via les supports numériques et par Internet.

J’aimerais que vous reconnaissiez ma sincérité, monsieur le ministre. Je n’ai pas tenu de discours politicien ! J’ai simplement rappelé que notre groupe n’était pas l’auteur de cette proposition de loi et que nous l’aurions rédigée différemment, en y intégrant l’ensemble des amendements déposés, y compris ceux de Mme Cukierman et de Mme Gillot. Afin d’aboutir à un texte acceptable pour tous, des amendements ont été retirés au fur et à mesure, aussi bien en commission qu’en séance publique, tant par des membres de la majorité sénatoriale que par des membres de l’opposition.

Nous considérons que cet amendement est particulièrement important, y compris pour répondre aux préoccupations exprimées par les auteurs de tous les amendements qui ont été retirés. Je vous ai seulement demandé d’en tenir compte durant la navette parlementaire, afin que, si la rédaction actuelle n’était pas retenue in fine, nous puissions trouver, comme l’a rappelé M. Legendre, une rédaction opérationnelle, certes, mais qui intègre également le sujet que nous avons mis sur la table aujourd'hui. Or, pour que ce sujet reste sur la table, il faut que le présent amendement soit adopté par notre assemblée.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Rédiger ainsi cet alinéa :

« À défaut d’opposition de l’auteur apportant par tout moyen la preuve qu’il est le seul titulaire du droit de reproduction d’un livre sous une forme imprimée, l’éditeur ayant notifié sa décision d’acceptation est tenu d’exploiter, dans les trois ans suivant cette notification, le livre indisponible concerné. Il doit apporter à cette société, par tout moyen, la preuve de l’exploitation effective du livre.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement a pour objet de permettre aux auteurs de sortir à tout moment un livre indisponible du système dit « du droit de préférence » des éditeurs s'ils démontrent qu'ils détiennent l'intégralité des droits d'exploitation du livre en question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 23, première phrase

Supprimer les mots :

apportant par tout moyen la preuve de la fin du contrat d’édition visé au premier alinéa

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’amendement n° 13 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 30 ?

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 31, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 24

Après les mots :

à l'alinéa précédent

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique sont autorisées par la société de perception et de répartition des droits dans les conditions prévues au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 32, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 25

Après les mots :

les conditions prévues

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

au deuxième alinéa du I de l’article L. 134-3 est considéré comme éditeur de livre numérique au sens de l’article 2 de la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Il s'agit d’un amendement de coordination et de précision rédactionnelle.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions prévues à l'article L. 121-4. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous souhaitons nous assurer que, s'agissant de l’édition numérique, l’auteur pourra bien bénéficier, dans le cas de la perception des droits par une société collective, du droit de retrait prévu par l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle pour l’édition papier.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La commission émet un avis favorable. Personne ne conteste que le droit de retrait demeure applicable aux auteurs des livres indisponibles. Toutefois, je comprends que l’on puisse vouloir le préciser en éclairant l’interprétation du texte, afin de lever les inquiétudes qui pourraient surgir.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car, en vertu de l’article L. 121-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit de retrait peut s’exercer à tout moment, quel que soit le mode d’exploitation de l’œuvre. La précision qu’apporte cet amendement est donc superflue.

Cette précision pourrait même s’avérer néfaste, car la volonté de confirmer la faculté qu’a l’auteur d’exercer les prérogatives du droit moral dans ce cas précis pourrait laisser penser qu’il existe d’autres cas dans lesquels cette faculté serait limitée. L’adoption de cet amendement serait donc contre-productive, car elle affaiblirait l’exercice du droit moral. Est-ce bien ce que vous souhaitez, madame le rapporteur, madame Cukierman ? Je ne le crois pas, et je souhaiterais donc que vous entendiez l’objection du Gouvernement, qui n’a rien de politique, là non plus, et est purement d’ordre technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 33, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 27 à 31

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 134-6. – L'auteur et l'éditeur disposant du droit de reproduction sous une forme imprimée d'un livre indisponible notifient conjointement à tout moment à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 leur décision de lui retirer le droit d'autoriser la reproduction et la représentation dudit livre sous forme numérique.

« L'auteur d'un livre indisponible peut décider à tout moment de retirer à la société de perception et de répartition des droits mentionnée à l'article L. 134-3 le droit d'autoriser la reproduction et la représentation du livre sous une forme numérique, s'il apporte la preuve qu'il est le seul titulaire des droits définis au même article. Il lui notifie cette décision.

« Mention des notifications prévues aux premier et deuxième alinéas est faite dans la base de données mentionnée à l'article L. 134-2.

