Séance en hémicycle du 16 février 2012 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • actionnaires
  • dividende
  • d’emploi
  • licenciement
  • licenciements boursiers
  • l’entreprise

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe CRC, de la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (proposition n° 790 [2010-2011], texte de la commission n° 346, rapport n° 345).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Annie David, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, désindustrialisation de la France, chômage de masse, précarité accrue... L’échec de la politique menée par l’actuel gouvernement est patent ! Mais la cause profonde du mal n’est pas un manque de compétitivité, un défaut de productivité ou encore un coût du travail trop élevé : elle est dans les choix politiques d’un gouvernement à la solde des tenants du système capitaliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Tout a été bon depuis des années pour détourner les revenus du travail vers la spéculation financière ; le culte de l’argent roi, l’argent pour l’argent ont mis à mal les fondamentaux d’une politique industrielle digne de ce nom. Monsieur le ministre, combien de salariés licenciés, d’entreprises fermées, de familles meurtries, de villes et de régions sinistrées au nom de la sauvegarde des sacro-saints 15 % de taux de profit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mme Annie David. C’est pourquoi, en me présentant devant vous, je voudrais que vous vous souveniez, comme je m’en suis souvenue, des 103 salariés – presque que des femmes, monsieur le ministre !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ces licenciements, qui ont été présentés comme économiques, sont en fait la conséquence d’une délocalisation en Tunisie. Déboutés, les salariés concernés – ils ont souvent « des années de maison », pour reprendre leur expression –peineront à retrouver un emploi. Alors que le conseil de prud’hommes rendait voilà peu sa décision, l’avocat des plaignantes, Me Emmanuel Giroire-Revalier, analysait ainsi la situation : « C’est choquant : Aubade fait beaucoup de bénéfices ; plus il y a de licenciés, plus les actionnaires suisses font des bénéfices ».

Je voudrais que vous vous souveniez également, comme je m’en suis souvenue, de la situation dramatique des salariés de l’entreprise LU, filiale du groupe Danone. Il aura fallu dix ans, dix longues années de combat syndical et juridique, pour que leurs droits soient enfin reconnus et pour que le motif économique, avancé par l’employeur, soit au final écarté par les juges. Les salariés pourront donc bénéficier d’une indemnisation au titre d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse. C’est une maigre consolation quand on mesure que beaucoup d’entre eux n’ont pas retrouvé d’emploi et qu’ils n’en retrouveront pas dans le contexte actuel, marqué par l’inscription quotidienne de 1 000 chômeurs nouveaux à Pôle emploi !

Je voudrais que vous gardiez également en mémoire le cas des 362 employés de l’entreprise Gemalto, dans le secteur de la sécurité numérique intégrée, licenciés en 2007, prétendument, là encore, pour motif économique. Le groupe réalisait pourtant, au moment des faits, 791 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une progression de plus de 30 millions d’euros par rapport à l’année précédente au cours de laquelle l’entreprise « n’avait » réalisé « que » – si je puis dire – 760 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Seuls 34 salariés, militants syndicaux pour la plupart, ont osé contester le caractère économique de ces licenciements. La chambre sociale de la cour d’appel d’Orléans leur a donné raison en novembre dernier, leur octroyant 570 000 euros d’indemnisation. Si cette indemnisation ne règle pas tout, tant s’en faut, elle a cependant une portée symbolique pour les salariés : elle est la preuve que leur vie a été sacrifiée non par nécessité économique, mais par stratégie financière, pour l’appétit sans cesse grandissant des actionnaires !

Comble de l’ironie, l’année suivante, la chaîne d’information économique Business FM attribuait à la société Gemalto le prix de la meilleure performance boursière. Qu’importe alors que, sur les 34 plaignants, seuls 11 aient retrouvé un CDI et que 5 d’entre eux n’aient retrouvé aucun emploi ! Ce qui compte, c’est la stratégie de court terme, la rentabilité et, au-delà même de la rentabilité, le maintien, voire l’augmentation constante des dividendes.

Souvenez-vous encore des 20 000 salariés de Caterpillar – dont 733 dans le département de l’Isère –, que la direction a privés d’emploi en 2009 alors que l’entreprise affichait un bénéfice de plus de 3, 5 milliards d’euros pour l’année 2008. « Une année horrible », affirmait alors le P-DG de Caterpillar France : mais horrible pour qui ? Visiblement seulement pour les salariés, les actionnaires ayant eu, à travers ces suppressions, la garantie d’une augmentation de 17 % de leur dividende !

Horrible oui, le choix de la direction d’accroître la fortune de quelques privilégiés au détriment de milliers de familles !

Passés la stupeur et l’émoi, l’indignation et la colère ont pris le pas chez les salariés de Caterpillar comme de Moncler, ou encore de Yahoo dans mon département, et bien d’autres, tels les salariés de Molex près de Toulouse, qui ont mené une lutte exemplaire pour préserver leur emploi et la pérennité des sites industriels.

Toutes ces entreprises ont un point commun : elles ont licencié massivement alors qu’elles ont engrangé des profits et distribué des dividendes !

C’est à cette situation scandaleuse et, j’ose le dire, inhumaine que les membres de mon groupe souhaitent s’attaquer. L’heure n’est plus à une éventuelle moralisation de l’économie : le temps est venu d’apporter aux salariés de notre pays plus de justice sociale.

Les sénatrices et sénateurs communistes républicains et citoyens refusent la logique de la fuite en avant vers une économie qui serait toujours plus financière et toujours plus inhumaine. Nous refusons une économie dans laquelle les femmes et les hommes seraient réduits à n’être que des variables d’ajustement, où des vies devraient être broyées pour que d’autres accumulent encore et toujours plus de richesses.

Nous ne voulons plus revivre la triste situation observée en septembre 1999 : le cours de l’action Michelin avait alors fait un bond considérable de 12 % à la suite de l’annonce d’un plan social massif, sans précédent dans l’histoire de l’entreprise. Et que l’on ne s’y méprenne pas, il s’agissait là non pas d’un simple hasard, mais bien d’une concomitance aussi volontaire que choquante entre l’annonce de plusieurs centaines de licenciements, d’un côté, et la notification des réussites trimestrielles et annuelles, de l’autre.

