Séance en hémicycle du 14 février 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 75 bis du règlement du Sénat.

Deux jeudis par mois, ont lieu les séances de questions dites « d’actualité » : ces questions appellent normalement des réponses ! Or, bien souvent, elles restent en suspens. D’ailleurs, celles et ceux qui nous regardent ne sont pas dupes et, régulièrement, nous entendons des remarques telles que : « Vous posez des questions, mais le Gouvernement n’y répond pas ! »

Jeudi dernier, on a atteint un stade supérieur. En effet, non seulement le Gouvernement n’a pas répondu, mais un de ses membres – en l’occurrence M. Pierre Lellouche – est allé jusqu’à proférer des contre-vérités. Et pourtant, le début de son intervention ne le laissait pas augurer…

En effet, à Michel Berson qui l’avait interrogé sur le décret relatif au tarif social du gaz, dont la rédaction a pris du retard, M. Lellouche a tout d’abord rétorqué : « Aligner des contre-vérités ne fait pas une vérité ! » Or il s’est aussitôt révélé un expert en la matière ! Il a soutenu bec et ongles que ledit décret était bel et bien publié et que, à compter du 1er janvier 2012, les ménages souffrant de précarité énergétique bénéficieraient du tarif social.

Il s’agit là d’une contre-vérité criante ! Jeudi, en séance publique, nous avons aussitôt protesté contre cette affirmation ; je n’étais d’ailleurs pas le dernier, étant au demeurant le mieux placé pour contester les propos de M. le secrétaire d’État : le matin même, je rapportais devant la CNIL précisément sur ce décret ! Celui-ci ne pouvait donc pas, l’après-midi, être publié ! Du reste, il ne l’est toujours pas : il est actuellement soumis au Conseil d’État.

S’il est désagréable de ne pas obtenir de réponse à une question, il est encore plus déplaisant – notamment pour ceux qui nous écoutent – que des mensonges soient proférés dans cet hémicycle, qui trahissent un véritable manque de considération envers nos 4 millions de concitoyens qui souffrent de précarité.

Je tenais donc, aujourd'hui, à dénoncer de manière formelle cette fausse information et à apporter la rectification qui s’imposait, de manière que cela figure au compte rendu de nos débats et reçoive la plus large publicité.

Bien entendu, sur le fond, je souhaite que les personnes éligibles puissent bénéficier de ce tarif social à titre rétroactif, c’est-à-dire à partir du 1er janvier 2012.

Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir transmettre cette observation à qui de droit, en l’occurrence à M. le Premier ministre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire, présentée par MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy (proposition n° 118, texte de la commission n° 322, rapport n° 321).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du commerce, mes chers collègues, je suis en fait, avec notre collègue Hervé Maurey, coauteur de la présente proposition de loi.

Ce texte vise à compléter positivement le programme national très haut débit, le PNTHD, lancé par le Gouvernement et présenté à la Nation il y a près de deux ans. De fait, la présente proposition de loi traduit pleinement l’objectif fixé par le Président de la République et accepté par tous les Français : éviter toute fracture numérique, en permettant à tous les Français d’accéder aux moyens modernes de communication dont ils aspirent à profiter. C’est du reste pourquoi, aujourd’hui, les élus locaux sont tous soumis à de fortes pressions, de la part de leurs concitoyens, au sujet du haut débit et du très haut débit.

Par ailleurs, cette proposition de loi se fonde sur un constat unanimement partagé : les futurs moyens de télécommunication nécessiteront que la fibre optique soit mise à la disposition de l’ensemble de nos populations. Contrairement à tous ceux qui jugent un semblable projet irréalisable, demain, tous les foyers français, quels qu’ils soient, exigeront d’être abonnés à la fibre optique, de la même manière qu’ils disposent déjà de l’électricité, de l’eau ou du téléphone.

M. le Président de la République est très attaché à cet objectif : d’ailleurs, renoncer à un tel dessein reviendrait à exclure purement et simplement certains territoires de la vie moderne. Or le réseau de demain, fondé sur la fibre optique, devra couvrir l’ensemble du territoire français.

Ce projet n’entre nullement en contradiction avec la nécessité de disposer d’un réseau haut débit en matière de téléphonie mobile, lequel sera mis à la disposition de nos concitoyens via les téléphones de quatrième génération. Au demeurant, pour pouvoir utiliser de semblables appareils, il faudra disposer d’un réseau très dense d’émetteurs qui seront tous alimentés par des réseaux de fibre optique.

Je n’évoquerai plus la question de la téléphonie dans la suite de mon intervention. En effet, cette proposition de loi a déjà été amendée par la commission des affaires économiques du Sénat : les divergences qui se faisaient jour en la matière ont ainsi été largement gommées par nos collègues MM. Retailleau et Hérisson comme par le Gouvernement, qui, à mes yeux, ont obtenu satisfaction.

Je centrerai à présent mon propos sur ce point : en matière numérique, les collectivités sont nécessairement au cœur de l’aménagement du territoire.

Certes, le modèle choisi dans les années 1990, lors de la mise en place du marché unique, confiait le déploiement des télécommunications aux entreprises privées, soumises à la concurrence. D’ailleurs, à cette époque, sous un gouvernement socialiste, me semble-t-il – ces conceptions étaient alors largement partagées ! –, France Télécom avait obtenu la propriété de tous les réseaux cuivre, avec obligation de les mettre à disposition de l’ensemble des opérateurs : c’est ce qu’on appelait le dégroupage.

Ce modèle différait des choix opérés pour EDF et la SNCF : pour l’électricité et le transport ferroviaire, la gestion des réseaux et celle des services avaient été séparées. En l’espèce, le réseau cuivre a été confié à France Télécom, tandis que l’ART, l’Autorité de régulation des télécommunications, devenue par la suite l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, était chargée de réguler cette mise en œuvre.

À l’origine, au début des années 2000, compte tenu des connaissances technologiques de l’époque, la première étape a consisté à « doper » le réseau cuivre confié à France Télécom, afin de lui permettre d’atteindre un débit satisfaisant : c’est ce que nous nommions le haut débit mégabit qui, dans le meilleur des cas, visait à obtenir le triple play à partir des câbles téléphoniques. Pour les zones qui ne pouvaient être reliées par ce biais, on complétait le système par des réseaux hertziens de type Wimax, par le satellite ou par d’autres moyens technologiques.

Or, très rapidement, des carences se sont fait jour chez les acteurs privés pour assurer cette montée en débit : ce constat a conduit le Sénat, contre l’avis du Gouvernement – Eh oui, déjà à l’époque ! Mais la Haute Assemblée n’est-elle pas le représentant des collectivités locales ? – et sur proposition de notre ancien collègue Jean-François Le Grand et de moi-même, à adopter l’article 1425-1 du code général des collectivités territoriales, auquel, avec le temps, tout le monde a fini par se rallier. Cette disposition permet aux collectivités locales d’intervenir comme opérateurs d’opérateurs.

En outre, dès 2004, la France a instauré un système de partenariats public-privé, associant collectivités locales et investisseurs privés pour accomplir la montée en débit sur le réseau cuivre.

(M. le secrétaire d’État acquiesce.) D’ailleurs, il n’est pas question de le critiquer. À mon sens, dans cette première étape de montée en débit, la France a globalement mieux réussi que bien des pays européens.

M. le président de la commission acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Monsieur le secrétaire d’État, je constate que ce dispositif a globalement bien fonctionné ! §Nous pouvons donc nous satisfaire de cette avancée qui, je vous le rappelle, est liée à la forte intervention des réseaux d’initiative publique.

Il ne s’agit pas de renationaliser les réseaux de téléphonie : il s’agit simplement d’associer privé et public pour satisfaire les besoins des Français.

Grâce à ce système, nous avons évité une fracture numérique majeure sur le moyen débit. En la matière, le bilan me semble globalement satisfaisant, même si certains territoires français ne disposent toujours pas de ce débit de 6 mégabits.

Parallèlement à cette montée en puissance du haut débit pour tous, les premiers réseaux de fibre optique à l’abonné se déployaient dans les zones les plus denses ; au cours des dix ou quinze dernières années, les opérateurs privés et certaines collectivités ont en effet pris des initiatives pour développer ces réseaux, qui constituent désormais le moyen à privilégier pour les télécommunications.

En 2008, à l’occasion de l’examen par le Sénat de la loi de modernisation de l’économie, la LME, j’avais déjà dû, avec Élisabeth Lamure, et contre l’avis du Gouvernement, déposer un certain nombre d’amendements visant à faciliter l’implantation de la fibre optique.

Un an après, en 2009, notre collègue Xavier Pintat, qui avait perçu les difficultés que nous rencontrions pour assurer un déploiement harmonieux de toutes ces techniques, prévoyait dans la loi qui porte son nom l’élaboration de schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Ces schémas de développement ne sont certes pas obligatoires, mais ils permettent de prendre en compte chaque territoire dans sa diversité.

On parle toujours des Hauts-de-Seine, mais il faut savoir que ce département souffre actuellement d’un excès de réseaux à très haut débit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, les Hauts-de-Seine ne manquent pas de réseaux !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

On cite souvent les Hauts-de-Seine comme un mauvais exemple. On prétend en effet que les initiatives du conseil général des Hauts-de-Seine sont dramatiques parce qu’elles ont pour conséquence une surabondance de réseaux. Il est vrai que ce département compte trois ou quatre réseaux à très haut débit, tandis que certains départements ne disposent pas encore des 6 mégabits indispensables.

Face à de telles disparités, et sachant que les élus ont une compréhension très variable de ces problèmes, ces schémas locaux étaient nécessaires. Ils sont à mettre au crédit de la « loi Pintat », de même que la création d’un fonds d’aménagement numérique des territoires.

Nous le savons tous, mes chers collègues, si nous voulons gagner cette bataille, nous devrons compléter les initiatives privées, que nous souhaitons les plus nombreuses possibles, par des crédits publics émanant des collectivités, de l’État ou de l’Europe.

Nul ne peut juger raisonnable de confier aux seules initiatives privées le soin d’équiper toute la France, y compris les zones insuffisamment peuplées pour être rentables. Il est donc nécessaire d’introduire des idées de péréquation et de mutualisation, et c’est pourquoi ce fonds d’aménagement numérique des territoires me semble bienvenu.

Mais, au-delà, il faudra aussi réfléchir au modèle économique général. En effet, on ne parle jamais du chiffre d’affaires des télécommunications, ni des profits tirés de l’exploitation des réseaux de télécommunication. À y regarder de plus près, on constaterait pourtant que les masses d’argent qui sont en jeu sur ces marchés dépassent, et de loin, les 20 milliards à 25 milliards d’euros nécessaires pour moderniser le réseau de télécommunications, sommes que l’on considère parfois comme exagérées.

Nous devons aujourd’hui nous rendre à l’évidence : si nous voulons éviter une fracture numérique sur la fibre optique à l’abonné et, partant, une division de la France, il nous faut inventer un nouveau « PPP fibre optique », un nouveau partage, une nouvelle mutualisation des moyens entre le public et le privé. Nous devons avancer prudemment et bâtir un partenariat public-privé de qualité, qui permettra de servir convenablement tous les Français et de donner tort à tous ceux qui ne voient dans les PPP que des PPPP : « profits privés, pertes publiques ». §

Il s’agit, monsieur le secrétaire d’État, d’éviter que les bonnes intentions de l’État et des collectivités locales ne soient trahies, car tous les Français souhaitent le déploiement du très haut débit.

Nous devons éviter les coups de frein multiples de ceux qui veulent préserver leurs rentes sur le fil cuivre et de ceux qui veulent réserver les investissements aux zones privilégiées, des aides aux investissements étant octroyées aux zones pauvres.

Nous devons au contraire accélérer le processus d’installation de la fibre optique sur toute la France. Aujourd’hui, nous constatons que les initiatives privées annoncées sont loin de correspondre aux attentes de M. le ministre de l’industrie, ce qui prouve au demeurant que le fil cuivre est encore très intéressant et que les paris sur la rentabilité de la fibre optique ne sont pas encore tous gagnés.

Voilà un an, M. le ministre affirmait vouloir faire le bilan des propositions des opérateurs privés en matière de déploiement de la fibre optique au 1er février 2012. Or, aujourd’hui, les intentions réelles d’investissement sont peu nombreuses. Certes, cela ne nous empêche pas de dresser un état des lieux, mais, si nous comptons seulement sur les initiatives privées, et au regard des sommes annoncées, il nous faudra cinquante ou cent ans pour aboutir !

Je n’accuse personne, mais, avec d’autres, je dis que nous devons agir pour éviter une réelle fracture numérique en matière de fibre optique, ce qui constituerait une profonde déception pour tous les territoires laissés à l’abandon, notamment les zones rurales, les zones peu peuplées et les zones pavillonnaires autour des villes.

Ainsi, dans mon département, et alors même que les agglomérations de Metz et de Thionville ont reçu des promesses d’investissements de la part des grands opérateurs, je sais que toutes les communes de ces deux agglomérations ne seront pas servies, à tel point que certaines intercommunalités envisagent de financer elles-mêmes des réseaux de fibre optique, constatant la carence des opérateurs privés, en l’occurrence Numéricable, France Télécom et SFR.

M. le président de la commission et M le rapporteur marquent leur approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Nous devons donc absolument avancer sur ces questions.

Cette proposition de loi est d’une simplicité biblique, et je ne comprends pas pourquoi elle soulève tant d’émotion de la part de France Télécom et du ministre ! Je ne vois pas où pourrait être le danger. Simplement, nous constatons, eu égard aux déclarations d’intention et aux dispositifs d’aides existants, que les opérateurs privés ne peuvent pas tout faire, et nous voulons prendre des mesures.

Celles-ci sont d’une simplicité enfantine et je ne doute pas que, ce soir, nous adopterons cette proposition de loi à l’unanimité

Sourires sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Nous œuvrons dans l’intérêt des Français et des collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Si, demain, nous ne rattrapons pas notre retard, les collectivités locales devront financer, sur leurs propres deniers et sans aucun retour sur investissement, l’aménagement des zones les moins peuplées de notre territoire.

Si nous voulons que les collectivités locales réalisent des économies, nous devons adopter cette proposition de loi à l’unanimité.

Son objet est simple : rendre obligatoires, territoire par territoire, les schémas d’aménagement numérique. Ce n’est pas compliqué : on s’assoit autour d’une table, avec le préfet et tous les acteurs concernés, pour faire un diagnostic partagé, qui tiendra compte de la diversité des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Et dans les Hauts-de-Seine ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Pour une fois que vous partagez mon point de vue, chers collègues de gauche, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est bien ce qui nous gêne !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Ne nous compliquez pas la tâche, devrais-je dire, puisque nous travaillons dans l’intérêt des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Il s’agit simplement de s’asseoir autour d’une table et de s’expliquer franchement. Les grands opérateurs et les experts devront dire la vérité aux élus et faire de la pédagogie.

Ce schéma sera ensuite révisé périodiquement, tous les deux ans, pour suivre l’état d’avancement des projets.

Bien sûr, rien ne sera obligatoire. Si les collectivités ne veulent pas participer, libres à elles ; si elles veulent passer des conventions avec le privé, elles le pourront !

Mais si des conventions ont été conclues dans le cadre de ce schéma, elles seront annexées à celui-ci et systématiquement vérifiées par l’ARCEP. Si l’un des partenaires ne joue pas le jeu, il sera sanctionné, tout comme est puni celui qui ne respecte pas un marché public. En effet, si une commune refuse de payer les travaux routiers effectués par une entreprise, elle est condamnée à payer, et vice-versa en cas d’inexécution.

Mes chers collègues, n’abordez pas la discussion de cette proposition de loi avec crainte : nous ne défendons ni les intérêts des opérateurs privés ni ceux des collectivités locales, mais un modèle de participation public-privé utile à la France, et voulu par la France.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne faisons qu’accompagner le Gouvernement, afin que les promesses du Président de la République soient tenues. C’est l’intérêt de tous, et nos collègues de gauche partagent ce point de vue.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Mes chers collègues, faites confiance aux optimistes et ne vous laissez pas décourager par les peurs quelque peu moyenâgeuses que l’on cherche à entretenir. Je le dis avec gentillesse…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

… et esprit de dialogue à France Télécom : donnons-nous la main et avançons ensemble !

Mes chers collègues, vive la fibre optique à l’abonné pour tous ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques mois, le 6 juillet dernier, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, adoptait à l’unanimité le rapport d’information sur l’aménagement numérique de notre pays intitulé : « Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes ».

Ce titre volontairement « fort » avait pour but d’interpeller l’ensemble des responsables et des décideurs sur la situation réelle de notre pays en matière de numérique – de leur ouvrir les yeux ! – et sur l’absolue nécessité de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Ce rapport faisait suite à un précédent rapport remis au Premier ministre en octobre 2010, dans le cadre de la mission temporaire qu’il m’avait confiée pour formuler des propositions sur le financement du très haut débit.

Le rapport d’information de notre commission rappelait l’importance capitale de l’aménagement numérique de nos territoires en termes de développement économique et de qualité de vie et soulignait qu’un territoire, quelle que soit sa situation géographique, peut espérer offrir une réelle attractivité et jouir d’un réel dynamisme dès lors qu’il bénéficie d’une couverture numérique satisfaisante. Dans le cas contraire, il est malheureusement assuré d’un inexorable déclin !

J’étais vendredi dernier dans une petite commune de l’Eure, Barneville-sur-Seine, qui, grâce à la neutralisation du multiplexeur, a enfin accédé au haut débit. Le maire de cette commune rurale a remarquablement exprimé combien le haut débit était attendu, dans sa commune, par les agriculteurs, les enseignants, les artisans et les gestionnaires de gîtes touristiques. Cela montre que, dans tous les territoires, aujourd'hui, on a besoin de haut débit et qu’on ne peut pas dire à nos concitoyens : « Patientez, le très haut débit viendra dans quinze ans ! »

Ce rapport mettait également en exergue le fait que, contrairement à ce que certains affirment, la couverture numérique du territoire n’est pas si satisfaisante que cela.

Le réseau de téléphonie mobile continue de comporter des « zones blanches » et des « zones grises », et le taux de 98, 82 % de couverture est atteint uniquement parce que les critères de mesure ne sont pas pertinents. Chacun sait en effet que l’ARCEP mesure la réception dans les seules zones habitées, à l’extérieur des bâtiments et en situation fixe.

La situation est pire encore dans les « zones blanches », où il suffit que seul un point du centre-bourg soit couvert pour que la totalité de la commune soit considérée comme couverte.

Quant au réseau à haut débit, il affiche, à entendre Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, un taux de couverture de 100 %. Or chacun sait très bien ici que ce n’est, hélas ! pas le cas. Ce taux n’est atteint qu’en recourant à la solution satellitaire, qui devrait rester une solution d’appoint, pour ne pas dire palliative, car elle n’offre ni la même qualité de service ni la même tarification que l’ADSL.

Si l’on prend en compte le haut débit par ADSL, le taux est de 98, 3 %, mais il tombe à 77 % pour les connexions supérieures ou égales à 2 mégabits par seconde, lesquelles représentent, selon Éric Besson lui-même, le débit minimum nécessaire pour une connexion de qualité. Quant à l’offre triple play, à laquelle souhaitent accéder nombre de Français, la majorité de nos concitoyens ne peut en bénéficier aujourd'hui.

Concernant le très haut débit, dont le Président de la République a promis que 100 % des foyers bénéficieraient en 2025, M. le secrétaire d’État nous expliquera certainement que 6 millions de foyers ont aujourd’hui accès à une offre ; mais il faut préciser que 4, 7 millions d’entre eux sont raccordés par câble et que, sur les 1 350 000 foyers éligibles à la fibre, 550 000 se sont abonnés, dont 175 000 seulement en FTTH ou fibre optique jusqu’à l’abonné ! À ce rythme, il faudra, selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, cent ans pour couvrir le territoire.

Voilà pour l’existant. Mais, ce qui est encore plus grave, c’est que le modèle de déploiement retenu par le programme national très haut débit ne nous paraît pas pertinent. En effet, il repose intégralement sur le bon vouloir des opérateurs.

Je voudrais, à cet égard, dire mon regret que l’État ait totalement renoncé à être un acteur de ce déploiement et à remplir une mission qui me paraît pourtant essentielle : l’aménagement du territoire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Les opérateurs peuvent donc déployer où ils veulent – c'est-à-dire dans les zones rentables – et quand ils veulent, sans être aucunement tenus ni liés par leurs déclarations. Celles-ci n’ont d’ailleurs, en l’état, aucune valeur juridique ; elles les engagent d’autant moins qu’il n’a été prévu ni mécanisme de contrôle ni sanction.

Cette situation est d’autant plus anormale que, à l’inverse, les annonces des opérateurs ont des effets contraignants sur les collectivités locales puisque leurs déclarations interdisent, de fait, à ces dernières de déployer sur les zones ainsi préemptées. En effet, si les collectivités le faisaient, elles seraient privées de toute subvention, y compris sur la zone non rentable du déploiement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cette forte pénalisation, qui exclut toute péréquation à l’échelle d’un territoire, n’existait pas à l’origine du programme national très haut débit ; elle a été introduite par le Gouvernement, en avril 2011, pour une raison mystérieuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Elle conduit à réserver les foyers situés dans la zone rentable aux opérateurs et à ne laisser aux collectivités que les zones coûteuses, sans que, pour autant, le concours de l’État soit assuré.

La question du financement du Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé par la loi Pintat du 17 décembre 2009, n’est en effet toujours pas réglée. Plutôt que d’alimenter ce fonds, le Gouvernement a préféré en créer un second, le FSN, ou Fonds de solidarité numérique, créé au titre des « investissements d’avenir » par la loi de finances rectificative pour 2010.

Quelle est la cohérence d’un tel « doublonnement » ? Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas fait appel au Fonds d’aménagement numérique des territoires plutôt que de créer un nouveau fonds, surtout si c’était pour le calquer en grande partie sur celui qui existait. N’était-ce pas seulement pour « garder la main » sur les financements, via le Commissariat général à l’investissement ?

Autre interrogation, portant, elle, sur le périmètre financier du Fonds de solidarité numérique : avec 2 milliards d’euros, dont seulement 900 millions consacrés aux initiatives publiques, c’est-à-dire aux zones non rentables, comment donner confiance aux acteurs locaux quant à la réalité et à la pérennité de l’engagement de l’État ? Or cette confiance est indispensable pour amorcer un réel déploiement dans les territoires ruraux.

Le FSN, nous dit-on, n’aura d’existence que temporaire, le Fonds d’aménagement numérique des territoires étant voué à en prendre le relais. Mais alors, pourquoi ne pas anticiper, pourquoi ne pas prévoir dès maintenant un mode d’alimentation pour ce qui reste, à ce jour, une « coquille vide », un « fonds sans fonds » ?

C’est pour commencer dès à présent à alimenter ce fonds que la présente proposition de loi prévoyait la création d’une « contribution de solidarité numérique » de 75 centimes par mois sur les abonnements de communications électroniques et d’une taxe de 2 % sur les ventes de téléviseurs et consoles de jeux. Ce dispositif, qui a été supprimé par la commission, reprenait une des propositions formulées à l’intention du Premier ministre dans le cadre de ma mission. Personnellement, j’ai eu l’occasion de le dire, ma préférence va à une dotation de l’État plutôt qu’à la création de nouvelles taxes. Toutefois, l’article 40 de la Constitution interdisait son inscription dans ce texte.

Je voudrais attirer votre attention sur le fait que, si la somme de 600 millions d’euros, nécessaire pour alimenter ce fonds chaque, n’est pas négligeable, elle n’est pas démesurée. Je rappelle que le passage du taux réduit au taux normal de TVA sur les abonnements triple play, voté en loi de finances pour 2011, entraîne un surcroît annuel de recettes de 1, 1 milliard d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

J’avais, à l’époque, proposé qu’une partie de cette somme soit affectée à l’alimentation du FANT.

Je rappelle également, pour illustrer le caractère raisonnable de ce besoin de financement, que la diminution de la TVA dans la restauration coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État.

Je reprends aussi une comparaison éclairante qu’a faite le président de l’ARCEP lors de son audition par la commission : les 60 à 70 milliards d’euros qui devraient être consacrés aux routes dans les quinze prochaines années sont à rapprocher des 19 milliards d’euros du coût du déploiement de la fibre d’ici à 2025.

Enfin, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la tarification de l’accès à la boucle locale cuivre et il serait sans doute intéressant de confronter les différents points de vue sur la question ; j’y reviendrai tout à l’heure.

Le rapport de notre commission, voté à l’unanimité, je le rappelle, ne se contentait pas de dresser un état des lieux : il contenait trente-trois propositions pour relever le défi de l’aménagement numérique de notre territoire.

C’est dans le prolongement de ce rapport que Philippe Leroy et moi-même avons élaboré cette proposition de loi, qui vise à instaurer un véritable haut débit pour tous, à améliorer la situation de la téléphonie mobile en assurant une « opération vérité » sur la réalité de la couverture et à améliorer le modèle de déploiement du très haut débit.

Je tiens à dire, après Philippe Leroy, qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec le dispositif mis en place par le Gouvernement. Si nous avions voulu une rupture, nous aurions proposé un autre modèle. Nous aurions suggéré, comme en Australie, une structure publique chargée de déployer la fibre ou, comme en Finlande, le recours à des partenariats publics-privés sur le territoire.

Nous aurions également pu – c’est une solution qui me semble d’ailleurs intéressante – confier la réalisation et l’exploitation du réseau à des sociétés de BTP, sur le modèle des concessions d’autoroute. Une telle solution aurait du sens, car ces entreprises sont habituées à amortir sur une longue durée leurs investissements et à bénéficier d’un taux de rendement annuel relativement faible, à l’inverse des opérateurs de télécommunications. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les actionnaires des opérateurs de télécommunications ne sont pas favorables au déploiement de la fibre par leurs sociétés.

