Le projet de loi renforce également la lutte contre les clauses abusives, de trois manières.
Premièrement, obligation est faite au juge de déclarer non écrite une clause dont le caractère abusif apparaît au cours des débats.
Deuxièmement, la DGCCRF et les associations de consommateurs se voient donner le droit de saisir le juge pour qu'il déclare non écrite dans tous les contrats identiques passés par le même professionnel une clause abusive. La décision du juge s'imposerait donc à tous les contrats. Seul un nombre limité de tribunaux spécialisés aurait ce pouvoir, afin de limiter le risque de divergences de jurisprudence.
Troisièmement, sera sanctionnée d'une amende administrative la présence dans un contrat d'une clause abusive inscrite sur la « liste noire » des clauses abusives.
Ces dispositions sont utiles et conformes à nos engagements européens en matière de lutte contre les clauses abusives.
La commission des lois a également examiné les dispositions concernant la vente à distance et le démarchage, qui s'inspirent très clairement d'une proposition de loi adoptée en 2010 par nos collègues députés.
Ces méthodes de vente sont toutes deux caractérisées par un même élément : elles ne se déroulent pas au sein d'un établissement commercial, avec la présence d'un consommateur et d'un professionnel face à face. Elles nécessitent une protection renforcée du consommateur, car celui-ci soit ne voit pas le produit qu'il achète, soit se trouve confronté à un vendeur qu'il n'a pas sollicité. Ces deux types de ventes s'accompagnent d'ailleurs, pour cette raison, d'un droit de rétractation.
Une directive du 25 octobre 2011 est venue, très récemment donc, moderniser le droit en matière de contrats à distance et de contrats dits « hors établissement ». La commission a proposé de transposer quelques-unes de ses dispositions plus protectrices que notre législation avant décembre 2013, échéance prévue pour la transposition, notamment en prévoyant le passage de sept à quatorze jours du délai de rétractation. Quelques dispositions de cette directive sont d'ailleurs déjà transposées dans le projet de loi. Inutile donc d'attendre que le Gouvernement demande à être habilité à procéder par ordonnance à la transposition dans les dernières semaines avant l'expiration du délai...
Le projet de loi crée aussi une dérogation à l'interdiction de la prise de paiement jusqu'à l'expiration du délai de rétractation, prévue pour le démarchage, au bénéfice des ventes en réunion à domicile. Pour assurer l'unité juridique du régime des ventes par démarchage et, surtout, pour préserver l'efficacité de la protection du consommateur, car on sait dans quel contexte psychologique ce type de ventes a lieu, je vous proposerai, mes chers collègues, de supprimer cette dérogation.
La question de l'instauration d'un délai de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons est beaucoup revenue au cours de mes auditions. Après analyse, il apparaît que le droit communautaire n'autorise pas l'instauration d'un tel délai dans ce cas, ce qui me donne l'occasion de rappeler au Gouvernement le problème que soulèvent de façon récurrente les directives en matière de consommation : elles imposent en général une harmonisation complète, c'est-à-dire qu'elles interdisent de prévoir dans la loi nationale une protection de niveau supérieur. C'est problématique, notre droit de la consommation faisant partie des plus protecteurs de l'Union européenne.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement doit être plus vigilant sur ce point lors des négociations européennes : ce n'est pas parce qu'il y a un marché unique qu'il faut un droit uniforme en matière de protection des consommateurs.
Pour les contrats passés lors des foires et salons, la commission des lois a donc proposé d'instituer une obligation d'information du consommateur sur l'absence de droit de rétractation assortie d'une sanction administrative.
Enfin, le projet de loi crée un dispositif original, que la commission a souhaité réécrire tout en conservant sa finalité, pour lutter contre les phénomènes du type de ceux qui ont été constatés lors de la faillite de la CAMIF : les consommateurs continuent à payer pour des commandes qu'ils ne recevront jamais ! Il s'agit ici de donner à la DGCCRF un pouvoir particulier d'injonction pour ordonner la suspension de toute prise de paiement par l'entreprise de vente à distance, de façon limitée dans le temps ; si l'entreprise honore la commande, le paiement peut intervenir.
Le projet de loi concerne aussi l'amélioration des relations entre bailleurs et locataires. Il modifie divers aspects de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs : conditions d'établissement de l'état des lieux, conditions de restitution du dépôt de garantie ou encore création d'une action en diminution de loyer inspirée de l'action en diminution de prix prévue par la loi Carrez sur les lots de copropriété.
Outre les modifications déjà proposées par la commission des lois, je présenterai deux autres amendements sur ces dispositions pour tenir compte des débats qui ont eu lieu en commission de l'économie.