L’explosion du cours de l’action constituait bien, en réalité, la réaction immédiate des actionnaires à l’annonce de ce plan social, la bourse se réjouissant de cette mesure non parce qu’elle rendait l’entreprise rentable – elle l’était déjà, monsieur le ministre ! – mais parce qu’elle garantissait aux actionnaires une hausse considérable de leur rétribution, via les dividendes qu’ils percevraient.

Pour autant, bien que ces licenciements se soient multipliés depuis des années, le code du travail, dernière protection collective des salariés – et c’est une protection que mes collègues du groupe UMP aimeraient bien voir disparaître… –, n’en fait pas mention, laissant aux juges le soin d’apprécier si le licenciement est économique ou non. Autant dire que le sort des salariés dépend aujourd’hui d’une décision de justice, laquelle, dans le silence des textes, est nécessairement variable.

À cette situation, génératrice d’instabilité pour les salariés, nous préférons l’état de droit, c’est-à-dire l’existence d’une situation juridique claire, de règles tangibles et durables, dont chacune et chacun pourraient se prévaloir.

Si nous constatons que, depuis un an, sans doute face à l’ampleur de la crise économique et sociale, les tribunaux français deviennent plus protecteurs pour les salariés que par le passé, nous ne pouvons cependant pas nous satisfaire de cela. D’une certaine manière, la jurisprudence est en avance sur le droit positif. Pour autant, dans cette situation, les salariés ne sont pas à l’abri d’un revirement de jurisprudence. Il convient donc de renforcer la base légale de ces décisions de justice. C’est l’ambition de notre proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité de ces décisions et tend à les renforcer.

Mais avant d’en venir à la présentation de ce texte, je voudrais illustrer mes propos par deux décisions récentes : l’une rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation, et l’autre par la cour d’appel de Paris.

Ainsi, le 12 mai 2011, la deuxième chambre sociale de la cour d’appel de Paris, saisie par le comité d’entreprise de la société Viveo France – celui-ci contestait la validité du plan social soumis par les dirigeants dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique –, n’a pas hésité à innover.

Profitant de la saisine sur la validité du plan social, la cour s’est prononcée sur la non-réalité du motif économique du licenciement. Bien que l’article L. 1235-10 du code du travail n’autorise le comité d’entreprise à engager une action en « nullité » qu’en cas de défaut de présentation du plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, les juges prud’homaux, le 16 avril 1996, lui avaient reconnu une nouvelle faculté, celle de dénoncer l’insuffisance des plans sociaux.

La cour d’appel de Paris est allée encore plus loin en reconnaissant le droit au comité d’entreprise de contester l’existence même des difficultés économiques, de la réalité du besoin de mutation technologique, ou encore de la nécessité de réorganisation de l’entreprise.

Comme l’a rappelé Frédérique Marron, avocat-conseil en droit social à Lyon, dans la Gazette du Palais du 18 juin 2011, « la cour affirme que l’absence de motif économique rend par nature la procédure de licenciement économique sans objet. Le défaut de motif économique constituerait en quelque sorte un vice privant ainsi de base légale le projet de licenciement ».

La cour en a ainsi déduit que le plan social devait être réputé « nul », c’est-à-dire n’avoir jamais existé, puisque le motif économique invoqué était lui-même inexistant ! Cette interprétation du droit, que certains juristes n’ont pas hésité à qualifier d’« osée », puisqu’elle contredit le principe général du droit selon lequel « il n’y a pas de nullité sans texte », témoigne de cette volonté de protéger les salariés placés face à des licenciements non économiques, mais d’économie.

Comme le concluait Frédérique Marron, « la juge judiciaire, à la demande d’un comité d’entreprise, serait en effet à même de contrôler la réalité du motif économique avancé par l’employeur ». Il est donc nécessaire d’exclure les licenciements boursiers du champ des licenciements pour motif économique, qui servent trop souvent de prétexte.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

La décision rendue le 18 janvier 2011 par la chambre sociale de la Cour de cassation a précisément porté un regard nouveau sur la validité des licenciements pour motif économique en cas de fermeture définitive et totale d’une entreprise, appartenant elle-même à un groupe de sociétés.

En l’espèce, la Cour de cassation tranchait un contentieux survenu à l’occasion de la cessation complète d’activité d’une entreprise spécialisée dans le stockage et la commercialisation en gros de pneumatiques destinés au marché automobile. Cette cessation complète d’activité entraîna dix-sept licenciements prononcés pour motif économique, motif que contestèrent les salariés. La Cour de cassation leur donna raison, considérant que la cessation totale et définitive de l’activité d’une société appartenant à un groupe ne suffit pas, « même en l’absence de faute de l’employeur ou de légèreté blâmable, à assurer la validité des licenciements pour motifs économiques ».

Sans doute faut-il voir dans ces deux décisions une prise en compte par les juges de la réprobation massive par l’opinion des licenciements boursiers. Pour autant, l’autonomie des juges reste très limitée, malgré ces deux arrêts. Dans une étude publiée par le Centre d’études de l’emploi en septembre 2010, trois chercheurs font la démonstration de cette limite : « L’exigence d’une cause réelle et sérieuse pour justifier le licenciement économique a concentré les critiques, le risque de voir à cette occasion le juge s’immiscer dans la décision étant particulièrement souligné. Pourtant, ce dernier ne dispose pas d’un tel pouvoir. »

C’est la raison pour laquelle il a semblé nécessaire à mes collègues et à moi-même d’apporter des précisions sur la nature du licenciement pour motif économique. À ce jour, les licenciements boursiers ne font l’objet d’aucune interdiction ; ils ne sont tout simplement pas définis dans le code du travail. Ce sont des licenciements déduits soit par les observateurs qui constatent qu’une entreprise se porte bien, soit par les juges qui, de manière ponctuelle, écartent le motif économique.

Comme on le voit dans les deux arrêts que je viens de citer, ce sont donc les tribunaux qui considèrent que le motif économique n’est pas recevable et qu’il s’agit en fait de licenciements boursiers.

Avec cette proposition de loi, nous entendons conforter cette jurisprudence et donner aux salariés les moyens effectifs de se défendre face à des situations inacceptables.

À cette fin, l’article 1er, dont la rédaction a été améliorée par la commission des affaires sociales, exclut du champ d’application des licenciements pour motif économique ceux qui sont réalisés par des entreprises ayant versé des dividendes à leurs actionnaires, comme aux détenteurs de parts sociales.

Ces licenciements constituent à nos yeux des licenciements boursiers : notre proposition de loi vise à les interdire, en rappelant qu’ils sont sans cause réelle et sérieuse. Après tout, si l’entreprise se permet de rémunérer les détenteurs de parts sociales ou d’actions, c’est qu’elle a le moyen de se priver de sommes colossales. Ces sommes auraient en effet été bien plus utiles si elles avaient été investies dans l’emploi, dans l’outil industriel ou dans les dépenses de recherche et développement.

Notre volonté d’interdire le recours au licenciement pour motif économique à des entreprises versant des dividendes tient au fait qu’il nous est insupportable qu’une entreprise puisse, dans le même temps, supprimer des emplois pour motif économique et rétribuer le capital ; et il nous est également insupportable qu’une entreprise choisisse systématiquement de faire primer les détenteurs de capital sur les salariés et sur l’intérêt industriel, voire sur l’intérêt général.

Cela témoigne de la voracité des actionnaires, de l’appétit sans faim des marchés, de la prédominance de l’économie sur le réel. Les actionnaires ne se contentent en effet pas d’entreprises rentables, ils veulent que ces dernières leur rapportent toujours plus. Peu importe que la part des bénéfices réalisés par les entreprises consacrée à la recherche et au développement ne cesse de diminuer, mettant en péril le développement et la survie même de l’entreprise ; ce qui compte, c’est que les dividendes qu’ils perçoivent ne soient pas en diminution d’une année sur l’autre, et même qu’ils augmentent !

Nous refusons cette logique et souscrivons à l’analyse de M. le rapporteur pour lequel « la rémunération du capital est toujours privilégiée sur la défense de l’emploi, ce qui est une illustration de la domination que la finance exerce sur l’économie réelle. » Il faut en finir avec cette logique selon laquelle, pour garantir les revenus de quelques-uns, il faudrait sacrifier l’emploi de celles et ceux qui, avec leur travail, produisent des richesses dans l’entreprise.

C’est donc un changement de paradigme que nous proposons avec l’article 1er : selon nous, l’entreprise, pour faire face à une crise économique, doit d’abord non pas couper dans l’emploi, mais s’attaquer au capital. En effet, si l’on y regarde de plus près, ce qui cannibalise les entreprises, c’est non l’emploi, mais la place faite au capital et à sa rémunération.

M. le rapporteur a raison de le rappeler, « on ne peut plus accepter que des milliers d’emplois soient sacrifiés au nom de la crise, alors que, dans le même temps, selon le cabinet PrimeView, la valeur des dividendes versés aux actionnaires a augmenté de 13 % en 2010 ».

Je sais, monsieur le ministre, que vous ne serez pas d’accord, puisque cela revient à dire – nous l’assumons – que ce qui plombe l’économie, les entreprises et la compétitivité, c’est le coût non pas du travail, mais du capital.

La réalité, c’est que la part des salaires dans la valeur ajoutée ne fait que baisser, alors qu’augmente la part consacrée à la rémunération des actionnaires. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale américaine, affirmait d’ailleurs : « J’ai attendu et j’attends encore quelque normalisation dans le partage du profit et des salaires » car « la part des salaires dans la valeur ajoutée est historiquement basse, à l’inverse d’une productivité qui ne cesse de s’améliorer ». Nous ne saurions dire mieux !

Dans ce contexte, il est grand temps, pour qui veut défendre l’emploi et l’industrie, pour qui veut éviter que la France ne perde son indépendance industrielle, de prendre les mesures qui protègent l’emploi, le travail et, par conséquent, les salariés. Avant de s’attaquer aux hommes et aux femmes qui produisent les richesses dans nos entreprises, exigeons de la finance qu’elle prenne ses responsabilités. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les actionnaires ne prennent plus actuellement aucun risque. Si l’investissement est mauvais, si la stratégie est hasardeuse, ce n’est jamais aux actionnaires de régler la note, la solution la plus simple résidant toujours dans une vague de licenciements ! Celles et ceux qui assument aujourd’hui les risques et les aléas industriels, ce sont bien les salariés !

Nous ne pouvons donc que suivre M. le rapporteur quand il propose de mettre d’abord à contribution le capital. Avec cette proposition, les juges, saisis par les salariés, disposeront d’un outil performant pour vérifier la validité du licenciement. Cette faculté, couplée à notre proposition de renforcer les missions de l’inspection du travail, permet d’écarter d’emblée les licenciements boursiers.

Que les choses soient claires, il ne s’agit pas de réintroduire l’autorisation administrative de licenciement. Il s’agit pour nous d’éviter la période de dix ans qu’ont eu à supporter les salariés de Danone, dont je vous parlais voilà un instant.

L’inspection du travail vérifiera si l’entreprise a ou non distribué des dividendes ; elle remettra ses conclusions aux salariés, qui pourront les faire connaitre au juge ; celui-ci, constatant le versement de dividendes, requalifiera les licenciements en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui permettra l’octroi rapide d’indemnités aux salariés.

Nous sommes convaincus que cette mesure, outre son aspect réparateur, aura à l’avenir une influence importante : en effet, les entreprises, pour ne pas risquer d’être condamnées à d’importantes indemnisations, exigeront des actionnaires, avant tout plan social, de contribuer à redresser la situation économique de l’entreprise.

Voilà une mesure qui est favorable à l’emploi et qui n’augmente pas le coût du travail puisqu’elle ne fait qu’opérer un rééquilibrage entre le capital et le travail !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Voilà une proposition concrète qui tend à protéger l’emploi et à renforcer les protections des salariés !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

J’ai entendu le nouveau candidat-président ou président-candidat…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Si vous l’évoquez, j’en parlerai moi aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je n’en doute pas, monsieur le ministre !

… annoncer qu’il souhaitait, s’il était réélu, faire un remake de la loi relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

Avec cette proposition de loi, nous nous situons en amont, avant la perte par les salariés de leur emploi. En effet, monsieur le ministre, n’attendez pas que les salariés perdent leur emploi ; faites plutôt en sorte qu’ils le gardent !

Notre proposition de loi revient en quelque sorte à créer des devoirs nouveaux pour les employeurs. Et puisque vous envisagez de recourir au référendum, je vous invite à soumettre également à l’opinion de nos concitoyennes et concitoyens notre proposition d’interdiction des licenciements boursiers qui, soyez-en certains, obtiendrait leur approbation !

Enfin, pour conclure, je voudrais dire quelques mots de l’article 2, relatif au remboursement des aides publiques perçues par les employeurs ayant pratiqué des licenciements boursiers.

Aujourd’hui déjà, quelques collectivités locales intervenant financièrement auprès d’entreprises exigent d’elles, comme c’est bien légitime, certaines contreparties en matière d’emploi. Si des fonds publics sont mobilisés, l’employeur doit alors consentir, pour reprendre une formule qui vous est chère, à « quelques devoirs » en matière soit d’emplois – durée, qualité, qualification –, soit d’investissement. Ainsi, les fonds publics, qui se font de plus en plus rares, ne peuvent pas servir à subventionner des entreprises qui préfèrent rémunérer leurs actionnaires plutôt que protéger l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mes chers collègues, cette proposition de loi est donc bien un outil supplémentaire au service de l’emploi, du travail et de la protection des travailleurs. Mais nous sommes bien évidemment conscients du fait que le concept même de licenciements boursiers peut paraître simplificateur dans la mesure où ce texte ne répond pas aux problèmes de nombreux autres licenciements, tous aussi scandaleux : je pense à ceux qui résultent des opérations de fusion-absorption ou à ceux qui sont menés par de grandes entreprises non cotées en bourse qui, au nom d’un taux de profit maximum, considèrent les salariés comme la variable d’ajustement par excellence.

Notre proposition de loi s’inscrit dans un projet de société qui comprend bien d’autres dispositions, notamment fiscales et sociales. Il nous semble impératif de poursuivre à l’avenir dans cette voie en proposant, par exemple, de taxer les dividendes autant que les revenus du travail, de diminuer de 40 % à 20 % le crédit d’impôt portant sur ces dividendes, d’instaurer une véritable protection sociale de l’emploi et de la formation qui prendrait en charge les périodes de non-emploi, de formation et de retrait d’activité avec maintien de salaire, et enfin d’octroyer aux salariés de nouveaux droits et des comités d’entreprise.

Il n’en demeure pas moins que, au regard de la situation actuelle, une mesure d’urgence s’impose. Notre proposition de loi amendée par la commission constitue cette réponse, qui est attendue par les salariés. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis cinq ans, la situation de l’emploi n’a cessé de se dégrader dans notre pays : le nombre de demandeurs d’emploi a progressé de 700 000 et le taux de chômage frôle aujourd’hui les 10 % de la population active. Si l’on prend en compte les personnes en activité réduite, on constate que 4, 5 millions de personnes sont actuellement à la recherche d’un emploi.

Face à cette montée dramatique du chômage, le Gouvernement invoque systématiquement la crise. Si cette dernière a certes une part de responsabilité, je note cependant que la politique d’austérité qui se généralise en Europe, à votre instigation, monsieur le ministre, ne fait qu’aggraver la rechute de l’activité, comme l’illustre tous les jours le cas tragique de la Grèce. La politique d’austérité étouffe l’activité et retarde d’autant la réduction des déficits.

La crise, par ailleurs, n’explique pas tout : les grandes entreprises du CAC 40 continuent de réaliser des dizaines de milliards d’euros de profits. Elles ont distribué l’an dernier, au titre de leurs résultats pour 2010, 40 milliards de dividendes à leurs actionnaires. Il est trop tôt pour savoir quel sera le montant versé à ce titre en 2012. En tout cas, les actionnaires de Total, n’ont pas à s’inquiéter : l’entreprise a annoncé qu’elle avait réalisé 12 milliards d’euros de profits au titre de l’exercice 2011…

Ces excellents résultats n’empêchent pourtant pas ces grands groupes de supprimer des emplois sur notre territoire et de délocaliser une partie de leur activité. C’est notamment le secteur industriel qui souffre de ces suppressions de poste : je rappelle que nous avons perdu 500 000 emplois industriels depuis cinq ans.

Face à cette situation, le Président de la République a décidé, une fois de plus, de s’en prendre aux chômeurs au lieu de s’attaquer aux causes du chômage.

À l’entendre, les demandeurs d’emploi seraient responsables de leur situation parce qu’ils refuseraient de suivre des formations ou de répondre aux offres d’emploi disponibles. Pourtant, tous ceux qui connaissent le sujet savent qu’une infime minorité des demandeurs d’emploi refusent les offres d’emploi qui leur sont proposées, à condition bien sûr qu’il s’agisse d’offres d’emploi valables !

Je rappelle que votre majorité a déjà voté, en 2008, une loi relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi. Ce texte a durci les règles en matière de recherche d’emploi et a donné à Pôle emploi tous les outils pour sanctionner les éventuels fraudeurs. Ce n’est certainement pas en accablant encore les chômeurs de contraintes et d’obligations que l’on va résoudre le problème du chômage. La réalité, c’est que beaucoup trop d’emplois, notamment industriels, sont aujourd’hui supprimés sans réel motif économique, dans le seul but d’élargir les marges des grandes entreprises et de satisfaire les actionnaires.

La proposition de loi que nous examinons ce matin, proposition déposée par les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, vise précisément à apporter une première réponse à ces questions.

Certains estimeront peut-être que notre texte ne va pas assez loin ou que son objet est trop limité. Il constitue néanmoins une étape indispensable pour endiguer la vague de suppressions d’emploi à laquelle nous assistons et pour moraliser le fonctionnement de notre marché du travail.

Si nous voulons maintenir une production sur notre territoire national, il est indispensable de fixer de nouvelles règles du jeu, afin de remettre la finance au service de l’économie.

Très concrètement, la proposition de loi vise à mieux encadrer les possibilités de licenciement pour motif économique, en interdisant ce qu’il est convenu d’appeler les « licenciements boursiers ».

Un licenciement boursier peut être défini comme une réduction d’effectifs effectuée par une entreprise pour des raisons purement financières et en dehors de toute nécessité économique ou industrielle, alors que, dans le même temps, elle continue à distribuer des dividendes.

Chacun garde en tête l’exemple de Michelin, qui, en septembre 1999, a annoncé simultanément une augmentation de 20 % de son bénéfice semestriel et la suppression de 7 500 emplois, soit 10 % de ses effectifs en Europe. Le lendemain, le cours de bourse de l’entreprise avait d’ailleurs bondi de plus de 11 % !

