Intervention de David Assouline

Réunion du 9 décembre 2011 à 15h10
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Article 1er

Photo de David AssoulineDavid Assouline, vice-président de la commission de la culture :

Cet échange est intéressant. Je considère, comme Mme la rapporteure et Mme Gillot, que nous sommes à un point d’équilibre du texte.

Dans un esprit constructif, nous avons fait en sorte que cette proposition de loi puisse être discutée rapidement et nous avons évité les affrontements partisans, alors même que ce texte émane de la droite. Nous avons en effet considéré qu’il nous fallait légiférer sur ce sujet important.

Je le dis d’emblée, le rejet de cet amendement mettrait à mal le consensus que nous souhaitons atteindre.

Cela dit, le Gouvernement a présenté trois arguments intéressants.

Il soutient, tout d’abord, qu’une telle disposition freinerait la numérisation des livres, car les éditeurs n’auraient plus d’intérêt économique à publier.

Rappelons que les éditeurs pourront exploiter en exclusivité pendant dix ans les livres orphelins. De ce fait, ils pourront rentabiliser la numérisation du livre, numérisation qui est, ne l’oublions pas, conformément à la volonté du Gouvernement et du Parlement, soutenue par le grand emprunt. En quoi la mesure proposée freinerait-elle alors la numérisation ? Votre premier argument, monsieur le ministre, n’est donc pas complètement pertinent.

Par ailleurs, j’en suis persuadé, les bibliothèques ou les opérateurs privés, bien connus de chacun d’entre nous, n’hésiteront aucunement à numériser les livres. Le présent amendement ne les bloquera en rien. Il faut purger notre débat de toute fausse peur.

Selon le deuxième argument que vous avez exposé, monsieur le ministre, l’exploitation gratuite des ouvrages visés entraînerait la disparition des droits d’auteur. Peut-être, mais précisément ces ouvrages n’ont plus ni auteur ni ayants droit ! Ceux-ci ont été cherchés sérieusement, mais en vain, pendant dix ans, selon un mécanisme que nous avons mis au point. Les droits d’auteur ont été perçus par la société de gestion collective, qui ne les a donc pas reversés. L’auteur, qui demeure introuvable, n’est en rien spolié.

Il me semble légitime dans ces conditions que le grand public puisse finalement accéder gratuitement à ces œuvres. La commission, en déposant l’amendement n° 34, s’est souciée de l’intérêt général, lequel doit parfois primer sur tel ou tel intérêt particulier.

Enfin, autre argument, monsieur le ministre : selon vous, l’adoption de cet amendement imposerait la gratuité des livres orphelins, gratuité qui n’a pas cours pour les livres tombés dans le domaine public.

Cet amendement serait donc trop vertueux. Pour notre part, nous aurions tendance à nous en féliciter. Mais les éditeurs de ces œuvres auront dix ans d’exploitation pour s’assurer d’une rémunération rentable, alors que les œuvres du domaine public ne bénéficient pas d’un tel régime !

Au demeurant, la navette commençant, on peut imaginer, monsieur le ministre, que, pour éviter le déséquilibre que vous avez mentionné entre les livres tombés dans le domaine public et les autres, le Gouvernement dépose un amendement tendant à rendre tout le secteur vertueux et à imposer une exploitation gratuite des œuvres du domaine public après dix ans de commercialisation numérique. Si une telle disposition était présentée au Sénat ou en commission mixte paritaire, je la voterais.

Bref, monsieur le ministre, vous jugez que les auteurs de l’amendement n° 34 sont animés de bons sentiments et vous ne disposez pas d’arguments suffisamment pertinents pour nous convaincre d’arrêter d’être vertueux.

Vous demandez du temps pour que l’on réfléchisse aux conséquences de la mesure. Mais le groupe de travail sur l’adaptation du contrat d’édition au numérique est en place. Il va livrer ses réflexions au Gouvernement avant la réunion de la commission mixte paritaire, dans environ un mois. Au cours de la navette, et au plus tard en commission mixte paritaire, nous pourrons, les uns et les autres, tenir compte en toute bonne foi des informations que nous aurons alors obtenues, pour élaborer le texte final.

Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le fait que cette proposition de loi était portée par un consensus. Lorsqu’il en est ainsi – et ce n’est pas la première fois pour la commission des lois – sur un sujet mouvant, lié comme celui-ci à la révolution numérique, qui exige efficacité et convergence de vues, il ne faut pas que ce consensus soit rompu, ce qui enlèverait de la force à la démarche entreprise. L’examen de ce texte doit donc demeurer consensuel. Si cet amendement est adopté – ce qui adviendra certainement puisqu’il émane de la majorité – nous voterons la proposition de loi. Dans le cas contraire, nous ne le pourrons pas.

Et si, au cours de la navette, vous l’enleviez du texte de façon inconsidérée, sans tenir compte de nos arguments, la proposition de loi serait vidée d’une partie de son contenu que nous considérons comme indispensable à notre acceptation. Je vous lance donc un appel à poursuivre le travail engagé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion