Intervention de Hervé Maurey

Réunion du 14 février 2012 à 14h30
Aménagement numérique du territoire — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 6 juillet dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, adoptait à l’unanimité le rapport d’information sur l’aménagement numérique de notre pays intitulé : « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes ».

Ce titre volontairement « fort » avait pour but d’interpeller l’ensemble des responsables et des décideurs sur la situation réelle de notre pays en matière de numérique – de leur ouvrir les yeux ! – et sur l’absolue nécessité de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Ce rapport faisait suite à un précédent rapport remis au Premier ministre en octobre 2010, dans le cadre de la mission temporaire qu’il m’avait confiée pour formuler des propositions sur le financement du très haut débit.

Le rapport d’information de notre commission rappelait l’importance capitale de l’aménagement numérique de nos territoires en termes de développement économique et de qualité de vie et soulignait qu’un territoire, quelle que soit sa situation géographique, peut espérer offrir une réelle attractivité et jouir d’un réel dynamisme dès lors qu’il bénéficie d’une couverture numérique satisfaisante. Dans le cas contraire, il est malheureusement assuré d’un inexorable déclin !

J’étais vendredi dernier dans une petite commune de l’Eure, Barneville-sur-Seine, qui, grâce à la neutralisation du multiplexeur, a enfin accédé au haut débit. Le maire de cette commune rurale a remarquablement exprimé combien le haut débit était attendu, dans sa commune, par les agriculteurs, les enseignants, les artisans et les gestionnaires de gîtes touristiques. Cela montre que, dans tous les territoires, aujourd'hui, on a besoin de haut débit et qu’on ne peut pas dire à nos concitoyens : « Patientez, le très haut débit viendra dans quinze ans ! »

Ce rapport mettait également en exergue le fait que, contrairement à ce que certains affirment, la couverture numérique du territoire n’est pas si satisfaisante que cela.

Le réseau de téléphonie mobile continue de comporter des « zones blanches » et des « zones grises », et le taux de 98, 82 % de couverture est atteint uniquement parce que les critères de mesure ne sont pas pertinents. Chacun sait en effet que l’ARCEP mesure la réception dans les seules zones habitées, à l’extérieur des bâtiments et en situation fixe.

La situation est pire encore dans les « zones blanches », où il suffit que seul un point du centre-bourg soit couvert pour que la totalité de la commune soit considérée comme couverte.

Quant au réseau à haut débit, il affiche, à entendre Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, un taux de couverture de 100 %. Or chacun sait très bien ici que ce n’est, hélas ! pas le cas. Ce taux n’est atteint qu’en recourant à la solution satellitaire, qui devrait rester une solution d’appoint, pour ne pas dire palliative, car elle n’offre ni la même qualité de service ni la même tarification que l’ADSL.

Si l’on prend en compte le haut débit par ADSL, le taux est de 98, 3 %, mais il tombe à 77 % pour les connexions supérieures ou égales à 2 mégabits par seconde, lesquelles représentent, selon Éric Besson lui-même, le débit minimum nécessaire pour une connexion de qualité. Quant à l’offre triple play, à laquelle souhaitent accéder nombre de Français, la majorité de nos concitoyens ne peut en bénéficier aujourd'hui.

Concernant le très haut débit, dont le Président de la République a promis que 100 % des foyers bénéficieraient en 2025, M. le secrétaire d’État nous expliquera certainement que 6 millions de foyers ont aujourd’hui accès à une offre ; mais il faut préciser que 4, 7 millions d’entre eux sont raccordés par câble et que, sur les 1 350 000 foyers éligibles à la fibre, 550 000 se sont abonnés, dont 175 000 seulement en FTTH ou fibre optique jusqu’à l’abonné ! À ce rythme, il faudra, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, cent ans pour couvrir le territoire.

Voilà pour l’existant. Mais, ce qui est encore plus grave, c’est que le modèle de déploiement retenu par le programme national très haut débit ne nous paraît pas pertinent. En effet, il repose intégralement sur le bon vouloir des opérateurs.

Je voudrais, à cet égard, dire mon regret que l’État ait totalement renoncé à être un acteur de ce déploiement et à remplir une mission qui me paraît pourtant essentielle : l’aménagement du territoire. §

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