On peut aussi citer l’exemple de LU-Danone, qui, en 2001, a rendu publics des résultats très positifs, suivis, deux mois plus tard, de l’annonce d’un plan de restructuration entraînant la suppression de plus de 800 emplois et la fermeture de deux sites, l’un, à Ris-Orangis, l’autre, dans mon département, à Calais.

Comment ne pas également évoquer le cas, plus récent, des ouvriers de l’usine sidérurgique de Gandrange, abandonnés à leur sort, malgré les promesses du Président de la République, par Arcelor-Mittal, groupe international qui réalise par ailleurs des milliards de profits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

À n’en pas douter, la fermeture de ce site restera comme l’un des symboles de l’échec de ce quinquennat en matière de politique industrielle.

Je pense aussi aux salariés de Molex France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… dont le dernier site a fermé à la fin de l’année 2009, au nom d’une logique financière aveugle, alors qu’il était parfaitement rentable.

Je pense enfin aux salariés de Fralib, société dépendant de la multinationale Unilever, qui se battent pour sauver leurs emplois et éviter la fermeture de leur usine.

Actuellement, je vous le rappelle, une entreprise peut procéder à un licenciement économique pour quatre motifs : des difficultés économiques, des mutations technologiques, la sauvegarde de sa compétitivité ou la cessation de son activité. À plusieurs reprises, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser qu’une entreprise ne peut décider des licenciements dans le seul but d’améliorer ses profits ou d’accroître sa rentabilité.

D'ailleurs, Mme David vient de le rappeler, certains salariés ont réussi à faire condamner leur employeur sur le fondement de cette jurisprudence : ainsi, la cour d’appel de Paris a condamné Danone, le 2 décembre 2010, à indemniser dix-neuf de ses anciens salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Je me réjouis, bien sûr, que ces salariés aient fini par obtenir gain de cause, mais je ne peux que déplorer les quelque dix ans de procédure pour arriver à ce résultat, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… qui n’a évidemment pas permis d’éviter la suppression des emplois ni la fermeture de l’usine.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales pense nécessaire d’aller plus loin et de fixer de nouvelles règles pour mieux encadrer les licenciements économiques.

La mesure que nous proposons est efficace et réaliste : elle consiste à interdire aux entreprises de procéder à des licenciements économiques lorsqu’elles ont versé des dividendes au titre du dernier exercice écoulé.

Cette disposition n’empêcherait pas les entreprises faisant des profits de licencier, dès lors que ces profits sont utilisés pour financer des investissements et non pour rémunérer le capital. En effet, il est parfois nécessaire, pour éviter des suppressions d’emplois ultérieures, de procéder à des restructurations sans attendre que l’entreprise enregistre des pertes.

Avec cette proposition de loi, l’objectif est d’imposer que les détenteurs du capital, et non les salariés, soient les premiers à faire des efforts en cas de besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Tout à fait !

Il s’agit d’une mesure de justice : l’immense majorité des salariés ne disposent que du revenu tiré de leur travail pour vivre, alors que ceux qui investissent dans le capital des entreprises ont généralement bien d’autres sources de revenus.

Pour assurer une meilleure application de cette disposition, un nouveau pouvoir de vérification serait reconnu à l’inspection du travail. Comme ma collègue Annie David vient de l’expliquer, il s’agit non pas de rétablir l’autorisation administrative de licenciement, mais simplement de permettre à l’inspection du travail de constater si une entreprise est ou non en infraction. Le procès-verbal dressé par l’inspecteur du travail pourra servir ensuite d’élément de preuve devant le juge, ce qui aidera le salarié à faire valoir plus facilement ses droits.

Se pose enfin la question de la sanction applicable aux entreprises qui auraient licencié alors qu’elles ont distribué des dividendes : outre l’indemnisation due aux salariés en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’entreprise serait tenue de rembourser les aides publiques qu’elle a perçues. Je précise qu’il faut ici entendre « aides publiques » au sens le plus large : non seulement les subventions, mais aussi les exonérations de cotisations sociales et les allégements fiscaux.

Cette sanction nous paraît de nature à dissuader les employeurs de méconnaître la règle posée par la proposition de loi et à éviter que l’argent public ne serve à enrichir les actionnaires au mépris de la protection de l’emploi et des droits des salariés. D'ailleurs, beaucoup de collectivités territoriales, lorsqu’elles accordent des aides à une entreprise, prévoient, par convention, le remboursement de ces dernières dans le cas où l’entreprise ne respecte pas ses engagements. Nous proposons ici simplement de fixer le principe dans la loi.

Lors de sa réunion du 8 février dernier, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi, tout en y apportant des améliorations de forme. Lors des débats, j’ai pu constater qu’un grand nombre de nos collègues, de toutes tendances, se sentaient concernés par le problème que soulève ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

En effet, beaucoup d’élus, de droite comme de gauche, ont eu à déplorer la fermeture de sites sur leur territoire et ont ressenti un sentiment d’impuissance face à ces décisions, prises souvent par des financiers basés à l’étranger.

Cette proposition de loi donnera de nouveaux moyens d’agir aux salariés et aux pouvoirs publics et mettra un terme à certains excès. Nous devons nous doter de nouveaux outils pour que le politique reprenne le pouvoir sur l’économie et la finance.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Je puis vous assurer que ce texte répond à l’attente de millions de salariés confrontés à ces questions. Il constitue la première pierre d’un édifice plus vaste dont il conviendra certainement à l’avenir de poursuivre concrètement la construction.

En conclusion, mes chers collègues, je vous invite, au nom de la commission, à approuver cette proposition de loi afin que la recherche d’un dividende plus élevé ne l’emporte plus sur la défense de l’emploi et des salariés. §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, si cette proposition de loi avait été défendue sous un angle juridique, ses failles et ses faiblesses auraient immédiatement sauté aux yeux de toutes et tous.

Vous avez donc choisi, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, de vous placer sur un terrain plus politique qu’économique. Permettez-moi donc de rester dans le même registre.