« L'éditeur ayant notifié sa décision dans les conditions prévues au premier alinéa est tenu d'exploiter le livre concerné dans les dix-huit mois suivant cette notification. Il doit apporter à la société de perception et de répartition des droits, par tout moyen, la preuve de l'exploitation effective du livre.

« La société informe tous les utilisateurs auxquels elle a accordé une autorisation d'exploitation du livre concerné des décisions mentionnées aux premier et deuxième alinéas. Les ayants droit ne peuvent s'opposer à la poursuite de l'exploitation dudit livre engagée avant la notification pendant la durée restant à courir de l'autorisation mentionnée au deuxième alinéa du I de l'article L. 134-3.

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement a pour objet de clarifier la procédure de sortie du système de gestion collective par les auteurs seuls, ou les éditeurs et les auteurs de manière conjointe. Il s'agit donc d’un amendement de clarification.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement constate que cet amendement ne modifie pas le mécanisme de sortie du dispositif de gestion collective organisé au profit des titulaires du droit, mais en facilite la compréhension. Il s'agit donc d’une amélioration rédactionnelle. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

J’ai évoqué tout à l'heure un droit d’appel des auteurs qui considéreraient qu’ils ont été oubliés lors de l’établissement de la liste des ouvrages indisponibles à numériser. Malheureusement, cette idée ne m’est venue qu’après la date limite de dépôt des amendements. Mon intervention vise donc à faire figurer d’une autre manière cette idée au Journal officiel. Il faut pouvoir faire droit à un auteur qui se sentirait oublié !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. Je vous pardonne d’autant plus volontiers cet acte de flibusterie, madame Gillot, qu’il n’a pas réellement retardé nos débats !

Nouveaux sourires.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.

L'amendement n° 8 rectifié est présenté par Mmes Cukierman et Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est complété par un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113 -10. – L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.

« Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement vise à insérer un article additionnel après l’article 1er, comme nous en sommes convenus avec M. Legendre, de manière à ne pas bouleverser le sens de la proposition de loi.

Il s’agit de combler un vide juridique en introduisant dans le code de la propriété intellectuelle une définition globale de l’œuvre orpheline, en prenant garde que les auteurs d’œuvres un moment considérées comme orphelines ou leurs ayants droit ne soient pas lésés.

Je rappelle que tout auteur jouit, en application de l’article L. 121-1 de ce code, d’un droit moral perpétuel, inaliénable et imprescriptible sur son œuvre. En application de l’article L.122-1, il détient par ailleurs des droits patrimoniaux liés à l’exploitation, la reproduction ou la représentation de celle-ci, droits qui ne peuvent être cédés qu’expressément et de manière non exclusive.

Néanmoins, certaines œuvres, susceptibles de relever de tous les secteurs de la propriété littéraire et artistique, ne peuvent, pour des raisons diverses, être attribuées à un auteur précis. Leurs auteurs s’en trouvent lésés puisque, de facto, ils ne sont pas en mesure d’exercer leurs droits. Sont particulièrement concernées les œuvres d’art plastique ou visuelles. Dans le cas des œuvres écrites ou cinématographiques, il s’agit en effet d’un phénomène marginal, mais qui pose néanmoins parfois problème ; nous ne devons donc pas le négliger.

Le nouvel article L. 113-10 que notre amendement vise à introduire viendrait compléter le chapitre consacré aux titulaires du droit d’auteur, qui établit les différents types d’œuvres pour lesquelles une personne peut se prévaloir de la qualité d’auteur.

La définition qu’il donne de l’œuvre orpheline correspond à celle que le Sénat, sur l’initiative de Mme Blandin, devenue depuis présidente de la commission de la culture, et des sénateurs du groupe socialiste, avait adoptée à l’unanimité, voilà un peu plus d’un an, dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines. Ce texte est malheureusement toujours en navette, faute d’avoir été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Je rappelle les termes de cette définition : « Une œuvre est considérée comme orpheline si le titulaire des droits sur cette œuvre n’a pas été identifié ou, bien qu’ayant été identifié, n’a pu être localisé à l’issue de la réalisation et de l’enregistrement d’une recherche diligente des titulaires des droits… »

À l’époque, notre assemblée s’était inspirée, pour rédiger cette définition, des travaux du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Nous disposons désormais du texte de la directive adoptée par le Parlement et le Conseil européens. Nous avons donc complété notre définition pour tenir compte des préconisations de cette directive, qui, dans son article 2, dispose que, « lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié ou localisé, elle n’est pas considérée comme orpheline ».

