J’avais, à l’époque, proposé qu’une partie de cette somme soit affectée à l’alimentation du FANT.
Je rappelle également, pour illustrer le caractère raisonnable de ce besoin de financement, que la diminution de la TVA dans la restauration coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État.
Je reprends aussi une comparaison éclairante qu’a faite le président de l’ARCEP lors de son audition par la commission : les 60 à 70 milliards d’euros qui devraient être consacrés aux routes dans les quinze prochaines années sont à rapprocher des 19 milliards d’euros du coût du déploiement de la fibre d’ici à 2025.
Enfin, on a beaucoup parlé ces derniers temps de la tarification de l’accès à la boucle locale cuivre et il serait sans doute intéressant de confronter les différents points de vue sur la question ; j’y reviendrai tout à l’heure.
Le rapport de notre commission, voté à l’unanimité, je le rappelle, ne se contentait pas de dresser un état des lieux : il contenait trente-trois propositions pour relever le défi de l’aménagement numérique de notre territoire.
C’est dans le prolongement de ce rapport que Philippe Leroy et moi-même avons élaboré cette proposition de loi, qui vise à instaurer un véritable haut débit pour tous, à améliorer la situation de la téléphonie mobile en assurant une « opération vérité » sur la réalité de la couverture et à améliorer le modèle de déploiement du très haut débit.
Je tiens à dire, après Philippe Leroy, qu’il ne s’agit pas d’une rupture avec le dispositif mis en place par le Gouvernement. Si nous avions voulu une rupture, nous aurions proposé un autre modèle. Nous aurions suggéré, comme en Australie, une structure publique chargée de déployer la fibre ou, comme en Finlande, le recours à des partenariats publics-privés sur le territoire.
Nous aurions également pu – c’est une solution qui me semble d’ailleurs intéressante – confier la réalisation et l’exploitation du réseau à des sociétés de BTP, sur le modèle des concessions d’autoroute. Une telle solution aurait du sens, car ces entreprises sont habituées à amortir sur une longue durée leurs investissements et à bénéficier d’un taux de rendement annuel relativement faible, à l’inverse des opérateurs de télécommunications. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les actionnaires des opérateurs de télécommunications ne sont pas favorables au déploiement de la fibre par leurs sociétés.
Nous ne l’avons pas fait – tout en nous réservant, si nécessaire, la possibilité de le faire ultérieurement –, car nous ne voulions pas prendre le risque de retarder encore le déploiement en remettant en cause le modèle choisi. Nous avons donc retenu la solution consistant à l’améliorer.
Je sais qu’un grand nombre d’entre vous sont attachés à la complémentarité et à la coopération entre les collectivités et les opérateurs. Ils ont raison ! Ce texte vise précisément à renforcer l’une et l’autre en rééquilibrant les relations entre les opérateurs et les collectivités, relations aujourd'hui totalement déséquilibrées, en faisant en sorte que les collectivités ne soient plus soumises aux décisions unilatérales des opérateurs.
Avant d’en venir au texte de cette proposition de loi, je voudrais évoquer l’avis récemment rendu par l’Autorité de la concurrence.
Afin de mieux cerner les réelles possibilités d’intervention des collectivités sur le déploiement du très haut débit, au mois de septembre dernier, notre commission, alors présidée par Jean-Paul Emorine, a saisi pour avis l’Autorité de la concurrence. Celle-ci a rendu son avis à la mi-janvier. C’est un avis extrêmement intéressant et nombre de ses conclusions rejoignent celles du rapport d’information, et donc de la proposition de loi.
C’est ainsi que l’Autorité a constaté que le Gouvernement, dans la physionomie de son plan national et dans les critères de financement très restrictifs des collectivités, a fait un « choix d’opportunité ». Cela montre que ce plan aurait pu être tout autre, contrairement à ce qui a pu nous être dit.
Elle a également souligné que l’opérateur historique n’avait pas d’intérêt au déploiement du réseau fibre, du fait de la « rente » qu’il percevait sur le réseau cuivre.
Elle a reconnu que les projets intégrés des collectivités pouvaient sans aucun risque faire l’objet de subventions publiques, dès lors qu’ils s’inscrivent dans des services d’intérêt économique général.