Nous ne l’avons pas fait – tout en nous réservant, si nécessaire, la possibilité de le faire ultérieurement –, car nous ne voulions pas prendre le risque de retarder encore le déploiement en remettant en cause le modèle choisi. Nous avons donc retenu la solution consistant à l’améliorer.

Je sais qu’un grand nombre d’entre vous sont attachés à la complémentarité et à la coopération entre les collectivités et les opérateurs. Ils ont raison ! Ce texte vise précisément à renforcer l’une et l’autre en rééquilibrant les relations entre les opérateurs et les collectivités, relations aujourd'hui totalement déséquilibrées, en faisant en sorte que les collectivités ne soient plus soumises aux décisions unilatérales des opérateurs.

Avant d’en venir au texte de cette proposition de loi, je voudrais évoquer l’avis récemment rendu par l’Autorité de la concurrence.

Afin de mieux cerner les réelles possibilités d’intervention des collectivités sur le déploiement du très haut débit, au mois de septembre dernier, notre commission, alors présidée par Jean-Paul Emorine, a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a rendu son avis à la mi-janvier. C’est un avis extrêmement intéressant et nombre de ses conclusions rejoignent celles du rapport d’information, et donc de la proposition de loi.

C’est ainsi que l’Autorité a constaté que le Gouvernement, dans la physionomie de son plan national et dans les critères de financement très restrictifs des collectivités, a fait un « choix d’opportunité ». Cela montre que ce plan aurait pu être tout autre, contrairement à ce qui a pu nous être dit.

Elle a également souligné que l’opérateur historique n’avait pas d’intérêt au déploiement du réseau fibre, du fait de la « rente » qu’il percevait sur le réseau cuivre.

Elle a reconnu que les projets intégrés des collectivités pouvaient sans aucun risque faire l’objet de subventions publiques, dès lors qu’ils s’inscrivent dans des services d’intérêt économique général.

Elle a aussi invité les pouvoirs publics « à exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement et à veiller de manière régulière à leur strict respect ». C’est le sens de cette proposition de loi.

Allant plus loin encore, elle a estimé nécessaire, « pour la crédibilité du dispositif [...] que, dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».

Cet avis, vous le voyez, mes chers collègues, conforte notre appréciation et nos propositions.

J’en viens, à présent, au contenu de la proposition de loi en précisant l’apport du travail de la commission, étant précisé que des amendements de tous les groupes ont été retenus.

Sur l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, nous avons introduit l’article 1er A, qui fixe en quelque sorte le cadre général du texte, en rappelant l’importance de l’aménagement numérique du territoire et ses implications en termes de réseaux.

L’article 1er tend à élargir le champ de compétence des schémas directeurs à tous les aspects de la problématique numérique : haut débit, téléphonie mobile, sans oublier les technologies satellitaires. Ces schémas directeurs, en effet, ne doivent plus viser uniquement le très haut débit : la couverture numérique est un tout et ils doivent devenir l’« ossature numérique » des territoires en hiérarchisant les priorités.

L’article 2 vise à généraliser les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Aujourd’hui encore, une vingtaine de départements n’ont pas commencé à élaborer un tel document. Nous proposons donc de rendre ces schémas obligatoires dans un délai d’un an après la publication du texte. L’article tend également à supprimer leur caractère indicatif et nous avons introduit en commission une procédure à suivre si aucune initiative n’est prise pour élaborer un schéma, en confiant, dans ce cas, un rôle moteur au préfet.

L’article 3, qui est essentiel, fait des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers précisent leurs engagements et soient réellement liés par le contenu de ceux-ci. Cette disposition permettra de passer d’une situation où, unilatéralement, les opérateurs décident et obligent les collectivités à s’ajuster, pour ne pas dire à se soumettre, à une situation plus équilibrée, plus égalitaire, où les deux parties discutent, négocient et contractualisent.

Sur proposition de nos collègues du groupe socialiste, la commission a créé un article 3 bis, qui impose de rendre raccordable au réseau très haut débit tout immeuble à construire.

L’article 3 ter, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé à notre commission, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, oblige les opérateurs intégrés, c'est-à-dire ceux qui sont également fournisseurs d’accès, répondant à des appels d’offres de collectivités pour la réalisation de réseaux d’initiative publique, à indiquer les conditions dans lesquelles ils comptent utiliser ces réseaux en tant qu’opérateurs de services.

Ces opérateurs disposent d’un avantage commercial important sur les pure players, c'est-à-dire les simples opérateurs de gros, qui est de nature à fausser la concurrence dans le cadre des procédures publiques. En effet, ils peuvent s’engager à être client du réseau public s’ils remportent l’appel d’offres pour son établissement et son exploitation.

Cet article a pour objet de rétablir les conditions d’un équilibre entre ces deux types d’acteurs et de permettre aux collectivités d’avoir plus de visibilité sur la commercialisation de leur réseau.

L’article 4 vise à assurer la meilleure couverture mobile avec un minimum de déploiement, en optimisant le nombre de points hauts. Il a été amendé par notre collègue Bruno Retailleau, qui en a simplifié la rédaction et a apporté plus de souplesse dans l’intervention des collectivités.

L’article 5 prévoit la mise en place d’un groupe de travail associant des représentants de l’ensemble des parties concernées, afin que soit redéfinie la manière d’appréhender les taux de desserte en téléphonie mobile – j’ai souligné précédemment les lacunes existant en la matière –, qui ne rendent pas compte de la couverture réelle du territoire. Sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons élargi l’objet de cet article à l’amélioration de la couverture mobile, et nous avons précisé, à ma demande, que la redéfinition des critères de couverture n’aurait pas d’effet sur les engagements des opérateurs découlant de l’attribution de leurs licences.

L’article 6, qui reprend un amendement que notre collègue Bruno Sido avait lui-même proposé dans l’un de ses rapports et qui avait été adopté et inséré dans la proposition de loi relative aux télécommunications de Daniel Marsin, prévoit une obligation de couverture des « zones grises » de téléphonie mobile par itinérance ou mutualisation des infrastructures.

Sur l’initiative de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons complété cet article en commission, en prévoyant la remise d’un rapport par le groupe de travail créé à l’article 5.

Estimant que le cahier des charges du déploiement du réseau mobile de quatrième génération accordait une place importante à la mutualisation, nous avons supprimé, à ma demande, ainsi qu’à celle de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, l’article 7, qui comportait des mesures en ce sens.

L’article 8, un article également très important, prévoit la mise en place d’un véritable haut débit pour tous, en reconnaissant à tout abonné la possibilité d’accéder à un débit minimal de 2 mégabits par seconde d’ici à 2014 et de 8 mégabits par seconde d’ici à 2016.

Avant de parler de très haut débit, il me semble essentiel de pouvoir assurer un véritable haut débit sur l’ensemble de nos territoires. Il n’est pas acceptable que certains d’entre eux disposent de connexions à 100 mégabits par seconde, voire davantage, quand d’autres espèrent toujours parvenir à 512 kilobits par seconde.

À cet égard, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « Hadopi », a reconnu une valeur constitutionnelle au droit d’accès de nos concitoyens au réseau de communications électroniques. Il est donc temps de donner une réalité à ce droit.

Compte tenu de la complexité technique et financière de cette question, nous avons fait en sorte de distinguer la fixation d’un tel objectif dans le présent texte et la détermination des moyens pour y parvenir, pour laquelle nous avons renvoyé à un rapport de l’ARCEP.

En vue d’améliorer qualitativement la desserte des foyers ne bénéficiant actuellement que d’une connexion à faible débit, l’article 9 rend la montée en débit sur tout type de réseau éligible au Fonds d’aménagement numérique du territoire, dans les cas où l’arrivée du très haut débit ne constitue pas, à court terme, une « porte de sortie par le haut ».

Afin de ne pas « gaspiller » de l’argent public sur une technologie appelée à devenir obsolète, nous avons précisé, sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, que les investissements réalisés devront être réutilisables pour le très haut débit.

L’article 10 permet le financement public national des « projets intégrés » des collectivités, portant pour partie sur une zone non rentable et pour partie sur une zone rentable, à condition que ne soient subventionnés que les projets de déploiement sur les zones non rentables. Pour sécuriser pleinement le dispositif au regard du droit communautaire, nous avons tenu compte des remarques de l’Autorité de la concurrence et précisé que ces projets intégrés devraient s’inscrire dans le cadre de services d’intérêt économique général pour être « subventionnables ». Cette disposition importante répond aux attentes des élus, car elle permet d’assurer une péréquation à l’échelle de leur territoire.

L’article 11 ouvre aux collectivités la possibilité de bénéficier du financement public national dans les zones que les opérateurs devaient, au terme de leur engagement contractuel, couvrir dans les trois ans. Un tel délai permet de s’aligner sur les prescriptions du droit communautaire, là où le programme national très haut débit mis en place par le Gouvernement prévoit un délai plus large de cinq ans.

L’article 12, très important, confie à l’ARCEP la compétence et les moyens de contrôler et de sanctionner le respect des engagements pris par les opérateurs sur la base des conventions découlant des SDTAN, en lien avec l’article 3.

Je sais que cela choque certains, les opérateurs en premier lieu, ce que je comprends – il est tellement plus agréable de ne pas être sanctionné ! –, mais aussi quelques-uns de nos collègues, qui l’ont indiqué en commission.

Pour ma part, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de choquant à sanctionner le non-respect d’un engagement librement consenti dans le cadre d’un accord contractuel. C’est même, vous en conviendrez, mes chers collègues, d’une banalité et d’un classicisme élémentaires. J’ajoute que ce pouvoir est confié à l’ARCEP, qui le détient déjà en matière de téléphonie mobile. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Autorité n’a pas fait preuve d’une sévérité ou d’un zèle excessif en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je ne vois donc pas pourquoi il en serait autrement ici.

Afin que s’opère de façon claire et définitive la transition du haut vers le très haut débit, l’article 13 prévoit d’intégrer dans les SDTAN la date à laquelle aura lieu le basculement du premier type de réseau vers le second. Une date butoir est fixée au 31 décembre 2025, ce qui permet de s’inscrire très exactement dans les objectifs visés par le Président de la République. L’ARCEP doit établir les conditions de ce basculement, parmi lesquelles figurera, bien entendu, l’indemnisation de l’opérateur propriétaire du réseau.

L’article 13 bis prévoit, à la demande de nos collègues socialistes, la remise par l’ARCEP d’un rapport sur un sujet souvent évoqué, mais sur lequel nous manquons d’informations précises quant à ses conséquences, à savoir la séparation des activités « réseau » et « services » chez les opérateurs intégrés. Je précise ici que l’opérateur historique n’est pas seul concerné.

L’article 14, cher à notre collègue Philippe Leroy, coauteur de cette proposition de loi, reconnaît le statut d’« opérateurs d’opérateurs » aux collectivités intervenant dans le cadre de réseaux d’initiative publique, sans pour autant en faire un statut dérogatoire.

Les articles 15 et 16 visaient à assurer le financement du FANT durant sa période de fonctionnement attendue, soit jusqu’en 2025. Je l’ai dit, il était proposé d’alimenter ce fonds au moyen, d’une part, d’une contribution de solidarité numérique sur les abonnements internet et de téléphonie mobile et, d’autre part, d’une taxe sur les téléviseurs et les consoles de jeu. Je le répète, cette solution n’est pas celle qui avait ma préférence. J’estime, en effet, que le FANT devrait être abondé par des dotations de l’État.

Opposée à l’instauration de toute nouvelle taxe, la commission a décidé de supprimer ces deux articles. Néanmoins, je souhaiterais que nous débattions sur ce sujet lors de l’examen des articles. Comme l’avait parfaitement souligné notre collègue Michel Teston lors de la discussion de la loi Pintat, il ne faut pas que nous ayons un « Fonds sans fonds ».

L’article 16 bis, qui résulte d’un amendement proposé à la commission, affecte au FANT le produit des sanctions financières que l’ARCEP pourra prononcer à l’encontre des opérateurs qui ne respecteraient pas leurs engagements. Ce recyclage des pénalités est logique, mais il ne constitue pas une solution suffisante pour abonder le FANT à hauteur des besoins.

L’article 17 conditionne le montant des aides accordées au titre du FANT aux capacités financières des collectivités et au coût du déploiement du très haut débit. Force est de constater que les coûts de déploiement les plus élevés se situent en général dans les départements les moins riches. Il faut donc un dispositif de financement plus souple et donc plus équilibré que celui qui est proposé dans le cadre du FSN.

L’article 18 donne mission à l’ARCEP de réaliser une étude sur les tarifs de connexion pratiqués par les opérateurs de haut et de très haut débit. En effet, ceux-ci s’avèrent excessivement élevés pour les entreprises, ce qui constitue notamment un obstacle au raccordement des petites et moyennes entreprises. J’ai pu, personnellement, observer que, sur des zones couvertes en très haut débit, très peu d’entreprises ont été raccordées en raison des coûts inhérents au raccordement.

En vue d’éclairer la représentation nationale sur la tarification par l’opérateur historique de l’accès à la boucle locale, dont il est propriétaire, et, le cas échéant, de dégager des sources de financement complémentaires pour le déploiement des réseaux très haut débit, l’article 19 chargeait l’Autorité de régulation d’un rapport sur le sujet. Toutefois, ce rapport a été rendu depuis le dépôt de la proposition de loi. C’est pourquoi la commission a supprimé cet article.

Ainsi que je l’ai déjà souligné, le débat sur les coûts réels de la boucle cuivre locale n’est pas clos, car les estimations faites par l’ARCEP demeurent contestées. Une discussion de fond doit avoir lieu sur ce point très important. Nous envisageons donc d’organiser une table ronde avec les acteurs concernés.

L’article 20 assigne un objectif prioritaire de couverture des territoires ruraux à la politique d’aménagement du territoire, à commencer par les zones économiques et les services publics. Le retour des premiers déploiements expérimentaux permet, en effet, de constater que l’appétence au très haut débit est bien plus importante en zone rurale qu’en zone urbaine.

Afin de favoriser l’interconnexion des réseaux, l’article 21 prévoyait la création d’un groupement d’intérêt public ayant pour objet l’harmonisation des référentiels techniques pour les réseaux très haut débit. Cette demande a été formulée aussi bien par l’ARCEP, par l’Autorité de la concurrence, par les collectivités que par les opérateurs eux-mêmes.

Toutefois, ayant appris que le Gouvernement souhaitait invoquer l’article 40 de la Constitution, la commission a transformé ce groupement d’intérêt public en simple « comité de pilotage ». Il aurait été, en effet, regrettable que cette structure, souhaitée par tous, soit retoquée par le Gouvernement pour cause d’irrecevabilité financière.

L’article 22 confie au comité de pilotage du très haut débit, qui sera préalablement réactivé, la tâche de réaliser, avec l’appui technique de l’ARCEP, un bilan du programme national très haut débit accompagné, le cas échéant, de propositions de réforme du dispositif.

Comme je l’avais indiqué dès 2010 dans le rapport que j’avais remis au Premier ministre, autant il ne faut pas aujourd’hui changer de modèle pour les raisons déjà évoquées, autant il faut pouvoir dresser un bilan dès 2013 pour éviter de persévérer dans une voie qui aurait montré son inefficacité.

L’article 23 prévoit que les documents d’urbanisme, les SCOT, les schémas de cohérence territoriale, et les PLU, les plans locaux d’urbanisme, devront prendre en compte les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique ; je parle bien ici d’une simple « prise en compte », soit le niveau de relations entre deux documents le plus souple existant dans le droit de l’urbanisme.

L’article 24 introduit la présence de représentants du Parlement dans la composition du comité de gestion du FANT.

Enfin, l’article 25 reprend une formule habituelle pour éviter la censure de l’article 40 de la Constitution au stade du dépôt du texte. Compte tenu des aménagements dont ce dernier a été l’objet en commission, cet article pourrait être, me semble-t-il, supprimé.

Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présentation générale de cette proposition de loi.

J’indique que ce texte est soutenu par les associations d’élus dans leur ensemble. Par ailleurs, il a été adopté à la quasi-unanimité des membres de la commission ; seuls deux sénateurs ont voté contre.

Ce sujet concerne tous nos territoires, et tous les sénateurs, quelle que soit leur appartenance politique, connaissent les difficultés liées à la couverture numérique de leur territoire. Je souhaite même que nous retrouvions l’unanimité qui s’était dégagée lors de la présentation du rapport d’information.

Ce texte doit nous rassembler, car il n’a pas d’autre objet que de résorber la « fracture numérique » et d’assurer un égal accès de nos territoires, dont nous sommes les représentants, aux réseaux de communications électroniques. Le droit à cet accès est, je l’ai rappelé précédemment, un droit à valeur constitutionnelle.

Pour terminer, je veux vous rappeler les résultats d’un sondage réalisé l’été dernier par l’Association des maires ruraux de France, car il montre bien l’importance que revêt cette question pour les élus ruraux. La mise en place d’un réseau très haut débit arrive très largement en tête des priorités d’investissements citées, ce qui m’a moi-même étonné, et ce bien avant les routes et mêmes les écoles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

… qui sont pourtant, comme vous le savez, si chères aux élus.

Par ailleurs, l’Association des maires ruraux de France a publié hier, dans le cadre de la campagne présidentielle, ses dix priorités. La couverture des territoires en très haut débit figure comme première priorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Vous voyez que, face à cette situation, on ne peut pas rester sourd ; nous devons nous retrouver pour apporter des solutions concrètes. C’est le but visé au travers de ce texte et c’est d’ailleurs pour cela que, tout à l’heure en commission, nous serons certainement amenés à donner des avis positifs sur des amendements présentés par des collègues issus des différentes formations de cet hémicycle.

Encore une fois, ce qui compte, c’est d’arriver à apporter des solutions concrètes à nos territoires et à nos concitoyens. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, cher rapporteur Hervé Maurey, monsieur Philippe Leroy, coauteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est absolument en phase à 100 % avec l’objet de cette proposition de loi visant notamment à assurer l’aménagement numérique du territoire, ainsi que sur un certain nombre de points techniques proposés par le Sénat.

M. Claude Bérit-Débat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Toutefois, le Gouvernement ne peut pas être totalement en phase avec la proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

En effet, malgré la volonté des auteurs de la proposition de loi d’atteindre l’objectif partagé par le Gouvernement, un certain nombre des mesures techniques qui sont proposées auraient au contraire pour résultat, selon notre analyse, de freiner l’évolution attendue. Cela a très bien été rappelé par M. le rapporteur, par l’ensemble des élus de notre territoire, gauche et droite confondues.

Le déploiement des réseaux numériques constitue un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie et pour l’attractivité de nos territoires. Lors de chacun de mes déplacements en France – trois fois par semaine, je vais, dans chacun de vos départements, à la rencontre des acteurs économiques –, j’ai constaté qu’il était essentiel, y compris pour les commerçants, les artisans, avec le développement du multicanal par exemple, d’avoir accès aux outils numériques.

Messieurs Maurey et Leroy, le 17 novembre 2011, vous avez déposé une proposition de loi qui vise à assurer l’aménagement numérique du territoire. Elle s’inscrit dans le cadre d’un objectif de première importance que nous partageons tous et, Hervé Maurey l’a rappelé tout à l’heure, qui est défendu par le président de la République lui-même, celui d’un déploiement équilibré des réseaux dans nos territoires.

Pour aborder la discussion de cette proposition de loi, je souhaiterais, si vous me le permettez, rappeler le contexte dans lequel elle s’intègre.

Grâce à l’action volontaire du Gouvernement, soutenu par la majorité, la France est aujourd’hui très bien placée en matière de numérique. Ce secteur a créé 700 000 emplois nets en quinze ans et créera 450 000 emplois supplémentaires d’ici à 2015. Très peu de pays dans le monde – je veux souligner ce point – ont réussi à développer des géants mondiaux sur l’ensemble de l’écosystème numérique.

Pour ne donner que quelques exemples, STMicroelectronics est le septième plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde ; Alcatel-Lucent est l’un des trois premiers équipementiers de télécommunications mondiaux ; Orange est l’un des dix plus grands opérateurs de télécommunications, avec 220 millions de clients ; le groupe Vivendi, quant à lui, réunit à la fois le numéro un mondial de la musique, Universal, et le numéro un mondial du jeu vidéo, Activision Blizzard.

S’agissant du déploiement des réseaux numériques, puisque tel est le sujet qui nous rassemble cet après-midi, le Gouvernement a engagé des efforts sans précédent, afin de doter notre pays de l’un des réseaux les plus étendus et les plus compétitifs en Europe.

Cette politique se décline selon quatre priorités.

La première priorité du Gouvernement a été de soutenir le développement des usages numériques. En effet, rien ne sert d’installer des tuyaux s’il n’y a pas de contenus et de services pour les utiliser. Les trois quarts des procédures administratives sont aujourd’hui dématérialisées, contre moins d’un tiers en 2007. Cher Hervé Maurey, il est aujourd’hui possible, en un clic, de s’inscrire sur les listes électorales ou de déclarer ses impôts. Ces progrès, qui ne sont pas accomplis par tous les pays du monde, ni même d’Europe, sont à mettre au crédit de l’action de la majorité. J’ajoute, chers Hervé Maurey et Philippe Leroy, que vous y avez très largement participé tout au long de ces quatre années.

Le commerce électronique s’est développé de manière spectaculaire. Je l’évoquais ce matin en présentant à Bercy les résultats 2011 du Baromètre des réclamations, qui recense les plaintes adressées par les consommateurs à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, le chiffre d’affaires du commerce électronique a presque triplé en cinq ans. En 2011, plus de trente millions de Français ont acheté au moins une fois sur Internet, soit 11 % de plus qu’en 2010. De même, le chiffre d’affaires de l’ensemble des sites a atteint près de 38 milliards d’euros contre 31 milliards en 2010.

Ces résultats sont évidemment remarquables et doivent être soulignés. Ils montrent, et c’est la raison pour laquelle on ne peut que partager l’objectif visé au travers de votre proposition de loi, l’appétence de la population française à utiliser cet outil qui présente des avantages considérables, notamment en matière de consommation et de services.

La deuxième priorité du Gouvernement concerne la télévision numérique terrestre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, cela a tout à voir, mon cher ! D’ailleurs, si vous écoutiez les citoyens qui habitent dans votre département, ils vous l’expliqueraient.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Là encore, le Gouvernement a réussi l’une des principales révolutions audiovisuelles depuis le passage à la télévision en couleurs.

Au lieu de quatre ou cinq chaînes suivant les régions, l’ensemble des Français reçoit désormais dix-neuf chaînes gratuites en qualité numérique

Cela dépend ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Mais si, au contraire, cela a tout à voir, car le numérique est à la fois pour les acteurs économiques et pour les citoyens !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Mais il y a la 4G dans la bande qu’on appelle le dividende numérique !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

La troisième priorité du Gouvernement concerne les réseaux de téléphonie mobile.

Désormais, 99, 9 % des Français bénéficient d’une couverture en téléphonie mobile. Le taux de pénétration du mobile en France a dépassé les 100 %. Vous allez encore me dire que cela n’a rien à voir, mais c’est le contraire !

Pour autant, comme dans tous les pays du monde, il reste des zones blanches. Même dans les grandes villes, y compris à Paris – chacun de vous le sait ici –, on trouve, non pas sans arrêt, ce serait un peu exagéré, mais ponctuellement, des zones où la couverture n’est pas satisfaisante. C’est pourquoi nous poursuivons – n’est-ce pas, monsieur Pierre Charon ? – nos efforts pour parachever cette couverture.

Le Gouvernement met en œuvre depuis 2003 le programme de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, dit programme « zones blanches ». Il a déjà permis de couvrir plus de 3 000 communes de zones rurales pour un investissement total de près de 600 millions d’euros. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, est chargée de faire appliquer les obligations de couverture du territoire en technologie 3G, c’est-à-dire en haut débit mobile. Depuis la fin de l’année 2011, les opérateurs doivent avoir couvert 98 % de la population. Cher Hervé Maurey, c’est largement supérieur à la moyenne européenne, qui est de 90 % !

Le Gouvernement a attribué les meilleures fréquences jamais affectées aux télécommunications dans l’histoire de ce pays : celles du dividende numérique. C’est ce que rappelait M. Bruno Retailleau. Cela a même fait débat avec le monde des médias. Là encore, il s’agit d’une priorité donnée par le Gouvernement au développement du numérique sur le territoire. Nous avons retenu les critères les plus favorables à l’aménagement du territoire jamais mis en œuvre dans un pays européen. Aucun pays au monde n’est allé aussi loin...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Cela vous fait sourire, mais c’est la réalité ! Aucun pays au monde n’est allé aussi loin dans les obligations de couverture du territoire.

En effet, 99, 6 % de la population française et 95 % de la population de chaque département devront être couverts par les opérateurs dans un délai de quinze ans. Une zone de couverture prioritaire a été définie, représentant 60 % des territoires les plus ruraux de notre pays.

Le réseau 4G sera le premier à être déployé simultanément dans les villes et dans les campagnes. À cette occasion, vous me permettrez d’ailleurs de rappeler, puisque visiblement cela a échappé aux uns et aux autres, que, s’il y a un quatrième opérateur, s’il y a du 4G, cela résulte de la volonté du Gouvernement. Ce n’est pas lui qui, tout à coup, s’est fait imposer, par l’évolution technologique, l’apparition de nouveaux opérateurs ou du 4G. Au contraire, c’est bien le Gouvernement qui a voulu cette évolution.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien sûr, monsieur le sénateur. Mais il faut en même temps un engagement public et un engagement du Gouvernement !

