Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 14 février 2012 à 21h30
Aménagement numérique du territoire — Article 3

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans Le défi numérique des territoires - Réinventer l’action publique, Christian Paul souligne qu’un « nouvel Internet est en train de voir le jour ». Il poursuit : « Ferment démocratique, favorisant le partage de la culture, il dissémine les savoirs et l’expertise mais est également le théâtre de nouveaux rapports de force […] ».

Depuis dix ans, les collectivités territoriales tentent d’investir pour réduire la fracture numérique. Dans le département que je préside, le Doubs, c’est devenu l’investissement de première priorité pour les prochaines années.

Dans cette perspective, le schéma directeur territorial d’aménagement numérique que nous nous sommes donné recense les engagements des opérateurs privés pour investir dans la fibre optique. À l’échelon national, 3 400 communes, dont 89 communes du Doubs, devraient faire l’objet du très haut débit en France.

La difficulté résulte de l’absence de contrainte juridique concernant l’engagement de ces opérateurs privés. Dès lors que ces « déclarations d’intention » ne lient par leurs auteurs, n’y a-t-il pas un doute sur la faisabilité des investissements envisagés ? Cette incertitude est d’autant plus dommageable pour les collectivités que celles-ci se positionnent « en complémentarité » dans les zones jugées trop peu rentables par les opérateurs privés.

Dans le Doubs, l’investissement est estimé à 262 millions, dont 180 millions pour la part publique. Rendez-vous compte ! Bien qu’il soit limité au regard de situations comparables sur le territoire national, l’investissement pour une petite communauté de communes comme celle de Vaîte-Aigremont dans mon département, représente 4, 9 millions d’euros, dont une participation des communes et de l’intercommunalité de 10 euros par habitant et par an pendant quinze ans, soit près de 17 % de la somme !

En cas d’abandon de projets par les opérateurs privés, les collectivités concernées devront prendre le relais sur ces zones. Cela représente un poids financier considérable qui n’était pas initialement prévu.

L’enjeu de ce texte est donc de définir le juste équilibre entre la liberté économique des opérateurs privés, par ailleurs imposée au niveau de l’Union européenne, et une sécurité juridique et financière suffisante pour les collectivités, alliée à une coopération et à une transparence entre les acteurs.

À ce titre, l’article 3 de la proposition de loi est essentiel, car il traduit l’esprit de la politique d’aménagement numérique du territoire que nous souhaitons, à savoir une véritable coordination des initiatives publiques et privées.

En amont, les engagements des opérateurs sont renforcés par deux biais.

D’abord, l’article 3 crée une véritable contractualisation, c’est-à-dire un lien qui engage, par une convention, opérateurs privés et initiatives publiques, la convention étant ensuite annexée au schéma directeur territorial d’aménagement numérique.

Ensuite, l’article 3 répond au souci de crédibilité et de faisabilité des engagements par la transmission des informations nécessaires, qui devront être chiffrées – budget, financement, volume du déploiement, pourcentage de foyers et d’entreprises ainsi couvertes, calendrier et cartographie.

La connaissance de l’implantation des infrastructures et de leur état d’occupation est un enjeu essentiel pour les collectivités, qui pourront soit utiliser les infrastructures disponibles, soit en déployer de nouvelles. Or cette information, si elle n’était pas communiquée par les opérateurs privés, représenterait un coût supplémentaire pour les collectivités, contraintes de lancer des études pour la rechercher.

En aval, cette disposition instaure un véritable suivi : chaque année les opérateurs feront part de l’état d’avancement de leurs opérations. De plus, de véritables sanctions sont prévues en cas de constat de défaillance par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Il s’agit non pas, comme j’ai pu l’entendre, d’effrayer les opérateurs privés, mais, au contraire, de les responsabiliser.

Au final, l’article 3 de la proposition de loi permet de parvenir au juste équilibre recherché et favorise la cohérence et l’efficacité de l’aménagement numérique du territoire.

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