Elle a aussi invité les pouvoirs publics « à exiger des opérateurs la plus grande précision dans leurs intentions de déploiement et à veiller de manière régulière à leur strict respect ». C’est le sens de cette proposition de loi.
Allant plus loin encore, elle a estimé nécessaire, « pour la crédibilité du dispositif [...] que, dans l’hypothèse où les projets d’investissement devraient s’écarter de la trajectoire initialement prévue, le Gouvernement envisage sérieusement de revoir en profondeur la logique du PNTHD ».
Cet avis, vous le voyez, mes chers collègues, conforte notre appréciation et nos propositions.
J’en viens, à présent, au contenu de la proposition de loi en précisant l’apport du travail de la commission, étant précisé que des amendements de tous les groupes ont été retenus.
Sur l’initiative de nos collègues du groupe socialiste, nous avons introduit l’article 1er A, qui fixe en quelque sorte le cadre général du texte, en rappelant l’importance de l’aménagement numérique du territoire et ses implications en termes de réseaux.
L’article 1er tend à élargir le champ de compétence des schémas directeurs à tous les aspects de la problématique numérique : haut débit, téléphonie mobile, sans oublier les technologies satellitaires. Ces schémas directeurs, en effet, ne doivent plus viser uniquement le très haut débit : la couverture numérique est un tout et ils doivent devenir l’« ossature numérique » des territoires en hiérarchisant les priorités.
L’article 2 vise à généraliser les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Aujourd’hui encore, une vingtaine de départements n’ont pas commencé à élaborer un tel document. Nous proposons donc de rendre ces schémas obligatoires dans un délai d’un an après la publication du texte. L’article tend également à supprimer leur caractère indicatif et nous avons introduit en commission une procédure à suivre si aucune initiative n’est prise pour élaborer un schéma, en confiant, dans ce cas, un rôle moteur au préfet.
L’article 3, qui est essentiel, fait des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique la base d’une contractualisation, sous l’autorité de l’État, entre les collectivités territoriales et les opérateurs, afin que ces derniers précisent leurs engagements et soient réellement liés par le contenu de ceux-ci. Cette disposition permettra de passer d’une situation où, unilatéralement, les opérateurs décident et obligent les collectivités à s’ajuster, pour ne pas dire à se soumettre, à une situation plus équilibrée, plus égalitaire, où les deux parties discutent, négocient et contractualisent.
Sur proposition de nos collègues du groupe socialiste, la commission a créé un article 3 bis, qui impose de rendre raccordable au réseau très haut débit tout immeuble à construire.
L’article 3 ter, qui résulte d’un amendement que j’ai proposé à notre commission, conformément aux recommandations de l’Autorité de la concurrence, oblige les opérateurs intégrés, c'est-à-dire ceux qui sont également fournisseurs d’accès, répondant à des appels d’offres de collectivités pour la réalisation de réseaux d’initiative publique, à indiquer les conditions dans lesquelles ils comptent utiliser ces réseaux en tant qu’opérateurs de services.
Ces opérateurs disposent d’un avantage commercial important sur les pure players, c'est-à-dire les simples opérateurs de gros, qui est de nature à fausser la concurrence dans le cadre des procédures publiques. En effet, ils peuvent s’engager à être client du réseau public s’ils remportent l’appel d’offres pour son établissement et son exploitation.
Cet article a pour objet de rétablir les conditions d’un équilibre entre ces deux types d’acteurs et de permettre aux collectivités d’avoir plus de visibilité sur la commercialisation de leur réseau.
L’article 4 vise à assurer la meilleure couverture mobile avec un minimum de déploiement, en optimisant le nombre de points hauts. Il a été amendé par notre collègue Bruno Retailleau, qui en a simplifié la rédaction et a apporté plus de souplesse dans l’intervention des collectivités.
L’article 5 prévoit la mise en place d’un groupe de travail associant des représentants de l’ensemble des parties concernées, afin que soit redéfinie la manière d’appréhender les taux de desserte en téléphonie mobile – j’ai souligné précédemment les lacunes existant en la matière –, qui ne rendent pas compte de la couverture réelle du territoire. Sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons élargi l’objet de cet article à l’amélioration de la couverture mobile, et nous avons précisé, à ma demande, que la redéfinition des critères de couverture n’aurait pas d’effet sur les engagements des opérateurs découlant de l’attribution de leurs licences.
