Ainsi, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, institué par la loi de 2009, n’a jamais été créé, le financement du très haut débit reposant uniquement sur l’enveloppe ponctuelle octroyée par l’État dans le cadre des emprunts d’avenir, à hauteur de 900 millions d'euros.
Les auteurs de la proposition de loi ont donc eu raison de soulever à nouveau, comme ils le font dans les articles 15 et 16, la question du financement. Pour autant, nous ne sommes pas en accord avec les pistes de financement préconisées dans la proposition de loi, et d’ailleurs supprimées par la commission. Ces pistes faisaient reposer l’effort essentiellement sur les usagers des télécommunications, voire de consoles vidéo.
Les milliards d’euros de profits du secteur des télécoms démontrent pourtant qu’une autre répartition des richesses favorable à l’investissement productif permettrait le financement propre des infrastructures de réseaux sans mettre à contribution ni la collectivité ni les usagers.
Tout cela nous amène à considérer que la privatisation de France Télécom, en 1997, fut une redoutable erreur qui a conduit l’entreprise à se doter d’une stratégie reposant uniquement sur la rentabilité et non sur des missions de service public propres à satisfaire à l’intérêt général.
Le changement de stratégie s’est fait très simplement, comme en témoigne la hauteur des bénéfices réalisés par l’entreprise – 28 milliards d'euros pour les cinq dernières années –, à mettre en corrélation, bien sûr, avec une politique sociale désastreuse que nous déplorons.
À ce titre, il est significatif de constater que France Télécom a su trouver intérêt au dégroupage, lequel représente un gain annuel de 800 millions d'euros par an, qui ne sont pas réinjectés dans le financement des solutions d’avenir.
Nous comprenons donc bien que l’opérateur historique n’ait aucun intérêt, en l’état, à déployer la fibre optique au regard de la rente du réseau en fil de cuivre. Mais pour quelle utilité sociale avons-nous permis tout ce gâchis ?
Pour toutes ces raisons, nous proposerons un financement reposant sur les opérateurs de télécommunications, et dont le coût ne pourra pas être répercuté sur les usagers. Reconnaissez, mes chers collègues, que leurs bénéfices leur permettront largement de financer cet effort ! Il est en effet intolérable que la logique concurrentielle et les stratégies financières des entreprises aboutissent aujourd’hui à ce que tous les opérateurs se renvoient la balle, refusant de financer le développement de la fibre optique sous prétexte que leurs concurrents risqueraient d’en profiter.
Nous prônons donc, et depuis longtemps, la pertinence d’un opérateur unique ayant la capacité, grâce à des ressources soumises à péréquation, de procéder à un aménagement progressif de l’ensemble du territoire, plutôt que l’application de règles complexes et la présence de multiples acteurs ne permettant pas d’avoir une réelle vue globale du secteur numérique, qui revêt pourtant un intérêt général national.
Nous proposons donc de rétablir un monopole public sur les infrastructures de réseaux pour assurer un équipement complet du territoire. C’est nécessaire si l’on veut éviter les gâchis dus à la concurrence, notamment dans les zones rentables où se superposent pléthores de réseaux, comme cela s’est produit dans les Hauts-de-Seine.
Par ailleurs, nous souhaitons en lieu et place d’un droit au numérique opposable, auquel nous prédisons la même destinée que celle du droit au logement opposable, le DALO, la redéfinition du champ et des missions de service public imposables aux opérateurs en termes de déploiement du réseau, mais également de tarification. Une disposition déclaratoire, telle que celle qui est rédigée à l’article 8, ne permettra pas de transformer en acte cet engagement du haut débit pour tous. Il faut par la loi nous en donner les moyens, et c’est ce que nous vous proposerons.
Plus précisément, sur le corps même de cette proposition de loi, outre les dispositions que nous avons déjà mentionnées, nous sommes en accord avec les principes d’obligation à la contractualisation et de planification de la couverture du territoire par la fibre optique dans le cadre de schémas précis.
Toutefois, sur le fond, nous estimons que ce texte ne règle pas le problème essentiel de la structuration du marché des télécommunications et du financement de la fibre optique. Comme le reconnaît l’un de ses auteurs, il s’agit non pas de casser le modèle qui prévaut aujourd’hui, mais bien de l’améliorer, ce qui nous semble difficile en l’état et dans le cadre d’un marché libéralisé des télécommunications. C’est tout simplement, à notre avis, de logiciel qu’il faut changer, et pour cette raison, nous nous abstiendrons sur ce texte, malgré l’excellent travail de la commission de l’économie et de son rapporteur. §