Cette proposition de loi montre au grand jour à quel point la gauche est divisée sur les solutions qu’elle prétend proposer aux Français face à la crise.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On pensait que le parti socialiste et ses amis s’étaient convertis au réalisme économique et à la social-démocratie, laquelle existe tout de même depuis trente ou quarante ans. Mais chacun voit, avec ce texte, que, pour la gauche de M. Mélenchon, il n’en est rien. Si vous vivez, les uns et les autres, sur des planètes différentes, aucun d’entre vous ne s’est converti au réalisme et à l’efficacité économique !

Vous semblez avoir également banni une expression de votre vocabulaire : celle de « crise économique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La rémunération des patrons du CAC 40 a augmenté de 34 % pendant la crise !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il ne s’agit pourtant pas d’un gros mot !

Tout cela montre bien que vous ne voulez pas voir dans quelle société nous vivons. Le monde change, l’Europe aussi, et la crise économique nous oblige au changement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La rémunération des patrons du CAC 40, elle, ne change pas !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et, pour votre part, vous pensez que vous allez protéger les emplois avec une pseudo-ligne Maginot !

Allons ! Par les temps qui courent, même M. Montebourg se fait discret ! Je l’affirme, un tel décalage n’a pas d’équivalent.

Je souhaite revenir sur une forme d’hypocrisie et, par là même, sur une ligne de fracture qui traverse en ce moment la gauche française.

Alors que le candidat du parti socialiste, dans une grande envolée lyrique et avec des trémolos dans la voix, se présente au Bourget comme « l’ennemi de la finance », il s’adresse quelques jours plus tard – en anglais – aux financiers de la City, à Londres, pour affirmer qu’« aujourd’hui, il n’y a pas de communistes en France ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Il y en a au moins deux assis au banc des commissions !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il déclare encore : « La gauche a gouverné pendant quinze ans, pendant lesquels elle a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a pas de crainte à avoir. » Quelle indécence !

Je ne suis pas habitué à citer MM. Mélenchon et Laurent, mais j’ai apprécié qu’ils rappellent que les communistes parlent aussi l’anglais.

Tout cela montre bien que M. Hollande est le champion de France du double langage et du double discours ! §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je comprends le trouble des sénateurs communistes :…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. … de tels propos mènent à mal le combat dans lequel ils sont engagés depuis des années !

Vives exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Répondez plutôt aux questions qui vous sont posées !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, ce double langage montre bien que vous ne parlez pas d’une seule et même voix.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Telle est d'ailleurs la marque de fabrique du candidat socialiste : dire à son interlocuteur du moment ce que celui-ci a envie d’entendre ! La belle affaire s’il affirme le contraire à une personne rencontrée le lendemain ! Sauf que ce n’est certainement pas en se comportant de la sorte que l’on peut prétendre à gouverner un pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Vous pouvez parler ! Il n’y a plus de moteur à la tête de la France !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est certainement pas en usant du double langage que l’on peut rassurer qui que ce soit.

M. Michel Le Scouarnec s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et si l’on joue la carte de la franchise, expliquez-moi comment certains de ceux qui soutiennent M. Hollande peuvent défendre ce texte et comment ceux qui défendent ce texte peuvent soutenir M. Hollande ! §

D'ailleurs, M. Dartigolles, porte-parole du parti communiste, pourra encore dénoncer « les génuflexions de M. Hollande devant la City », qui « font du mal à la gauche » !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Décidément, toute la direction nationale du parti communiste y passe !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Devant de telles divergences de fond, on peut se demander si M. Hollande pourrait parvenir à rassembler une majorité au Sénat

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si encore vous avanciez dans ce texte des solutions crédibles… Mais force est de constater que vous avez retrouvé vos vieux réflexes : vous prenez le parti de l’idéologie, au mépris de l’intérêt des salariés eux-mêmes ! §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je rappellerai une évidence : personne n’aime les licenciements, et le ministre du travail moins que quiconque, surtout lorsque ces licenciements sont motivés par des considérations économiques.

Ce ne sont pas les hommes et les femmes politiques qui créent les emplois ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

On le vérifie avec le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un million d’emplois détruits en cinq ans !

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Le salarié parti, c’est une ressource essentielle de l’entreprise qui s’en va, et c’est plus de chômage et de précarité pour les familles.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout vaut mieux que licencier. C'est la raison pour laquelle, sous l’impulsion du Président de la République, nous facilitons le recours à l’activité partielle, laquelle permet de garder et de former un salarié plutôt que d’avoir à le licencier. Telle est la réalité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Ronan Kerdraon s’exclament.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

L’activité partielle a ainsi permis que, au cœur de la crise, 200 000 salariés soient chaque mois protégés face au chômage, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Pôle emploi enregistre chaque jour 1 000 nouvelles inscriptions !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… chiffres qui nous laissent penser qu’il faut aller encore plus loin.

C’est pourquoi nous avons débloqué 100 millions d’euros supplémentaires, ce qui a également permis à l’UNEDIC – avec le soutien des partenaires sociaux, auxquels je rends hommage – de mobiliser une nouvelle enveloppe de 80 millions d’euros.

Reconnaissez-le, l’activité partielle est dans l’intérêt de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Elle est surtout dans l’intérêt de l’entreprise !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Elle est dans l’intérêt du salarié comme dans celui de l’entreprise, car il est préférable pour cette dernière de former et de garder ses salariés plutôt que de devoir les licencier. C’est pourquoi nous avons renforcé notre mobilisation, en accord et en lien étroit avec les partenaires sociaux, au bénéfice des entreprises et de leurs salariés.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, vous prétendez que les actionnaires s’enrichissent quand leur entreprise licencie. C’est bien mal connaître les chefs d’entreprise ! En connaissez-vous un seul qui se réjouisse que son entreprise rencontre des difficultés et doive élaborer un plan de licenciement ? Les licenciements leur coûtent cher !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les salaires des patrons des entreprises du CAC 40 ont augmenté de 34 % ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat brandit l’édition du jour du journal L’Humanité.)

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

N’est-ce pas faire insulte aux chômeurs quand on les soupçonne de tricherie ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous avez cité l’exemple de Michelin. Après l’annonce d’un plan social faite le 8 septembre 1999– on a le droit d’avoir des archives ou de la mémoire ! –, le cours de bourse de la société avait effectivement augmenté, certainement d'ailleurs parce que les résultats passés avaient été communiqués en même temps. Mais vous avez oublié de le rappeler, peut-être parce que votre temps de parole était limité…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Toutefois, cette hausse a été effacée en une semaine

Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Autre exemple – différent à plus d’un titre –, celui de LU-Danone.

