Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 13 décembre 2011 à 14h30
Sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Suite de la discussion et rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Je l’avoue, le fait que la simple demande d’un rapport gouvernemental à ce sujet ait été refusée me dépasse. Heureusement, la commission des affaires sociales du Sénat s’apprête à acter la création d’un groupe de travail sur ce thème !

Par ailleurs, le raisonnement qui consiste à dire que les actions de groupe sont importantes mais que leur mise en place attendra une prochaine loi m’échappe complètement. Comment reprocher aux sénateurs d’avoir inséré ces actions dans le projet de loi au détour d’un amendement alors que c’était la seule solution à notre portée ?

En revenant sur cette avancée obtenue au Sénat et saluée par toutes les associations de patients, vous laissez les malades dans leur solitude, dans leur précarité, dans leur souffrance. Ils apprécieront ! En tout cas, pour notre part, nous estimons que cela est inacceptable.

Pour moi, mais je ne crois pas être la seule, le texte tel qu’il nous revient aujourd’hui est un aveu de démission face aux intérêts privés de l’industrie pharmaceutique. Une fois de plus, dans ce pays, il apparaît clairement que certains lobbies sont encore capables de faire plier la décision publique.

Hélas ! la santé publique n’est pas le seul domaine victime d’une telle ingérence. D’autres secteurs, tout aussi sensibles, subissent l’influence des lobbies.

En qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité de dénoncer pied à pied l’action des lobbies privés. C’est ce que je fais aujourd’hui du haut de cette tribune. Comptez sur moi pour réitérer cette dénonciation toutes les fois que ce sera nécessaire et pour œuvrer à ce que la loi protège la décision publique de l’influence des intérêts privés.

Maintenant qu’il est pratiquement acté que le texte a été vidé de sa substance, que notre majorité sénatoriale n’y peut plus grand-chose, je tiens à dire à l’ensemble de mes collègues que le travail accumulé n’est pas perdu : il pourra être réinvesti à l’avenir. L’attitude très fermée de la majorité gouvernementale aurait pu nous décourager, mais le temps que nous avons consacré à ce projet de loi n’a pas été inutile.

D’une certaine façon, nous, membres d’une nouvelle majorité sénatoriale, avons cette responsabilité de mettre en chantier des questions importantes pour dessiner ce que nous aurons demain, je l’espère, les moyens institutionnels de mettre en œuvre.

Si, comme je le crains, au terme de cette nouvelle lecture, la majorité de l’Assemblée nationale reste sur ses positions, le Sénat aura au moins envoyé un message fort d’encouragement à tous ceux qui, professionnels, malades, citoyens, espèrent qu’il n’y aura plus en France d’affaires comparables à celles du Mediator, du Distilbène, du Vioxx ou des hormones de croissance… et je pourrais égrener encore longtemps cette triste liste.

Monsieur le ministre, malgré vos efforts pour nous convaincre, je reste persuadée que le projet de loi, en l’état, n’empêchera pas de nouveaux scandales sanitaires. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est une déclaration abstraite de bonnes intentions de façade, vidée de la plupart de ses dispositions concrètes et opérationnelles qui seules permettraient à la décision publique d’être prise sans influence.

L’actualité est là, brûlante, qui nous rappelle à quel point l’industrie pharmaceutique est encore influente à tous les niveaux de la prise de décision.

Vous pensiez remettre les laboratoires pharmaceutiques à leur place ? C’est un véritable pied de nez que vous a adressé la société Servier la semaine dernière en demandant à la Cour de cassation de regrouper à Paris les procédures sur le Mediator, afin de tenter d’échapper à un procès en mai à Nanterre ; un pied de nez aux autorités sanitaires, mais également aux 5 millions de patients qui ont pris du Mediator entre 1976 et 2009 !

Du côté des autorités sanitaires, le bilan n’est pas beaucoup plus brillant, puisqu’une femme médecin ayant travaillé pour Servier a failli être nommée au poste de directrice produit à l’ASSAPS, preuve qu’une partie du lobby pharmaceutique a bien intégré qu’il pouvait agir à tous les niveaux de la décision publique.

Vous l’avez compris, la menace de futurs dérapages est omniprésente et appelle à une vigilance de chaque instant. La situation actuelle aurait donc demandé une autre réponse qu’une loi faite de rhétorique et d’affichage, autre chose qu’une loi alibi.

1 commentaire :

Le 30/03/2012 à 11:49, Justine (juriste) a dit :

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A propos du projet de loi sur la sécurité du médicament, Mme Archimbaud souligne :

 « le texte (...) est un aveu de démission face aux intérêts privés de l’industrie pharmaceutique. Une fois de plus, dans ce pays, il apparaît clairement que certains lobbies sont encore capables de faire plier la décision publique. »

Les citoyens ignorent à quel point les décisions publiques sont influencées par les lobbies défendant des intérêts économiques et financiers privés, qui l’emportent sur l’intérêt général. Mme Archimbaud ajoute à raison :  « En qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité de dénoncer pied à pied l’action des lobbies privés (...) Comptez sur moi pour réitérer cette dénonciation toutes les fois que ce sera nécessaire et pour œuvrer à ce que la loi protège la décision publique de l’influence des intérêts privés. ».

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