Nous saisissons donc l’occasion de l’examen de ce texte, qui, sans les distinguer des œuvres écrites indisponibles, englobe des œuvres écrites indisponibles et de surcroît orphelines, pour tenter d’accélérer le processus engagé à l’automne 2010 par Mme Blandin et les sénateurs de mon groupe.

Je me réjouis que les amendements proposés par Mme la rapporteure permettent de donner naissance à un régime juridique applicable aux œuvres écrites indisponibles et orphelines. Il s’agit d’une avancée, que nous complétons par notre amendement. Il conviendra, dans un futur proche, de prévoir un régime ad hoc pour toutes les catégories d’œuvres orphelines.

L’œuvre orpheline étant ainsi définie, les éventuels ayants droit pourront faire valoir les droits qui s’y attachent au titre du droit d’auteur ; en l’absence d’ayants droit notoires, il sera possible de procéder à une gestion « conservatoire » de ces droits.

J’espère que nous ne nous dédirons pas et que nous adopterons, pour la deuxième fois en moins de dix mois, cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 8 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

L’objectif est effectivement d’inscrire dans le code de la propriété intellectuelle la définition des œuvres orphelines pour que leur spécificité puisse être intégrée dans la réflexion. Mme Gillot ayant défendu cet amendement, je ne reviens pas sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

On peut s’interroger sur la pertinence de l’insertion d’une disposition générale définissant les œuvres orphelines dans un texte consacré spécifiquement au livre. Néanmoins, après un débat, la commission a considéré ce matin que l’introduction d’une telle définition dans le code de la propriété intellectuelle trouverait son utilité.

Elle a donc émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

Comme l’a dit Mme Gillot, ceux-ci reprennent la définition adoptée – à l’unanimité, je le rappelle – par la commission de la culture le 28 octobre 2010, lors des débats sur la proposition de loi relative aux œuvres orphelines, tout en tenant compte de la rédaction retenue par la proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines, laquelle permet de retirer le caractère orphelin à une œuvre lorsqu’au moins l’un des titulaires des droits a été retrouvé.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, non pas parce qu’il conteste la définition retenue par leurs auteurs pour les œuvres orphelines, laquelle ne soulève pas de gros problèmes en elle-même, mais d’abord parce qu’ils dépassent largement l’objet de la présente proposition de loi, ce qui risque de susciter des difficultés au cours de la navette, car l’Assemblée nationale se montre très stricte sur ce point.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je préfère prévenir ces difficultés, madame Khiari, mais le problème principal est ailleurs.

Il existe aujourd'hui une proposition de directive sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines en vue de l’instauration de règles communes sur la numérisation et l’affichage en ligne des œuvres dites orphelines.

Le Parlement aura donc l’occasion de se saisir dans quelques mois du texte de transposition de la future directive, dont l’objectif premier sera justement de définir les œuvres orphelines, particulièrement dans le secteur de l’écrit, et cela à l’échelle européenne, ce qui constituera un grand pas puisque les auteurs et éditeurs de tous les pays européens concernés verront leurs droits mieux assurés.

J’estime donc qu’il serait, non pas inutile, mais inopportun de discuter d’une définition qui va être établie, avec l’accord des États membres, au niveau de l’Union européenne. C’est pourquoi je ne peux qu’être défavorable à ces amendements, et je préférerais qu’ils soient retirés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le ministre, nous attendons la directive européenne depuis quatre ans et nous risquons de l’attendre encore un moment. De plus, la transposition, l’expérience le démontre, risque de prendre, elle aussi, longtemps…

Aujourd'hui, nous avons la chance d’avoir une définition adoptée à l’unanimité par la commission en 2010 et complétée par Mme Gillot pour tenir compte de la directive, grâce à l’ajout de ce paragraphe : « Lorsqu’une œuvre a plus d’un titulaire de droits et que l’un de ces titulaires a été identifié et retrouvé, elle n’est pas considérée comme orpheline. »

M’appuyant sur cette unanimité exprimée par la commission une première fois en 2010 puis une seconde fois ce matin, je souhaite que ces amendements identiques soient mis aux voix.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 7° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La reproduction et la représentation par les bibliothèques, services d’archives, centres de documentation et espaces culturels ouverts au public en vue d’une consultation strictement personnelle de l’œuvre par les utilisateurs. » ;

2° Les deuxième et cinquième alinéas sont supprimés ;

3° Aux troisième et quatrième alinéas, les mots : « des personnes morales et » sont supprimés.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement tend à élargir les exceptions autorisées par le code de la propriété intellectuelle. La nouvelle exception devrait permettre aux bibliothèques et autres institutions culturelles de reproduire des livres protégés par des droits.

Il ne faut pas se voiler la face : ces établissements détiennent souvent des ouvrages en un seul exemplaire et ont déjà procédé à leur numérisation pour les mettre plus facilement à la disposition de leurs usagers. Or ce type de reproduction – selon divers moyens et sur divers supports – n’est pas, aujourd'hui, encadré par la loi.

J’ajoute que certains types de documents, bien que récents, comme la presse, peuvent rapidement se dégrader et nécessiter des opérations de préservation qui impliquent des actes de reproduction. Une telle faculté paraît légitime et justifiée du fait de la nature des missions des établissements culturels concernés.

Par ailleurs, il faut convenir que les établissements entrant dans le champ d’application de l’amendement poursuivent une mission que l’on devrait pouvoir qualifier d’utilité publique – et que pour ma part je qualifie comme telle –, à défaut d’être, dans tous les cas, une mission de service public.

Le développement de la lecture publique contribue à la lutte contre l’illettrisme et à l’accès aux pratiques culturelles du plus grand nombre de nos concitoyens. C’est donc, selon un avis largement partagé, un facteur de progrès pour notre société.

Notre amendement ne tend aucunement à spolier les auteurs de leurs droits patrimoniaux. Les sociétés qui les représentent auront assurément à cœur de négocier avec les pouvoirs publics les conditions d’application de cette nouvelle exception.

J’espère que notre assemblée, loin de penser que je souhaite léser les auteurs et leurs ayants droit, me suivra dans ma volonté d’aider les bibliothèques, équipements culturels publics, à accomplir leurs missions dans de meilleures conditions.

Faute de moyens suffisants, leur existence même est parfois mise en péril. Si, à chaque numérisation autorisée, elles sont obligées de repayer des droits, elles seront à terme confrontées à de graves difficultés, difficultés que les collectivités territoriales ne seront pas en mesure de prendre en charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Outre la copie privée, deux exceptions sont prévues pour les bibliothèques. La première permet la reproduction d’œuvres à des fins non commerciales, en vue de faciliter leur accès aux personnes handicapées. La seconde, introduite sur l’initiative du Sénat dans la loi HADOPI, autorise la reproduction effectuée à des fins de conservation ou destinées à préserver les conditions de consultation des œuvres.

Cet amendement supprime la condition de handicap pour l’application de la première exception. Les livres indisponibles, mais aussi tous les livres publiés aujourd’hui, sur lesquels les bibliothèques ne détiennent aucun droit, pourraient ainsi être numérisés et mis à disposition des lecteurs sans accord de l’auteur de ces ouvrages et sans rémunération subséquente.

Cette exception extrêmement large est contraire au respect du droit d’auteur, systématiquement défendu par la commission.

C'est la raison pour laquelle, ma chère collègue, je demande le retrait de l’amendement.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement partage l’avis de Mme le rapporteur, dont je ne ferai que compléter les arguments.

En premier lieu, madame Gillot, cette disposition serait contraire, si elle était adoptée, au droit communautaire.

En second lieu, j’insiste, à la suite de Mme le rapporteur, sur le fait que la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et au droit voisin dans la société de l’information a déjà ouvert une exception au droit d’auteur au bénéfice des bibliothèques.

L’exception que vous proposez maintenant est beaucoup trop large et je vous demande à mon tour de bien vouloir retirer votre amendement, contre lequel j’émettrai, à défaut, un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je vais retirer cet amendement, mais je tiens à ce que notre assemblée soit attentive aux difficultés de fonctionnement qui frappent les équipements culturels publics.

Si nous augmentons leurs charges, ce sont forcément les collectivités locales, qui assurent l’essentiel de leur financement, qui seront mises à contribution. Notre assemblée représentant les collectivités territoriales, il me semble important que nous nous préoccupions de cet aspect.

Soyons objectifs, mes chers collègues. Nous savons comment fonctionnent les bibliothèques et les médiathèques sur nos territoires : la tentation est grande de numériser certains ouvrages, qui ne sont pas encore indisponibles mais qui sont rares ou fragiles, pour que les usagers puissent néanmoins en profiter. Or, quand les établissements en question cèdent à cette tentation, ce qu’ils font parfois, ils sont un peu à la limite de la légalité. Cet amendement visait donc à faire en sorte qu’on ne puisse pas leur faire grief de cette pratique, qui est de nature à développer la lecture publique et à garantir l’accès le plus large à l’ensemble des œuvres et des informations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 2 rectifié est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un comité de suivi composé de deux sénateurs et deux députés est chargé de rédiger, tous les deux ans, un rapport d’application des dispositions du chapitre IV du livre Ier du titre III du code la propriété intellectuelle.

