Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 16 février 2012 à 9h00
Licenciements boursiers — Rejet d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis cinq ans, la situation de l’emploi n’a cessé de se dégrader dans notre pays : le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 700 000 et le taux de chômage frôle aujourd’hui les 10 % de la population active. Si l’on prend en compte les personnes en activité réduite, on constate que 4, 5 millions de personnes sont actuellement à la recherche d’un emploi.

Face à cette montée dramatique du chômage, le Gouvernement invoque systématiquement la crise. Si cette dernière a certes une part de responsabilité, je note cependant que la politique d’austérité qui se généralise en Europe, à votre instigation, monsieur le ministre, ne fait qu’aggraver la rechute de l’activité, comme l’illustre tous les jours le cas tragique de la Grèce. La politique d’austérité étouffe l’activité et retarde d’autant la réduction des déficits.

La crise, par ailleurs, n’explique pas tout : les grandes entreprises du CAC 40 continuent de réaliser des dizaines de milliards d’euros de profits. Elles ont distribué l’an dernier, au titre de leurs résultats pour 2010, 40 milliards de dividendes à leurs actionnaires. Il est trop tôt pour savoir quel sera le montant versé à ce titre en 2012. En tout cas, les actionnaires de Total, n’ont pas à s’inquiéter : l’entreprise a annoncé qu’elle avait réalisé 12 milliards d’euros de profits au titre de l’exercice 2011…

Ces excellents résultats n’empêchent pourtant pas ces grands groupes de supprimer des emplois sur notre territoire et de délocaliser une partie de leur activité. C’est notamment le secteur industriel qui souffre de ces suppressions de poste : je rappelle que nous avons perdu 500 000 emplois industriels depuis cinq ans.

Face à cette situation, le Président de la République a décidé, une fois de plus, de s’en prendre aux chômeurs au lieu de s’attaquer aux causes du chômage.

À l’entendre, les demandeurs d’emploi seraient responsables de leur situation parce qu’ils refuseraient de suivre des formations ou de répondre aux offres d’emploi disponibles. Pourtant, tous ceux qui connaissent le sujet savent qu’une infime minorité des demandeurs d’emploi refusent les offres d’emploi qui leur sont proposées, à condition bien sûr qu’il s’agisse d’offres d’emploi valables !

Je rappelle que votre majorité a déjà voté, en 2008, une loi relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi. Ce texte a durci les règles en matière de recherche d’emploi et a donné à Pôle emploi tous les outils pour sanctionner les éventuels fraudeurs. Ce n’est certainement pas en accablant encore les chômeurs de contraintes et d’obligations que l’on va résoudre le problème du chômage. La réalité, c’est que beaucoup trop d’emplois, notamment industriels, sont aujourd’hui supprimés sans réel motif économique, dans le seul but d’élargir les marges des grandes entreprises et de satisfaire les actionnaires.

La proposition de loi que nous examinons ce matin, proposition déposée par les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, vise précisément à apporter une première réponse à ces questions.

Certains estimeront peut-être que notre texte ne va pas assez loin ou que son objet est trop limité. Il constitue néanmoins une étape indispensable pour endiguer la vague de suppressions d’emploi à laquelle nous assistons et pour moraliser le fonctionnement de notre marché du travail.

Si nous voulons maintenir une production sur notre territoire national, il est indispensable de fixer de nouvelles règles du jeu, afin de remettre la finance au service de l’économie.

Très concrètement, la proposition de loi vise à mieux encadrer les possibilités de licenciement pour motif économique, en interdisant ce qu’il est convenu d’appeler les « licenciements boursiers ».

Un licenciement boursier peut être défini comme une réduction d’effectifs effectuée par une entreprise pour des raisons purement financières et en dehors de toute nécessité économique ou industrielle, alors que, dans le même temps, elle continue à distribuer des dividendes.

Chacun garde en tête l’exemple de Michelin, qui, en septembre 1999, a annoncé simultanément une augmentation de 20 % de son bénéfice semestriel et la suppression de 7 500 emplois, soit 10 % de ses effectifs en Europe. Le lendemain, le cours de bourse de l’entreprise avait d’ailleurs bondi de plus de 11 % !

On peut aussi citer l’exemple de LU-Danone, qui, en 2001, a rendu publics des résultats très positifs, suivis, deux mois plus tard, de l’annonce d’un plan de restructuration entraînant la suppression de plus de 800 emplois et la fermeture de deux sites, l’un, à Ris-Orangis, l’autre, dans mon département, à Calais.

Comment ne pas également évoquer le cas, plus récent, des ouvriers de l’usine sidérurgique de Gandrange, abandonnés à leur sort, malgré les promesses du Président de la République, par Arcelor-Mittal, groupe international qui réalise par ailleurs des milliards de profits ?

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