Le 29 mars 2001, le nombre d’emplois concernés par la restructuration du secteur biscuit était inférieur aux chiffres qui circulaient ; cela n’a pas empêché le titre de baisser encore davantage. L’actionnaire de Danone ne s’est pas enrichi au début de 2001, bien au contraire !

Mais quel symbole du renoncement ! La gauche peut parler d’emploi avec des trémolos dans la voix ! Cela a marché peut-être un temps, mais plus maintenant !

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Rappelez-vous LU-Danone, et ce candidat tragique qui allait voir les salariés pour leur dire : « L’État ne peut rien faire ! »

Voilà votre posture face aux difficultés de l’emploi : LU-Danone est le symbole du reniement et du renoncement de la gauche !

La réalité, c’est que les licenciements dits « boursiers » ne sont dans l’intérêt de personne : si le salarié perd son emploi, l’actionnaire perd aussi son argent et l’entrepreneur perd ce qui fait la force de son entreprise.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Enfin, quelle solution proposez-vous aux entreprises en difficulté et à leurs salariés ? Aucune ! Et ce n’est certainement pas cette proposition de loi qui changera la donne !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous avons d’autres propositions de loi, mais nous ne disposons pas de suffisamment de temps pour en débattre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si ce texte était adopté, un chef d’entreprise ne pourrait plus faire face aux difficultés du moment ni anticiper les difficultés économiques à venir.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. C’est là une atteinte à la liberté d’entreprendre ! Cela ne vous gêne peut-être pas, mais c’est totalement contre-productif !

Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En somme, quand une entreprise licencie, vous proposez, au lieu de l’aider à surmonter ses difficultés, de l’y enfoncer encore plus. Vous devenez ainsi les destructeurs des emplois qui auraient pu subsister : voilà votre ligne de conduite ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Entendez-vous seulement ce que vous dites ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Au nom de l’idéologie, en prétendant protéger les salariés contre le travail du dimanche, vous avez amputé de 250 euros le salaire des salariés concernés par le dispositif que nous avions mis en place. Voilà la réalité !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Abandonnez cette vision passéiste et idéologique de l’économie : pour lutter contre le chômage, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… il ne faut pas construire une illusoire ligne Maginot, il faut encourager la croissance et la création d’emplois. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

Avec le Président de la République – je vais en dire un mot, puisque vous en avez parlé, madame David –, je me réjouis que l’emploi soit notre priorité…

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mille inscriptions par jour à Pôle Emploi !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… et que l’on continue à faire davantage encore, notamment pour former les chômeurs, leur verser une indemnisation assortie de droits et de devoirs, qui constituent le fer de lance d’une société équilibrée !

La valeur travail est une valeur fondatrice pour notre pays

Voilà ! sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous n’avons pas les mêmes priorités que M. Hollande, parce que nous avons les mêmes priorités que les Français ! Voilà la différence !

Applaudissementssur les travées de l’UMP. –Ah ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Il faut tout faire pour renforcer notre compétitivité, car elle seule nous permet de créer de l’emploi : c’est la logique que nous suivons avec la réforme du financement de la protection sociale et avec les accords « compétitivité-emploi ».

Il faut tout faire pour prévenir les difficultés des entreprises : c’est ce que nous faisons avec OSEO, avec le dispositif de médiation du crédit…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… et avec les aides aux filières industrielles. C’est nous qui avons engagé cette politique, et vous le savez !

Il faut enfin intervenir concrètement, et non idéologiquement, pour aider les entreprises et les salariés quand la situation devient difficile : Lejaby et Photowatt sont des exemples qui prouvent que nous ne baissons pas les bras !

Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Pour Photowatt, vous avez mis deux ans à réagir ! La filière a perdu 15 000 emplois !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Encore une fois, la droite et le centre sont aux côtés des salariés, et la gauche se trompe de combat

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

En résumé, cette proposition de loi est tout simplement caricaturale, inutile et dangereuse ; le Gouvernement ne peut donc la soutenir. Notre position à nous, c’est le soutien aux salariés : sacrée différence avec vous !

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Les salariés ne la voient pas comme vous, cette différence !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je ne sais pas si la déclaration de candidature de M. Sarkozy a mobilisé les Français, mais elle vous a donné du tonus, monsieur le ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe écologiste du Sénat remercie Mme Annie David et les sénatrices et sénateurs du groupe CRC d’avoir déposé cette proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers.

On appelle « licenciements boursiers » des plans de licenciements ayant pour seul but d’accroître la rémunération des actionnaires : l’entreprise fait des bénéfices, verse des dividendes, mais, pour réaliser encore plus de profits, met ses salariés à la porte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Ces licenciements, déguisés en licenciements économiques, obéissent à la même logique que les marchés financiers : la rentabilité à court terme, la rémunération maximale des actionnaires au détriment de celle des salariés ; il s’agit de sacrifier l’intérêt général à quelques intérêts particuliers.

M. Ronan Kerdraon acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous l’avez dit, monsieur le ministre, une différence idéologique sépare effectivement la droite de la gauche. Pour vous, plus l’actionnaire fait de bénéfices, mieux l’économie se porte ! Mais nous savons tous très bien que ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Bien au contraire, c’est lorsque les salariés ont un emploi et de meilleurs salaires que l’économie fonctionne.

M. Ronan Kerdraon acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quelle est clairement la logique des fonds d’investissement ? Ils récupèrent une entreprise, la découpent, revendent ses parts comme des marchandises, licencient les salariés des secteurs les moins performants, le tout pour faire plus de profits ! Telle est également la logique de ces patrons qui licencient pour faire grimper leurs stock options. Dites-moi en quoi ce comportement profite à l’économie, monsieur le ministre ?