Ce rapport étudie notamment les modalités de répartition retenues pour assurer la rémunération équitable des ayants droit au titre de l’exploitation numérique des œuvres indisponibles dont ils détiennent les droits, les moyens mis en œuvre, par la société de perception et de répartition des droits agrémentée, pour identifier et retrouver, le cas échéant, les ayants droit des œuvres orphelines et les sommes consacrées par la société agréée aux actions en faveur de la lecture publique.

Ce rapport peut faire l’objet d’un débat dans chacune des deux assemblées.

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement vise à instaurer une clause de rendez-vous sur l'application de cette proposition de loi, grâce à la création d'un comité de suivi composé de deux sénateurs et de deux députés, ce qui permettra de garantir les droits de l'opposition.

Certes, le Sénat dispose désormais d'une commission pour le contrôle de l'application des lois, qui a pour mission de veiller à la mise en œuvre des textes législatifs. Néanmoins, si j'en juge par l'activité législative qui nous occupe depuis le début de cette mandature, l'inflation des textes nous guette… Il est donc évident que cette nouvelle commission, dont je fais partie, ne pourra se saisir de l'ensemble des lois adoptées par le Parlement ces dernières années : il faudra nécessairement opérer des choix.

Par conséquent, ce comité de suivi ad hoc chargé de tirer un bilan des modalités d'exploitation numérique des œuvres indisponibles permettra de suivre de manière très précise l'application de ce texte, qui représente, nous en sommes tous convaincus, un véritable progrès dans l'accès à la connaissance du plus grand nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Ma chère collègue, je partage votre souci : il est en effet très important de suivre l'application des lois que le Parlement a votées.

Cet amendement s’inspire de nombreux autres adoptés par le Sénat. Toutefois, comme on a pu le constater pour le service civique, les comités de suivi peinent à se mettre en place. Par ailleurs, pour paraphraser une formule chère aux Guignols de l’info, nous n’allons pas prendre à David Assouline « son boulot de dans quelques mois ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le Sénat a aujourd’hui plus que jamais un rôle à jouer dans le contrôle de l’application des lois, notamment grâce à la commission qui vient d’être mise en place. Cependant, il doit le faire indépendamment du Gouvernement comme de l’Assemblée nationale.

C'est la raison pour laquelle je souhaite le retrait de cet amendement. Ma chère collègue, je vous invite à vous rapprocher du président de cette nouvelle commission, qui en est encore à sa phase de mise en place, pour qu’elle suive de manière pertinente l'application du présent texte lorsqu’il sera devenu une loi.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Madame Gillot, je n’oublie pas que j'ai été parlementaire. En 2003 ou 2004, j'ai été l'un des premiers à mettre en place des binômes opposition-majorité pour le contrôle de l'application de la loi à l'Assemblée nationale. En vérité, cette mission incombe aux commissions du Parlement : elle fait pleinement partie de leur rôle. Il suffit que le président d’une commission confie ce travail de contrôle à des rapporteurs pour qu’il soit entrepris. Démonstration en a été faite à l'Assemblée nationale, mais aussi au Sénat puisqu’il a également produit plusieurs rapports d'application des lois.

L'Assemblée nationale est allée plus loin en inscrivant le contrôle de l'application des lois dans son règlement et en créant un comité d'évaluation et de contrôle, présidé par Bernard Accoyer. De façon symétrique, le Sénat vient de créer la commission pour le contrôle de l'application des lois, qui vous a nommé président, monsieur Assouline, ce dont je vous félicite.

Par conséquent, laissez les organes du Parlement spécialisés dans le contrôle exercer cette mission ! Le choix des textes et la façon de procéder pour le faire relèvent du libre-arbitre de chaque assemblée. Vous gagnerez ainsi en efficacité. Si vous ajoutez des comités de suivi aux institutions qui existent déjà, ce sera beaucoup plus complexe !