M. Jean Desessard s’exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Chacun ici devrait se satisfaire que notre pays soit leader en la matière...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Avec l’argent des Français.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

L’argent des collectivités, comme l’argent de l’État, c’est l’argent de nos compatriotes, monsieur le sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Vous ne savez pas ce qu’est une collectivité !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Vous me permettrez ensuite, s’agissant de la couverture du mobile, de dire que le Gouvernement a créé un groupe de travail, ce qui, monsieur le rapporteur, répond d’ailleurs à l’article 5 de la proposition de loi débattue aujourd’hui.

Ce groupe de travail rassemble des parlementaires, des représentants des collectivités territoriales – car le Gouvernement est décidé, comme il le montre en permanence, à dialoguer et à associer au dialogue les collectivités territoriales –...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... ainsi que les opérateurs des télécommunications, l’ARCEP et les administrations concernées. Monsieur le rapporteur, Éric Besson a réuni ce groupe de travail le 8 février dernier.

Son mandat est le suivant : d’abord effectuer un bilan du programme « zones blanches » et proposer des modalités d’extension et de finalisation du programme ; ensuite, vérifier la cohérence entre les chiffres de couverture du territoire fournis par les opérateurs et la couverture réelle.

Grâce à l’action du Gouvernement, nous disposons aujourd’hui de l’une des meilleures couvertures du territoire en téléphonie mobile en Europe. À cet égard, je souhaite vous alerter – je le dis à la fois à Philippe Leroy et à M. le rapporteur – sur l’article 6 de la proposition de loi.

Cet article crée de nouvelles obligations de couverture pour les opérateurs titulaires des licences. Je comprends bien l’objectif défendu par les auteurs de la proposition de loi, mais chacun doit être conscient que l’État a vendu des licences assorties d’obligations précises en matière de couverture du territoire. Les modifier change la valeur de ces licences.

Les prix auxquels elles ont été vendues seront donc immédiatement contestés par les opérateurs, qui demanderont un dédommagement de la part de l’État. Vous savez, l’un et l’autre, que c’est incompatible avec l’état de nos finances publiques.

Enfin, s’agissant de la quatrième priorité, les réseaux d’accès à internet, le Gouvernement a mis en place le programme national très haut débit, qui est extrêmement ambitieux et repose sur trois piliers.

Les investissements privés constituent le premier pilier. Les opérateurs se sont engagés à couvrir 57 % de la population en fibre optique dans les dix prochaines années, ce dont nous pouvons nous féliciter, car cela signifie moins d’argent public à engager et plus de concurrence sur le marché du très haut débit.

M. Vincent Eblé s’exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Les consommateurs le savent, la mise en concurrence est le meilleur moyen pour faire baisser les prix et défendre le pouvoir d’achat. §Si certains ont pu un moment l’oublier et croire au mirage de l’encadrement des prix, l’arrivée du quatrième opérateur vient aujourd’hui le leur rappeler ! Il ne me paraît pas inutile de reformuler aujourd’hui cette vérité, y compris en direction de ceux qui ne partagent pas ce point de vue.

Le Gouvernement veillera, tous les ans, à ce que les opérateurs réalisent les déploiements qu’ils ont annoncés. Ainsi les avons-nous interrogés sur l’avancement de leur déploiement au titre de l’année 2011. Leur réponse est attendue pour la fin du mois de février. Je sais qu’il s’agit d’un point essentiel pour vous, cher Hervé Maurey, et c’est la raison pour laquelle je vous le redis clairement : le Gouvernement sera très ferme quant au respect de ces engagements. Si les promesses n’étaient pas tenues, la zone d’investissement privé serait réduite, pour laisser la place aux projets des collectivités.

Les opérateurs ne prennent pas à la légère une telle menace. En effet, ils ont tout intérêt à conserver la propriété de leur réseau, qui est au cœur du modèle économique qu’ils ont choisi. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder la situation des opérateurs virtuels depuis l’arrivée de Free Mobile.

Le deuxième pilier traite des initiatives publiques, qui seront soutenues partout où l’initiative privée fera défaut. Le Gouvernement a ouvert, le 27 juillet 2011, un guichet de 900 millions d’euros pour aider les projets des collectivités territoriales. Bien évidemment, ces dernières auront vocation non pas à intervenir partout, mais à se substituer aux opérateurs privés quand ceux-ci ne seront pas en mesure d’offrir à nos compatriotes le service qu’ils attendent.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Privatisation des bénéfices et collectivisation des déficits !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Ce guichet a été validé par l’ARCEP le 18 février 2010, par l’Autorité de la concurrence le 17 mars 2010 et par la Commission européenne le 19 octobre 2011. Il s’agit du premier programme public de soutien au très haut débit en Europe.

Vous devriez tous vous réjouir, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, que la France soit le premier pays d’Europe à mettre en place un dispositif de cette nature. J’imagine que la majorité sénatoriale saluera le travail du Gouvernement et de la majorité en la matière !

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

À la grande différence du Fonds d’aménagement numérique des territoires, ce guichet peut financer, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, des opérations de montée en débit, ce qui est bien évidemment l’intérêt de nos territoires. Vous devez prendre conscience de cet avantage.

Il aura d’ailleurs des résultats concrets : cinq départements bénéficieront d’une aide de 54 millions d’euros du programme national très haut débit. Ainsi, l’Auvergne, qui est l’une des régions les plus rurales de France, sera l’une des premières à fournir du très haut débit à ses habitants. Vous évoquiez les Hauts-de-Seine, je vous parle pour ma part de l’Auvergne ! §L’action du Gouvernement et l’investissement public permettront justement d’offrir à nos compatriotes vivant en Auvergne le très haut débit.

D’ici à un an, douze départements ou régions seront soutenus par le Gouvernement. Vous le voyez, monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit là de réponses concrètes. §

Troisième pilier, le Gouvernement prépare le très haut débit par satellite, avec un investissement de 40 millions d’euros dans la recherche et développement. Chacun l’a bien compris, dans certaines zones, plutôt que de dépenser par tonneaux l’argent des Français, il convient de trouver les solutions les plus efficaces et les mieux adaptées. Le satellite en est une.

Cet engagement permettra de dépasser les performances du satelliteKa-Sat, qui permet d’ores et déjà, vous le savez, monsieur le rapporteur, vous qui connaissez parfaitement ces dossiers, d’atteindre un débit de 10 mégabits par seconde sur l’ensemble de notre territoire.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Ce n’est pas symétrique !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur le rapporteur, monsieur Leroy, je le redis aujourd’hui, 100 % des Français ont aujourd’hui accès au haut débit par ADSL...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... ou par satellite. Ne venez pas me dire le contraire !

J’en viens maintenant au contenu de cette proposition de loi.

Plusieurs de ses dispositifs, avec lesquels le Gouvernement est en phase, sont positifs. Je pense notamment aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, dont l’adoption sera obligatoire. Il est extrêmement intelligent d’inciter, grâce à un dispositif d’obligations voire de sanctions, à l’élaboration de ces schémas. Nous devons poursuivre dans cette voie, qui permet de clarifier la situation.

Sachez pourtant, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce texte pose plusieurs difficultés majeures. Je m’efforcerai de rallier à mon point de vue M. le rapporteur, M. Leroy, ainsi qu’un certain nombre de sénateurs de droite comme de gauche, puisque ces questions, en réalité, dépassent le cadre du traditionnel clivage droite-gauche. Ce qui compte, c’est que nous puissions apporter des réponses qui satisfassent nos compatriotes.

L’ensemble du cadre politique, financier et réglementaire est aujourd’hui en place pour le déploiement du très haut débit en France. Certes, entre l’adoption de la loi de modernisation de l’économie et le lancement effectif du programme national très haut débit, quatre ans se sont écoulés. Certains d’entre vous, je le sais, ont pu trouver le temps long ! Le Gouvernement lui-même s’est parfois impatienté, face à la lenteur du processus. Mais il s’agit, je le rappelle, d’un chantier sans précédent : le téléphone avait été déployé en France en un siècle par un opérateur en situation de monopole, ce qui démontre bien que ceux qui croient à une solution publique se trompent.

Nous sommes en train de remplacer l’intégralité de cette boucle locale par de la fibre optique, en à peine quinze ans, et avec la participation de quatre opérateurs nationaux et de dizaines d’opérateurs locaux.

Cette proposition de loi vise à remettre en cause – c’est d’ailleurs l’un des principaux risques de son adoption – le cadre mis en place par le Gouvernement et l’ARCEP, ce qui conduirait à engager un nouveau processus de discussions de plusieurs années. Pouvons-nous nous le permettre, alors même que vous déplorez à juste titre le temps que nous avons déjà perdu ? Vous le savez, monsieur Leroy, monsieur le rapporteur, les investissements seraient de nouveau gelés, comme ils l’ont été entre 2008 et 2010.

Je ne suis pas en train de dénoncer vos objectifs ni même les moyens que vous suggérez pour y parvenir. Je vous rappelle simplement que l’adoption du dispositif que vous proposez aurait pour effet immédiat et pervers, même si vous ne le souhaitez pas, de retarder le déploiement du très haut débit en France, ce qui ne va dans l’intérêt ni de notre économie ni de nos territoires. Vous ne pouvez que partager ce constat.

Les premiers chiffres sont pourtant encourageants : 4, 7 millions de foyers, soit 20 % de la population, sont couverts en très haut débit par câble ; 1 350 000 foyers sont raccordés à la fibre optique, qui enregistre un taux de croissance de 40 % par an. L’entreprise France Télécom s’est engagée à doubler le rythme des déploiements en 2012 : 800 000 logements seront ainsi équipés cette année. Il faut y ajouter 200 000 logements neufs, dont l’équipement sera réalisé par les promoteurs, ainsi que les projets menés en faveur de l’Auvergne et de la Manche. Ainsi, un million de logements supplémentaires bénéficieront du très haut débit, ce qui témoigne d’une réelle accélération du rythme de déploiement.

Nous devons poursuivre nos efforts, afin que la France entre de plain-pied dans l’ère du très haut débit. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, tous ceux qui croient que les dispositions contenues dans cette proposition de loi permettront de développer le très haut débit se trompent : elles conduiront au contraire, par un effet mécanique, à le freiner, ce que vous ne souhaitez pas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne pourra pas soutenir un certain nombre des solutions techniques que vous proposez.

Je le répète, sur le fond, nos positions ne sont guère différentes. J’attire simplement votre attention sur les dangers que représenterait l’application des dispositifs spécifiques que vous prônez.

Par ailleurs, cette proposition de loi ne permettra pas de mettre en œuvre, comme ses auteurs le prétendent, un aménagement équilibré de nos territoires. Son adoption comporte en effet un certain nombre de risques. En réalité, son principal effet – s’il n’est pas souhaité par les auteurs du texte, ceux qui y sont favorables, notamment à gauche de cet hémicycle, s’en réjouissent – sera de dissuader l’investissement privé dans les zones moins denses de notre territoire.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je ne fais pas partie de ceux qui pensent a priori que la solution doit être d’origine publique. Selon moi, l’intervention publique n’a de sens que si aucune solution privée ne permet d’offrir le service attendu par nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Ne vous en prenez pas aux collectivités locales, monsieur le secrétaire d’Etat !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

L’adoption de cette proposition de loi risquerait de remettre en cause tous les principes de notre économie, en donnant la priorité à l’initiative publique par rapport à l’initiative privée. Tel est le danger principal qui nous menace, monsieur Leroy. Si on systématise l’initiative publique en inscrivant dans la loi le principe de sa priorité, au lieu de l’utiliser seulement, comme le souhaite le Gouvernement, en cas de difficultés rencontrées par les opérateurs privés, on dissuadera malheureusement l’initiative privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Vous avez tout pris aux collectivités locales !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Ces Français n’ont pas envie qu’on utilise le fruit de leur travail pour réaliser des investissements qui pourraient parfaitement être assurés par des entreprises privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Ne nous faites pas la leçon ; regardez plutôt ce que vous avez fait : le dérapage de la dette en cinq ans !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Or 95 % de nos lignes en fibre optique ont été déployées par les opérateurs privés. Disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission de l’économie, qui connaît bien tous ces dossiers, contrairement à certains dans cet hémicycle.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Vouloir dissuader les investissements privés, qui ont permis de déployer la quasi-totalité des lignes de très haut débit, serait une erreur grave, en termes de stratégie, pour notre pays. Le risque serait de conduire à une forme de renationalisation du réseau de très haut débit, ce que les auteurs de cette proposition de loi, je le sais, ne souhaitent pas. Malheureusement, certains, qui seraient tentés de voter cette proposition de loi, n’attendent que cela !

Rappelez-vous l’échec du plan câble ou encore du minitel ! On avait alors opté pour le « tout public » !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Cessez de nous provoquer ! Vous-même êtes loin d’incarner la modernité !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

On sait où cela nous a menés : nos compatriotes, qui ont payé, n’ont pas pu bénéficier du service de qualité qu’ils étaient en droit d’attendre.

C’est précisément l’ouverture à la concurrence et une régulation avisée qui ont permis l’essor de l’internet haut débit, en France comme partout dans le monde. La France est ainsi devenue le troisième pays européen en termes de pénétration de l’internet haut débit, devant l’Allemagne, la Suède et le Royaume-Uni.

Chacun, dans cet hémicycle, devrait se féliciter de cette remarquable situation.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Soyons fiers de nos acteurs économiques privés et des investissements qui ont été réalisés en France, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

… plutôt que de critiquer en permanence, comme vous le faites, et de montrer du doigt ceux qui ont permis à notre pays d’être en avance sur la plupart des autres pays dans le monde, et même en Europe.

Revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, si tant est que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix, à l’encouragement au déploiement des réseaux et, surtout, à l’innovation.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

À l’approche des prochaines échéances électorales, je prête une oreille attentive à ce qui se dit

Ah ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Par exemple, dans le domaine du logement, j’entendais François Hollande, candidat à l’élection présidentielle, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Vous dérapez, monsieur le secrétaire d’État !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... nous expliquer que l’encadrement des prix réglerait le problème de la hausse des loyers.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

On n’est pas en campagne électorale ! Vous faites comme le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur Bourquin, vous n’avez pas la parole ; veuillez laisser s’exprimer M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Monsieur le président, je vous remercie de me permettre de poursuivre mon propos, qui, visiblement, provoque une certaine gêne sur les travées de gauche de cet hémicycle ! Si tel n’était pas le cas, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous me laisseriez parler !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je suis certain que cela va vous faire plaisir !

S’agissant de la question de l’encadrement des loyers

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, un peu de calme, s’il vous plaît ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Décidément, cela vous gêne ! Sinon, ayez la patience de m’écouter trente secondes.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. le président de la commission de l’économie sait bien où je veux en venir puisqu’il m’a déjà entendu.

Quand M. Hollande, donc, déclare aux Français qu’il va encadrer les loyers, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Nous ne sommes pas en campagne électorale !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... en réalité, c’est un mirage !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais si, c’est exactement le même sujet, celui de la concurrence !

M. Christian Bourquin s’exclame.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Visiblement, cela vous dérange puisque vous ne me laissez pas parler. Je suis très patient, je peux attendre. Je peux même me taire le temps que vous vous calmiez... §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Vous avez peut-être remarqué que vous avez la parole depuis un certain temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Mes chers collègues, seul M. le secrétaire d'État a la parole !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Même si cela vous gêne tant, mesdames, messieurs les sénateurs de la gauche, ...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

… je vous le répète : François Hollande s’est déclaré favorable à l’encadrement des loyers plutôt qu’à la concurrence. S’agissant de l’aménagement numérique du territoire, la problématique est strictement identique : vous voulez promouvoir l’intervention publique plutôt que d’inciter les opérateurs privés à investir dans le cadre d’un système concurrentiel.

Permettez-moi de vous poser une question : qui a mis fin à l’encadrement des loyers ? Je vous écoute ! Vous êtes moins bruyants, d’un seul coup !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Il avait bien compris que l’encadrement des loyers non seulement ne servait à rien, mais encore allait à l’encontre de l’intérêt de nos compatriotes. De temps en temps, il n’est pas inutile, avant de faire des propositions, de réfléchir et de se rappeler certains faits du passé...

S’agissant du sujet qui nous occupe aujourd’hui, je vous invite à faire de même. Je le répète, revenir sur le développement de la concurrence dans ce secteur, en admettant que ce soit possible, c’est renoncer à la baisse des prix et à l’innovation. Contrairement à ce que certains prétendent, dissuader l’investissement privé ne réduira pas les besoins en financements publics, au contraire. §

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je voudrais citer l’exemple de la région Auvergne. Je fais souvent référence à ce territoire, auquel je suis très attaché, d’une part, parce que j’y compte quelques amis…

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Brice Hortefeux, en effet !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. D’autre part, par atavisme familial, parce que ma belle-famille est originaire de cette magnifique région.

Ah ! et sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Puisqu’on a systématiquement tendance à m’associer aux Hauts-de-Seine – cela a encore été le cas tout à l’heure –, il ne m’a pas paru inutile d’observer ce qui se passe dans une région rurale confrontée à des difficultés.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

En Auvergne, donc, les déploiements des opérateurs privés ont permis une baisse de 20 % de l’investissement public.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Savez-vous qui le dit ? C’est non pas le Gouvernement, mais le conseil régional d’Auvergne. Qui le préside ? Ni l’UMP ni le Nouveau Centre !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Pareillement, le département de Seine-et-Marne a chiffré le surcoût d’un déploiement public sur les zones rentables : 80 millions d’euros d’argent public supplémentaires ! Encore une fois, c’est non pas le Gouvernement qui le dit, mais la collectivité territoriale.

Cela renchérit le coût du réseau d’initiative publique de 25 % et pourrait, en outre, remettre en cause l’équilibre économique du projet public. Or j’imagine que pas un seul d’entre vous ne voudrait en prendre le risque, simplement parce que les opérateurs privés risqueraient de ne pas se raccorder à ce réseau.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Dissuader l’investissement privé revient à confronter l’État et les collectivités à ce que l’on appelle le « mur d’investissement » de la fibre optique.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Retailleau connaît bien ces sujets, tout comme Hervé Maurey.

Je vous pose la question suivante : comment financerez-vous 24 milliards d’euros d’investissement public ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Pour conclure, je veux souligner que le Gouvernement partage les intentions des auteurs de cette proposition de loi et approuve un certain nombre de ses dispositions, qui représentent des avancées, notamment en termes de volontarisme. Et je sais, monsieur le rapporteur, combien vous êtes volontariste en la matière.

Néanmoins, ce texte soulève un certain nombre de difficultés sur le plan technique. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement considère que son adoption risquerait de bloquer véritablement le déploiement du très haut débit dans notre pays, en contradiction avec l’objectif que visent ses auteurs. Et je sais à quel point ce combat est cher à M. le rapporteur et à Philippe Leroy.

Le Gouvernement vous propose au contraire de poursuivre dans la démarche qu’il a déjà engagée visant à permettre à tous les Français d’accéder au très haut débit. C’est le choix du progrès que nous vous demandons de faire !

Je le répète, même si nous partageons les intentions des auteurs de cette proposition de loi et approuvons plusieurs de ses dispositions, nous ne pouvons nous y montrer favorables dans son ensemble, certains de ses articles présentant un risque sérieux de nature à entraver le déploiement du numérique dans notre pays, notamment eu égard aux investisseurs privés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mon rappel au règlement se fonde sur les articles 36 et 40 de notre règlement.

D’abord, monsieur le secrétaire d'État, il serait souhaitable que vous vous conformiez davantage au déroulement des débats en évitant d’interpeller constamment les sénateurs siégeant à la gauche de cet hémicycle et de répondre, de manière tout à fait malvenue, à des interventions qui n’ont pas encore eu lieu.

Faut-il vous rappeler que, avant vous, seuls se sont exprimés MM. Philippe Leroy, coauteur de la proposition de loi, et Hervé Maurey, rapporteur, par ailleurs tous deux membres de la majorité gouvernementale ?

Ensuite, reprocher à certains d’entre nous de méconnaître leurs dossiers, c’est méprisant et d’autant plus déplacé qu’ils ne sont pas encore intervenus !

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, cette proposition de loi a donné lieu à un travail approfondi en commission, auquel ont pris part l’ensemble des sénateurs. Aussi, nous déplorons votre volonté de mêler les discussions autour de l’élection présidentielle à nos débats, comme l’attestent vos diverses références au candidat François Hollande, qui n’est pas membre de cette assemblée et ne s’est pas prononcé sur cette proposition de loi. Aujourd’hui, nous débattons d’une proposition de loi et non de la campagne présidentielle ! §

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Madame la sénatrice, vous donnez des leçons au Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Il se trouve que je représente le Gouvernement, monsieur le sénateur. Personne d’autre, dans cet hémicycle, que je sache, n’assume cette charge.

Je disais donc que vous donniez des leçons au Gouvernement, madame la sénatrice, mais permettez-moi de vous dire que, sur ce sujet qui devrait pourtant être consensuel, je me suis efforcé d’expliquer pourquoi nous approuvions certaines dispositions de cette proposition de loi et pourquoi nous estimions que d’autres éléments comportaient des risques, et ce en dépit des vociférations – c’est bien le mot qui convient §d’une partie de cet hémicycle –…

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Si, je l’ai été, mais je n’ai jamais vociféré comme vous l’avez fait aujourd’hui – vous pourrez le vérifier –, parce que je considère que ce genre de comportement tire malheureusement le débat public vers le bas. Je le répète, j’ai été interrompu en permanence par des vociférations.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En voici une de plus !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

sur les travées de l'UMP.) D’ailleurs, monsieur le sénateur, vous êtes un spécialiste en la matière !

M. Christian Bourquin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur Bourquin, vous n’avez pas la parole ! Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Parce qu’il est important d’éclairer nos compatriotes, j’ai simplement essayé d’expliquer que, sur ce sujet, il existe deux visions de la société :...

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

... soit faire intervenir la puissance publique, avec l’argent des Français et non pas avec l’argent des collectivités locales, comme je l’ai entendu, ou celui de l’État, comme je l’entends parfois ; soit considérer que la collectivité publique n’intervient que si les investisseurs privés font défaut, et défendre un régime de concurrence, ce qui est exactement l’inverse de ce que vous défendez.

Au milieu des vociférations et du brouhaha, j’ai entendu, à plusieurs reprises, quelques réflexions parfaitement compréhensibles provenant de la gauche de l’hémicycle. À partir du moment où vous m’avez interrogé, il était normal que je vous réponde.

Il est sain, dans un débat démocratique, que le Gouvernement réponde aux interpellations des sénateurs.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai connu, à d’autres moments, bien plus constructif. Si je puis me permettre de vous donner un conseil, vous devriez changer de ton et d’attitude.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Mes chers collègues de la majorité présidentielle, M. le secrétaire d’État m’ayant cité tout à l’heure, je ne fais que lui répondre !

Nous traitons ici d’un problème touchant à l’aménagement du territoire. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, vous devriez vous rappeler ce à quoi vous a conduits, le 25 septembre dernier, votre refus d’écouter les collectivités locales. Or, je le rappelle, elles se sont toutes prononcées en faveur du présent texte. Vous ne pouvez tout de même pas avoir raison contre tout le monde !

M. Pierre Hérisson s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cette proposition de loi, qui a fait l’objet d’un travail transversal remarquable, a été adoptée à l’unanimité par la commission de l’économie. Compte tenu des objectifs et des enjeux qu’elle contient en termes d’aménagement du territoire, vous devriez l’appréhender avec plus de considération. §

Monsieur le secrétaire d'État, finissez-en avec les provocations concernant le logement ou l’élection présidentielle : vous êtes hors sujet ! Revenez-en à l’aménagement du territoire et vous nous trouverez constructifs à vos côtés. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Mireille Schurch.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les auteurs de la présente proposition de loi, nos collègues Philippe Leroy et Hervé Maurey, pointent, très clairement à nos yeux, les enjeux liés à l’accès au numérique dans nos territoires. Nous voilà donc au cœur du sujet !

Ils posent en substance plusieurs questions. Quelle valeur contraignante et quelle consistance donner aux documents programmatiques d’aménagement numérique ? Qui doit financer cet effort ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Comment coordonner initiatives publiques et privées, et selon quels critères ? Enfin, quels doivent être les droits de nos concitoyens ?

Ces questions méritent une réponse ; en ce sens, le débat que nous allons avoir est utile et nécessaire.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Malgré la satisfaction affichée par le Gouvernement, la France a pris un retard préjudiciable sur ces questions – retard qui inquiète les collectivités – et elle risque aujourd’hui de rater le virage du numérique à cause d’une ambition trop faible.

Pourtant, nous le voyons bien, la question de l’accès au numérique pour tous et dans tous les territoires correspond bien aux défis du xxie siècle en termes de création d’infrastructures de réseau, comme ce fut le cas dans le passé pour les réseaux de téléphone, d’électricité, d’eau ou de chemins de fer.

Ainsi, aujourd’hui, l’accès à ces technologies est déterminant dans tous les domaines de la vie quotidienne de nos concitoyens, que ce soit la santé, l’éducation, les achats, les documents administratifs, mais aussi l’industrie, l’agriculture, le tourisme et la culture.

Par ailleurs, l’économie numérique est un puissant facteur de croissance et pourrait également constituer un outil privilégié d’une politique ambitieuse de réindustrialisation.

Dans le même ordre d’idée, la manière dont nous aurons pensé ce développement numérique nous permettra de lutter contre d’autres fractures, sociales et territoriales.