L’article 6, qui reprend un amendement que notre collègue Bruno Sido avait lui-même proposé dans l’un de ses rapports et qui avait été adopté et inséré dans la proposition de loi relative aux télécommunications de Daniel Marsin, prévoit une obligation de couverture des « zones grises » de téléphonie mobile par itinérance ou mutualisation des infrastructures.
Sur l’initiative de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, nous avons complété cet article en commission, en prévoyant la remise d’un rapport par le groupe de travail créé à l’article 5.
Estimant que le cahier des charges du déploiement du réseau mobile de quatrième génération accordait une place importante à la mutualisation, nous avons supprimé, à ma demande, ainsi qu’à celle de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, l’article 7, qui comportait des mesures en ce sens.
L’article 8, un article également très important, prévoit la mise en place d’un véritable haut débit pour tous, en reconnaissant à tout abonné la possibilité d’accéder à un débit minimal de 2 mégabits par seconde d’ici à 2014 et de 8 mégabits par seconde d’ici à 2016.
Avant de parler de très haut débit, il me semble essentiel de pouvoir assurer un véritable haut débit sur l’ensemble de nos territoires. Il n’est pas acceptable que certains d’entre eux disposent de connexions à 100 mégabits par seconde, voire davantage, quand d’autres espèrent toujours parvenir à 512 kilobits par seconde.
À cet égard, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 10 juin 2009 sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite « Hadopi », a reconnu une valeur constitutionnelle au droit d’accès de nos concitoyens au réseau de communications électroniques. Il est donc temps de donner une réalité à ce droit.
Compte tenu de la complexité technique et financière de cette question, nous avons fait en sorte de distinguer la fixation d’un tel objectif dans le présent texte et la détermination des moyens pour y parvenir, pour laquelle nous avons renvoyé à un rapport de l’ARCEP.
En vue d’améliorer qualitativement la desserte des foyers ne bénéficiant actuellement que d’une connexion à faible débit, l’article 9 rend la montée en débit sur tout type de réseau éligible au Fonds d’aménagement numérique du territoire, dans les cas où l’arrivée du très haut débit ne constitue pas, à court terme, une « porte de sortie par le haut ».
Afin de ne pas « gaspiller » de l’argent public sur une technologie appelée à devenir obsolète, nous avons précisé, sur proposition de nos collègues Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, que les investissements réalisés devront être réutilisables pour le très haut débit.
L’article 10 permet le financement public national des « projets intégrés » des collectivités, portant pour partie sur une zone non rentable et pour partie sur une zone rentable, à condition que ne soient subventionnés que les projets de déploiement sur les zones non rentables. Pour sécuriser pleinement le dispositif au regard du droit communautaire, nous avons tenu compte des remarques de l’Autorité de la concurrence et précisé que ces projets intégrés devraient s’inscrire dans le cadre de services d’intérêt économique général pour être « subventionnables ». Cette disposition importante répond aux attentes des élus, car elle permet d’assurer une péréquation à l’échelle de leur territoire.
L’article 11 ouvre aux collectivités la possibilité de bénéficier du financement public national dans les zones que les opérateurs devaient, au terme de leur engagement contractuel, couvrir dans les trois ans. Un tel délai permet de s’aligner sur les prescriptions du droit communautaire, là où le programme national très haut débit mis en place par le Gouvernement prévoit un délai plus large de cinq ans.
L’article 12, très important, confie à l’ARCEP la compétence et les moyens de contrôler et de sanctionner le respect des engagements pris par les opérateurs sur la base des conventions découlant des SDTAN, en lien avec l’article 3.
Je sais que cela choque certains, les opérateurs en premier lieu, ce que je comprends – il est tellement plus agréable de ne pas être sanctionné ! –, mais aussi quelques-uns de nos collègues, qui l’ont indiqué en commission.
Pour ma part, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de choquant à sanctionner le non-respect d’un engagement librement consenti dans le cadre d’un accord contractuel. C’est même, vous en conviendrez, mes chers collègues, d’une banalité et d’un classicisme élémentaires. J’ajoute que ce pouvoir est confié à l’ARCEP, qui le détient déjà en matière de téléphonie mobile. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Autorité n’a pas fait preuve d’une sévérité ou d’un zèle excessif en la matière.