Intervention de Bruno Sido

Réunion du 19 décembre 2011 à 15h00
Modification du règlement du sénat — Article 2

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

Monsieur le président, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une citation dont la sagesse ne vous échappera pas : « Il ne semble pas pertinent de créer une commission permanente spécifiquement dédiée au développement durable et à l’aménagement du territoire, du fait même de la transversalité de la question environnementale. » Il se trouve que je partage pleinement ce point de vue : il s’agit, mot pour mot, de l’exposé sommaire d’un amendement déposé par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche à l’Assemblée nationale en mai 2009 !

À l’époque, la gauche était unanime pour dénoncer dans la création d’une commission permanente du développement durable un recul en matière de prise en compte des enjeux environnementaux, les Verts ayant eux-mêmes fait valoir que les questions du développement durable ne pouvaient en aucun cas être dissociées de l’agriculture, de la pêche, de l’énergie et de l’industrie, c’est-à-dire du périmètre actuel de notre commission de l’économie.

Le Grenelle de l’environnement, adopté le 3 août 2009, a montré que les questions du développement durable touchaient toutes les politiques publiques de notre modèle économique : la lutte contre le changement climatique, le logement, l’urbanisme, les transports, l’énergie, la biodiversité et les milieux naturels, l’eau, l’agriculture, les risques, les déchets et même la gouvernance des entreprises.

En tant que rapporteur de ce texte au nom de la commission de l’économie, j’ai pu constater, directement, l’intérêt d’une commission transversale pour aborder cette révolution. Il faut croire, d’ailleurs, que je n’étais pas si « extrémiste » que cela, monsieur Mézard, puisque le Grenelle 1 a été adopté à la quasi-unanimité du Sénat !

C’est justement dans la liaison de l’économie et de l’écologie que réside le nouveau modèle de développement qui permettra la reprise d’une croissance durable. Par exemple, au champ de compétence de quelle commission permanente le secteur de l’énergie ressortira-t-il ? Comment peut-on, au XXIe siècle, dissocier l’aspect industriel majeur que comporte la politique énergétique de notre pays de la question des énergies renouvelables, des économies d’énergie et de la maîtrise de la demande énergétique ?

La notion de développement durable, reconnue depuis 1992 et traduite dans notre Charte de l’environnement, est bel et bien transversale et doit irriguer, par le biais d’une approche intégrée, l’ensemble des secteurs économiques et de nos politiques publiques, et ce n’est pas M. Placé qui me dira le contraire !

À l’inverse, le cantonnement des questions environnementales au périmètre d’une seule commission ne peut que cloisonner ces problématiques, dénaturant ainsi l’approche du développement durable, alors même que la proposition de résolution souhaite la voir mieux prise en compte par le Sénat.

La majorité sénatoriale d’aujourd’hui en convenait il n’y a pas si longtemps : la valorisation des enjeux du développement durable passe par une commission aux compétences transversales, traitant à la fois d’économie et d’écologie, voire des aspects sociaux de ces sujets, en phase avec les grands enjeux actuels. Comment faire l’« économie verte » si l’on sépare l’environnement de l’économie ?

Sur la forme, par ailleurs, notre groupe est hostile à la création d’une commission permanente supplémentaire. Passer de six à sept commissions permanentes à partir de la seule commission de l’économie ne peut que conduire à un affaiblissement du poids, en nombre, de ces deux nouvelles commissions. L’Assemblée nationale l’a bien fait, nous rétorque-t-on. Eh bien, pour ma part, je suis attaché à la spécificité de notre institution sénatoriale. S’il faut absolument se calquer sur le modèle de l’Assemblée nationale, à quoi sert notre deuxième chambre ?

Rappelons aussi que, si les députés sont 577, nous ne sommes que 348. Le passage à sept commissions permanentes entraînerait donc des difficultés de représentation et de présence pour les petits groupes, ce qui n’est pas conforme à la façon dont nous avons toujours travaillé.

Notre groupe n’est pas hostile à une prise en compte encore renforcée des aspects environnementaux. Mais nous pensons justement que, pour cela, la question du développement durable doit être traitée à travers l’ensemble des questions économiques.

Si une nouvelle structure devait être créée, nous serions plus favorables à une délégation spécifiquement dédiée à ces enjeux et chargée d’informer la Haute Assemblée sur le respect des impératifs du développement durable. Une telle délégation autorisant en outre la double appartenance, chaque commission pourrait y être représentée.

Monsieur Sueur, vous avez souligné qu’il existait un ministère spécifiquement chargé de l’environnement, mais vous avez oublié de dire que, grâce à M. Juppé dans un premier temps, puis à M. Borloo, les compétences de ce ministère de l’environnement ont été considérablement élargies. Cet après-midi, je visitais l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, avec M. le Premier ministre, M. le ministre chargé de l’industrie, Éric Besson, et Mme la ministre de l’écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Voilà bien la preuve de l’élargissement des compétences du ministère de l’écologie ! Jean-Louis Borloo nous a d’ailleurs exhortés, avant de quitter ses fonctions ministérielles, à ne pas défaire au niveau de nos commissions ce qui avait été fait au niveau du ministère.

Je voudrais enfin insister sur le fait que notre groupe d’opposition fait aujourd’hui preuve d’un grand sens de l’État en se prononçant contre la création d’une commission permanente dans laquelle l’opposition sénatoriale serait pourtant, selon toute probabilité, monsieur Mézard, majoritaire.

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