C’est pourquoi nous considérons que le programme national très haut débit, adopté en 2010, manque d’ambition en fixant l’échéance de couverture totale du territoire à l’horizon de 2025. Il procède également, à notre sens, d’une mauvaise architecture puisque, dans les zones non rentables, il fait reposer l’effort exclusivement sur les collectivités alors que, dans les zones rentables, il laisse les opérateurs privés se partager les bénéfices, par la multiplication des réseaux et des offres.

Nous sommes bien là dans le schéma libéral qui socialise les pertes et privatise les profits. Les collectivités ne sont en effet amenées à intervenir que pour suppléer la carence du privé, et ce alors même que le souci partagé de bonne gestion des deniers publics devrait nous rendre plus vigilants. Nous considérons qu’il est anormal de faire peser sur les collectivités le risque d’investissement dans un secteur où les technologies sont en évolution permanente.

En outre, le dispositif institué est particulièrement favorable aux investisseurs privés, qui bénéficient des infrastructures par la mutualisation, ou de l’intervention publique dans les zones non rentables. Pour les grands opérateurs, c’est donc un investissement sans risque, avec un retour sur investissement garanti !

L’Autorité de la concurrence et l’ARCEP considèrent même que le cadre d’intervention défini par le programme national très haut débit est contraire à la concurrence, dans la mesure où il favorise trop nettement l’intervention privée.

Le Gouvernement a donc mis en place un mécanisme qui, loin de préserver l’intérêt général et les droits de nos concitoyens, garantit simplement la profitabilité pour les opérateurs privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Ces derniers ne sont astreints à aucune obligation d’intervention et doivent simplement déclarer leurs intentions d’investissement, sans être tenus de les réaliser.

C’est pourquoi nous approuvons le mécanisme de sanctions prévu par la présente proposition de loi, en son article 12, pour les engagements qui ne sont pas respectés dans le cadre des schémas d’aménagement numérique des territoires.

Nous contestons également l’absence de péréquation entre les différentes zones définies par le programme. De fait, la péréquation est inexistante, puisque les collectivités en zone peu dense devront financer leurs propres réseaux, avec l’aide éventuelle du Fonds d’aménagement numérique des territoires – espérons qu’il soit alimenté par des fonds... – et ce, alors même que les collectivités situées en zone dense n’auront pas d’investissements à financer.

Si le Gouvernement considère que la péréquation est remplie par une répartition des marchés entre les collectivités et les opérateurs privés, et que les engagements pris par les opérateurs de couvrir 57 % de la population d’ici à 2020 sont suffisants, notons tout de même qu’il restera dans ce cadre près de 23 milliards d'euros à la charge du financement public.

Dès lors, la péréquation horizontale proposée est une farce. Elle est bien éloignée de l’ambition républicaine de lutte contre les disparités territoriales, inscrite dans notre histoire et dans notre droit.

Eh oui, mes chers collègues, si nous sommes tous d’accord sur les enjeux du passage au numérique, nous nous heurtons au final sur la question du financement et sur celle de savoir à qui il revient de payer.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Ainsi, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, institué par la loi de 2009, n’a jamais été créé, le financement du très haut débit reposant uniquement sur l’enveloppe ponctuelle octroyée par l’État dans le cadre des emprunts d’avenir, à hauteur de 900 millions d'euros.

Les auteurs de la proposition de loi ont donc eu raison de soulever à nouveau, comme ils le font dans les articles 15 et 16, la question du financement. Pour autant, nous ne sommes pas en accord avec les pistes de financement préconisées dans la proposition de loi, et d’ailleurs supprimées par la commission. Ces pistes faisaient reposer l’effort essentiellement sur les usagers des télécommunications, voire de consoles vidéo.

Les milliards d’euros de profits du secteur des télécoms démontrent pourtant qu’une autre répartition des richesses favorable à l’investissement productif permettrait le financement propre des infrastructures de réseaux sans mettre à contribution ni la collectivité ni les usagers.

Tout cela nous amène à considérer que la privatisation de France Télécom, en 1997, fut une redoutable erreur qui a conduit l’entreprise à se doter d’une stratégie reposant uniquement sur la rentabilité et non sur des missions de service public propres à satisfaire à l’intérêt général.

Le changement de stratégie s’est fait très simplement, comme en témoigne la hauteur des bénéfices réalisés par l’entreprise – 28 milliards d'euros pour les cinq dernières années –, à mettre en corrélation, bien sûr, avec une politique sociale désastreuse que nous déplorons.

À ce titre, il est significatif de constater que France Télécom a su trouver intérêt au dégroupage, lequel représente un gain annuel de 800 millions d'euros par an, qui ne sont pas réinjectés dans le financement des solutions d’avenir.

Nous comprenons donc bien que l’opérateur historique n’ait aucun intérêt, en l’état, à déployer la fibre optique au regard de la rente du réseau en fil de cuivre. Mais pour quelle utilité sociale avons-nous permis tout ce gâchis ?

Pour toutes ces raisons, nous proposerons un financement reposant sur les opérateurs de télécommunications, et dont le coût ne pourra pas être répercuté sur les usagers. Reconnaissez, mes chers collègues, que leurs bénéfices leur permettront largement de financer cet effort ! Il est en effet intolérable que la logique concurrentielle et les stratégies financières des entreprises aboutissent aujourd’hui à ce que tous les opérateurs se renvoient la balle, refusant de financer le développement de la fibre optique sous prétexte que leurs concurrents risqueraient d’en profiter.

Nous prônons donc, et depuis longtemps, la pertinence d’un opérateur unique ayant la capacité, grâce à des ressources soumises à péréquation, de procéder à un aménagement progressif de l’ensemble du territoire, plutôt que l’application de règles complexes et la présence de multiples acteurs ne permettant pas d’avoir une réelle vue globale du secteur numérique, qui revêt pourtant un intérêt général national.

Nous proposons donc de rétablir un monopole public sur les infrastructures de réseaux pour assurer un équipement complet du territoire. C’est nécessaire si l’on veut éviter les gâchis dus à la concurrence, notamment dans les zones rentables où se superposent pléthores de réseaux, comme cela s’est produit dans les Hauts-de-Seine.

Par ailleurs, nous souhaitons en lieu et place d’un droit au numérique opposable, auquel nous prédisons la même destinée que celle du droit au logement opposable, le DALO, la redéfinition du champ et des missions de service public imposables aux opérateurs en termes de déploiement du réseau, mais également de tarification. Une disposition déclaratoire, telle que celle qui est rédigée à l’article 8, ne permettra pas de transformer en acte cet engagement du haut débit pour tous. Il faut par la loi nous en donner les moyens, et c’est ce que nous vous proposerons.

Plus précisément, sur le corps même de cette proposition de loi, outre les dispositions que nous avons déjà mentionnées, nous sommes en accord avec les principes d’obligation à la contractualisation et de planification de la couverture du territoire par la fibre optique dans le cadre de schémas précis.

Toutefois, sur le fond, nous estimons que ce texte ne règle pas le problème essentiel de la structuration du marché des télécommunications et du financement de la fibre optique. Comme le reconnaît l’un de ses auteurs, il s’agit non pas de casser le modèle qui prévaut aujourd’hui, mais bien de l’améliorer, ce qui nous semble difficile en l’état et dans le cadre d’un marché libéralisé des télécommunications. C’est tout simplement, à notre avis, de logiciel qu’il faut changer, et pour cette raison, nous nous abstiendrons sur ce texte, malgré l’excellent travail de la commission de l’économie et de son rapporteur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

Mme Anne-Marie Escoffier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, « mettre en valeur le rôle de l’électricité dans la vie nationale et dégager notamment le rôle social de premier plan joué par la lumière électrique », tels sont les termes de la commande passée par la Compagnie parisienne de distribution d’électricité au peintre Raoul Dufy pour sa fameuse fresque La Fée Électricité.

L’électrification complète de notre territoire national ne s’est pas faite en un jour. Elle a nécessité un investissement financier important et, surtout, une volonté politique sans faille. Ce sont ces deux éléments essentiels, monsieur le secrétaire d'État, qui manquent cruellement aujourd’hui à la politique du Gouvernement en matière tant de développement des nouvelles technologies d’information et de communication que d’aménagement équilibré du territoire.

En effet, la révolution numérique est similaire à celle qui a été provoquée par l’arrivée de l’électricité quant à l’aménagement du territoire. Le déploiement du haut débit, et de surcroît, bien sûr, du très haut débit, constitue un enjeu prioritaire pour nos départements qui ne peuvent, sans ces outils, être attractifs ni pour les particuliers ni pour les entreprises.

Pourtant, l’amélioration de la vie quotidienne des usagers et la portée sociale des technologies numériques ne sauraient être contestées. Elles offrent notamment des possibilités de télétravail, de démarches administratives à distance, mais aussi de télémédecine particulièrement appréciées par nos concitoyens ruraux qui vivent dans des zones enclavées et qui voient la dégradation quotidienne des services publics et la fermeture de trop nombreuses entreprises.

De même, l’aménagement numérique du territoire représente un enjeu primordial pour le développement économique et la compétitivité de nos entreprises qui ne peuvent pas supporter, nous le savons, le handicap que constitue l’absence d’accès aux haut et très haut débits dans des conditions financières acceptables.

Vingt-deuxième sur vingt-six pays européens, force est de constater que la France n’a pas réussi à prendre à la corde le virage numérique. Comme l’a souligné avec pertinence M. le rapporteur, le retard pris dans le déploiement du très haut débit, lié sans doute à une insuffisance de moyens, mais aussi, disons-le, à un manque d’ambition, crée une nouvelle fracture numérique entre zones urbaines denses et zones rurales peu denses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Mes chers collègues, à l’évidence, la solution retenue ab initio, fondée sur l’initiative privée, a montré ses limites, en dépit des propos tenus voilà quelques instants à cette tribune.

En effet, les opérateurs privés disposent de tout pouvoir quant au déploiement et se concentrent naturellement sur les zones les plus rentables. Reléguées au second plan, cantonnées malheureusement, monsieur le secrétaire d'État – et vous l’avez confirmé tout à l'heure –, à un rôle de substitution, les collectivités territoriales doivent prendre à leur charge l’installation du très haut débit dans les zones les moins denses, et donc les plus coûteuses.

Très attachés à l’égalité de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national et à la défense du milieu rural, les radicaux de gauche regrettent qu’une réelle péréquation n’ait pas été établie, et, surtout, que l’État n’ait pas retenu un modèle de déploiement du très haut débit plus pertinent, tel que le recours à un opérateur unique mutualisé, qui aurait d’ailleurs pu être public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le secrétaire d’État, vous savez comme moi que l’enclavement géographique va trop souvent de pair avec le marasme économique. Vous demandez aux collectivités, que vous venez d'ailleurs de clouer au pilori à l’instant, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Absolument pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Je vous invite à plus de respect pour lesdites collectivités, qui régulièrement sont obligées de pallier les carences de l’État et du Gouvernement en se substituant à eux.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Vous oubliez que c’est l’argent des Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Mais l’argent des Français, c’est celui de l’État et des collectivités !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

C’est bien ce que j’ai dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

M. Jean-Michel Baylet. Les collectivités, jusqu’à nouvel ordre, donnent un meilleur exemple de gestion des finances que ne le fait l’État !

Bravo ! sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste. – Protestations sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Elles ont des budgets équilibrés et ne cumulent pas les déficits, elles !

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Elles augmentent l’impôt et la dépense publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Tirant les conséquences inquiétantes de la situation numérique de la France, les auteurs de ce texte nous proposent de nombreuses solutions à même de combler notre retard. Je me félicite particulièrement de la création d’un droit opposable « au haut débit » ou encore de la possibilité offerte aux collectivités de voir leurs « projets intégrés » faire l’objet d’un financement public national.

Pour conclure, je tiens à saluer la mise en place d’une dose de péréquation dans l’octroi des subventions du Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, fondée sur les capacités financières des collectivités et sur le degré de ruralité des zones couvertes.

Pour toutes ces raisons et en l’état actuel du texte issu des travaux de la commission de l’économie, commission que je tiens à féliciter, les sénateurs radicaux de gauche apporteront leur soutien à cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous connaissez tous cette phrase du général de Gaulle : « Vers l'Orient compliqué, je volais avec des idées simples ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je crois qu’en matière de numérique, où les choses sont souvent très compliquées, très techniques, il faut faire preuve d’un minimum de bon sens si l’on veut s’extraire de la complexité effectivement inhérente à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je voudrais dire, après vous, monsieur le secrétaire d’État, au rapporteur et au coauteur de la proposition de loi, Philippe Leroy, que nous partageons, me semble-t-il, la même conviction et que nous partons de la même analyse.

En tant qu’élus, nous représentons des villes, des quartiers, mais aussi des milieux ruraux. Or il est clair que, comme vient de le dire mon collègue président de conseil général Jean-Michel Baylet, nous souffrons, en milieu rural ou dans certains quartiers, de voir que de grandes villes, sans rien débourser, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… vont bénéficier du déploiement de certains réseaux, tels que la fibre ou la 4G, auquel nous devrons, nous, contribuer.

Nous partageons la conviction qu’avec le numérique rien ne sera plus comme avant. Le numérique change le monde. Il réinvente notre quotidien dans toutes ses dimensions.

Comme on l’a vu avec les révolutions arabes, c’est aussi un vecteur puissant de démocratisation. Désormais, les tyrannies ne peuvent plus s’abriter derrière le manteau sombre de l’ignorance pour accomplir leurs basses œuvres.

Enfin, nous savons très bien que, grâce au numérique, nous pourrons relever l’un des grands défis économiques français, car c’est aussi un vecteur extrêmement important de compétitivité et de productivité.

Mais, en même temps, face à cette espérance que nous donne le numérique, nous avons une crainte formidable dont j’ai parlé il y a quelques instants. L’espérance numérique a en quelque sorte une sœur jumelle, presque une sœur siamoise, qui est la crainte d’une fracture numérique au moment même où nous devons déployer sur l’ensemble du territoire français deux infrastructures essentielles de la société de l’information de demain, l’une fixe avec la fibre, et l’autre mobile avec la 4G. Bien entendu, les deux sont complémentaires, il ne s’agit pas d’opposer ces deux grandes infrastructures.

Il y a des convergences sur les convictions, sur le point de départ, ainsi que sur un certain nombre de dispositions.

Je suis tout à fait favorable à rendre les SDTAN obligatoires. Lors de l’examen de la loi Pintat, nous nous étions interrogés. Nous préférions, à l’époque, une incitation plutôt qu’une obligation puisque c’était le tout début. Je suis parfaitement d’accord que le SDTAN doit être le lieu d’une contractualisation assez ferme avec les opérateurs et d’une stratégie globale aussi bien sur le fixe que sur le mobile.

Nous sommes aussi parfaitement d’accord sur le fait qu’il faut aller plus loin en matière de couverture

M. Yves Rome opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Enfin, la tarification pour les entreprises – qui est d'ailleurs selon moi un des points les plus originaux de votre projet – mérite aussi l’attention. Beaucoup d’entreprises bénéficient d’offres en matière de fibre mais la tarification est souvent élevée. À ce titre, on doit pouvoir raisonnablement traiter ce genre de problème.

En dépit des liens qui peuvent nous unir les uns aux autres, il existe aussi des points de divergence. Je le dis en usant de ma liberté de parole qui, sur ces sujets comme sur d’autres, m’a parfois amené à soutenir des positions contraires à celles que défendait le Gouvernement.

Aujourd’hui, je me retrouve dans les propos de M. le secrétaire d’État §je le dis avec la même liberté – parce qu’ils correspondent à mes convictions…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… et je vais tenter de le démontrer.

J’ai deux points de désaccord majeurs. Le premier, nous en reparlerons. Je pense qu’il est dangereux, par souci de cohérence, de vouloir organiser partout des jardins à la française, lesquels se transforment souvent en labyrinthes. Lier les SDTAN avec les documents d’urbanisme, mes chers collègues, même s’il ne s’agit que d’une prise en compte, me paraît hasardeux. La jurisprudence du Conseil d’État sur ce sujet et sur le terme de la prise en compte, dont je vous ferai part, m’incite à dire qu’il faut faire attention.

Nous examinerons sans doute les propositions d’Éric Doligé. Notre excellente délégation aux collectivités territoriales avait, dans un rapport, traité de « maladie de la norme » cet excès bien français. Veillons donc à ne pas en rajouter ! Il y a ici un arc électrique qui est un cadeau empoisonné à tous les élus de France, ruraux et citadins.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’en viens au cœur du sujet. Mon désaccord le plus fondamental porte sur la logique de ce texte, qui, selon moi, enferme dans un face-à-face les opérateurs privés et les collectivités locales. Cette logique de la confrontation sera par ailleurs contre-productive, quelle que soit notre appartenance politique, notre position idéologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La confrontation, je la vois dans la sanction que vous voulez instituer à l’égard d’opérateurs qui ont parfois été très allants. En tout cas, ce sont ceux qui ont été les plus actifs dans la couverture des villes moyennes qui se retrouvent finalement menacés de sanction. Vous faites peser sur les opérateurs une sorte de présomption de culpabilité, alors que – sanction ou pas – cela ne changera rien. Vous verrez que cela ne simplifiera pas les choses. Tel est le premier point qui me paraît favoriser la confrontation.

Un deuxième point incite à la confrontation : là où existe un réseau privé, vous souhaitez encourager les collectivités à développer un réseau public §;…

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… c’est l’article 10, sur lequel je vais revenir, car la disposition qu’il prévoit ne me paraît pas raisonnable.

Le paroxysme, si je puis dire, est atteint avec les articles 13 et 13 bis – ce dernier résulte d'ailleurs d’un amendement socialiste – dans lesquels vous proposez la séparation fonctionnelle. Michel Teston et d’autres qui ont souvent lutté contre la séparation fonctionnelle devraient s’interroger. J’aimerais savoir ce qu’il y a derrière ce projet.

Lorsqu’on a donné à l’ARCEP cette arme nucléaire pour lutter contre des procédés discriminatoires, en tout dernier recours, une fois tous les autres remèdes épuisés, vous vous y êtes violemment opposés, chers collègues. Là, vous proposez d’étudier cette perspective, qui est celle du démembrement.

Mais vous proposez aussi d’exproprier l’opérateur historique. J’ai également été rapporteur de la loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui a organisé le basculement sur les fréquences hertziennes. §Les fréquences hertziennes, c’est le patrimoine immatériel de l’État. Le réseau « cuivre », ce n’est pas la propriété de l’État ; il s’agit d’une expropriation. En mettant l’un à côté de l’autre ces deux articles, c'est-à-dire la séparation fonctionnelle et cette perspective d’expropriation, vous envoyez des signaux qui renforcent la confrontation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Par ailleurs, cette confrontation, je l’ai dit, sera contre-productive. Nous disposons aujourd'hui d’un cadre, qu’il a fallu à peu près quatre années depuis la loi LME pour stabiliser. Or, pour l’investissement tant public que privé, on ne peut pas changer à tout bout de champ les règles du jeu, ce cadre ayant à peine été établi. La bougeotte fiscale, réglementaire ou législative est une mauvaise chose, car les entreprises ont besoin de perspectives, d’un cadre stable au regard de leurs investissements, qui sont lourds.

Autre point important, comme plusieurs d’entre nous l’ont souligné, cette proposition de loi traduit un regret, la nostalgie d’un autre modèle, qui aurait pu être porté par une sorte de monopole public.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

N’ayant pu le faire par le haut, vous essayez finalement de le faire par le bas via les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Savez-vous, mes chers collègues, que dans les zones denses plus de 50 % des coûts seront mutualisés et que dans les zones faiblement denses au moins 90 % des coûts seront mutualisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce choix de la complémentarité, de la mutualisation, est, à mon sens, le seul qui nous permette de relever le défi de ce mur d’investissement qui est important.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

J’en viens au fameux article 10 qui, pour moi, résume bien les choses et constitue le nœud de cette proposition de loi. Cet article est contre-productif sur les plans juridique et économique.

Sur le plan juridique, je vous renvoie à l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence qui est dans le droit fil de celui qu’a rendu l’ARCEP il y a quelques mois : les collectivités ont le droit d’établir des SIEG. L’Autorité a néanmoins pris le soin d’indiquer, en citant l’exemple des Hauts-de-Seine, qui est aujourd’hui contesté auprès du Tribunal de l’Union européenne, qu’il fallait être prudent.

Je pense en effet que, sur le plan juridique, c’est un nid à contentieux. Un des critères essentiels des SIEG est leur dimension universelle. En clair, en matière de couverture du territoire, dès lors que vous vous engagez dans cette voie – vous êtes libre de le faire –, il faut couvrir la totalité des foyers d’un territoire donné.

Sur le plan économique, il y a la question de la mutualisation. Quand, nous, élus, entendons le mot « mutualisation », nous dressons l’oreille : les riches vont-ils payer pour les plus pauvres ? Le problème est que, là encore, c’est contre-productif et ce n’est pas rendre service aux collectivités territoriales.

Plusieurs exemples ont déjà été cités, notamment la Seine-et-Marne. Je pourrais citer la Vendée, qui a voté, voilà quelques mois, son schéma directeur territorial d’aménagement numérique, les Hauts-de-Seine et l’Auvergne.

En Auvergne, le président du conseil régional, René Souchon, a étudié deux hypothèses : l’une est fondée sur une mutualisation et une couverture totale sans tenir compte de la complémentarité et l’autre, à l’inverse, en tenant compte de cette complémentarité. Le surcoût de l’une par rapport à l’autre de ces hypothèses est de 20 %.

Prenons maintenant le cas des Hauts-de-Seine qu’on peut considérer comme une zone globalement dense. Le département, malgré tout, doit apporter 59 millions d’euros. Mais si la mutualisation était la panacée, alors les Hauts-de-Seine n’auraient pas dû débourser un euro ! §Je suis prêt à entendre tous les arguments contraires à ma démonstration, à condition qu’ils s’appuient sur des chiffres et sur un véritable raisonnement.

Ce qui compte pour la collectivité, ce n’est pas le coût moyen unitaire de la prise – il est vrai que ce coût diminue lorsqu’on fait la moyenne entre les zones denses et les zones moins denses –, mais le coût net à sa charge. C’est ce qui fait la différence, notamment parce que les revenus issus de la fibre sont très faibles. Comme l’a souligné le président de l’ARCEP, la fibre pose un problème non pas d’investissement, mais de revenu.

Il faut donc distinguer les raisonnements selon qu’ils sont fondés sur le coût moyen unitaire ou sur le coût net total pour la collectivité. Il est clair que tout cela plaide en faveur d’un modèle complémentaire plutôt que d’un modèle mixte, d’autant que les choses sont aujourd'hui en train de s’accélérer, comme le montrent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État.

Les opérateurs qui se livrent une bataille extraordinaire sur la téléphonie mobile ont souscrit des accords de co-investissement : cette contractualisation est tout à fait positive. Or c’est à ce moment précis que l’on voudrait envoyer des signaux négatifs pour casser ce modèle économique !

Les opérateurs ne sont ni des anges ni des démons ; ce sont de grandes entreprises françaises, et je suis fier que notre pays ait de tels acteurs économiques, d’autant qu’ils investissent bien plus dans ce secteur que ce n’est le cas dans d’autres – je pense à l’électricité ou au rail.

Je sais bien que nous avons tendance, en France, à nous auto-dénigrer, mais je rappelle que les tarifs du triple play français sont les plus bas du monde et que, en matière de tarifs et de couverture de téléphonie mobile, selon l’OFCOM, le régulateur britannique, notre pays est le deuxième parmi les grands pays européens. Les chiffres ont été rappelés. Il est bien sûr toujours possible d’améliorer les choses, mais on ne peut pas dire que rien n’a été fait et que la France est le pays le plus nul du monde en termes d’aménagement numérique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… car cela est faux. Notre pays est extrêmement bien placé !

À gauche, on l’a bien entendu, vous vous placez dans une logique de rupture, et non pas dans une logique d’inflexion ou d’amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Pour ma part, je proposerai avec Pierre Hérisson des amendements tendant à obtenir davantage de transparence. Les opérateurs doivent nous fournir les véritables cartes du réseau : si les collectivités ne savent pas où passe réellement la fibre, comment leur demander de ne pas dupliquer les réseaux ?

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous fassiez part de l’état d’avancement du décret visant à prévoir cette information des collectivités et à mettre en œuvre cette exigence de transparence.

Voilà un sujet sur lequel il faut se battre ! §

De même, nous devons nous battre pour instaurer une véritable contractualisation. Si l’opérateur n’investit pas pour faire passer la fibre dans un territoire, la sanction, si j’ose dire, doit être la suivante : le territoire revient dans la zone d’investissement de la collectivité. §

Mes chers collègues, nous vous proposerons bien d’autres améliorations. Mais je ne saurais terminer mon propos à la tribune sans souligner, en accord avec Pierre Hérisson et Philippe Leroy, que c’est grâce au Sénat qu’ont été obtenues les plus grandes avancées législatives en matière de couverture numérique du territoire. Cela fut notamment le cas en 2004 – Michel Teston le sait bien, car il a suivi à l’époque tous les débats –, puis lorsque nous avons imposé, pour la TNT, un taux de couverture de 95 % de la population, alors que l'Assemblée nationale n’en voulait pas au départ, et en 2009 avec la loi Pintat.

À chaque fois, ces progrès ont été accomplis grâce au Sénat : nous n’avons donc pas à rougir de notre travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif aux moyens nécessaires à la mise en œuvre de la loi n° 2009–1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et France 3, des questions cribles thématiques ; nous les reprendrons à dix-sept heures précises.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’indemnisation des victimes de maladies et d’accidents professionnels.

L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et qu’il sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’amiante, plus grosse affaire pénale et plus grande catastrophe sanitaire du siècle, avec, à l’horizon 2020, 100 000 morts annoncées en France et 500 000 dans le monde.

