Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, après l’Assemblée nationale le 9 février dernier, le Sénat examine donc aujourd’hui une proposition de loi attendue.
Elle vient en effet procéder au dernier ajustement d’une réforme dont nous débattons depuis plus de trois ans. En défendant ce texte, j’ai le sentiment d’achever un cycle, celui qui a permis au Gouvernement d’engager une modernisation ambitieuse et courageuse de nos institutions territoriales.
Entre la remise au Président de la République du rapport du Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur le jeudi 5 mars 2009 et la séance d’aujourd’hui, trois années, presque jour pour jour, se sont écoulées.
Trois années qui nous ont permis, s’agissant de l’intercommunalité, de parvenir à un diagnostic partagé entre Gouvernement, Parlement et associations d’élus sur la nécessité d’achever la carte intercommunale.
Trois années qui nous ont vus, au Sénat et à l’Assemblée nationale, débattre avec beaucoup d’engagement, quelles que soient nos sensibilités politiques, d’une loi donnant corps à cette ambition réformatrice que nous partageons pour l’avenir de nos territoires.
Au terme de ce cycle, la réforme intercommunale a rempli son objectif et n’est plus contestée sur le fond.
Je ne reviendrai pas sur les conditions d’adoption de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, que chacun connaît, pour m’arrêter quelques instants sur le bilan de cette première année de mise en œuvre.
J’en tire pour ma part deux enseignements majeurs.
Le premier enseignement tient à la dynamique positive engagée dans tous les territoires.
Qu’on le veuille ou non, la réforme des collectivités territoriales est appliquée et mise en œuvre depuis plus d’un an dans un climat constructif. Elle a permis d’engager dans tous les départements une réflexion collective, souvent intense, parfois compliquée, mais toujours constructive, sur l’avenir de nos territoires et sur la meilleure manière de les rendre plus performants.
Sans revenir sur les premiers éléments de bilan que chacun connaît désormais, l’adoption des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, dans les deux tiers des départements, dans le calendrier prévu par la loi, témoigne de cette forte mobilisation des élus locaux de tout bord à laquelle je voudrais rendre ici un hommage appuyé.
Les soixante-six schémas arrêtés au 31 décembre 2011 sont le fruit d’une véritable coproduction entre les représentants de l’État et les élus concernés, puisque près de 330 réunions ont eu lieu, au cours desquelles environ 1 400 amendements ont été examinés dont environ 80 % ont été adoptés.
J’ajoute que de nouveaux schémas ont été adoptés depuis le début du mois de janvier, par exemple dans le Nord, je peux en témoigner.
Ce taux d’adoption des amendements soumis aux commissions départementales de la coopération intercommunale, les CDCI, est pour moi le signe même de la coproduction entre le préfet et les élus voulue par le Parlement et le Gouvernement.
Je sais que le dialogue n’a pas toujours été simple, et c’est bien normal, mais chacun a surmonté les crispations pour rechercher un nouveau point d’équilibre porteur de l’intérêt général. Sur le terrain, certains élus s’étonnent encore que le préfet accepte la proposition de la CDCI et me demandent d’intervenir ! Je leur réponds par courrier que le Parlement ayant souhaité que les élus décident, et non le préfet, la CDCI est bien maître en la matière.
La tonalité des discussions en cours dans les trente-trois départements qui n’avaient pas adopté de schéma au 31 décembre confirme le constat.
Le second enseignement que je tire, un an après l’adoption de cette réforme majeure du quinquennat, c’est qu’elle n’est plus remise en cause.
Certains ont bien essayé, voilà quelques mois encore, de remettre en question la réforme intercommunale, pourtant consensuelle. Je veux croire que ces velléités ont aujourd’hui disparu et que nous saurons nous retrouver sur les derniers ajustements, très attendus, qu’il convient d’opérer.
Le volet intercommunal de la loi de réforme des collectivités territoriales fait désormais partie du « patrimoine génétique » de nos libertés locales, comme la loi relative à l’administration territoriale de la République, dont nous avons célébré les vingt ans au Sénat, monsieur le président de la commission, le 6 février dernier.
Le travail très constructif engagé tant par Jacques Pélissard et Charles de La Verpillière à l’Assemblée nationale que par Jean-Pierre Sueur et Alain Richard au Sénat montre qu’il n’y a plus de débat sur l’essentiel.
Si les deux chambres parvenaient à se mettre d’accord aujourd’hui sur les assouplissements à apporter à la loi du 16 décembre 2010, ce serait bien la preuve que la réforme de la carte intercommunale est entrée dans le patrimoine commun de l’histoire de la décentralisation. Croyez bien que je m’en réjouirais avec vous.
La démarche initiée par la réforme des collectivités territoriales appelle donc quelques ajustements auxquels vient procéder utilement la proposition de loi soumise aujourd'hui à l’approbation du Sénat.
