Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er A, dont le groupe socialiste est à l’initiative, dispose que « l’aménagement numérique du territoire relève de l’intérêt général de la Nation ».
Je souhaite ici relayer les attentes de nos concitoyens victimes de la fracture numérique parce qu’habitant des territoires ruraux, des territoires difficiles d’accès, qui présentent de graves handicaps, je veux parler des territoires de montagne.
Comme cela a été longuement rappelé lors de la discussion générale, l’aménagement numérique du territoire est un formidable enjeu pour la France du XXIe siècle, mais le modèle libéral sur lequel repose actuellement le Programme national de très haut débit du Gouvernement oppose l’initiative privée dans les zones les plus denses au soutien à l’initiative publique dans les territoires jugés non rentables par le marché, c'est-à-dire les territoires ruraux, dont je veux me faire ici l’écho.
L’objet de cet article nouveau est d’inscrire dans la loi les principes fondateurs qui doivent présider au déploiement de l’aménagement numérique, c'est-à-dire la mutualisation, l’optimisation des investissements entre le public et le privé et, surtout, l’aménagement équilibré du territoire pour répondre aux besoins de tous nos concitoyens, ainsi que la solidarité territoriale.
Comme pour l’eau, l’électricité, le ferroviaire, les routes ou encore le téléphone au cours des siècles passés, le très haut débit est une infrastructure essentielle et d’intérêt général. À ce titre, il doit être mis en place sous maîtrise publique, en partenariat et en coïnvestissement avec les opérateurs privés ; c’est ce que nous avons souhaité rappeler en introduisant par amendement cet article 1er A avant l’article 1er.
Monsieur le ministre, nous vous demandons dès maintenant de revoir le modèle que vous prônez, celui qui donne la priorité absolue aux opérateurs privés sur les réseaux d’initiative publique, car il s’agit d’une aberration économique qui casse la péréquation territoriale. Notre collègue Yves Krattinger l’a fort bien souligné lors de la discussion générale : après la fracture, voici la facture !
Certaines initiatives de collectivités territoriales ont montré leur efficacité ; elles ne doivent donc pas être remises en question, ni être bloquées par l’hégémonie du monde libéral dominant.
M. Frédéric Lefebvre a cité à plusieurs reprises l’Auvergne. Pour ma part, je prendrai l’exemple d’une région voisine, le Limousin.
Le déploiement du haut débit et, demain, je l’espère, du très haut débit, est porté dans cette région par un syndicat mixte dénommé DORSAL, pour Développement de l’offre régionale de services et de l’aménagement des télécommunications en Limousin.
Ce syndicat réunit les principales collectivités du Limousin ayant décidé de prendre en charge, ensemble, l’aménagement numérique de la région, en mutualisant leurs moyens pour mettre en place une infrastructure en fibre optique, dite « boucle haut débit ». Les résultats sont probants et le désenclavement des zones les plus reculées progresse.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas se fonder sur ces expériences réussies pour diffuser les bonnes pratiques en matière de déploiement ?
À cette fin, l’État ne doit pas se désengager, mais il lui faut au contraire organiser un déploiement équilibré et coordonné du très haut débit.
Comme l’ont si justement rappelé à maintes occasions les parlementaires élus des zones oubliées par le Programme national très haut débit, le plan qui est actuellement déployé en matière d’aménagement numérique du territoire risque tout bonnement d’exclure de larges zones et de nombreuses populations rurales d’un réseau structurant et de services numériques pourtant indispensables au maintien de ces populations et à l’attractivité de ces territoires.
Avec le modèle que vous défendez, monsieur le ministre, les opérateurs du très haut débit sont essentiellement attirés par les territoires urbains à forte densité démographique pour déployer la fibre optique, gage d’une rentabilité assurée à court terme ou à moyen terme, au détriment des zones de faible densité.
Au nom de l’équité territoriale et de la solidarité nationale, nous tenons ici à rappeler haut et fort que, pour assurer le développement équilibré des zones urbaines et rurales, il y a urgence à développer des solutions adaptées aux spécificités territoriales, afin qu’aucune région, aucune partie de notre territoire ne soit oubliée du très haut débit.