Enfin, la commission des lois a décidé, à l'unanimité, de combler une lacune de notre droit en introduisant l'action de groupe, fondée sur l'adhésion volontaire, dans ce projet de loi.
Ce texte, présenté comme ayant pour objet de renforcer la protection des consommateurs, passait en effet à côté de son sujet en s'abstenant de prévoir la seule mesure qui permet d'assurer le respect intégral des droits des consommateurs et qui ne crée pas d'autre droit que celui de faire valoir le sien.
En effet, dans une société de consommation de masse, lorsqu'ils font face à la faute d'un professionnel, le plus fréquemment les consommateurs subissent un préjudice d'un montant trop faible pour les inciter à saisir le juge alors que, collectivement, le préjudice est considérable. Le contrevenant tire ainsi un bénéfice indu de la faute qu'il a commise sans crainte d'être inquiété, en toute impunité donc, car le coût et le tracas de la procédure judiciaire sont dissuasifs.
Je crois, mes chers collègues, que nous sommes tous ici contre l'impunité pour ceux qui ne respectent pas la loi. Je sais cependant que je ne parviendrai pas à convaincre ceux d'entre vous qui sont hostiles par principe à ce type de recours collectif. En revanche, je voudrais apporter des réponses et des éclaircissements à ceux qui, légitimement, s'inquiètent des éventuelles conséquences de cette procédure sur nos entreprises, a fortiori dans une période de crise économique.
Je rappelle tout d'abord que nous avons repris les conclusions des travaux très approfondis que Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille ont entrepris sur ce sujet au nom de la commission des lois. En analysant précisément les dérives des actions collectives à l'étranger, notamment aux États-Unis, ils ont pu concevoir des garanties et des garde-fous qui nous protégeront de ces dérives.
La première de ces garanties est la procédure civile française, au sein de laquelle ce dispositif s'inscrit pleinement, ainsi que les règles déontologiques de la profession d'avocat.
Ainsi, le dispositif ne comporte pas de dommages et intérêts punitifs, lesquels sont à l'origine du montant colossal des indemnisations aux États-Unis. Il n'autorise ni honoraires au résultat ni faculté pour l'avocat d'introduire une action sans être mandaté, de financer son action à crédit ou encore de faire du démarchage pour trouver des clients. Enfin, n'est introduit dans notre droit aucun des éléments de procédure « à l'américaine », discovery ou opt-out par exemple, qui permettent des chantages au procès et à l'indemnisation, portent atteinte à l'image des entreprises et peuvent conduire celles-ci à la faillite.
Tout d'abord, des associations de consommateurs bénéficiant d'un agrément spécial joueraient le rôle de filtre.
Ensuite, pour éviter les procès indus, la procédure s'organiserait en deux phases.
Dans un premier temps, le juge statuerait sur le principe de la responsabilité de l'entreprise à partir des quelques cas-types qui lui auront été soumis.
Ce n'est que dans un second temps, une fois que la faute du professionnel aura été reconnue par le juge, qui pourra ordonner des mesures de publicité à la charge du professionnel, que les consommateurs lésés pourront se joindre à l'action et demander à être indemnisés.
Le dispositif consacre l'opt-in et écarte l'opt-out : ne seront parties à l'action que ceux qui y auront adhéré volontairement, ce qui encadrera le montant des indemnisations.
Le juge examinera alors la recevabilité des demandes des consommateurs désirant se joindre à l'action et proposera une indemnisation. Le cas échéant, l'entreprise pourra suggérer une médiation, avec l'accord du juge, afin que les consommateurs soient remboursés plus rapidement.
L'ensemble de ces garanties constituent une assurance contre toutes les dérives de la procédure de l'action de groupe qui, ainsi conçue, permettra de parachever la protection du consommateur organisée par le droit français.
J'ajoute que l'enjeu n'est pas seulement national : il est important de disposer d'un modèle français de l'action de groupe qui puisse inspirer le futur modèle européen et éviter que nous soit imposée une procédure inconciliable avec nos principes.
Il me semble que, si l'on accepte le principe de l'action de groupe – je sais que vous êtes sensible à la nécessité d'étudier la question, monsieur le secrétaire d'État, car, comme vous me l'avez dit vous-même en réunion de commission, il n'est pas interdit de réfléchir –, le meilleur dispositif, techniquement et juridiquement, est celui qu'a proposé la commission des lois et qu'a approuvé la commission de l'économie.
Enfin, le projet de loi aborde également de très nombreux autres sujets qui intéressent la commission des lois. Je n'en citerai que quelques-uns : le droit des assurances, les prérogatives des maires en matière de ventes au déballage, ou encore la législation funéraire.