En effet, l’actualité en la matière est marquée par deux jugements qui remettent en cause les deux composantes de notre système de réparation.

Le premier jugement est l’arrêt rendu, le 27 octobre dernier, par la cour d’appel de Douai, laquelle a condamné dix-sept victimes à rembourser au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, une partie importante de leur indemnisation.

Vous l’avouerez, cette décision met à mal le premier pilier sur lequel repose notre système de réparation : l’indemnisation collective.

La question n’est pas juridique, mais éthique : le Fonds d’indemnisation a pour objet d’indemniser les victimes, et non de les poursuivre. C'est la raison pour laquelle, avec d’autres élus, j’ai demandé au Gouvernement qu’il obtienne du FIVA une remise gracieuse des sommes réclamées.

Le second jugement est celui qui a été rendu hier par le tribunal de Turin, lequel a condamné deux responsables d’Eternit à seize ans de prison.

Cette décision remet en cause le second pilier de notre système de réparation : l’action judiciaire. En effet, en France, alors même que les données de l’affaire – y compris l’entreprise en cause – sont rigoureusement les mêmes qu’en Italie, l’instruction piétine depuis seize ans.

Le prétexte en est la loi Fauchon tendant à préciser la définition des délits non intentionnels. En réalité, de l’analyse même de Pierre Fauchon, qu’au Sénat nous connaissons bien, ce texte n’est pas un obstacle. Notre ancien collègue avait ainsi déclaré, devant la mission commune d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante, que, « dans le cas de l’affaire de l’amiante, l’imprudence est du reste plus que caractérisée ».

Le seul obstacle véritable réside dans la faiblesse des moyens et dans le fonctionnement du pôle santé des parquets de Paris et Marseille.

C’est donc, ici encore, un problème non pas juridique, mais politique.

En conséquence, ma question est, elle aussi, politique. Elle est double : monsieur le ministre, le Gouvernement a-t-il demandé au FIVA de renoncer au remboursement des sommes qu’il réclame aux victimes de l’amiante, pour garantir à ces dernières la reconnaissance et la réparation qui leur reviennent ? Par ailleurs, a-t-il l’intention de donner au pôle santé les moyens d’accomplir sa mission d’instruction ? §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le sénateur, vous le savez, je me suis déjà exprimé sur l’arrêt de la cour d’appel de Douai : j’ai déjà indiqué qu’aucun commandement de payer n’avait été signifié par huissier, sur l’initiative du FIVA, aux victimes de l’amiante. Seules les décisions de la Cour de cassation ont bel et bien été notifiées.

En revanche, je sais que quelques personnes, estimant qu’il était plus simple, ou plus normal – je n’ai pas à me prononcer sur les motivations des intéressés – d’appliquer la décision de justice, ont spontanément pris l’initiative de rembourser le FIVA.

En outre, je le répète, je suis très attentif à la situation des victimes de l’amiante et à celles de ces personnes qui se trouveraient dans des difficultés matérielles très importantes du fait de cette décision.

J’ai donc écrit, en décembre dernier, à la présidente du FIVA afin qu’elle examine les dossiers au cas par cas et avec un maximum d’humanité. Je crois que les membres du conseil d’administration du Fonds ont été sensibles à cette initiative visant à retrouver un climat apaisé. Nous avons d'ailleurs également discuté du sujet avec un certain nombre de parlementaires ayant souhaité nous rencontrer.

Des solutions existent, qui vont de l’étalement des paiements à la remise gracieuse pour les cas les plus critiques.

J’en viens maintenant au dossier tranché par le tribunal de Turin. Vous le savez, puisque vous en avez rappelé la durée, une procédure équivalente est en cours en France. Je ne peux ni ne veux me prononcer sur l’affaire.

En revanche, sachez que, au regard de la décision qui a été prise en Italie, j’ai prévu de me rapprocher du garde des sceaux, Michel Mercier, afin d’examiner avec précision si les moyens existants sont suffisants et si leur niveau est de nature à expliquer les délais. Vous le savez, cette absence de perspectives n’entrave pas le cours des procédures d’indemnisation ; elle ne peut néanmoins perdurer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le ministre, j’entends bien votre réponse. Pour ce qui concerne le FIVA, vous avez évoqué un examen au cas par cas. Mais ce que nous attendons tous, et notamment les veuves de Dunkerque que plusieurs parlementaires, dont moi-même, ont rencontrées, c’est une remise gracieuse.

Il y a là une véritable erreur de jugement sur la fonction du FIVA. Je sais bien que la justice est indépendante mais je crois que le Gouvernement a aujourd'hui la capacité de demander au Fonds de mettre un terme aux recours.

Certes, le tribunal de Turin est une juridiction étrangère mais je pense que le gouvernement français serait bien avisé d’examiner en profondeur le jugement qu’il a rendu, car je ne doute pas celui-ci puisse faire jurisprudence, compte tenu de la teneur du dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision rendue hier par le tribunal de Turin porte un éclairage nouveau sur le drame de l’amiante. Elle est un espoir pour les victimes de l’amiante dans notre pays, qui attendent un tel jugement pénal depuis des années, notamment depuis le dépôt des premières plaintes en 1996.

En France, près de 3 000 personnes meurent chaque année de cancers liés à l’amiante et 100 000 décéderaient d’ici à 2025.

Or les dispositifs mis en œuvre dysfonctionnent gravement, comme en attestent moult rapports, et nombreuses sont les victimes qui ne verront pas l’aboutissement des procédures judiciaires en cours. Au nom de la séparation des pouvoirs, je ne souhaite bien entendu pas commenter ces dernières.

Néanmoins, force est de constater que, tandis que s’achève en Italie le premier procès pénal relatif à l’amiante ouvert en 2009 contre le géant Eternit et ses dirigeants, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris annulait, le 16 décembre dernier, la mise en examen de la même multinationale en tant que personne morale, ainsi que celle de ses principaux dirigeants français.

L’indépendance des parquets en Italie n’est certainement pas étrangère à la tenue et à l’issue de ce procès de Turin. Au contraire, en France, le parquet ne veut pas de procès pénal de l’amiante.

Alors que la restauration des victimes dans leurs droits devrait être privilégiée, que constatons-nous ? D’abord, la composition du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, n’est pas paritaire. Ensuite, le FIVA exerce, contre les décisions de justice favorables aux victimes de l’amiante, des recours, vécus comme une double peine par les familles. Enfin, le dispositif d’accession à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante souffre toujours d’imperfections : manque de rigueur dans l’élaboration des listes des entreprises ; des catégories entières de salariés – intérimaires et salariés des entreprises sous-traitantes – largement discriminés. §

Aussi, monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous du verdict de Turin ? Ne pensez-vous pas qu’il est temps de remettre à plat l’ensemble de l’édifice et de mettre fin au naufrage judiciaire que nous connaissons en France ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, avec prudence, le principe de séparation des pouvoirs. Il m’est à moi aussi impossible de commenter une décision de justice.

Comme je l’ai dit à l’instant à M. Vanlerenberghe, le problème est simple : je dois m’assurer auprès de Michel Mercier que ce n’est pas une question de moyens, ce que j’ai bien l’intention de faire.

J’apporterai tout de même plusieurs précisions.

En France, nous avons mis en place des dispositifs spécifiques de compensation et de réparation parce que nous savons que les délais peuvent être plus longs que ce que les victimes considèrent comme compréhensible ou acceptable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est animés du même esprit que, récemment, à la suite du drame du Mediator, vous avez institué un mécanisme d’indemnisation des victimes de ce médicament, afin de ne pas laisser les victimes face à des procédures judiciaires forcément plus longues.

Beaucoup, y compris au-delà de nos frontières, s’accordent à reconnaître que notre système d’indemnisation, qui, financièrement, repose sur la branche AT-MP, accidents du travail-maladies professionnelles, et sur les dispositifs du Fonds commun des accidents du travail agricole, le FCATA, et du FIVA, est l’un des plus complets qui soient

Le FCATA permet d’assurer une retraite anticipée. Je vous signale d'ailleurs que l’Italie, qui avait institué un dispositif analogue, l’a abandonné depuis plusieurs années.

Pour notre part, nous l’avons maintenu et nous y avons même, en 2010, apporté des améliorations, notamment en revalorisant l’indemnité minimale et – je tiens à le dire car j’ai souvent entendu le contraire – en maintenant inchangées, malgré la réforme des retraites, les conditions de départ anticipé pour les personnes qui pouvaient y prétendre.

Quant au FIVA, il permet d’assurer l’indemnisation intégrale dans des conditions rapides et simples, ce qui est la moindre des choses pour des personnes touchées par l’une des pathologies de l’amiante.

Tels sont les outils que nous utilisons, au-delà des procédures judiciaires, sur lesquelles j’ai répondu tout à l'heure, pour ne pas laisser les victimes de l’amiante sans réparation ni indemnisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le ministre, nous prenons acte de votre réponse.

Cela étant, je ne peux que souscrire aux propos de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui, voilà quelques instants, vous invitait à examiner de beaucoup plus près le verdict du tribunal de Turin et, surtout, à en tirer les enseignements.

Il me semble que les victimes et leur famille attendent plus que des déclarations d’intention : elles souhaitent que justice leur soit enfin rendue et que l’on arrête de les victimiser une nouvelle fois en leur réclamant le remboursement de ce que d’aucuns appellent un « trop-perçu ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur le sujet de l’amiante et associer à ma question ma collègue sénatrice du Nord, Michelle Demessine, qui, comme moi, est mobilisée aux côtés des victimes.

Il faut dire que notre région, le Nord – Pas-de-Calais, est, malheureusement, particulièrement concernée : sur ce territoire, tout le monde connaît au moins un proche concerné par l’amiante et les cancers qu’il provoque. Les victimes subissent ce poison dans leur corps et dans leur âme. Des salariés meurent chaque année du fait de leur travail parce que les lobbies patronaux ont retardé l’interdiction de l’amiante jusqu’en 1976, alors que ses effets nocifs étaient connus depuis 1905. Telle est la réalité !

S’il est impossible de revenir sur le passé, il importe aujourd’hui que les personnes concernées soient indemnisées dans les meilleures conditions ; c’est d’ailleurs la raison même de l’existence du FIVA.

C’est aussi pourquoi les victimes et les associations ne peuvent comprendre ni les décisions rendues par la cour d’appel de Douai ni les actions en remboursement engagées par le FIVA. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que les actions récursoires que devrait logiquement engager le FIVA contre les employeurs ne sont que trop rares. Or comment ne pas faire le lien entre l’évolution à la baisse des indemnités versées aux victimes par le Fonds et le manque de dynamisme dans les actions engagées à l’encontre des employeurs ? Le sentiment que le Fonds applique deux poids et deux mesures suscite, à juste titre, la colère des victimes, qui sont également attentives à ce qui se passe en Italie.

Monsieur le ministre, vous venez de rappeler que vous avez demandé à la direction du FIVA un examen des dossiers au cas par cas. Si cette démarche constitue un premier pas dans la prise en compte des souffrances des victimes, elle n’est pourtant pas suffisante. La preuve en est : peu après votre annonce, le FIVA déposait de nouveaux recours.

Ma question est donc double et s’adresse à vous en tant que ministre de tutelle du FIVA.

Premièrement, quand allez-vous enfin demander au FIVA qu’il renonce aux actions en cours, ainsi qu’à celles qu’il pourrait engager, et qu’il adopte le principe d’une remise gracieuse au bénéfice des victimes déjà condamnées, seul moyen de régler le problème d’une manière humaine ?

Deuxièmement, qu’entendez-vous faire pour que le FIVA se retourne désormais plus régulièrement et avec plus de détermination contre les employeurs qui sont les vrais responsables de la situation que vivent les malades ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le sénateur, vous avez parlé des actions récursoires du FIVA contre les entreprises : sachez que 1 900 actions sont actuellement engagées, pour un montant de 26 millions d’euros par an. Je ne peux donc pas laisser dire que le FIVA n’engage pas d’actions récursoires !

Pour le reste, j’ai eu l’occasion de répondre, à l’Assemblée nationale, à une question d’actualité portant sur ce sujet. On m’a reproché d’outrepasser mon rôle en intervenant auprès du FIVA pour que tous les cas soient examinés individuellement.

Permettez-moi de vous faire observer qu’il faudrait également examiner comment ces personnes ont pu se retrouver dans une telle situation, car elles ont été accompagnées dans leurs démarches par des associations et ont eu recours aux services de conseils. Or elles se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile. Aucun aspect du problème n’est donc à négliger.

Par ailleurs, quand vous dites que le FIVA aurait engagé des recours contre les victimes de l’amiante, il s’agit simplement de la notification des décisions de la Cour de cassation, comme je l’ai dit tout à l’heure, et de rien de plus !

J’ai eu l’occasion d’expliquer à des parlementaires appartenant à diverses sensibilités politiques, dont Mme Demessine faisait partie, que nous étudiions comment traiter au mieux ces dossiers : l’étalement du remboursement des doubles indemnisations et les recours gracieux ne sont ni impossibles ni interdits. C’est donc sur ces bases que nous travaillons aujourd’hui.

Pour le reste, vous ne pouvez pas faire l’économie d’un examen au cas par cas et le FIVA travaille dans cet état d’esprit. Je tiens à réaffirmer que ses membres ont les mêmes conceptions que moi – je crois même pouvoir dire : que nous – en la matière.

Enfin, s’agissant des actions récursoires, elles sont exercées à l’encontre des entreprises concernées, et c’est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le ministre, nous entendons bien votre réponse : les situations doivent être examinées au cas par cas, la justice est indépendante et ses décisions doivent être respectées. Dans votre précédente réponse, vous avez évoqué les listes des entreprises reconnues comme ayant exposé leurs salariés à l’amiante, il me semble bien que ces listes sont désormais closes et que de nouvelles entreprises ne pourront pas y être inscrites.

En abordant la question des actions récursoires, mon groupe a souhaité relancer la discussion sur la responsabilité des employeurs et revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, qui a reconnu le principe d’une indemnisation intégrale des préjudices subis par les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors que la faute inexcusable de l’employeur est reconnue.

Monsieur le ministre, sans doute serait-il temps d’engager, de nouveau, une réflexion sur cette réparation intégrale, en revenant, il est vrai, sur la loi de 1898. Cette loi, en instituant une présomption de responsabilité de l’employeur, a permis d’instaurer ce régime d’indemnisation forfaitaire. Il me semble que, sans remettre en cause le principe de l’imputabilité de la faute à l’employeur, nous devrions engager une discussion pour aboutir, enfin, à une réparation intégrale des préjudices subis par l’ensemble des victimes du travail, non seulement celles de l’amiante, mais aussi celles d’autres maladies professionnelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a plus d’un siècle, la loi du 9 avril 1898 créait un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accident du travail, élargi en 1919 aux maladies professionnelles, et constituant une énorme avancée pour tous les travailleurs, mais n’ouvrant droit qu’à une indemnisation forfaitaire, donc nécessairement partielle.

Entre-temps, le législateur a ouvert à toute une série de victimes, notamment les victimes d’accidents de la route ou d’erreurs médicales, le droit à une réparation intégrale, qui prend donc en compte tous les préjudices, de la perte de capacité aux pertes financières, en passant par la souffrance physique et morale, la perte de qualité de vie et le préjudice esthétique.

Notre système de réparation est donc profondément injuste pour les victimes du travail. Alors même que le Président de la République a fait de la « valeur travail » un credo, on ne peut demander aux travailleurs de s’engager toujours davantage et les laisser tomber quand ils paient cet engagement de leur santé et de leur vie : toutes les victimes du travail ont droit à une réparation intégrale de leurs préjudices.

Le 18 juin 2010, le Conseil constitutionnel, par un revirement de jurisprudence, a enfin permis aux victimes du travail d’obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices, dès lors qu’elles font reconnaître la faute inexcusable de leur employeur. Mais, pour diverses raisons, l’application de cette jurisprudence se heurte, sur le terrain, à de nombreuses difficultés et, de toute manière, elle ne concerne que les cas dans lesquels la faute inexcusable de l’employeur peut être engagée, donc une trop faible part des victimes du travail.

De plus, les personnes malades, atteintes d’une incapacité grave, ou leur famille, doivent multiplier les démarches, mener des combats judiciaires longs et éprouvants, alors qu’elles sont déjà affaiblies physiquement et psychologiquement. Cette situation ne nous paraît pas normale et nous pensons que nous ne pouvons faire l’économie d’une révision de la loi de 1898, sur ce point comme sur d’autres, d’ailleurs.

Le législateur pourrait notamment intervenir pour exiger une réparation intégrale de tous les accidents du travail et des maladies professionnelles, ce qui simplifierait considérablement la vie des accidentés et des malades du travail, qui ont, eux aussi, droit à la sérénité et à la tranquillité. Monsieur le ministre, pourquoi n’avoir pas encore engagé une telle réforme ?

MM. Jean Desessard et Claude Jeannerot applaudissent.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame la sénatrice, tel est bien le sens de la mission confiée à Mme Ruellan, afin de proposer des modifications qui seront intégrées au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, dont vous aurez à débattre à la fin de l’année 2012.

Vous le savez, la demande d’une réparation intégrale des sinistres professionnels est récurrente de la part de nombreux acteurs et elle s’est évidemment avivée, vous avez eu raison de le souligner, depuis la décision rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel sur notre système de réparation.

Je tiens à préciser la portée de cette décision. Le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de l’indemnisation forfaitaire des accidents du travail et maladies professionnelles, en émettant une réserve : les victimes et leurs ayants droit peuvent s’adresser au tribunal pour demander à l’employeur, lorsque celui-ci a commis une faute inexcusable, la réparation des dommages que la sécurité sociale ne répare pas. Le Conseil constitutionnel, dans cette dernière hypothèse, reconnaît aux victimes le droit à réparation de tous leurs préjudices, mais ne leur ouvre pas droit à la réparation intégrale de chacun des préjudices. Je m’efforce d’être précis, parce que ce sujet est complexe, même si celles et ceux qui sont directement concernés feront la part des choses, car ils connaissent le sens de chacun de ces mots.

Vous le savez, l’État s’est engagé, avec la CNAM, dans la convention d’objectifs et de gestion pour les années 2009 à 2012, à entreprendre les travaux préalables nécessaires à une rénovation de la réparation des accidents du travail. Mme Rolande Ruellan, ancienne présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a été désignée le 6 juin dernier pour diriger un groupe de travail qui s’est déjà réuni à trois reprises dans une formation limitée aux administrations et caisses de sécurité sociale intéressées. Ce groupe de travail sera étendu, en avril, aux partenaires sociaux et à la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés, la FNATH, qui ont d’ores et déjà désigné leurs représentants, afin que ce travail ne prenne pas le moindre retard. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse ; cela dit, j’ajouterai deux remarques.

D’une part, le groupe de travail auquel vous faites allusion n’est composé pour l’instant, selon nos informations, que de représentants de l’administration. Un certain nombre de partenaires sociaux qui avaient souhaité y être associés ne le sont pas et nous avons l’impression que ce travail s’engage très lentement, puisqu’ils n’ont reçu aucune information.

D’autre part, en ce qui concerne les réparations dues en cas de faute inexcusable de l’employeur, de multiples exemples montrent que, de fait, l’obtention d’une indemnisation intégrale est actuellement très aléatoire, car il est extrêmement difficile de savoir qui paie : les CPAM sont censées faire l’avance des frais, mais elles refusent de le faire pour la totalité de l’indemnisation ; il faut alors se retourner contre l’employeur, alors que les victimes, à ce stade, ont déjà derrière elles plusieurs années de procédure. J’y insiste donc : même quand la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, il est extrêmement difficile d’obtenir que l’indemnisation intégrale soit appliquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est aujourd’hui plus que vraisemblable que les risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires aillent bien au-delà des seules maladies respiratoires et affections cutanées. En effet, depuis plusieurs années, tous les travaux scientifiques convergent.

Selon une étude réalisée par l’université de Harvard en 2006, confirmée à plusieurs reprises depuis, une exposition aux pesticides augmente de 70 % le risque de développer la maladie de Parkinson. De même, les premiers résultats relatifs au cancer doivent nous alerter : d’après le rapport de référence de l’INRA sur les pesticides, « des effets cancérigènes, neurotoxiques ou de type perturbateurs endocriniens des pesticides ont été mis en évidence chez l’animal. La question des risques pour l’homme […] est donc posée. » L’étude CEREPHY va même plus loin en soutenant que les sujets les plus exposés encourent un risque plus de deux fois supérieur d’être atteints d’une tumeur cérébrale.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs dizaines d’agriculteurs ont déjà obtenu devant les tribunaux la reconnaissance comme maladie professionnelle de la maladie de Parkinson, de leucémies ou de myélomes, du fait d’une exposition aux pesticides.

Réduire de 50 % les quantités de pesticides utilisés par l’agriculture dans les dix ans à venir, selon l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement, constitue certes un objectif louable, mais ne prend pas en compte l’ampleur de ce véritable problème de santé publique.

Monsieur le ministre, le monde agricole, qui paie aujourd’hui un lourd tribut, ne peut plus se contenter de déclarations d’intention. Je souhaite donc savoir quand le Gouvernement va enfin permettre à l’ensemble des trop nombreuses victimes contaminées par des produits phytosanitaires d’être facilement et convenablement indemnisées en procédant au classement de ces pathologies en maladies professionnelles ?

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. Jacques Berthou applaudit également.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le sénateur, il s’avère que le ministre du travail et de l’emploi est aussi le ministre de la santé. En ce qui concerne les questions que vous avez soulevées, il ne me semble pas possible de les hiérarchiser les unes par rapport aux autres.

Votre question appelle une double réponse. Tout d’abord, il ne m’a pas échappé que vous faisiez allusion à la réparation des préjudices subis, puisque vous avez mentionné une décision de justice qui a fait l’objet de nombreux commentaires. Des procédures particulières sont effectivement engagées sur la question du classement en maladie professionnelle et sur celle de la réparation.

Ensuite, comme je pense à l’ensemble des Français qui peuvent être exposés à ces risques – ce n’est pas parce que je suis élu dans un département agricole que cet aspect m’aurait échappé, loin s’en faut ! –, je considère que cette décision de justice doit nous inciter à réfléchir à la prévention du risque chimique, notamment celui qui résulte de l’emploi de produits phytosanitaires. Cette question fait partie des cibles prioritaires de la deuxième édition du plan Santé au travail, qui concerne les années 2010 à 2014.

Les questions relatives à la réparation et aux procédures judiciaires sont au cœur de l’actualité, mais nous n’avons pas attendu la décision de justice à laquelle vous avez fait allusion pour envisager la mise en œuvre de la prévention : tout le secteur de l’agriculture est bien concerné par cette dimension. Si nous pouvons être plus efficaces encore dans ce domaine, nous avons le devoir d’agir et cette mission intéresse non seulement le ministre du travail, mais aussi le ministre de la santé.

Mme Catherine Troendle et Mlle Sophie Joissains applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le ministre, je ne peux que souscrire à vos propos relatifs à l’amélioration de la prévention : vous avez raison et la volonté que vous avez exprimée est aussi la nôtre.

Cependant, ces risques n’étaient pas connus en d’autres temps – et il n’y a pas si longtemps encore ! – et la politique de prévention est très récente. Je souhaitais donc insister auprès de vous pour que celles et ceux qui n’ont malheureusement pas pu bénéficier de cet effort de prévention et se trouvent, du coup, victimes de maladies graves soient indemnisés convenablement et selon des procédures qui ne soient pas trop compliquées, afin que cette indemnisation puisse intervenir dans les meilleurs délais.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – MM. Claude Jeannerot et Jean Besson applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aider les victimes à obtenir une juste et légitime compensation du préjudice subi dans le cadre de leur activité professionnelle constitue bien entendu un impératif auquel nous devons répondre.

Mon propos se situe en amont de l’indemnisation proprement dite. En effet, pour indemniser, encore faut-il reconnaître la maladie.

Si les accidents du travail connaissent un recul, le nombre de maladies professionnelles déclarées et reconnues a augmenté ces dix dernières années. Cette reconnaissance a néanmoins des limites.

Il existe, de longue date, une sous-déclaration des accidents du travail et plus encore des maladies professionnelles. Les raisons en sont multiples, comme le manque d’information des salariés ou la formation insuffisante des médecins traitants et hospitaliers, qui ne font pas suffisamment le lien entre les pathologies et l’activité professionnelle du patient.

La médecine du travail joue un rôle majeur dans le diagnostic, la prévention ou encore la déclaration d’une maladie professionnelle, mais elle doit rompre son isolement, tout en étant confrontée à une situation particulièrement tendue, dans cette branche, en matière de démographie médicale.

La réforme adoptée cet été constitue une réponse à plusieurs de ces inquiétudes, en plaçant notamment le médecin du travail au centre d’une équipe pluridisciplinaire. Elle était très attendue.

Deux décrets d’application viennent d’être publiés, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quels sont les premiers retours et comment s’engage cette réforme sur le terrain ?

Par ailleurs, le dernier rapport Diricq a souligné l’insuffisance de la formation des futurs médecins en ce qui concerne la connaissance des pathologies professionnelles, compte tenu du faible nombre d’heures qui y est consacré au cours des six années d’études. Comment pensez-vous inciter les universités à améliorer cette formation ?

