J’en viens au fameux article 10 qui, pour moi, résume bien les choses et constitue le nœud de cette proposition de loi. Cet article est contre-productif sur les plans juridique et économique.
Sur le plan juridique, je vous renvoie à l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence qui est dans le droit fil de celui qu’a rendu l’ARCEP il y a quelques mois : les collectivités ont le droit d’établir des SIEG. L’Autorité a néanmoins pris le soin d’indiquer, en citant l’exemple des Hauts-de-Seine, qui est aujourd’hui contesté auprès du Tribunal de l’Union européenne, qu’il fallait être prudent.
Je pense en effet que, sur le plan juridique, c’est un nid à contentieux. Un des critères essentiels des SIEG est leur dimension universelle. En clair, en matière de couverture du territoire, dès lors que vous vous engagez dans cette voie – vous êtes libre de le faire –, il faut couvrir la totalité des foyers d’un territoire donné.
Sur le plan économique, il y a la question de la mutualisation. Quand, nous, élus, entendons le mot « mutualisation », nous dressons l’oreille : les riches vont-ils payer pour les plus pauvres ? Le problème est que, là encore, c’est contre-productif et ce n’est pas rendre service aux collectivités territoriales.
Plusieurs exemples ont déjà été cités, notamment la Seine-et-Marne. Je pourrais citer la Vendée, qui a voté, voilà quelques mois, son schéma directeur territorial d’aménagement numérique, les Hauts-de-Seine et l’Auvergne.
En Auvergne, le président du conseil régional, René Souchon, a étudié deux hypothèses : l’une est fondée sur une mutualisation et une couverture totale sans tenir compte de la complémentarité et l’autre, à l’inverse, en tenant compte de cette complémentarité. Le surcoût de l’une par rapport à l’autre de ces hypothèses est de 20 %.
Prenons maintenant le cas des Hauts-de-Seine qu’on peut considérer comme une zone globalement dense. Le département, malgré tout, doit apporter 59 millions d’euros. Mais si la mutualisation était la panacée, alors les Hauts-de-Seine n’auraient pas dû débourser un euro ! §Je suis prêt à entendre tous les arguments contraires à ma démonstration, à condition qu’ils s’appuient sur des chiffres et sur un véritable raisonnement.
Ce qui compte pour la collectivité, ce n’est pas le coût moyen unitaire de la prise – il est vrai que ce coût diminue lorsqu’on fait la moyenne entre les zones denses et les zones moins denses –, mais le coût net à sa charge. C’est ce qui fait la différence, notamment parce que les revenus issus de la fibre sont très faibles. Comme l’a souligné le président de l’ARCEP, la fibre pose un problème non pas d’investissement, mais de revenu.
Il faut donc distinguer les raisonnements selon qu’ils sont fondés sur le coût moyen unitaire ou sur le coût net total pour la collectivité. Il est clair que tout cela plaide en faveur d’un modèle complémentaire plutôt que d’un modèle mixte, d’autant que les choses sont aujourd'hui en train de s’accélérer, comme le montrent les chiffres cités par M. le secrétaire d’État.
Les opérateurs qui se livrent une bataille extraordinaire sur la téléphonie mobile ont souscrit des accords de co-investissement : cette contractualisation est tout à fait positive. Or c’est à ce moment précis que l’on voudrait envoyer des signaux négatifs pour casser ce modèle économique !
Les opérateurs ne sont ni des anges ni des démons ; ce sont de grandes entreprises françaises, et je suis fier que notre pays ait de tels acteurs économiques, d’autant qu’ils investissent bien plus dans ce secteur que ce n’est le cas dans d’autres – je pense à l’électricité ou au rail.
Je sais bien que nous avons tendance, en France, à nous auto-dénigrer, mais je rappelle que les tarifs du triple play français sont les plus bas du monde et que, en matière de tarifs et de couverture de téléphonie mobile, selon l’OFCOM, le régulateur britannique, notre pays est le deuxième parmi les grands pays européens. Les chiffres ont été rappelés. Il est bien sûr toujours possible d’améliorer les choses, mais on ne peut pas dire que rien n’a été fait et que la France est le pays le plus nul du monde en termes d’aménagement numérique, …