Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 9 décembre 2011 à 15h10
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Article 1er

Patrick Ollier, ministre :

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, le Gouvernement salue l’esprit généreux de cet amendement, mais ne saurait donner un avis favorable.

Tout en préservant le principe d’une autorisation préalable, il introduit l’extinction du droit à rémunération pour les auteurs que la SPRD n’aurait pas retrouvés au terme d’une période de dix ans. Il tend également à mettre en place, pour de tels livres, le principe d’une exploitation exclusivement gratuite.

Il vise – et c’est en cela qu’il est généreux – à permettre la mise à disposition gratuite d’œuvres orphelines au bénéfice du plus grand nombre par l’intermédiaire, notamment, des bibliothèques publiques.

Si le Gouvernement salue cette générosité, il s’interroge néanmoins sur d’éventuels effets contraires aux intentions du Sénat.

En effet, madame le rapporteur, je ne peux pas émettre un avis favorable tant que les interrogations suivantes restent sans réponse.

Tout d’abord, ces livres, s’ils n’ont pas d’auteur répertorié, ont en revanche un éditeur. Or l’interdiction de percevoir, à terme, une rémunération n’est pas de nature à susciter l’exploitation commerciale. La proposition de loi manquerait alors son objectif.

Ensuite, ces livres sous droits d’auteur seraient diffusés, paradoxalement, sous un régime plus strict que les livres du domaine public, qui peuvent, quant à eux, faire l’objet d’exploitation marchande et apporter des ressources propres aux bibliothèques, objectif que nous cherchons à atteindre.

Enfin, le numérique permet de concevoir des modèles de diffusion du livre qui dépassent la commercialisation titre à titre, en particulier sous forme de bouquets thématiques ou de corpus éditorialisés. En imposant la gratuité de certains livres, ne risque-t-on pas de freiner le développement de ces produits éditoriaux enrichis ? Ne condamne-t-on pas ces livres à l’isolement ? Je n’ai pas, dans l’immédiat, de réponse à ces questions.

En outre, l’objectif de gratuité peut s’avérer en partie illusoire, car des acteurs très puissants de l’internet – sur lequel nous n’avons aucun moyen d’intervention –, fondant leur modèle économique sur la rémunération publicitaire issue du trafic sur leur site, pourraient être les principaux bénéficiaires d’une telle mesure, ce qui serait contraire aux objectifs de la proposition de loi et aux souhaits de Mme le rapporteur.

Cette disposition généreuse risque ainsi d’avoir des effets collatéraux très importants. Elle pourrait favoriser des pratiques qui enrichiraient des diffuseurs profitant de l’avantage donné à des fins purement commerciales.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable. J’en suis désolé, car nous avons travaillé dans un esprit très constructif.

Nous allons réfléchir à une rédaction prenant en compte vos préoccupations touchant aux bibliothèques publiques, madame le rapporteur. Peut-être trouverons-nous un accord dans ce cadre ? Pour notre part, nous y sommes prêts.

Dans cet esprit consensuel, et au bénéfice de l’engagement que je prends d’approfondir la réflexion sur les bibliothèques publiques, je vous demande, madame le rapporteur, de bien pouvoir retirer votre amendement. Pour l’instant, il y a trop de questions en suspens ... À défaut de retrait, j’émettrai un avis défavorable.

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