Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 20 février 2012 à 15h00
Refonte de la carte intercommunale — Vote sur l'ensemble

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Pour la première fois depuis le début du long marathon de la réforme territoriale, un texte de l’Assemblée nationale sera voté conforme au Sénat.

Il faut dire que le travail a été bien préparé ! C’est là un chef-d’œuvre de diplomatie ; on en saisit mal la finalité et il court-circuite le débat démocratique, mais, comme on sait, la diplomatie supporte mal la lumière…

« Il y a une approche intéressante de la part du Gouvernement », expliquait M. Pélissard à l’Assemblée nationale, « et un vrai partenariat dans la préparation de cette loi avec le Gouvernement mais aussi avec le Sénat, puisque j’ai été en contact à plusieurs reprises avec le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Pierre Sueur, et avec le rapporteur, Alain Richard. Nous avons essayé de parvenir à un texte qui donnera lieu, j’espère, à un vote conforme du Sénat lorsque nous l’aurons voté nous-mêmes. » En langue de bois, cela s’appelle une « démarche consensuelle et transpartisane ». Veuillez m’excuser de ne parler que le patois…

Le Gouvernement et sa majorité, qui ne boude donc pas son plaisir, sont contents du résultat. On les comprend ! Ils ont enfin réussi à faire croire à ceux qui l’avaient jusque-là combattue au Sénat que leur réforme territoriale était bonne et que, à quelques détails près, réparés par ce vote conforme, l’achèvement sous tutelle préfectorale de la carte de l’intercommunalité pouvait aller à son terme. D’ailleurs, M. le ministre nous l’a dit tout à l’heure à la tribune : il n’y a plus de différences entre nous sur l’essentiel.

Oublié, sous les détails, que la coopération intercommunale est d’abord l’affaire des communes ; oublié, l’esprit de la décentralisation ; oublié, le difficile travail accompli ici il y a juste trois mois.

Le présent texte reprendrait les principales dispositions de la proposition de loi Sueur ? De qui se moque-t-on ? Il reprend seulement, à quelques détails près, les amendements Pélissard, intégrés à l’époque dans le texte de la commission. En revanche, il laisse soigneusement de côté l’essentiel, à savoir le changement de la méthode d’achèvement de la carte de l’intercommunalité et la place qu’y occupent les élus.

Il y aurait urgence, nous dit-on, à laisser intacte une si belle architecture. Sauf à penser que, au terme d’une « démarche consensuelle et transpartisane », les règles fixées par la loi du 16 décembre 2010 en matière d’intercommunalité sont définitivement admises, le règlement des problèmes auxquels se limite le champ de la présente proposition de loi ne pouvait-il donc attendre quatre ou cinq mois ?

Croyez-vous donc que les collectivités, même là où les schémas ont été arrêtés, soient, dans leur majorité, si pressées de les mettre en application ? Il reste tant de questions de statut, de fiscalité, de syndicats, de compétences à régler…

Comme notre rapporteur l’a lui-même démontré en son temps, la nouvelle méthode était parfaitement compatible avec le calendrier initial.

Comme je pense l’avoir aussi montré par voie d’amendement, il est parfaitement possible de faire bénéficier les collectivités déjà dotées d’un schéma des garanties offertes par la nouvelle procédure, sans perdre le bénéfice des accords et sans dépasser le terme du renouvellement de 2014.

Car l’obligation tenant au calendrier, c’est 2014, avec la réalisation effective des intercommunalités, et non le vote d’un schéma qui, à peine voté, pourra être remis en question.

Encore une fois, sauf à considérer que le volet intercommunal de la loi du 16 décembre 2010 est intangible, il faudra bien traiter un jour les problèmes de la trentaine de départements dépourvus de schéma départemental de coopération intercommunale, que les dispositions actuelles n’ont pas permis de régler.

Si ce vote conforme est un succès pour le Gouvernement, c’est un échec pour tous ceux qui souhaitent revoir souffler l’esprit de la décentralisation sur nos territoires, y compris dans l’élaboration de la carte de l’intercommunalité.

Faut-il en pleurer, faut-il en rire ? En votant contre cette proposition de loi de renoncement, je prends le parti d’en rire, le seul parti, disait Pierre Dac, « qui vous procure la joie de vivre avec la manière de s’en servir ». §Rendez-vous au prochain épisode !

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