Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 20 février 2012 à 15h00
Simplification du droit et allègement des démarches administratives — Rejet d'une proposition de loi en nouvelle lecture

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je m’en explique : il faudrait désormais que chaque projet, chaque proposition de loi, ait un objet !

En effet, le texte dont nous débattons aujourd'hui présente la particularité de n’avoir pas d’objet. Or, s’il n'y a pas d’objet affiché, il ne peut bien sûr y avoir de débat public préalable ! Au final, nul ne sait que le Parlement est en train d’examiner tel ou tel sujet.

La clarté du débat public suppose d’annoncer avec une grande honnêteté ce dont le Parlement va être saisi. Tel n’est manifestement pas le cas aujourd'hui.

Si vous le permettez, monsieur le secrétaire d’État, j’ajouterai à ma « supplique » un codicille : n’engagez la procédure dite « accélérée » que de manière exceptionnelle, s’il n’est véritablement pas possible de procéder autrement. Mais que cette procédure ne devienne pas la règle ou l’habitude.

Aujourd'hui, nous examinons précisément un texte qui n’a pas d’objet et sur lequel la procédure accélérée a été engagée sans que cela soit nécessaire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons déjà beaucoup donné ! Pour avoir été rapporteur de nombre de propositions de loi et, surtout, de projets de loi portant « diverses dispositions d’ordre social », « diverses dispositions d’ordre économique », « diverses dispositions relatives aux collectivités locales », je me souviens que, chaque fois, nous avons tenu le même discours, chaque fois, nous avons affirmé qu’il n’est pas bon qu’un texte de loi n’ait pas d’objet.

Mais, sous l’impulsion de l’actuel président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, le phénomène a pris une ampleur sans précédent, si bien que, comme nombre de mes collègues ici présents, j’ai participé à l’examen de projets de loi très importants qui traitaient pratiquement de tous les sujets.

Alors, oui, nous avons déjà donné, raison pour laquelle nous voulons marquer aujourd’hui un coup d’arrêt, car cette pratique ne constitue ni une bonne manière de gérer le temps, ni une bonne manière de légiférer.

Monsieur le secrétaire d'État, sachez que nous avons porté un grand intérêt au projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs que vous avez présenté. On nous explique aujourd'hui qu’il est impossible d’en achever l’examen. Pourtant certaines de ses dispositions recueillaient notre assentiment, voire notre soutien total. D’autres ne suscitaient pas la même adhésion mais, à tout le moins, toutes avaient un objet, et toutes étaient des mesures concrètes. Or, alors que l’Assemblée nationale comme le Sénat ont beaucoup travaillé, le débat s’interrompt.

Pourquoi, au lieu d’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée la proposition de loi de M. Warsmann, le Gouvernement n’a-t-il pas utilisé le temps qui était disponible pour nous permettre d’achever l’examen de votre projet de loi défendant les droits des consommateurs ? C’eût été beaucoup plus cohérent ! Je pense même que, en votre for intérieur, vous devez vous dire que j’ai raison…

J’ai également à l’esprit le statut pénal du chef de l’État, dont le Sénat comme l’Assemblée nationale ont débattu. Il ne s’agit pourtant pas d’un sujet anodin ! D'ailleurs, le Président de la République avait déclaré qu’il envisageait de réformer le statut présidentiel avant la fin du quinquennat ; la Constitution avait été révisée dans cette optique. Et le temps ferait défaut pour achever l’examen d’un texte doté d’un objet précis et dont les deux assemblées ont discuté ?

Pour en revenir au sujet du jour, il est vraiment question de tout dans le texte de M. Warsmann ! Mais la dépénalisation du droit des affaires, du droit des sociétés, n’est pourtant pas chose anodine !

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