Enfin, l’assurance maladie a mis en place en 2011 une offre de services en ligne pour aider les médecins à repérer, à déclarer les maladies professionnelles et à orienter les patients. Des formations continues spécialisées sont proposées. Des expérimentations de repérage dans le domaine des cancers professionnels, notamment des cancers de la vessie, ont lieu dans plusieurs régions. Il est sans doute encore trop tôt pour évaluer ces dispositions. Nul doute que le résultat sera très intéressant en matière de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame le sénateur, en matière de sous-déclaration des maladies professionnelles, la solution porte avant tout, même si elle n’est pas la seule, sur la formation et l’information des médecins. Il s’agit, vous l’avez rappelé, de l’une des préconisations du rapport Diricq de juillet 2011.

Plusieurs actions ont déjà été entreprises. La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, a réalisé deux campagnes d’information auprès des médecins traitants – en 2008 sur les maladies professionnelles et en 2011 sur les troubles musculosquelettiques, dits TMS, et la prévention de la désinsertion professionnelles – et une large campagne médiatique nationale sur les TMS de 2008 à 2010, sur mon initiative.

Elle a développé, dans le cadre de la formation professionnelle conventionnelle, des modules de formation sur les risques professionnels à destination des médecins : 185 formations ont ainsi été dispensées entre 2007 et 2009 à environ 3 000 participants.

La Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France, la CRAMIF, a mis en place un outil internet à l’attention des médecins traitants. Celui-ci ayant porté ses fruits, il a été repris en mai 2011 sur le site « ameli.fr » de la CNAMTS.

Enfin, la Haute Autorité de santé a publié, en janvier 2009, des recommandations relatives au contenu et à la tenue du dossier médical au travail, afin d’améliorer les pratiques professionnelles des médecins du travail.

Telles sont les premières pistes sur lesquelles nous avons agi. Elles sont réelles et consistantes. Faut-il aller plus loin ? Certainement !

Les décrets d’application de la loi du 20 juillet 2011 sur la réforme de la médecine du travail ont été publiés le 31 janvier 2012. Cette réforme était attendue et les décrets étaient, eux aussi, attendus. Je pense que nous disposons des outils pour faire évoluer et moderniser la médecine du travail. Ces décrets précisent les missions des services de santé au travail interentreprises, notamment celles du médecin du travail, en définissant aussi – c’était très attendu ; vous aviez été nombreux à intervenir ici même au cours du débat – les actions et les moyens des différents membres de l’équipe pluridisciplinaire. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Il est vrai que les dispositions mises en place par la CNAMTS vont porter leurs fruits. Pour ma part, je suis dans l’attente des résultats, notamment en ce qui concerne le repérage des cancers professionnels.

Quant à la médecine du travail, nous souhaitions que les décrets d’application soient publiés rapidement tant la situation est tendue dans certains services médicaux interentreprises. Certaines entreprises ne parviennent pas à remplir leurs obligations. C’est également le cas de certaines collectivités locales qui, comme dans mon département, n’assurent plus le suivi de leurs agents du fait des difficultés rencontrées par les services de médecine du travail. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les mesures envisagées pour lutter contre les risques psychosociaux en entreprise. Ces risques d’origines variées mettent en jeu l’intégrité physique et la santé mentale des salariés et induisent un fonctionnement perturbé de l’entreprise.

Conscient d’un problème qui n’est pas sans lien avec la pression exercée à la suite du « travailler plus », vous avez donné une première impulsion, le 9 octobre 2009, en présentant un plan d’action d’urgence pour la prévention du stress au travail, un deuxième plan « Santé au travail » devant pérenniser le premier.

Pourtant, l’état des lieux demeure inquiétant. La culture du résultat, de la performance et les systèmes de management reposant sur des injonctions paradoxales et ne privilégiant que l’exécution à court terme au détriment d’activités créatrices se développent dans une rupture croissante avec toute notion d’humanité, le tout étant souvent étroitement lié à une situation économique où la finance et la course à la compétitivité ont pris le pas sur l’industrie.

La tension générée est souvent pathogène, mais, hélas ! la découverte du burn out ne se réalise que quand celui-ci est bien avancé, souvent quand il est déjà trop tard.

Est-il utile de rappeler les 107 suicides qui ont fait l’objet d’une reconnaissance au titre des accidents du travail durant la période 2008–2009 ?

Comment supporter la vague de suicides, sur le lieu de travail et en dehors, chez France Télécom, Renault, Pôle emploi ? Récemment, dans le Nord – Pas-de-Calais, un jeune inspecteur du travail de trente-deux ans a mis fin à ses jours, huit mois après la tragédie qui a touché un inspecteur du travail dans un autre département.

Trois cents agents de contrôle de l’Inspection du travail viennent de se réunir pour demander au Gouvernement la reconnaissance de ces deux suicides en accident de service, pour que soit établi le lien entre la dégradation de leurs conditions de travail et ces actes désespérés, ainsi que pour ouvrir la voie à une indemnisation des familles.

L’entreprise est dorénavant souvent perçue comme une « machine à broyer » l’individu. Il y a urgence à renverser la situation. « Travailler mieux », tel est l’esprit qui doit soutenir une véritable politique active en matière de prévention, la souffrance au travail constituant un véritable problème de santé publique.

L’accord du 20 novembre 2009 constitue un premier engagement, comme la circulaire du 21 juin 2011 et la reconnaissance, le 7 février dernier, de la tentative de suicide de l’inspecteur du travail comme accident de service.

Cependant, tout cela est bien insuffisant. Le métier n’est pas qu’une source de rémunération ; il est partie prenante de l’épanouissement personnel, de l’intégration et du lien social.

Aussi, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures concrètes vous entendez prendre pour établir le lien entre la dégradation des conditions de travail et les pathologies de souffrance au travail, avec l’indemnisation qu’il sous-tend.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame le sénateur, nous poursuivons au Sénat les échanges que nous avons eus à l’Assemblée nationale.

Il est dangereux, pour ne pas dire aussi douloureux, de pratiquer l’amalgame entre des situations très différentes, dans les diverses entreprises et administrations que vous avez évoquées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je me suis rendu dans des entreprises concernées par la question du suicide sur le lieu de travail : si les choses avaient été simples, les représentants des organisations syndicales que j’ai rencontrés me l’auraient dit. Certains avaient reconnu s’être trouvés en contact avec une personne qui s’était suicidée quelques jours après sans avoir détecté quoi que ce soit. Vous êtes très avertie de ces questions de santé, madame le sénateur, et vous savez donc bien que rien n’est plus difficile que de prévenir de tels actes et de prendre en compte de telles situations.

Vous avez développé tout un amalgame sur la finance, etc. Or les changements dans l’organisation du travail liés aux trente-cinq heures – je ne suis pas le seul à le dire – ont également généré du stress. §Je le dis sans passion…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Quand je veux le faire, je sais le faire…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mais là, je ne veux pas le faire !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Quand je veux le faire, si je veux enclencher un débat public sur ces questions, je sais le faire ! En l’occurrence, je ne le souhaite pas !

Toutefois, il faut bien reconnaître que, lorsqu’il a fallu renégocier l’organisation du travail

M. Christian Bourquin s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je voudrais souligner un autre point : lorsque des objectifs importants sont assignés et que les manageurs n’ont pas conscience du stress supplémentaire que ceux-ci peuvent provoquer, on se trouve dans des situations à risque.

J’ai moi-même posé ce dossier sur la table en tant que ministre du travail, peut-être aussi parce que j’avais été auparavant ministre de la santé. Le sujet était tabou, éventuellement considéré comme un sujet de société. J’estime que c’est aussi une question de santé. Le rapport Légeron, que j’avais commandé, a formulé des recommandations nouvelles et un plan d’urgence sur la prévention du stress au travail a été engagé en octobre 2009, dont j’ai adressé le bilan au Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, en avril 2011.

La prévention des risques psychosociaux est en outre l’une des cibles du plan Santé au travail.

Par conséquent, je connais bien le sujet ; je sais aussi qu’il nous faut éviter tout raccourci en la matière, le sujet étant suffisamment douloureux pour les familles des victimes.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean-Jacques Pignard et François Zocchetto applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je suis très surprise de votre réponse, monsieur le ministre. Les risques psychosociaux sont effectivement un sujet très grave, qui peut avoir des conséquences dramatiques pour certains de nos concitoyens.

Il n’est pas question de pratiquer l’amalgame entre le monde de l’entreprise et celui de la fonction publique, mais le résultat est là, avec les drames individuels et familiaux que cela engendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Mme Catherine Génisson. Le sujet étant complexe, il ne justifie pas de votre part – ce n’est d’ailleurs pas votre habitude – une réponse partisane, monsieur le ministre. Sur un sujet particulièrement lourd, vous ne m’avez guère donné d’éléments de réponse satisfaisants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaitais évoquer, s'agissant du drame de l’amiante, la situation des victimes qui sont aujourd’hui contraintes de restituer une partie des sommes qu’elles ont perçues du FIVA, au titre d’indemnités. Ce point ayant déjà été évoqué par d’autres intervenants, vous avez répondu à ma question, monsieur le ministre.

Je rappelle néanmoins que la cour d’appel de Douai, le 27 octobre dernier, en application d’une décision de la Cour de cassation, a jugé que la somme perçue par les victimes de la part de l’assurance maladie devrait désormais être déduite de l’indemnisation accordée par le FIVA. Les justiciables concernés sont dans l’obligation de rembourser la somme en question.

Pour bien comprendre ce qui s’est passé, il faut savoir que les victimes de maladies professionnelles reçoivent deux indemnisations : une rente « maladie professionnelle » de la caisse primaire d’assurance maladie s’appliquant au titre du préjudice économique, et une rente d’incapacité du FIVA correspondant au préjudice personnel.

Le FIVA a toujours considéré qu’il fallait déduire du montant de ses indemnités celles qui sont versées par l’assurance maladie. Les victimes ayant la possibilité de contester le montant proposé par le FIVA devant la cour d’appel de leur domicile, en 2005, la cour d’appel de Douai a réévalué la rente. Elle a estimé qu’il ne fallait pas déduire les indemnités versées par l’assurance maladie de celles qui sont versées par le FIVA puisque les deux ne portaient pas sur les mêmes préjudices, l’un étant économique et l’autre personnel. Ainsi, jusqu’en 2009, elle a systématiquement doublé les montants des indemnités que le FIVA devait verser, et ce jusqu’à ce que la Cour de cassation prenne une position inverse, à la suite d’un pourvoi du FIVA.

On peut imaginer l’indignation de ces justiciables du Nord et leur désarroi face à un tel revirement.

Je suis conscient, monsieur le ministre, que vos pouvoirs sont limités en la matière, puisque, en vertu du principe de séparation des pouvoirs, vous ne pouvez contester une décision de justice. Je vous remercie donc d’être intervenu auprès de la présidente du FIVA.

Je vous pose néanmoins deux questions, monsieur le ministre. Avez-vous reçu des engagements de la part du FIVA ? Sera-t-il possible de stopper les recours ? §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le sénateur, ma réponse tiendra en trois points.

Pour l’instant, dix-sept dossiers sont identifiés, mais ils pourraient s’élever à 300. Ils seront, je le répète, examinés au cas par cas. Je serai vigilant à ce que cet objectif soit tenu, mais je fais toute confiance au FIVA et à sa présidente pour travailler dans ce sens.

Je précise également qu’il est important d’écouter les organisations syndicales en la matière. Elles ont d’ailleurs écrit aux parlementaires ; je ne sais pas si elles ont écrit à tous les parlementaires… Je respecte les associations et j’écoute leur position. Mais celle des partenaires sociaux et des organisations syndicales en la matière vaut la peine d’être écoutée et entendue.

Enfin, il est un troisième aspect sur lequel j’insisterai : nous devons faire attention à la judiciarisation, laquelle n’est pas le fait du FIVA. En effet, ce n’est pas lui qui, le premier, a engagé des actions judiciaires supplémentaires. Certes, le droit d’ester en justice est garanti par la Constitution, mais nous devons mesurer toutes les conséquences de la judiciarisation, car elles pèsent aujourd'hui sur les victimes.

Je le répète : premièrement, un traitement au cas par cas, même si les victimes se comptent par centaines, est possible, et cela sera fait. Deuxièmement, la position des organisations syndicales doit être prise en compte. Troisièmement, nous devons nous interroger sur la judiciarisation, qui peut avoir pour effet de pénaliser les victimes. Je pense bien évidemment aux victimes de l’amiante. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le ministre, vous le savez, à la suite d’un accident survenu à l’occasion du travail, les conditions d’indemnisation ne sont ni équitables ni toujours parfaitement lisibles. J’observe d’ailleurs que le droit à une indemnisation intégrale n’a jamais été érigé en norme de rang constitutionnel.

Les lois mettant en place des régimes spéciaux ou des systèmes d’indemnisation spécifiques des situations dommageables se sont multipliées, rendant parfois ardue pour les victimes la détermination des règles qui leur sont applicables, à plus forte raison lorsque leur situation spécifique les place au confluent de deux régimes d’indemnisation.

Ainsi, lorsqu’un accident de la route est également un accident du travail, rien n’est prévu pour résoudre le conflit entre les deux régimes d’indemnisation. Les victimes risquent alors d’être moins bien indemnisées.

Il résulte de cette incertitude des inégalités flagrantes entre les différents régimes d’indemnisation. Cette situation a conduit le Conseil constitutionnel – ma collègue Aline Archimbaud en a parlé – à combler les carences existantes, permettant ainsi d’assurer une meilleure cohérence en matière d’indemnisation des victimes. Je fais allusion à la décision du 18 juin 2010, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, dans laquelle le Conseil a donné une interprétation favorable aux victimes.

Ainsi, sur le fondement de cette jurisprudence, les victimes d’un accident professionnel résultant d’une faute inexcusable de l’employeur peuvent espérer prétendre à la réparation intégrale de leur préjudice.

Ma question est simple, monsieur le ministre : ne conviendrait-il pas de clarifier les régimes applicables aux victimes d’accidents du travail afin de leur assurer une indemnisation plus équitable et plus lisible ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur le sénateur, notre système peut-il, doit-il évoluer ? La réponse est oui. Faut-il pour autant le rejeter en bloc ? Je n’en suis pas certain.

Vous évoquez le cas des accidents de la circulation survenant sur les trajets entre le domicile et le lieu de travail. Ces accidents sont-ils considérés comme des accidents du travail ? Oui.

Monsieur le sénateur, il faut éviter toute confusion. Évoquez-vous le régime d’indemnisation des accidents de la circulation, et donc le régime mis en place par la loi Badinter de 1985, lequel est dérogatoire et extrêmement protecteur – c’est l’ancien assureur et professeur de droit qui s’exprime –, notamment pour les victimes d’accidents de la route ? Ou faites-vous allusion à la confrontation entre le régime applicable aux accidents de la circulation et le régime applicable aux accidents du travail ? §

Je tiens à préciser, pour qu’il n’y ait pas d’erreur, qu’un accident de la circulation survenant sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail est bel et bien considéré comme un accident du travail. Il n’y a pas de zone d’ombre qui conduirait à priver qui que ce soit d’une indemnisation.

Cependant, il est vrai que le système est perfectible. L’objet de la mission confiée à Mme Rolande Ruellan est d’ailleurs de faire évoluer les choses en la matière.

Je précise également que, en France, dès qu’il y a incapacité permanente, il y a indemnisation, même lorsque cette incapacité n’entrave pas la poursuite de l’activité professionnelle. Tel n’est pas le cas dans tous les pays d’Europe. En Allemagne et en Autriche, une incapacité inférieure à 20 % ne donne lieu à aucune indemnisation. C’est également le cas en Finlande dès lors que l’incapacité n’atteint pas 5 %.

Si j’apporte ces précisions, c’est parce qu’il ne faudrait pas donner l’impression que le système français n’est pas bon. De nombreux autres systèmes sont moins favorables que le nôtre, comme l’a montré l’étude réalisée par EUROGIP.

Voilà pourquoi je pense que nous ne devons pas tout rejeter. En revanche, si on peut faire évoluer les choses, cela a du sens de le faire.

Notre système garantit quelque chose d’inestimable aux victimes : l’imputabilité de leur accident au travail. La charge de la preuve n’incombe pas à la victime, qui n’a pas à aller s’expliquer devant le juge. L’indemnisation revêt un caractère certes forfaitaire, mais surtout automatique. Si on va vers la réparation intégrale, tout cela volerait en éclats. Je ne suis pas sûr que les salariés s’y retrouveraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Claude Jeannerot, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Vous l’aviez compris, monsieur le ministre, je ne rejette pas l’intégralité du droit s’appliquant aujourd'hui. En revanche, il me paraît nécessaire de revendiquer plus de justice. Je ne partage pas votre interprétation sur les deux risques, les accidents du travail et les accidents de la circulation.

Si j’en juge par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 juin 1991, ce n’est pas toujours le régime le plus favorable qui s’applique. Or, dès lors que nous sommes dans une situation de ce type, il serait légitime que la victime d’un accident du travail bénéficie du dispositif le plus équitable et le plus favorable, y compris lorsque l’accident survient sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. À cet égard, il s’avère que le classement en accident de la circulation est plus avantageux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques consacrées à l’indemnisation des victimes de maladies et d’accidents professionnels.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à dix-huit heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à assurer l’aménagement numérique du territoire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Joël Labbé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en dépit des affirmations officielles, l’état actuel de l’aménagement numérique du territoire, au regard des enjeux tout à fait prioritaires qui lui sont liés, n’est pas vraiment satisfaisant. En conséquence, la présente proposition de loi, déposée par nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, est bienvenue. Elle comporte des avancées notables, malgré certains oublis.

Je débuterai mon propos par un bref rappel historique, afin de dissiper l’impression selon laquelle il faut toujours tout réinventer, et notamment les manières de mener à bien un projet.

Tout au long du XXe siècle, les générations qui nous ont précédés sont parvenues à développer sur le territoire français l’accès à l’eau, au téléphone, à l’électricité, ainsi que la desserte en axes routiers et ferroviaires.

Force est de constater qu’une volonté politique forte avait alors permis la mise en œuvre d’une solidarité et d’une réelle péréquation entre nos territoires. C’était avant que l’ouverture de nos services publics au marché ne modifie totalement la manière d’appréhender l’aménagement des territoires. Nous avons partiellement perdu cette culture du bien public – dont le numérique fait partie –, des services publics à rendre à la population. C’est bien cette culture qu’il s’agit de défendre aujourd'hui.

L’engagement public implique que tous les consommateurs puissent bénéficier, entre autres choses, d’un accès à Internet avec un débit minimal fixé à 2 mégabits par seconde à l’horizon du 31 décembre 2013. Pour ce faire, le déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné est nécessaire.

Les chiffres annoncés par les pouvoirs publics, en matière, surtout, de déploiement du très haut débit, ne pourront pas être tenus. Des objectifs ambitieux ont été fixés par le Président de la République en février 2010 : 70 % des foyers devront être éligibles au très haut débit en 2020 et 100 % en 2025. Pourtant, au rythme de déploiement actuel, il faudra de nombreuses années afin de pouvoir desservir l’ensemble du territoire !

De fait, depuis la privatisation de France Télécom, nous sommes passés d’un monopole public à une situation monopolistique dangereuse, où quelques opérateurs privés, dont M. le secrétaire d'État a fait l’apologie tout à l'heure, …

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Ce n’est pas un mal en soi que d’être opérateur privé ! Heureusement qu’il y en a !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… tous cotés en Bourse, parviennent, tout en étant concurrents, à parfaitement s’entendre, ce pour quoi ils ont d’ailleurs été condamnés en 2005 à verser une amende de 500 millions d’euros.

Le dispositif actuel repose sur ces opérateurs privés, qui ne déploient la fibre que dans les zones rentables, c’est-à-dire les zones urbaines. La situation vaut tout aussi bien pour la téléphonie que pour le haut ou le très haut débit.

De plus, leurs projets ne les engagent en aucune façon et bloquent l’initiative des collectivités territoriales, ce qui est inacceptable. En revanche, bien entendu, il revient aux collectivités territoriales de financer les investissements nécessaires, notamment pour le très haut débit, dans les territoires ruraux et semi-ruraux, qui sont les plus coûteux à desservir. Elles le font sans l’assurance d’un quelconque concours financier de l’État puisque le Fonds d’aménagement numérique du territoire, le FANT, créé par la loi du 17 décembre 2009, n’est toujours pas alimenté.

Il est nécessaire d’améliorer le dispositif en prenant en compte la péréquation entre les zones rentables et les zones non rentables et de remettre les collectivités au cœur de l’aménagement numérique du territoire. La présente proposition de loi aurait pu constituer l’occasion de mettre en place un dispositif d’aménagement plus avancé encore, fondé sur la création de sociétés d’économie mixte, afin d’assurer véritablement la péréquation et d’asseoir le rôle des collectivités de manière pérenne. Cela n’est pas le cas. Néanmoins, ce texte réaffirme les objectifs et rééquilibre les compétences en redonnant une place aux collectivités au sein du dispositif.

Je citerai ainsi deux mesures importantes.

Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, ne sont plus indicatifs et doivent donc être pris en compte dans le plan local d’urbanisme, ou PLU, et le schéma de cohérence territoriale, ou SCOT, ce qui nous convient.

L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, peut contrôler les opérateurs, veiller à ce qu’ils respectent les engagements contractuels qui les lient aux collectivités, et les sanctionner en cas de manquement.

En ce qui concerne plus particulièrement le développement du très haut débit via la fibre optique, il est nécessaire d’établir un système de financement pérenne. Or des blocages demeurent, notamment pour abonder le FANT.

Les investissements dans la fibre optique pâtissent en outre de l’attractivité du cuivre, qui est très rentable. Or, sur ce point, les études se contredisent. Certaines pointent le fait que l’opérateur historique, Orange, toucherait une rente anormalement élevée de la location de sa boucle de cuivre. Si tel était le cas, cette situation serait effectivement anormale, dans la mesure où il s’agit d’une facilité essentielle. L’ARCEP, quant à elle, conteste l’importance de cette rente. Si elle était avérée, l’existence de cette rente pourrait justifier des mesures telles qu’une taxation du cuivre ou un traitement différencié de l’opérateur historique. La présente proposition de loi ne tranche pas le débat. Il apparaît donc d’ores et déjà nécessaire de revenir ultérieurement sur ce dispositif, car il ne serait pas acceptable que le financement repose une fois de plus sur les ménages.

La présente proposition de loi passe sous silence un autre aspect de la réalité du développement de la téléphonie mobile sur notre territoire : l’électrosensibilité. Un nombre croissant de nos concitoyens vivent des souffrances que de plus en plus de scientifiques imputent à l’exposition aux champs électromagnétiques. Sur ce sujet, les avis sont divers. Des experts constatent néanmoins un accroissement de l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques.

Il serait donc intéressant que l’étude menée sur le sujet en 2009 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques soit mise à jour, car de nouvelles données existent.

Pour conclure, même si ce texte aurait pu aller plus loin, il marque une étape notable dans l’aménagement numérique de notre territoire, en permettant, surtout, que les collectivités territoriales soient davantage concernées. Le groupe écologiste votera donc la présente proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Camani

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’économie numérique représente un formidable levier de croissance pour notre pays. Elle constitue un enjeu majeur de compétitivité, d’aménagement et d’attractivité de nos territoires et de nos PME. On ne peut négliger, particulièrement en période de crise, le potentiel de croissance non négligeable qu’elle possède.

Aussi, le texte porté par MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy nous donne l’occasion de débattre de ce sujet d’importance majeure pour l’avenir de nos territoires.

Une étude réalisée par le cabinet McKinsey en mars 2011 fait état de la création de 700 000 emplois dans ce secteur depuis l’année 2000 et prévoit 450 000 créations nettes d’emplois directs ou indirects à l’horizon 2015, ainsi que vous l’avez rappelé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État.

L’accès au haut et au très haut débit sur l’ensemble du territoire, quelle que soit la technologie utilisée, est un défi que nous devons relever, afin de résorber les effets d’une fracture numérique devenue une réalité de plus en plus difficile à vivre pour ceux qui la subissent.

Examinons en effet l’état des lieux.

Selon les derniers chiffres publiés par l’ARCEP en septembre 2011, le nombre d’abonnements à Internet en haut et très haut débit sur réseaux fixes atteint aujourd’hui 22, 4 millions, soit un accroissement net de 1, 5 million d’abonnés sur un an.

Mais l’examen détaillé de ces chiffres révèle une situation contrastée, car 21, 8 millions sont des abonnements à haut débit. Or le haut débit recouvre une multitude de situations. En effet, comment comparer un accès en haut débit permettant une connexion de 512 kilobits par seconde et un autre établissant une connexion de 8 mégabits par seconde ? Les services fournis ne sont pas les mêmes, notamment les possibilités d’accès aux offres triple play.

Par ailleurs, 175 000 abonnements à très haut débit sont du « Fiber to the home », ou FTTH – c'est-à-dire de la fibre optique au domicile –, et 425 000 en double système, avec un accès en fibre optique et une terminaison en câble coaxial. Difficile, là encore, de comparer la qualité d’un accès en très haut débit par le réseau « cuivre », et un accès en très haut débit par le réseau « fibre optique ».

Au regard du développement aujourd'hui embryonnaire de la fibre sur notre territoire, il est permis de s’étonner de la satisfaction affichée par le Gouvernement, qui se félicite des initiatives mises en place dans le cadre du programme national du très haut débit, le PNTHD.

L’Autorité de la concurrence, en janvier dernier, qualifiait le PNTHD de « choix d’opportunité ». Ce choix, nous ne le partageons pas. Avec le PNTHD, le Gouvernement a en effet décidé de favoriser l’initiative privée dans les zones « denses », là où une rentabilité est attendue, et de cantonner l’initiative publique aux zones dites « peu denses », c'est-à-dire là où, bien entendu, les opérateurs privés ne veulent pas intervenir.

Les appels à manifestations d’intentions d’investissement ont permis aux opérateurs privés de préempter et de geler les territoires qu’ils estiment rentables, sans aucune sanction en cas de non-respect de leurs engagements.