Enfin, on ne peut déterminer si la loi est appliquée sans consulter tous les acteurs de la filière ! Par conséquent, pourquoi ne pas inclure dans ce comité de suivi les éditeurs, les bibliothèques, les auteurs, et aussi l'État, sans oublier les consommateurs ? Bref, il est préférable de laisser M. Assouline et cette nouvelle commission sénatoriale faire leur travail. D’ailleurs, je ne doute pas que, lorsqu'il s'agira de contrôler l’application des lois votées par la majorité gouvernementale, il sera extrêmement vigilant ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, cette commission, composée de trente-neuf membres, a vocation à rendre enfin inutiles, à terme, les demandes que nous présentons systématiquement en matière de contrôle législatif et qui, le plus souvent, restent vaines. Ainsi, j'attends toujours le rapport d’évaluation de la commission de suivi sur l'application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Or, depuis la révision constitutionnelle, il incombe au Parlement non seulement de voter la loi, mais aussi de veiller à son application et de contrôler le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Nous sommes d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Sénat a décidé, avec sa nouvelle gouvernance, de se donner les moyens d'y parvenir.

Cela étant, pour qu’une loi soit appliquée, il faut souvent attendre les textes réglementaires. Et c’est à ce moment-là que l'on se rend compte que les moyens humains ou financiers manquent pour sa mise en œuvre.

Par ailleurs, pour que le contrôle des lois entre dans la culture française parlementaire – dans les pays anglo-saxons, cela va de soi –, il faudrait aussi que des moyens importants soient déployés. C’est grâce à des sujets comme celui qui nous réunit aujourd'hui que nous montrerons toute la pertinence de cette nouvelle commission et que nous soulignerons l’importance qu’il convient d’accorder aux missions d’évaluation et de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Je suis convaincue par tous les arguments qui viennent d'être avancés et toutes les protestations d'efficacité du contrôle parlementaire. Par conséquent, je vais retirer cet amendement.

Je resterai néanmoins extrêmement vigilante, car, même si je ne suis sénateur que depuis quelques semaines, j'ai pu m'apercevoir que les dossiers relatifs à la culture étaient traités de façon un peu… aléatoire. C’est pourquoi je crains que, dans deux ans, on ne considère qu’il y a des textes législatifs beaucoup plus importants que cette proposition de loi dont il convient de contrôler l’application.

Monsieur le président de la commission pour le contrôle de l'application des lois, comme vous le savez, j’appartiens également à cette commission. Vous pouvez donc compter sur moi pour inscrire, dans deux ans, à l’ordre du jour de nos travaux l'évaluation de la mise en œuvre de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

C'est un grand classique : les parlementaires n’ont de cesse de demander à veiller à l'application des lois qu’ils votent. Cela me paraît d’ailleurs la moindre des choses !

La première fois que j’ai été nommé rapporteur, j'ai fait voter une disposition prévoyant que, deux ans après, un rapport sur l'application de la loi soit remis. C’était en 1975 et il s’agissait de la loi Haby...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Vous le voyez, de telles demandes ne datent pas d’hier, et elles reviennent régulièrement !

Ma chère collègue, vous comme moi, nous sommes membres de cette commission qui vient d’être créée et dont le président a été fraîchement nommé. Nous veillerons à ce qu’elle fasse son travail !

Au troisième alinéa de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « des articles L. 122-10, L. 132-20-1, », sont ajoutés les mots : « L. 134-3, ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 7, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « création », sont insérés les mots : «, à la promotion de la lecture publique, » ;

2° Au 2°, après la référence : « L. 132-20-1, », est insérée la référence : « L. 134-3, ».

La parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Cet amendement est essentiel à l’essor de la lecture publique et au soutien à l’action des bibliothèques, qui ont besoin de développer leurs fichiers numériques, leur utilisation et leur fréquentation.

Actuellement, l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que les sociétés de perception et de répartition des droits, quel que soit leur champ de compétence – musique, écrit, audiovisuel, arts plastiques... – utilisent 25 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée et l’intégralité des sommes qui n’ont pas été réparties aux ayants droit au bout de dix ans à différents types d’actions qui s’inscrivent toutes dans une politique de soutien aux auteurs et artistes que représentent ces sociétés. Aux termes de cet article, ces actions sont aujourd’hui limitées dans trois directions : aide à la création, diffusion du spectacle vivant, formation des artistes. Ainsi, le secteur du spectacle vivant est le grand bénéficiaire du dispositif.

Cet amendement tend donc à faire profiter également le secteur de l’écriture et de la littérature de ces sommes « non répartissables » et des 25 % du produit de la rémunération pour copie privée. En effet, je souhaite que les sommes en cause financent également des actions de promotion de la lecture publique.

Les bibliothèques et autres réseaux de lecture bénéficieront ainsi d’un soutien ciblé par le biais de l’attribution de ces deux mannes que l’on dit considérables dans d'autres sociétés de répartition.

