Quant à la présence de l'État, elle disparaît de jure alors qu'il s'agit, je le rappelle, d'une opération d'intérêt national. Comprenne qui pourra !
Enfin, est utilisée une notion dont on ne connaît guère la signification en droit français. On confie à l'établissement public local la gestion d'intérêt général ; or, je suis désolée, en droit français nous ne savons pas ce que sont les services d'intérêt général. Mais peut-être ce débat sera-t-il l'occasion de nous l'expliquer !
Nous ne comprenons pas davantage ce que seront les propriétés du nouvel établissement. Le rapporteur indique que certains parkings pourraient lui être remis en pleine propriété afin que les recettes d'exploitation abondent les charges qui lui seraient transférées. De même, pour des raisons tenant à la nécessité d'assurer leur unité de gestion, le transfert des services de sécurité et de vidéosurveillance pourrait être effectué - toujours au conditionnel.
Je veux le souligner de manière très sérieuse : vous introduisez avec cette proposition de loi une complexité préjudiciable aux usagers de La Défense et à leur vie quotidienne dans un territoire déjà sophistiqué en termes de voirie et d'aménagement, et plus particulièrement, je veux y insister, en ce qui concerne la sécurité, l'environnement et l'accessibilité.
Je prendrai l'exemple de la sécurité. Lorsqu'un problème se posera dans un sous-sol, comme c'est souvent le cas - je rappelle pour ceux qui ne savent pas sur quel gruyère est édifiée La Défense qu'on y compte huit sous-sols -, vous imaginez la complexité du travail de sécurité si deux équipes d'ingénieurs doivent intervenir !
S'il ne s'agissait que de confier la barre au département des Hauts-de-Seine, qui sera majoritaire dans l'établissement ainsi créé sur les deux communes, était-il nécessaire, et je prends à témoin tous nos collègues, de prendre de tels risques dans la loi ? Je ne le crois pas.
La deuxième partie du texte vise à la sécurisation juridique de l'opération de modernisation et reconstruction-démolition sur les territoires de Courbevoie et Puteaux, communes qui ne disposent pas toutes deux d'un plan local d'urbanisme exécutoire.
Avec ces dispositions, nous abordons le fond du sujet. Le seul outil juridique possible est le projet d'intérêt général, le PIG. Mais vous ne pouvez ignorer qu'un PIG, conformément à l'article R. 121-3 du code de l'urbanisme, doit revêtir un caractère d'utilité publique et qu'une jurisprudence est en train de se forger - des arrêts ont déjà été rendus - selon la théorie du bilan.
Or l'opération du renouveau de La Défense, si elle est nécessaire au renforcement de l'attractivité de la région d'Île-de-France et du territoire national, est contestable dans son contenu.
En effet, comme l'a déjà souligné mon collègue M. Vera, mais vous permettrez à une parlementaire de l'est francilien d'y insister lourdement, elle prévoit dans sa première phase un nombre de mètres carrés - au demeurant, monsieur Braye, le chiffre que vous indiquez dans votre rapport ne correspond pas à la prévision financière votée par le conseil d'administration de l'EPAD - qui renforcera le déséquilibre en faveur de l'ouest de la capitale et au détriment de l'est et du nord.
Surtout, elle prévoit un nombre de logements très insuffisant : 1 400 ou 1 450, alors que, je le rappelle, il est prévu que 2 800 actifs au plus résident sur place, pour 40 000 emplois supplémentaires. On voit là quel déséquilibre vous créez et le problème d'accessibilité et de transports, M. Vera l'a également rappelé, qui se posera ! Car, d'où viendront tous les autres salariés ? Des départements voisins !
Vous savez bien qu'en matière d'attractivité du territoire les transports sont le problème numéro un. La mission que j'ai évoquée tout à l'heure reçoit de nombreux chefs de grandes entrepris : pour eux, l'attractivité du territoire français est liée en priorité non pas à des problèmes de fiscalité, qui sont certes cités, mais n'occupent ni le premier, ni même le deuxième rang de leurs préoccupations, mais à la qualité des infrastructures, notamment de transport. Cet aspect est donc de toute importance.
Par ailleurs, le schéma directeur de la région d'Île-de-France, le SDRIF, qui traduit, monsieur le ministre, les objectifs partagés par l'État et la région, indique expressément qu'il convient de rééquilibrer le tertiaire vers l'est et le nord : le diagnostic est partagé. Pense-t-on que c'est à coup d'exonérations d'agrément et de dérogations que l'on y parviendra ? C'est une voie très dangereuse que vous empruntez là !
La proposition de loi vise à qualifier d'utilité publique des opérations qui ne le sont pas. Elle ne vous permettra donc pas d'obtenir la sécurité juridique.
Au moment même où l'on débat du droit opposable au logement, notion du reste un peu « fumeuse », l'opération ne rendra pas possible une contrepartie qui soit à la hauteur des besoins en logements, notamment en logements sociaux.
Enfin, alors que nos concitoyens aspirent à de nouveaux modes de consultation démocratique, vous passez outre à la consultation : de toute évidence, il n'y aura pas d'enquête publique. Le contraste est grand avec le SDRIF, qui a été soumis à l'enquête, à la consultation des collectivités locales et territoriales, à la concertation des Franciliens, et il est d'autant plus fort, monsieur le rapporteur, que l'article 1er des conclusions de la commission tend à insérer dans le code de l'urbanisme deux articles L. 141-3 et L. 141-4 venant directement à la suite des articles L. 141-1 et L. 141-2, lesquels traitent du SDRIF. Se trouve ainsi souligné que, cette fois, il n'y aura pas de consultation !
Toutes ces raisons nous conduisent à mettre en garde le Sénat - et après lui nos collègues députés - contre les dangers que recèle ce texte et à émettre un vote résolument négatif sur la proposition de loi qui nous est soumise. Elle vise en vérité à satisfaire des intérêts particuliers et ne défend ni ceux de l'État, ni ceux de la région, ni ceux de ses habitants.