Aucune péréquation n’est donc possible pour les collectivités territoriales qui souhaitent investir dans l’aménagement numérique de leur territoire pour l’équilibrer, même dans le cadre de projets intégrés.

Pis encore, la mise en place du PNTHD a figé des projets régionaux programmés, qui prévoyaient un système de péréquation entre départements.

Enfin, la logique de l’écrémage, parfois même à l’intérieur de zones denses, met à mal la continuité du déploiement.

Au final, ce « choix d’opportunité » traduit un schéma libéral qui se résume en la privatisation des profits et la socialisation des pertes. Je ne vois là aucune réelle ambition nationale de déploiement de la fibre optique.

Il s’agit ici non pas de se livrer à une critique aveugle et infondée des opérateurs privés, mais de mesurer les conséquences et les effets pervers sur nos territoires, et notamment les plus ruraux d’entre eux, de choix gouvernementaux particulièrement discutables en matière d’aménagement du territoire.

D’ailleurs, l’Autorité de la concurrence estime que les pouvoirs publics devraient « exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement » et « veiller de manière régulière à leur strict respect ». Le simple « rappel à l’ordre », prévu par le Gouvernement en cas de non-respect des engagements, n’est absolument pas suffisant, nous le savons tous.

Elle va plus loin encore en estimant nécessaire que, « pour la crédibilité du dispositif [...], dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».

Nous devons nous rendre à l’évidence. Le modèle et le cadre juridique actuels ne peuvent répondre aux besoins de financement colossaux – ils sont estimés entre 20 milliards et 30 milliards d’euros – indispensables au déploiement de la fibre.

La loi pour la confiance dans l’économie numérique, modifiée en 2006, créait les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, en leur donnant une valeur seulement indicative.

La loi Pintat, adoptée en 2009, avait prévu la mise en place du FANT. Elle fixait des objectifs ambitieux, afin de réduire une fracture numérique déjà constatée. Quelque quatre années plus tard, ce fonds n’est toujours pas alimenté, et les conditions d’éligibilité des projets sont à revoir. Nous nous interrogeons par ailleurs sur la coexistence de ce fonds fantôme avec le Fonds national pour la société numérique, le FSN, insuffisant au regard de la demande et des perspectives d’investissement que les acteurs publics et privés ont à réaliser.

Il est temps, en effet, de passer des paroles aux actes, selon la formule du rapporteur Hervé Maurey.

Je salue donc le travail que nous avons réalisé en commission avec le rapporteur pour améliorer ce texte, qui nous permet de prendre acte des insuffisances actuelles et de proposer un cadre plus efficace.

Tout d’abord, en reconnaissant que l’aménagement numérique du territoire revêt un caractère d’intérêt général, nous avons souhaité réaffirmer la nécessité d’un aménagement équilibré du territoire, d’une véritable solidarité territoriale.

Par ailleurs, il nous semblait nécessaire de renforcer le cadre juridique actuel, en rendant les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique obligatoires et en leur annexant les conventions signées entre les collectivités territoriales et les opérateurs.

Compte tenu du nouveau statut des SDTAN et des conventions, Hervé Maurey a très justement supprimé le lien entre les engagements des opérateurs dans le cadre des zones « appel à manifestations d’intentions d’investissement », ou zones AMII, et ceux qui sont reportés dans ces schémas.

Si les obligations des opérateurs ont été renforcées, les engagements des collectivités seront clairement affichés, afin d’instaurer une relation plus fiable entre les différentes parties prenantes au déploiement de la fibre, ce que nous saluons.

La proposition de loi favorise par ailleurs le déploiement prioritaire du très haut débit dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activités et les services publics.

L’attente en faveur du haut et très haut débit est très forte en milieu rural. La proposition de loi renverse de manière audacieuse la logique actuelle de déploiement dans les zones denses, où la demande est moins forte du fait de la présence du haut débit, pour la prioriser dans les zones rurales, dans lesquelles la demande est importante.

La priorisation sur ces zones rurales, sur les bassins d’activités et sur les services publics est une excellente chose.

Enfin, le texte qui nous est proposé nous a donné l’occasion de nous interroger sur l’éligibilité des projets au FANT et sur son financement. Nous sommes convaincus de l’absolue nécessité de pouvoir alimenter de manière pérenne le Fonds d’aménagement numérique du territoire.

Nous proposons qu’en cas de non-respect par les opérateurs des conventions conclues dans le cadre des SDTAN, le produit des sanctions financières, prononcées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, soit reversé au FANT. Bien sûr, nous savons que ce financement ne sera pas suffisant pour couvrir les besoins, mais il s’agit d’un premier pas vers la recherche de ressources pérennes.

Compte tenu de toutes ces avancées, les membres du groupe socialiste voteront la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de la commission et présentée par M. le rapporteur.

Mais si ce texte a le mérite de relancer le débat, il ne résout pas le problème de fond.

Il nous faudra demain changer de « paradigme », selon le terme du président de l’ARCEP. Il nous faudra proposer une vision différente de l’aménagement numérique du territoire, en articulant les initiatives publiques et privées, en donnant une vraie place aux collectivités territoriales et en créant un système pérenne de financement accompagné d’une véritable péréquation. Dans le modèle actuel, les opérateurs privés mènent le jeu. Ils interviennent en zone très dense, un peu en zone moyennement dense et pas du tout en zone peu dense, au regard de la rentabilité estimée du territoire.

Mais la notion même de rentabilité d’un territoire devrait nous inciter à la réflexion. Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsqu’il s’agissait d’y amener l’eau et l’électricité ? Nous sommes-nous interrogés sur la rentabilité des territoires lorsque nous avons bâti les routes qui maillent nos départements et nos régions ?

Chaque époque a ses besoins, ses grandes politiques d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, il nous appartient de bâtir des nouvelles routes, celles de l’information et de la communication, celles du très haut débit.

Ce texte nous donne l’occasion de réaffirmer un message essentiel : l’accès au très haut débit est un enjeu primordial d’aménagement de notre territoire bénéficiant à tous, et pas un enjeu de rentabilité profitant à quelques-uns.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – MM. Robert Tropeano, Raymond Vall, Joël Labbé et Jean Boyer applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, peut-on imaginer aujourd'hui un village, même reculé, dépourvu d’électricité ?

Eh bien, ce qui nous semble évident pour l’électricité ou le téléphone fixe l’est aussi pour l’accès à Internet très haut débit et la couverture de téléphonie mobile.

L’enjeu est immense ! Internet est un outil de recherches et de connaissances, ainsi évidemment qu’un outil social et économique. Cela représente plus du quart de la croissance et 40 % des gains de productivité de l’économie.

Je ne m’attarderai donc pas sur l’opportunité d’une bonne couverture numérique de notre territoire pour répondre à ces enjeux fondamentaux, dans l’intérêt tant des citoyens que des entreprises. Aujourd'hui, nous nous rejoignons tous sur ce point.

Demandons-nous plutôt comment déployer avec équité, efficacité et au meilleur coût les kilomètres de fibre optique et les antennes-relais pour la téléphonie mobile sur tout le territoire.

Un an avant l’annonce par le Gouvernement du plan d’aménagement numérique du territoire, au Sénat, la loi dite « Pintat » relative à la lutte contre la fracture numérique posait déjà les fondations. Elle favorisera – nous en sommes tous persuadés – la construction de la France du très haut débit à horizon 2025.

Le dispositif repose sur trois piliers, que le présent texte tend à renforcer pour en corriger les faiblesses.

Premier pilier, la répartition de l’investissement entre les opérateurs privés, dans les zones denses, et les financements publics, dans les zones moins denses.

Deuxième pilier, la constitution d’un fonds d’aménagement numérique du territoire qui permettra de cofinancer les réseaux d’initiative publique, auquel le fonds national pour la société numérique s’est substitué. Ce dernier fonds finance majoritairement les contenus, comme l’e-éducation ou l’e-santé, mais réserve 900 millions d’euros au profit du déploiement des réseaux. L’État, qui a confié la gestion de ce fonds à la Caisse des dépôts et consignations, s’occupe de l’abondement, du fonctionnement et détermine les projets éligibles.

Troisième pilier de la loi Pintat, la mise en œuvre de documents de planification d’infrastructures numériques des collectivités territoriales. Aujourd'hui, 79 départements et régions ont déjà adopté les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN.

En outre, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dispose que les promoteurs et constructeurs devront équiper les logements neufs en fibre optique. Une telle obligation ancre désormais le très haut débit en tant que commodité essentielle.

Comme pour tout chantier de cette envergure, les bonnes intentions n’ont pas réussi à se traduire pleinement dans les actes.

Notre collègue Hervé Maurey a d’ailleurs identifié à juste titre les points faibles du déploiement du plan national pour le très haut débit dans son excellent rapport, qui a été adopté à l’unanimité de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire le 6 juillet dernier.

La présente proposition de loi s’appuie évidemment sur les recommandations du travail constructif mené en amont et est fondée sur des analyses partagées par tous les membres de la commission.

Pour les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine, la question qui est au cœur de cette proposition de loi porte sur la conciliation entre l’objectif de rentabilité pour les opérateurs privés et celui d’aménagement équilibré du territoire.

Le texte initial y apportait trois éléments fondamentaux de réponse : le caractère obligatoire des schémas directeurs d’aménagement numérique du territoire, un financement pérenne pour le FANT et des sanctions en cas de manquement des engagements d’investissement des opérateurs privés, afin de rééquilibrer la relation avec les collectivités territoriales.

L’accès au très haut débit constitue, je le répète, une commodité essentielle, donc un élément fondamental de l’aménagement du territoire. À ce titre, il me semble indispensable que le SDTAN, outil stratégique d’aménagement du territoire, revête un caractère obligatoire, comme cela figure dans la proposition de loi.

Il me paraît aussi déterminant qu’il constitue la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers soient réellement liés par leur contenu et leurs propres engagements concernant la couverture en très haut débit.

La question de la répartition de l’investissement est également centrale, puisque le manque d’investissements aujourd’hui se traduira par un décrochage demain.

Il faut donc que les conditions de cet investissement à long terme soient acceptables et soutenables financièrement.

Dans le département de la Somme, où le SDTAN a été approuvé, sans les opérateurs privés, nous, c'est-à-dire le conseil général et les établissements publics de coopération intercommunale, devrons mobiliser 12 millions d’euros par an sur vingt ans. En effet, pour l’instant, la région Picardie ne s’est pas encore engagée. §J’espère qu’elle le fera, mon cher collègue, et je compte sur votre soutien…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

… pour qu’il en soit ainsi. Car 12 millions d’euros par an, c’est loin d’être neutre.

Les opérateurs privés n’auront pas de mal à avoir de retour sur investissement dans les zones denses.

En revanche, les capacités d’investissement des collectivités ont réduit comme peau de chagrin. La question est donc la suivante : pourront-elles demain financer les boucles dans les zones rurales et semi-rurales, qui ne sont pas rentables, si on ne leur donne pas sur la durée la capacité financière d’assurer de tels investissements ?

Par conséquent, il faut évidemment assurer la pérennité des soutiens financiers de l’État, qui doit donc s’engager sur la durée à participer très largement aux investissements non rentables.

Mais, pour cela, il faut que le FANT soit abondé de manière pérenne par le produit de taxes dédiées, ou par des dotations. À cet égard, mes chers collègues, je regrette que la commission ait décidé de supprimer le dispositif qui figurait dans le texte initial ; il était prévu d’abonder le Fonds avec une contribution de solidarité numérique de 75 centimes d’euro par mois et par abonnement triple play. Il y avait aussi une petite dotation pour les achats. Ces dispositions étaient utiles au FANT.

La pérennité de l’abondement du Fonds par des contributions est la condition sine qua non – souvenons-nous de ce que le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE, a représenté pour l’alimentation électrique – d’un déploiement assuré dans la durée et dans les moindres recoins de France.

De même, il me semble normal que la collectivité puisse se substituer en cas de carence de l’opérateur privé engagé sur une zone rentable dans le cadre de la contractualisation précédemment définie.

Enfin, pour s’assurer de la bonne exécution des engagements des opérateurs privés et respecter l’équilibre entre opérateurs privés et collectivités territoriales, il faut impérativement un arbitre, avec un pouvoir de sanction. Aujourd’hui, personne n’exerce cette mission, pourtant nécessaire à la bonne exécution du programme national.

Pour reprendre ce qui figure dans le rapport : « ce n’est qu’en disposant de mécanismes de contrainte clairs, complets et connus à l’avance que les “règles du jeu” seront claires et que l’on minimisera les risques de carence des opérateurs ».

La proposition de loi confie donc à juste titre ce rôle à l’ARCEP, à qui le statut d’autorité administrative indépendante permet d’exercer une telle mission.

Mes chers collègues, ce texte, qui est issu de l’excellent travail de notre rapporteur – je salue l’esprit constructif ayant présidé à nos débats en commission –, permettra certainement de concilier l’enjeu de rentabilité pour les opérateurs avec un objectif d’aménagement équilibré du territoire.

Il y va de l’avenir de nos territoires ruraux, de leurs entreprises, et de leurs habitants.

C’est pourquoi le groupe de l’Union centriste et républicaine soutiendra cette proposition de loi, tout en regrettant la suppression du financement pérenne au profit du FANT. §

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Aménagement numérique du territoire : passer des paroles aux actes, tel était l’intitulé du rapport d’information remis le 6 juillet dernier au nom de la commission de l’économie. Le Sénat a donc décidé de passer aux actes avec cette proposition de loi. Je m’en félicite et je remercie nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy de cette initiative.

Je ne m’étendrai pas sur les problèmes de la ruralité, pas plus que je n’insisterai sur l’espoir que fait naître le désenclavement numérique dans nos territoires.

Dans mon département, le Gers, le schéma qui vient d’être réalisé nous amène à constater que le coût de l’aménagement numérique représente 120 millions d’euros pour 190 000 habitants. Savez-vous, monsieur le secrétaire d’État, à quelle hauteur s’élèvera la participation de l’opérateur historique, associé à d’autres ? Eh bien, cet opérateur prendra en charge exactement 30 000 habitants, soit 15 % de la population du département… Les autres attendront que l’on trouve des solutions, lesquelles dépendront du bon vouloir de l’opérateur historique et des autres, dont chacun sait ici le goût pour la rentabilité !

Les territoires ruraux ont beaucoup espéré du développement des infrastructures de transport. Il leur a été néanmoins répondu que Réseau ferré de France, RFF, avec plus de 30 milliards d’euros de déficit, ne pouvait plus assumer l’entretien des voies ferrées. Certaines lignes ont été fermées, les trains ne passent plus, et ce alors même que la région a consacré 900 000 euros à l’achat de trains neufs !

Nous avions également fondé de grands espoirs sur le schéma national des infrastructures de transport, le SNIT, qui prévoyait spécialement la construction de douze routes nationales reconnues comme indispensables pour le désenclavement des territoires. Mais l’État n’y consacrera pas un euro dans son budget pour 2012 !

La fibre optique constitue donc notre dernière chance de maintenir des activités sur nos territoires.

En Midi-Pyrénées, comme partout, il y a un pôle central et des activités périphériques. Dans la ville dont je suis le maire est implantée une entreprise qui a construit tous les bâtiments pour Airbus. Elle ne peut travailler sans le haut débit, et son bureau d’études également. Si nous ne trouvons pas de solution, elle devra se délocaliser.

Oui, ce texte nous redonne un peu d’espoir, notamment l’article 20, qui prévoit « le déploiement du très haut débit de façon prioritaire dans les zones rurales, en commençant par les zones d’activité et les services publics ».

Comment fonctionneront en effet les maisons de santé sans accès aux fichiers, sans télémédecine ?

Certes, le désenclavement numérique pose un problème de financement. Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous éclairer, car je suis très surpris. Sur les 2 milliards d’euros du Fonds d’aménagement numérique des territoires, le FANT, seulement 900 millions seront consacrés à la ruralité. Et comment ce fonds sera-t-il alimenté ? En 2010, et vous le savez, les over the top, ou OTT, c'est-à-dire les opérateurs qui se servent de ces tuyaux, ont réalisé 4 milliards d’euros de revenus en 2010 et la somme de 9 milliards est envisagée pour 2015. Est-il normal que des opérateurs de distribution se servent des infrastructures payées par l’État sans participer à proportion des énormes bénéfices qu’ils engrangent ? Il y a là un problème, et une piste intéressante à creuser.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je vous propose, l’idée n’est pas de moi, de créer un groupe de travail afin d’étudier les voies et moyens de fiscaliser ces opérateurs OTT qui font fortune en utilisant des réseaux appartenant à la puissance publique ou financés par l’argent public.

Voilà une piste qui mérite d’être explorée, je pense que nous pourrons tous tomber d’accord sur ce point.

Pour respecter mon temps de parole, et parce que tout a été dit et fort bien dit, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai en insistant : nous avons là une occasion qu’il nous faut saisir. À défaut, l’espoir de la ruralité s’éteindra à jamais !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Hervé Maurey et Philippe Leroy d’avoir déposé sur le bureau de la Haute Assemblée la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Ils s’attaquent ce faisant à un problème qui est bien réel, à savoir l’aggravation de la fracture numérique sur notre territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

En effet, la réalité du terrain est très différente des discours officiels, souvent très rassurants, et à bien des égards la situation est inquiétante.

L’architecture du réseau téléphonique historique français sur lequel s’appuient la très grande majorité des accès à l’internet haut débit est déjà, en elle-même, une très grande source d’inégalité. Dans mon secteur, par exemple, l’accès au haut débit relève du miracle, puisque le réseau cuivre date des années cinquante. On a d’ailleurs peur quand l’opérateur France Télécom, ou un autre prestataire, ouvre les boîtes de connexion !

Comme l’ont souligné mes collègues, près de 2 % des lignes téléphoniques ne bénéficient pas d’un accès à l’ADSL, soit environ 600 000 foyers. De plus, 8 % des lignes téléphoniques – près de 2 millions de foyers –, ne permettent pas une connexion à plus de 512 Kbits par seconde, ce qui ne correspond pas vraiment à de l’internet à haut débit et entraîne, pour de nombreux sites, un accès très lent ou trop lent.

Quant au 2 Mbits par seconde, le seuil minimum pour du haut débit, il concerne 27 % des lignes, soit 8 millions de foyers. Néanmoins, ceux-ci risquent très rapidement d’être exclus des sites internet, très gourmands en bande passante. Les foyers installés en zones rurales seront tout particulièrement pénalisés.

Pour ce qui est du 8 Mbits par seconde, environ la moitié de la population peut en bénéficier, mais la couverture est très inégale suivant les territoires et ressemble souvent à une peau de léopard !

Certes, l’arrivée de la fibre optique et du très haut débit entraînera un progrès notable, mais, hélas ! elle ne réduira pas l’actuelle fracture numérique. Je crains, au contraire, que cette dernière ne s’aggrave, car les déploiements qui seront mis en œuvre par les opérateurs concerneront, bien évidemment, ce point a été souligné tout l’après-midi, les secteurs les plus rentables, c’est-à-dire les zones denses, notamment celles qui sont proches des centraux téléphoniques. Une fois de plus, les zones rurales seront délaissées et pénalisées.

Je dirai maintenant un mot de la téléphonie mobile. Nos collègues ont eu raison de souligner que, si le taux de couverture était relativement satisfaisant pour la technologie 2G, il n’en va pas encore tout à fait de même pour la technologie 3G. Cette analyse se vérifie aisément dans le département de la Meuse, que j’ai l’honneur de représenter au Sénat.

La téléphonie mobile donne encore lieu à des plaintes de la part d’élus et de certains de nos concitoyens dans les communes qui ne bénéficient que d’une réception médiocre. Je fais référence à la technologie 2G, la situation étant bien pire pour la 3G !

Concernant le haut débit, de très nombreuses personnes doivent se contenter d’une connexion internet à 512 Kbits par seconde, et ce résultat n’aurait même pas été possible sans l’action énergique du conseil général. En tout état de cause, ces personnes ne peuvent utiliser Internet dans de bonnes conditions. Pour elles, un accès internet à 2 Mbits, à 8 Mbits ou encore à l’internet à très haut débit relèvent plus du rêve que d’une réalité à portée.

Cette situation est très gênante pour les particuliers, mais également, et surtout, pour les entreprises, qui ont un besoin urgent de pouvoir utiliser ces nouvelles technologies.

Il faut reconnaître, cependant, que les collectivités territoriales ont souvent consenti de réels efforts afin de désenclaver numériquement les territoires. C’est le cas du département de la Meuse, qui a développé la technologie du WiMax, ce qui a permis d’améliorer la situation de nombreuses communes rurales. Toutefois, cette technologie a rapidement montré ses limites pour un usage au quotidien.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Les collectivités territoriales sont également prêtes à s’engager en faveur du déploiement de la fibre optique, mais pas à n’importe quelles conditions. À l’heure actuelle, en effet, l’État favorise les opérateurs existants pour l’installation de la fibre dans les zones les plus rentables – environ 3 200 communes –, ce qui laissera aux collectivités territoriales la lourde charge de s’occuper des zones qui le sont moins.

Je citerai un exemple chiffré. Dans mon département, sur 500 communes, seules 16 seront concernées par la mise en place de la fibre optique par les opérateurs privés. Même si nos appartenances politiques sont différentes, monsieur Vall, les élus de la Meuse ont les mêmes préoccupations que ceux du Gers ! Cette opération représentera 27 500 foyers et 570 kilomètres de fibre à tirer pour un coût de 20 millions d’euros, soit en moyenne 700 euros par foyer.

Il resterait donc aux collectivités territoriales meusiennes 484 communes et 78 500 foyers à connecter, 4 200 kilomètres de fibre optique à poser, pour un coût de 170 millions d’euros, soit environ 2 200 euros par foyer. Si ce n’est pas une fracture…

Monsieur le secrétaire d’État, si on ne laisse pas la possibilité aux collectivités territoriales de s’occuper à la fois des zones rentables et de celles qui le sont moins, il leur sera impossible d’intervenir tant leurs finances sont déjà contraintes.

Si nous ne voulons pas aboutir à une France à deux vitesses dans le domaine technologique et si nous refusons de devoir attendre près d’un siècle avant que les territoires ruraux soient connectés au très haut débit, il faut prendre le taureau par les cornes.

Tout d’abord, il faut assurer une meilleure couverture en téléphonie mobile 3G dans les zones grises ou les zones blanches.

Ensuite, il faut mettre en place un droit au haut débit opposable, qui concerne tout naturellement les zones rurales.

Il faut également permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent d’installer la fibre optique dans tous les secteurs de leur département.

Il faut aussi mettre en œuvre un financement suffisant et pérenne du Fonds d’aménagement numérique des territoires, ce que l’adoption de la présente proposition de loi ne permettra malheureusement pas.

Enfin, il faut assigner un objectif prioritaire de couverture des territoires ruraux à la politique d’aménagement du territoire. En ce début de XXIe siècle, en effet, l’aménagement du territoire concerne non plus le seul désenclavement routier ou ferroviaire, mais également le désenclavement numérique.

J’ose espérer que ces mesures seront mises en œuvre dans les meilleurs délais. Si tel n’était pas le cas, ce serait non plus une fracture numérique, mais plutôt un véritable abîme qui séparerait les zones denses, disposant du meilleur en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication, et les zones rurales, définitivement reléguées en deuxième, voire en troisième division ! Ces territoires, dès lors, perdraient tout espoir d’attirer des entreprises qui ont désormais toutes besoins des nouvelles technologies. Quant aux particuliers, leur mécontentement serait à tous égards légitime.

Les entreprises de pointe ne sont pas toutes implantées dans les zones denses et urbaines. Elles travaillent également dans les territoires ruraux, certaines même pour la défense. Elles doivent pouvoir être connectées et joignables.

Mon département, si le Parlement en décide ainsi, accueillera bientôt un projet industriel de grande ampleur - il s’étalera sur un siècle -, je veux parler de Cigéo, qui concerne l’enfouissement de matières radioactives en couches géologiques profondes. Que penseront l’ANDRA, EDF, AREVA et le CEA, qui sont les quatre partenaires sur ce territoire, si demain ils n’ont pas accès, comme ils le font dans les zones denses, à la technologie de communication moderne ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’existence d’infrastructures de transport de qualité – routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports – a longtemps été considérée comme le seul moyen efficace de désenclaver les territoires.

Le développement des technologies numériques a changé la donne en faisant apparaître que même les territoires bien desservis par les infrastructures de transport risquaient de connaître le déclin s’ils ne bénéficiaient pas aussi d’une bonne couverture numérique.

Or les projets actuels du Gouvernement en matière de déploiement de la fibre optique risquent d’engendrer une fracture entre les zones denses, très rentables pour les opérateurs privés, et les zones non denses, rurales notamment, où l’investissement sera laissé à la charge des collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le Programme national très haut débit, le PNTHD, mis en place en juin 2010 distingue trois types de zones : les zones très denses, où le déploiement sera laissé à l’initiative privée, sans aides publiques ; les zones moyennement denses, où les opérateurs privés pourront bénéficier de prêts et de garanties d’emprunt ; les zones peu denses où seul l’investissement public sera possible.

Ce plan favorise donc l’initiative privée, y compris dans les zones moyennement denses. Quant aux collectivités territoriales, elles sont cantonnées dans le déploiement des réseaux en zones rurales sans pouvoir opérer une péréquation territoriale. En effet, l’interprétation restrictive du PNTHD par le Gouvernement leur interdit de s’engager dans des projets intégrés associant dans un même déploiement des zones rentables et des zones non rentables.