Il s’agit de favoriser la promotion de la lecture publique, à travers des animations particulières dans ces lieux de lien social et de progrès partagé, de permettre des actions de sensibilisation et de séduction des publics les plus éloignés de la lecture, des actions de renforcement du lien entre les auteurs et les lecteurs, des ateliers d’écriture. Je pense que les animateurs de nos bibliothèques ne manquent pas d'imagination et sauront très bien quoi faire de ces fonds.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

M. Patrick Ollier, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme Dominique Gillot s’exclame.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Je comprends tout à fait l'objet de cet amendement et le Gouvernement est ouvert à une réflexion sur une destination particulière des sommes irrépartissables perçues au titre de la gestion collective des droits. Cependant, l’adoption de cet amendement aurait des conséquences disproportionnées par rapport à son objet. La disposition prévue modifierait non seulement de façon très large les règles d'utilisation des sommes irrépartissables de tous les régimes de gestion collective des droits en France, mais aussi la destination du quart des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Je soutiens avec force les intentions exprimées par Mme Gillot.

Nous souhaitons tous voir les sommes qui seront collectées aller à la lecture publique, de la même manière qu’elles sont déjà consacrées, par exemple, au soutien du spectacle vivant. Nous en avons débattu en commission et, sans faire de la lecture publique le destinataire exclusif de cet argent, il nous est apparu que, dans ce cas, ces sommes devaient lui être versées.

J'aimerais que le Gouvernement aussi bien que le Parlement fassent preuve de « création », en l’occurrence de création législative, pour permettre à cet argent d’aller à la lecture publique.

S’il est un sujet qui nous tient à cœur dans ce pays, c'est bien la lutte contre l'illettrisme, l'appétence pour le livre papier et l'accès aux nouvelles technologies de l'information dans le domaine de la lecture. Monsieur le ministre, s'il vous plaît, aidez-nous !

Bravo ! et applaudissements

L'amendement est adopté.

Les dispositions de la présente loi sont applicables à compter de la mise en œuvre de la base de données publique mentionnée à l’article L. 134-2 du code de la propriété intellectuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 35, présenté par Mme Khiari, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

et au maximum six mois après sa promulgation

La parole est à Mme la rapporteure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Cet amendement vise à prévoir un délai maximal pour l'application de cette loi, ce qui constitue une « exigence constitutionnelle ». C'est pourquoi les décrets d'application devront être publiés au plus tard six mois après la promulgation de ce texte.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

Les conséquences financières résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La parole est à M. David Assouline, vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite dire quelques mots au nom de la commission, mais aussi pour préciser quel est l’état d’esprit de sa présidente, Mme Blandin.

Nous avons joué le jeu, mais la situation est un peu surréaliste, et je suis d’ailleurs heureux de la présence de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, car je souhaite évoquer nos conditions de travail.

Le texte a été inscrit il y a deux semaines à l’ordre du jour à la demande du groupe UMP, à la suite d’un échange d’heures, hors conférence des présidents, avec le groupe socialiste-EELV. Dans la mesure où nous sommes dans une « niche » d’initiative parlementaire, la commission n’avait pas la possibilité de s’opposer à la discussion de ce texte aujourd'hui.

De surcroît, cette discussion se déroulant un vendredi après-midi, nous sommes privés de la présence de M. le ministre de la culture et de la communication – même si M. Ollier s’est remarquablement acquitté de la tâche dont il s’est trouvé chargé – et de celle de la présidente de la commission, qui n’ont pas été en mesure de modifier leurs agendas dans un délai aussi raccourci.

Mme la rapporteure fut donc contrainte de travailler dans un temps très bref, sur un sujet particulièrement complexe, ce qui explique que la commission n’ait pu élaborer un texte lors de sa première réunion et qu’elle ait dû déposer, aujourd’hui, de nombreux amendements. Il est clair que, si les délais avaient été plus confortables, nous aurions pu alléger le travail en séance publique.

La commission de la culture s’est penchée dès 2009 sur cette question de l’encadrement de la numérisation des livres et ce texte est l’aboutissement de la réflexion menée par des membres de tous les groupes.

Malgré ces conditions de travail, que nous souhaitons ne pas voir se reproduire trop souvent, nous avons fait en sorte de garantir le meilleur accès à la culture numérique pour le plus grand nombre.

Au moment où Google renonce, aux États-Unis, à l’accord transactionnel qu’il espérait conclure avec les ayants droit, ce texte fera de la France le premier pays au monde à disposer d’un mécanisme destiné à traiter le cas des œuvres indisponibles. Nous en sommes fiers !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jacques Legendre, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, je souhaite remercier l’ensemble de celles et ceux qui ont pris part au travail sur cette proposition de loi.

