Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le département dont je suis l’élu compte une cinquantaine de producteurs de blé. Aussi, la chute des cours mondiaux du prix de la tonne de blé en dessous des coûts de production français met à mal les perspectives financières de ces entreprises agricoles.
Après s’être redressé pendant dix-huit mois jusqu’à l’été 2011, le cours des céréales a fortement chuté depuis l’automne. La cotation de référence est même retombée en octobre dernier en dessous de 180 euros par tonne, un niveau inacceptable pour les producteurs. Avec le transport et la marge de l’organisme collecteur à déduire, le producteur ne percevait plus que 150 à 160 euros par tonne. Il s’agit d’un niveau de prix équivalant à celui d’il y a trente ans, en monnaie courante, bien entendu.
Or l’observatoire Arvalis-Unigrains a estimé le coût moyen de production du blé à 221 euros la tonne pour la récolte 2011, un prix auquel il faut retirer en moyenne 40 euros par tonne au titre des aides pour obtenir le prix minimum de marché permettant au producteur de dégager un résultat positif, soit 180 euros la tonne.
Depuis quelques semaines, le marché mondial très volatil des cours des céréales renoue avec une très légère hausse, atteignant le cours fatidique des 195 euros la tonne, un niveau qui permet aux producteurs de percevoir le minimum nécessaire pour leur exploitation. Toutefois, les chiffres parlent d’eux-mêmes et l’inquiétude reste tangible.
La chute des prix qui a été causée hier par les énormes récoltes en Ukraine et Russie, exportables avec des bateaux qui viennent décharger leurs céréales dans les ports d’une Union européenne qui a démantelé tous ses instruments de gestion des marchés, sera suivie de nouvelles contraintes.
L’Union européenne est actuellement en discussion avec l’Ukraine pour signer un accord de libre-échange qui porterait sur un total de quelque 2 millions de tonnes de céréales – blé, orge et maïs –, au détriment des tarifs français.
La PAC 2014–2020 fait, certes, la part belle à de nombreuses mesures qualitatives, mais elle fait l’impasse sur un soutien au marché.
Le législateur français et le Gouvernement vont-ils fermer les yeux sur l’extinction d’une profession qui fournit la demande nationale et produit 35 millions de tonnes de blé ? Depuis vingt ans, avec le démantèlement des outils de gestion du marché, la France a perdu son marché naturel, le marché commun européen, et doit se reporter vers les pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
En vingt-cinq ans, on a vu disparaître la culture des protéines végétales en France, alors que celles-ci ont d’excellentes vertus environnementales. Brisée par les lois du marché, nous l’avons remplacée par des productions d’importation américaines contestables tant par leur délocalisation que par le dramatique bilan carbone des cargos transatlantiques ou par les cultures intensives sous OGM qui nourrissent aujourd’hui 100 % de notre bétail.
De même, aujourd’hui, les nouveaux exportateurs de blé font du dumping économique et social et bradent les prix, ce qui réduit considérablement les parts de marché des céréaliers français. Par contrecoup, les éleveurs sont également défavorisés. Toute la chaîne ne cesse d’être dérégulée. Quel pays émergent fournira demain le blé à nos boulangers ?
Les amplitudes de variation des prix soumises aux aléas spéculatifs, énergétiques et climatiques rendent difficile toute prévision d’investissement et de lisibilité économique pour les producteurs français.
Pour conclure, je souhaite qu’il me soit confirmé que l’une des missions essentielles assignées par le traité de Lisbonne à la PAC d’« assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l’agriculture, de stabiliser les marchés et d’assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs » est toujours d’actualité et reste bien au cœur de nos négociations ?
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour protéger durablement la viabilité de nos céréaliers, leurs exportations vers les pays les plus proches, pour réguler la rentabilité des productions françaises et, éventuellement, pour soutenir nos prix de vente du blé ?