Le retour d’expérience des premiers mois a mis en lumière un besoin à la fois d’assouplissement de certaines dispositions et de sécurisation des procédures en cours dans les départements n’ayant pas adopté de schéma au 31 décembre 2011.
Ces mesures ont plus globalement pour objectif de fluidifier la mise en œuvre de la loi, notamment lorsque le consensus peine à émerger. Je rappelle les trois principales dispositions souhaitées par le Gouvernement.
Le règlement de la situation transitoire des exécutifs des établissements publics de coopération intercommunale fusionnés ou refondus jusqu’en 2014 constitue le cœur de la présente proposition de loi. Cette disposition, initialement présentée par Jacqueline Gourault au Sénat, ayant été déclarée irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution par la commission des finances de l’Assemblée nationale, j’ai déposé un amendement la reprenant. C’était un engagement du Gouvernement ; il est tenu.
Un alinéa sur la situation des suppléants qui sont dans une situation de vide juridique a par ailleurs été ajouté. Il me semble qu’il répond aux souhaits exprimés par certains d’entre vous.
Le deuxième engagement du Gouvernement portait sur l’inscription dans la loi de la consultation obligatoire de la CDCI dans les départements n’ayant pas adopté leur schéma au 31 décembre 2011.
Cette disposition s’appliquera, dès son adoption, dans les trente-trois départements où la concertation se poursuit afin d’aboutir à une vision partagée de l’intercommunalité, sachant que, même dans ces départements, les premières mesures de rationalisation peuvent être engagées si elles sont consensuelles.
Le droit d’amendement des élus est ainsi garanti dans tous les cas de figure. C’est une mesure essentielle à la poursuite de la concertation dans les départements concernés.
Le troisième et dernier engagement public portait sur la prise en compte de la situation des îles monocommunales. Le Gouvernement s’était engagé à traiter les singularités de certaines de ces îles. Là encore, l’engagement est tenu. L’Assemblée nationale a souhaité ajouter une disposition de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur qui incluait les enclaves historiques dans ces exceptions très rares à la règle de suppression des discontinuités territoriales. Le Gouvernement, par souci de pragmatisme, s’en est remis sur ce point à la sagesse de l’Assemblée nationale, et celle-ci a repris la disposition.
Au-delà de ces sujets centraux, le texte traite de quelques autres points de manière pragmatique. Pour l’essentiel, ils recueillent un avis favorable du Gouvernement.
Je pense en particulier au mécanisme de révision des SDCI, qui a été avancé de 2017 à 2015, afin d’obéir à une périodicité des révisions au moins tous les six ans, et qui donne par ailleurs à la CDCI une capacité d’initiative dans ce domaine. L’intercommunalité ne peut pas être un sujet figé ; elle est par essence évolutive.
Je pense aussi aux délais et aux possibilités laissés aux intercommunalités pour ajuster leurs compétences en cas de fusion, ou bien à la question de l’exercice de certains pouvoirs de police au sein des intercommunalités, ou encore aux questions de délégation de signature.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a rappelé le Premier ministre, François Fillon, le 7 octobre 2011 en Indre-et-Loire, la révision de la carte intercommunale est une nécessité « pour que nos communes et nos intercommunalités soient en capacité d’exercer les nombreuses compétences qu’elles détiennent ».
La loi de réforme des collectivités territoriales a, de ce point de vue, rempli son objectif, comme en témoignent les premiers éléments de bilan. Il reste à apporter certaines précisions attendues des élus locaux, sur des sujets circonscrits.
La proposition de loi soumise aujourd’hui à la Haute Assemblée, adoptée par l’Assemblée nationale le 14 février, est le fruit d’une convergence des points de vue dans l’intérêt de nos territoires. Elle traduit, je veux l’espérer, une vision consensuelle et assumée de l’ajustement législatif à opérer pour parachever le volet intercommunal de la loi de réforme des collectivités territoriales.
Compte tenu du contexte, le président de l’Association des maires de France, l’AMF, et le rapporteur à l’Assemblée nationale, en accord avec le rapporteur et le président de la commission des lois du Sénat, ont délibérément rédigé un texte concis et limité à l’essentiel. J’ai suivi toutes ces discussions, en tant que membre du Gouvernement, afin que l’Assemblée nationale et le Sénat s’accordent sur un texte qui puisse être adopté sans modification, car c’est bien à cette seule condition que nous pourrons le faire aboutir avant la suspension prochaine des travaux de la législature. Dans cette optique, le Premier ministre a d’ailleurs accepté, à ma demande, qu’il soit examiné selon la procédure accélérée.
J’ai donc bon espoir, sans préjuger des débats, que le Sénat se prononcera aujourd’hui pour une adoption définitive, comme vous y invite le vote de votre commission des lois.
Nous rendrions là, ensemble, le meilleur service à nos territoires.