Ce texte a été déposé et discuté dans des conditions trop précipitées, c’est vrai. Nous avons néanmoins accepté qu’il en soit ainsi parce que nous pensons que certains textes doivent être adoptés avant la suspension des travaux parlementaires au mois de février prochain, dans la perspective des échéances électorales.

C’est donc au bénéfice d’un objectif précis que nous nous sommes tous retrouvés.

Je voudrais remercier chaleureusement Mme le rapporteur, Bariza Khiari, Mme Dominique Gillot, qui a joué un rôle important dans cette discussion, ainsi que Mme la présidente de la commission de la culture, Marie-Christine Blandin, qui ne pouvait malheureusement être présente cet après-midi, ce dont personne ne songe à la blâmer.

Sur ce texte, nous avons tous fait des concessions. Pour ma part, j’ai fait l’effort de ne pas suivre l’indication de vote du ministre ici présent, qui se trouve être un de mes amis de longue date…

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

De très longue date !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

… et que j’ai l’habitude de soutenir. Si je suis allé ainsi contre mon inclination, c’était dans le souci d’une issue positive du débat parlementaire.

Car enfin, mes chers collègues, ce n’est pas tous les jours qu’il s’agit de numériser l’ensemble de la production littéraire de la France au XXe siècle ! Excusez du peu ! Ce n’est pas rien de la rendre accessible à tous et de trouver le moyen de concilier les intérêts des auteurs, des éditeurs, pour le plus grand profit des lecteurs et, partant, de la culture.

Voilà ce qui, à mes yeux, justifiait que, au-delà de nos légitimes approches de groupe, nous nous rejoignions aujourd’hui sur ce texte, lui permettant de continuer à vivre, c'est-à-dire d’aller à l’Assemblée nationale, avant de nous revenir pour que nous atteignions le meilleur résultat possible.

Je ne cache pas, ce soir, mon enthousiasme, car je pense que ce texte comptera !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris bien évidemment à ce qui a été dit sur les conditions difficiles dans lesquelles nous avons dû travailler, mais aussi sur l’enthousiasme que ce texte mérite de susciter en nous : il valait la peine qu’on y travaille, fût-ce dans ces conditions.

Je voulais également adresser mes plus sincères remerciements aux services du Sénat, et tout particulièrement aux fonctionnaires affectés à la commission de la culture, qui ont effectué un travail remarquable.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais m’associer à ce concert de louanges. Faire un travail législatif dans une ambiance aussi constructive est suffisamment rare pour être signalé !

Je remercie Mme le rapporteur, M. Assouline, vice-président de la commission de la culture, et l’ensemble des groupes politiques, qui ont travaillé pour faire ce qu’ils considèrent comme une bonne loi, même si je n’étais pas toujours d’accord sur les dispositions qui ont été votées. §

Laissons maintenant la navette faire son œuvre. Les pistes de réflexion pour l’avenir indiquées par le Gouvernement seront réaffirmées.

Madame le rapporteur, j’espère que des réponses seront trouvées à vos préoccupations. En revanche, s’agissant de ce que nous avons refusé aujourd’hui, en considérant que cela ne participait pas d’une bonne législation, nous maintiendrons sans doute nos positions.

Je remercie toutes et tous de ce travail consensuel et constructif pour arriver à la meilleure loi possible. J’espère que mon collègue Frédéric Mitterrand ne jugera pas ma prestation insuffisante, lui qui aurait certainement été beaucoup plus pertinent que moi sur ces sujets.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Patrick Ollier, ministre

Il m’a en tout cas chargé de vous exprimer ses regrets de ne pas avoir pu participer à ce débat.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Vous l’avez fort bien suppléé, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 13 décembre 2011 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

À quatorze heures trente :

2. Scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

3. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (115, 2011 2012).

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (148, 2011-2012).

4. Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament (130, 2011 2012).

Rapport de M. Bernard Cazeau, fait au nom de la commission des affaires sociales (162, 2011-2012).

5. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication de plates-formes d’enchères communes (Procédure accélérée) (n° 152, 2011-2012)

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (171, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 172, 2011-2012)

6. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de passation conjointe de marché en vue de la désignation par adjudication d’une instance de surveillance des enchères (Procédure accélérée) (n° 153, 2011-2012)

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (173, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 174, 2011-2012)

7. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (160, 2011-2012).

Rapport de Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances (164, 2011 2012).

Avis de M. Vincent Eblé, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (163, 2011-2012).

De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :

8. Questions cribles thématiques sur la compétitivité.

À dix-huit heures et le soir :

9. Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.