Le modèle de déploiement choisi par le Gouvernement fait donc la part belle aux opérateurs privés, qui de surcroît ne sont pas engagés par leurs projets de déploiement et qui peuvent bloquer l’initiative des collectivités.

Enfin, les opérateurs privés ne contribuent nullement au financement du déploiement des réseaux dans les zones peu denses, alors que les instruments de financement public en zones très denses sont largement insuffisants.

Ce constat conduit à la conclusion qu’un autre modèle de déploiement est nécessaire à l’avenir, si l’on veut éviter une France à deux vitesses.

La proposition de loi de MM. Hervé Maurey et Philippe Leroy que nous examinons aujourd’hui n’a pas l’ambition de changer de modèle mais a simplement pour objet d’apporter un certain nombre d’améliorations à l’existant.

Au titre de ces aménagements, on peut citer le caractère obligatoire des schémas directeurs territoriaux et l’élargissement de leur spectre à toutes les technologies ; une meilleure couverture en téléphonie mobile ; la contractualisation des engagements des opérateurs ; le financement public national des projets intégrés des collectivités dans les zones non rentables ; un pouvoir de sanction reconnu à l’ARCEP en cas de non-respect des engagements pris par les opérateurs, ou encore la reconnaissance, dans le code des postes et des communications électroniques, du statut d’opérateur aux collectivités intervenant dans le cadre de réseaux d’initiative publique.

D’autres améliorations du modèle actuel de déploiement découlent de l’adoption d’amendements en commission, tout particulièrement sur l’initiative du groupe socialiste. Il en va notamment ainsi de l’affirmation du principe selon lequel l’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général, ou encore de l’édiction de mesures favorisant la complétude des réseaux de boucle locale.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons considéré que, dans une réelle logique d’aménagement du territoire, le financement du FANT relevait avant tout de la compétence de l’État. Nous sommes donc opposés à l’instauration de taxes pour alimenter ledit fonds.

En outre, nous avons voté l’amendement rectifié de M. le rapporteur permettant d’alimenter le FANT par le produit des sanctions financières prononcées par l’ARCEP à l’encontre des opérateurs qui ne respectent pas leurs engagements.

Au cours des débats, nous défendrons un certain nombre d’amendements, dont les plus significatifs visent à obtenir la garantie que les opérateurs assureront bien la complétude de leur réseau de desserte en aval du point de mutualisation, ou encore à inscrire dans la loi que l’insuffisance de souscriptions à l’issue de la procédure d’appel à cofinancements a priori sur les réseaux en fibre jusqu’à l’abonné permet également de constater l’insuffisance d’initiatives privées.

M. Yves Rome acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Enfin, j’ajouterai un mot sur l’article 13 bis, qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les conséquences d’une séparation entre les activités de gestion du réseau et les activités de fourniture du service de la boucle locale cuivre.

Dans mon esprit, et tout mon engagement au Sénat en témoigne, ainsi que dans l’esprit de mes collègues du groupe socialiste, il ne s’agit en aucun cas de demander la séparation des activités de l’opérateur historique. Il s’agit simplement d’en connaître les conséquences, si la Commission européenne venait à s’orienter dans ce sens, ce qui n’est pas impossible.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

À l’évidence, notre légitime préoccupation n’a pas été très bien comprise : nous avons donc déposé un amendement de suppression de cet article.

En conclusion, dans l’attente de la mise au point d’un autre modèle de déploiement, et il est absolument nécessaire, il convient de ne pas bloquer l’extension de la couverture en matière de très haut débit et d’améliorer le mode actuel. Tel est l’objet du débat que cette proposition de loi a rendu possible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, ainsi que dans différents rapports, nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy dressent un bilan préoccupant de la politique mise en œuvre depuis quelques années pour l’aménagement numérique de notre territoire. Si nous partageons un grand nombre de leurs critiques, nous considérons que ce texte demeure, malheureusement, dans le giron du programme national, par trop libéral, monsieur le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Tiens donc !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

En premier lieu, pour atteindre les objectifs ambitieux de couverture en très haut débit, il est impératif de « réviser les modalités du modèle de déploiement retenu », des parties entières du territoire, ce constat a été maintes fois rappelé, étant « non desservies ou de façon insatisfaisante ».

S’agissant du haut débit, si plus de 98 % des Français ont accès à des services ADSL, le taux de couverture tombe, selon l’ARCEP, à 77 % seulement pour les connexions bénéficiant d’un débit supérieur ou égal à 2 Mbits, seuil minimum pour un haut débit correct, alors même que le triple play nécessite, par exemple, un débit d’au moins 8 Mbits pour offrir un service confortable. Or actuellement, 48 % des lignes ADSL seulement bénéficient de plus de 10 Mbits.

Si les territoires ruraux sont les premiers lésés, les quartiers urbains mais peu denses connaissent le même sort. Des inégalités de couverture sont donc manifestes. Et qu’en sera-t-il demain ? Si nous devons absolument faire le choix de la fibre pour l’avenir, nous savons bien que la construction de ce nouveau réseau prendra du temps – dix ans, selon les plus volontaristes, vingt ans selon le programme actuel, véritable écran de fumée ! Il exigera par ailleurs – faut-il le souligner ? – entre 20 et 40 milliards d’euros, selon les estimations.

Au-delà des inégalités constatées dans les zones denses, la fracture numérique ne cesse de se creuser entre les territoires, laissant des secteurs entiers non couverts. La politique menée ces dernières années est très largement responsable de cette situation.

Vous l’avez vous-même longuement détaillé, monsieur le secrétaire d’État, le PNTHD fait la part belle aux opérateurs privés, au détriment des collectivités territoriales, lesquelles devraient pourtant être au cœur de l’aménagement numérique de notre territoire.

Les « intentions d’investissement » des opérateurs privés sont bien peu contraignantes : elles n’engagent ces opérateurs en rien, ni sur le plan financier ni en termes de calendrier. D’ailleurs, leur abandon ne peut pas être sanctionné, alors même – ce fait a également été souligné – qu’ils empêchent dans le même temps les collectivités territoriales d’agir.

L’écrémage du territoire est donc mis en œuvre, et il n’est plus supportable pour bon nombre de collectivités, en proie à la plus grande incertitude financière et juridique : elles ne doivent pas être condamnées à assumer un rôle de supplétif par rapport à l’initiative privée, dans les zones les moins denses et donc les plus coûteuses à couvrir ! Au surplus, ces collectivités territoriales ont acquis ces dernières années une véritable expertise en matière de très haut débit. En prise directe avec les attentes sociales sur l’accès aux usages, nombre d’entre elles bénéficient déjà des acquis de leur engagement dans des politiques locales et volontaristes de réseaux d’initiative publique.

À cet égard, et en tant que président de l’association des villes et des collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel, l’AVICCA, dont M. Leroy est le secrétaire général et qui regroupe plus de 200 collectivités locales – agglomérations, syndicats mixtes, départements, régions – je ne peux que me féliciter du niveau de compétence que les collectivités ont atteint et du fort potentiel qu’il leur reste encore à déployer, à condition, bien entendu, que l’on donne aux élus locaux les moyens d’agir.

Or, comme le souligne M. Maurey lui-même, le FANT reste un « fonds sans fonds »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Monsieur le secrétaire d’État, cette situation n’est plus acceptable. De plus, elle contredit vos ambitions comme celles du Président de la République.

La présente proposition de loi tente de pallier ces incohérences.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Vous souhaitez nous aider ? Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Toutefois, si nous partageons assez largement le diagnostic de nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy, nous considérons cependant que le texte qui nous est présenté ne vise pas à changer le modèle ultralibéral, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

… retenu pour l’organisation du déploiement du très haut débit en France.

Cette proposition de loi se contente de réviser le dispositif existant en corrigeant ses défauts les plus visibles. Certes, monsieur le rapporteur, c’est un progrès particulièrement significatif. Néanmoins, nous souhaitons évidemment aller beaucoup loin, car, si nous ne changeons pas rapidement de paradigme ou, pour être plus clair, de modèle, nous ne parviendrons pas à respecter les engagements ambitieux que nous nous sommes collectivement fixés.

À l’origine de 25 % de la croissance et de plus de un million d’emplois créés, le numérique est un levier économique majeur qu’il serait temps de considérer comme tel, surtout dans le contexte de la crise que nous traversons : oui, aujourd’hui et encore davantage demain, le numérique constitue et constituera la ligne de front de la compétition économique.

À cet égard, nous ne sommes pas sans ressources : nous devons nous montrer capables de tirer les enseignements de plus de dix ans d’expérience fructueuse, bâtie autour du modèle mis en œuvre pour le déploiement du haut débit, dont vous-même soulignez la qualité, monsieur le secrétaire d’État.

Or ce résultat a été atteint parce que l’on a reconnu la place éminente des collectivités territoriales dans le déploiement du haut débit. Nous le devons d’ailleurs à nos précurseurs, notamment ceux qui ont pris l’initiative d’insérer ce qui allait devenir l’article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, autorisant les réseaux d’initiative publique, qui ont su marier fort judicieusement initiative publique et initiative privée, notamment dans le cadre des délégations de service public, et jouant ainsi un rôle d’aiguillon incontestable, pour l’opérateur historique mais aussi pour les opérateurs alternatifs.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’amender ce texte. Dans cette perspective, deux lignes de force sont à privilégier : premièrement, encadrer plus strictement les engagements des opérateurs privés, en vue d’une véritable obligation de complétude de leur réseau de desserte ; deuxièmement, conforter le rôle des collectivités territoriales.

Mais, au-delà de ces aménagements, des choix essentiels restent à opérer pour ce qui concerne le statut de la boucle cuivre, le mode d’alimentation des aides publiques ou la complémentarité de solutions alternatives au très haut débit, notamment par l’usage du satellite et de la téléphonie mobile, à titre prudentiel, afin de ne pas retarder le déploiement de la fibre, car telle est notre ambition.

Certaines questions ne peuvent pas être tranchées en l’état actuel de la réflexion collective : elles le seront en temps voulu. Si en effet le financement du FANT constitue un enjeu central, mieux vaut définir au préalable les besoins d’investissement en fonction des rôles respectifs qui seront dévolus aux opérateurs privés et aux collectivités publiques.

Ce qui est certain, c’est qu’un système péréquateur et pérenne devra être privilégié pour corriger au plus vite les inégalités engendrées par les choix idéologiques d’un gouvernement qui manque parfois de souffle.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Ne soyez pas désobligeant !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Monsieur le secrétaire d’État, si des analyses pertinentes sont à l’origine du texte que nous examinons aujourd’hui, ayons la sagesse d’interroger les solutions qui nous sont proposées aujourd’hui sous l’angle de leur efficience et de les amender à juste titre.

Les termes du débat sont posés, témoins de la prise de conscience collective de l’enjeu considérable que représente le très haut débit pour nos territoires et notre place dans la compétition économique. Ne nous arrêtons pas en route. Préparons le terrain d’un autre modèle d’aménagement numérique, cohérent, pérenne et solidaire. Donnons à nos territoires les moyens d’exercer leur expertise et engageons avec eux, dans le cadre d’un nouveau pacte de confiance et de croissance, ce vaste chantier d’avenir : le numérique !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après ces interventions brillantes et pertinentes, je vais essayer de développer devant vous une vision concrète, partagée par de nombreux élus locaux, de la question que nous abordons aujourd’hui.

Il faut en être conscient, la situation de départ est extrêmement défavorable pour les territoires ruraux.

Je retiendrai trois indicateurs : la couverture, le dégroupage, les infrastructures.

En termes de couverture, les foyers situés en zones blanches sont en nombre supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, dans mon département, 27 % de la population ne peut disposer d’une connexion à un débit nominal de 2 Mbits par seconde et 55 % de cette même population est inéligible à un débit de 8 Mbits par seconde.

En termes de dégroupage, il existe peu d’opérateurs dégroupeurs en milieu rural, ce qui constitue un frein au déploiement de l’offre triple play pour les foyers non dégroupés.

En termes d’infrastructures, celles des zones rurales, telles que les nœuds de raccordement d’abonnés, les sous-répartiteurs, sont de petite taille, voire de très petite taille. L’évolution et l’entretien sont difficiles ; les multiplexeurs sont des obstacles à l’ADSL et les NRA ne sont pas opticalisés.

Quant au contexte économique et réglementaire, le modèle est figé et fonctionne « à l’envers » d’une logique de péréquation.

En effet, les zones d’appel à manifestations d’intentions d’investissement répondent, d’une part, à une logique d’écrémage et, d’autre part, à une logique de profits, ce qui se révèle contraire à l’aménagement équilibré du territoire et à la réduction de la fracture numérique.

Les opérateurs privés investissent en zones denses, comme le démontre la situation désormais établie des appels à manifestations d’intentions d’investissement. Aucune perspective d’investissement privé n’est prévue en zones non denses dans les infrastructures à très haut débit ou pour la résorption des zones blanches de l’ADSL.

Il n’y a pas de péréquation entre les zones denses rentables, lesquelles sont préemptées par les opérateurs, et les zones rurales non rentables, qui sont laissées aux collectivités, ce qui amplifie la fracture numérique ville-campagne.

La cible « 100 % FTTH » est totalement hors de portée pour les territoires ruraux.

Il est donc impossible de déployer directement la fibre optique dans toutes les zones cibles FTTH, avec pour conséquence non négligeable que se superpose le coût des technologies cibles pérennes – FTTH, 4G – et celui des solutions d’attente – WiFi, WiMax, montée en débit des points de raccordement mutualisés –, ce qui conduit à une facture plus lourde pour les collectivités rurales.

Après la fracture, la facture !

Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Krattinger

Dans ces conditions, quelle approche pouvons-nous retenir ?

Il s’agit de rechercher une voie plus réaliste et plus crédible vers le très haut débit, en associant un mix de technologies additionnant FTTH, montée en débit, radio et 4G, et en « prenant la main » sur l’aménagement numérique, avec pour ambition de déclencher un effet de levier et de reconfigurer l’écosystème de l’aménagement numérique.

Quel scénario d’action pouvons-nous retenir, par ordre croissant d’interventionnisme dans le temps ?

La première hypothèse, privilégiée par certains pour le moment, est de ne rien faire, de « laisser faire », et donc de laisser monter le mécontentement. Il n’y aura alors aucun investissement privé, compte tenu des « engagements » en zones denses. C’est évidemment inenvisageable pour les élus des territoires, en raison des enjeux économiques – les entreprises se tournent vers eux –, des usages des services publics et des besoins des foyers. Les collectivités sont donc en quelque sorte contraintes d’agir.

La deuxième hypothèse consiste à agir en complémentarité, c’est-à-dire en complémentarité du réseau de l’opérateur historique, seul présent en ruralité.

La collectivité densifie alors le réseau optique de collecte - et uniquement celui-là - et améliore les infrastructures existantes par l’opticalisation de nœuds de raccordement d’abonnés, les NRA, l’effacement de multiplexeurs et l’installation, à ses frais, de nœuds de raccordement d’abonnés-point de raccordement mutualisé.

Ce scénario a cela de singulier qu’il est très favorable à l’opérateur historique en territoire rural, car, sans investir, celui-ci prescrit les évolutions, garde sa clientèle sur un réseau captif – c’est ce que l’on constate partout aujourd’hui - et prolonge durablement la vie du réseau de desserte en cuivre, lequel reste très lucratif et rentable, ce qui permet ensuite à l’opérateur d’investir ailleurs.

En revanche, ce scenario n’est pas favorable aux opérateurs alternatifs : ils ne viendront pas davantage sur ce réseau, car les conditions économiques, quasi inchangées, restent pénalisantes – tous les tarifs le prouvent.

Quant à l’objectif de résorption des zones blanches et de montée en débit, il n’y a pas d’ambition THD ou FTTH. À ce jour, il n’existe pas de stratégie FTTH ou 4G chez l’opérateur historique, en dehors des zones AMII, c’est-à-dire d’appel à manifestations d’intentions d’investissement.

On n’apporte pas non plus de réponse aux besoins en THD des services publics – universités, hôpitaux, grosses collectivités – ou de certaines entreprises, qui demandent un catalogue de services plus large et des prestations moins chères. En tant qu’élus, nous sommes, chaque semaine, confrontés à ce genre de questions.

Pour résumer la situation actuelle, cette solution maîtrisée permet de répondre à l’urgence dans les zones blanches du haut débit, mais sa portée et son ambition sont limitées, de sorte qu’elle ne tiendra pas dans le temps.

La troisième hypothèse consiste à aller plus loin et de « prendre la main » pour piloter les évolutions du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, le SDTAN.

Dans ce cas, la collectivité devient opérateur d’infrastructures par la construction de réseaux de collecte et de desserte et la location longue durée de fourreaux ou de fibres, principalement à France Télécom et, occasionnellement, à Réseau ferré de France ou à des gérants de sociétés d’autoroutes, sous réserve de l’existence de capacités suffisantes.

Elle peut offrir à des opérateurs de services alternatifs des conditions économiques intéressantes en termes de prix de location ou de couverture.

Dans cette hypothèse, différentes préoccupations doivent être prises en compte.

On peut ainsi retenir un scénario en « complémentarité », c’est-à-dire ne pas prévoir de construction lorsqu’une infrastructure existe et est disponible : quand on n’a pas les moyens de faire, autant se limiter au strict nécessaire.

On peut également poser la question des moyens des collectivités pour mettre en œuvre leur stratégie THD et FTTH sur la collecte et la desserte fixe et mobile. On peut aussi poser la question des moyens pour les opérateurs alternatifs ; élaborer des offres de services THD à des administrés par des opérateurs ; enfin, élaborer des stratégies de couverture radio, voire 4G, lesquelles sont développées par un autre opérateur que je n’ai pas cité jusqu’à présent.

Mais que faut-il constater ?

La collectivité joue alors un rôle d’« éclaireur » de marché et n’a aucune garantie de succès a priori : des opérateurs loueront-ils des fibres ? Elle ne le sait pas ! Des entreprises feront-elles confiance à ces nouveaux opérateurs ? Elle ne le sait pas !

De surcroît, la collectivité peut avoir à acquérir des compétences, ce qui se révélera peut-être difficile et même très coûteux.

Il est également difficile de concevoir que, en 2012, la collectivité doive louer en permanence à l’opérateur historique des infrastructures pour une bonne partie financées par le contribuable dans les années soixante-dix et quatre-vingt, et ce pour pallier l’absence de programme THD des opérateurs privés en zones non denses.

Enfin, le risque n’est pas nul de devoir supporter la concurrence de France Télécom-Orange, puisqu’il me faut le citer, qui réagira a posteriori par une baisse de ses tarifs pour concurrencer le nouveau réseau et garder ses parts de marché.

Voilà l’équation incertaine à laquelle sont confrontés les territoires ruraux, et tout particulièrement les conseils généraux, qui se trouvent au cœur des solutions en préparation, sans avoir la certitude de disposer des moyens financiers permettant d’assurer les orientations qui leur sont imposées.

Vous le voyez, mes chers collègues, l’avenir du déploiement du très haut débit dans les zones rurales de notre pays suscite de très nombreuses interrogations !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Daniel Dubois, Pierre Camani et Yves Rome estiment que le Gouvernement ne surveille pas suffisamment les opérateurs et se demandent comment il peut les amener à respecter leurs engagements.

Je leur réponds que nous menons deux actions : d’une part, nous les incitons à investir, ce qui passe par un cadre législatif et réglementaire stable, notamment sur le plan fiscal ; d’autre part, nous prévoyons une sanction adaptée en cas de retard. Tous les ans, le Gouvernement veille au respect des engagements pris et il attend d’ailleurs la réponse des opérateurs pour la fin du mois de février.

Selon Joël Labbé, il faut alimenter dès aujourd’hui le Fonds d’aménagement numérique des territoires. Je rappelle que 900 millions d’euros ont été mobilisés par le Gouvernement et que ces crédits permettront de financer des projets durant plusieurs années, le déploiement de la fibre optique dans les zones rurales constituant une priorité du Gouvernement.

Mireille Schurch, Pierre Camani et Yves Krattinger viennent à l’instant de poser la question du très haut débit et de la péréquation. Nous devons nous concentrer sur les zones de carence de l’initiative privée, à l’exclusion des autres, en veillant à la sécurité juridique des dispositifs mis en place. En effet, la Commission européenne et l’Autorité de la concurrence ont déjà précisé qu’il ne saurait y avoir d’aides d’État, sauf dans les zones non rentables.

Il faut donc éviter les situations de superposition de deux réseaux sur un même territoire, ce qui ne serait de toute façon pas raisonnable – Bruno Retailleau l’a souligné –, car cela engendrerait une dépense inutile et remettrait en cause l’équilibre économique du réseau d’initiative publique. Au contraire, nous devons nous concentrer sur les zones de carence de l’investissement privé, en nous appuyant sur la péréquation organisée par le Programme national très haut débit et sur l’appétence des foyers ruraux pour la fibre optique, laquelle compensera le coût plus élevé des prises.

Mireille Schurch et Jean-Michel Baylet ont évoqué notre prétendu retard en matière numérique. Je le redis, nous sommes le premier pays européen en nombre de foyers éligibles au très haut débit, avec près de 6 millions de foyers raccordés, et le deuxième pays européen en nombre d’abonnés au très haut débit, avec 600 000 abonnés environ. À titre de comparaison, l’Allemagne ne compte que 150 000 foyers abonnés et le Royaume-Uni, 4 500.

L’Europe est certes, de manière générale, en retard sur l’Asie, mais la France n’y occupe pas moins la place de leader.

L’hypothèse de l’opérateur unique mutualisé évoquée par Jean-Michel Baylet ne me semble pas souhaitable.

Premièrement, elle aurait pour conséquence de revenir sur la concurrence dans le secteur, alors même que celle-ci a permis la baisse des prix et l’innovation. Je ne m’attarderai toutefois pas sur la concurrence, n’ayant pas envie de réveiller les ardeurs de certains d’entre vous…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Un opérateur de réseau unique en situation de monopole ne serait d’ailleurs aucunement incité à investir. Le Royaume-Uni en fournit un bon exemple : ce pays a choisi de séparer son opérateur de réseau des fournisseurs d’accès à Internet, et seuls 4 500 foyers sont abonnés, contre plus de 600 000 en France.

M. Bruno Retailleau m’a interrogé très précisément sur le décret relatif à la connaissance des réseaux, qui avait été adopté, il le sait bien, le 12 février 2009. Le Conseil d’État l’avait partiellement annulé ; la loi du 22 mars 2011 a redéfini une base légale. Le Gouvernement a élaboré un nouveau projet et vient d’achever l’ensemble des consultations obligatoires, notamment celle de l’ARCEP et de toutes les commissions consultatives. Le nouveau décret sera donc publié dans les prochains jours.

M. Raymond Vall a souligné le problème des opérateurs OTT, qui utilisent les réseaux sans contribuer à leur financement. C’est une préoccupation partagée par le Gouvernement. Nous avons d’ailleurs chargé le Conseil national du numérique de formuler des propositions sur ce sujet. Les taxes sur Internet proposées jusqu’à maintenant pénalisaient les acteurs français de l’internet, mais pas les grands fournisseurs de services comme Google et Facebook. La réflexion est en cours.

Je partage nombre des propos de M. Léonard sur l’objectif, mais pas sur les moyens qu’il propose pour l’atteindre.

Je dirai à Yves Rome qui a parlé de « modèle ultralibéral » que nous, nous ne voulons pas tomber dans « l’ultra-dirigisme » !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Vous le voyez, nous nous retrouverons au moins sur ce point…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Si, au contraire, puisque nous condamnons les uns et les autres les « ultra » !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

M. Michel Teston a souligné qu’il fallait soutenir les projets intégrés. C’est juridiquement possible, mais ce n’est pas économiquement judicieux. Je prendrai l’exemple du conseil général de l’Ain, qui a déployé un réseau de 55 000 prises de fibre optique, mais aucun opérateur national ne s’est raccordé à ce réseau, car la collectivité territoriale l’a déployé en duplication avec les opérateurs privés. Résultat ? Seuls 3 800 foyers se sont abonnés, soit la moitié du taux de pénétration national.

M. Yves Rome estime que le haut débit et le numérique se sont développés en France essentiellement grâce aux collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

Je suis tout à fait en désaccord avec cette affirmation. Je ne dis pas qu’elles n’y ont pas contribué, elles ont clairement participé à l’aménagement numérique du territoire, mais ce sont essentiellement la concurrence et les investissements privés dans le dégroupage qui ont permis le décollage de l’internet à haut débit en France.

Debut de section - Permalien
Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État

D’ailleurs, tous les pays qui n’ont pas mis en place des dispositifs du même type sont en retard.

Je vous remercie tous d’avoir participé, avec beaucoup d’énergie et de technicité, à ce débat utile. Il vous permettra d’entrer plus avant, ce soir, dans la discussion des articles de cette proposition de loi avec Éric Besson, et je sais toute votre impatience !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-sept membres :

- de la mission commune d’information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, créée sur l’initiative du groupe Union pour un mouvement populaire en application de son droit de tirage ;

- de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, créée sur l’initiative du groupe socialiste et apparentés en application de son droit de tirage ;

- de la mission commune d’information sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011, créée sur proposition du groupe du Rassemblement démocratique et social européen ;

- et de la mission commune d’information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation, créée sur l’initiative du groupe de l’Union centriste et républicaine, en application de son droit de tirage ;

- ainsi que la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le coût réel de l’électricité afin d’en déterminer l’imputation aux différents agents économiques, créée sur l’initiative du groupe écologiste, en application de son droit de tirage.

En application des articles 11 et 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

En outre, je vous informe que, sous réserve de la ratification de la liste de ses candidats, la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement est convoquée pour se constituer demain, mercredi 15 février, à quatorze heures trente, dans la salle de la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.