Nous avons découvert la violence de cette logique financière avec la crise financière mondialisée. Les agences de notation, meilleures représentantes des marchés financiers, imposent une vision à court terme de l’économie qui creuse les inégalités et détruit l’emploi pour conserver et augmenter le profit de quelques-uns. L’exemple de Michelin, en 1999, est un classique du genre. Alors que les bénéfices augmentaient de 20 %, que les dividendes versés aux actionnaires progressaient également, 7 500 postes étaient délocalisés au Brésil et au Mexique, là où les conditions salariales sont bien moins protectrices, moins justes. Le lendemain de l’annonce de ces licenciements, l’action ne s’en portait que mieux…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et la semaine suivante ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Est-ce la société que nous voulons, monsieur le ministre ? Souhaitons-nous soigner les cours de la bourse et les actionnaires, ou rémunérer ceux qui travaillent et ceux qui veulent travailler ?

Le cas de Michelin n’est malheureusement pas une exception ; des cas analogues de « licenciements boursiers » se sont produits chez Total, Danone, Caterpillar, ou encore Continental, délocalisé en Roumanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les exemples ne manquent pas, mes chers collègues, et vous allez la compléter !

Plus récemment, Petroplus, en Seine-Maritime, laisse penser à une faillite frauduleuse, tout comme Lejaby, d’Yssingeaux, qui a délocalisé une part de sa production en Tunisie.

Pour réaliser plus de profits, les entreprises délocalisent vers les pays à très bas salaires qui n’offrent aucune protection juridique ni sociale aux travailleurs. Il est temps de donner un coup d’arrêt à cette logique destructrice : les salariés ne doivent pas être des variables d’ajustement.

L’article 1er de cette proposition loi vise à exclure du champ légal des licenciements économiques les licenciements réalisés par les entreprises versant des dividendes à leurs actionnaires. Si l’entreprise peut se permettre de rémunérer ses actionnaires, c’est qu’elle ne rencontre aucune difficulté économique : rien ne justifie donc d’appliquer à ces licenciements le cadre légal du licenciement économique.

L’article 1er tend également à confier à l’inspection du travail la vérification du caractère boursier des licenciements. L’objectif est d’éviter de trop longues batailles judiciaires entre salariés floués et entreprises. En effet, si les entreprises ont le temps d’attendre, les salariés sans emplois et rapidement sans ressources ne l’ont pas. Par exemple, dans le cas de l’usine Molex, à Villemur-sur-Tarn, la décision de justice reconnaissant le caractère abusif du plan de licenciement est arrivée trop tard : le temps que la justice fasse son travail, le repreneur américain avait déjà traversé l’Atlantique avec machines et brevets.

Cet article 1er permet donc à la justice de se prononcer plus rapidement sur la nullité d’un plan de licenciement. Cette proposition de loi a le mérite de s’inscrire dans la même temporalité que les salariés, car nous parlons à la France et aux salariés, monsieur le ministre !

L’article 2, quant à lui, prévoit l’obligation, pour les entreprises opérant des licenciements boursiers, de rembourser les aides publiques reçues, et c’est bien le moins ! Cet article permet d’éviter que les entreprises ne profitent de l’effet d’aubaine lié à telle ou telle subvention ou aide d’État sans en assurer la contrepartie, c’est-à-dire un emploi durable et de qualité. Les délocalisations viennent chaque jour nous rappeler que certaines grandes entreprises manquent de reconnaissance envers l’effort public. Cet article, s’il est adopté, aidera ces grands groupes à se responsabiliser.

En conclusion, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste s’associent à cette proposition de loi visant à interdire les licenciements boursiers et la voteront naturellement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous étudions ce matin s’inscrit dans un contexte où bon nombre de nos concitoyens affrontent de graves difficultés, soit parce qu’ils sont touchés par le chômage, soit parce que leur activité professionnelle a été réduite, soit parce que, tout simplement, les fins de mois sont difficiles.

Bien sûr, la question de l’emploi se trouve au cœur de notre société. D’ailleurs, comment ne le serait-elle pas quand notre pays compte près de 3 millions de demandeurs d’emploi

Mme Maryvonne Blondin acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Pourtant, mes chers collègues, souvenez-vous des propos quelque peu présomptueux tenus en 2007 par le candidat Nicolas Sarkozy : « En cinq ans, nous pouvons atteindre le plein-emploi, c’est-à-dire un chômage inférieur à 5 % et un emploi stable à temps complet pour tous. » Cinq ans après, nous en sommes malheureusement très loin, c’est peu de le dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le ministre, ces millions de femmes et d’hommes privés d’emploi sont le résultat d’une politique désastreuse fondée sur la déréglementation, votre politique ! Ils sont la dramatique illustration du fait que jamais, durant ce quinquennat, vous n’avez, contrairement à vos multiples déclarations et engagements, fait de l’emploi une réelle priorité.

Après avoir incité les entreprises, pendant trois ans, à recourir aux heures supplémentaires défiscalisées, une mesure antinomique avec l’emploi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… voilà qu’il est proposé de développer le chômage partiel.

Après avoir supprimé 1 800 postes à Pôle Emploi, voilà que, comme par magie ou par miracle, je ne sais, on nous annonce la création de 1 000 postes dans le service public de l’emploi.

Après que le budget de l’emploi a été réduit de 6, 6 milliards d’euros en une décennie, voilà que 400 millions d’euros sont redéployés...

Où est la cohérence ? Nous la cherchons vainement. Où est la justice ? Aux abonnés absents. Cette action est-elle à la mesure des défis de l’emploi et de la précarité ? Certainement pas. La récitation du catéchisme présidentiel ne suffit plus ! §

Comment ne pas songer aux quelque 11, 5 milliards d’euros – excusez du peu ! – d’allégements de droits de succession sur l’ensemble du quinquennat, soit un manque à gagner de 2, 3 milliards d’euros par an, ou encore aux 2 milliards d’euros que coûte la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune chaque année ?

En matière d’emploi comme en matière fiscale, votre politique ne vise qu’un seul véritable objectif : servir la rente et le capital, enrichir les plus riches au détriment de ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller au travail ou en chercher. Alors, que penser de votre slogan sur la revalorisation du travail ? Les Français l’ont appris à leurs dépens : il s’agit d’une duperie, d’une supercherie, d’une mystification... je vous laisse le choix des termes !

Revenons à cette proposition de loi : elle reprend l’esprit de la proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l’emploi, des salaires et du pouvoir d’achat que le groupe communiste de l’Assemblée nationale avait déposée en avril 2009. Ces deux textes posent en effet une question simple, celle de la nature du licenciement. Visent-ils à interdire tout licenciement ? Bien évidemment, non !

En effet, chacun d’entre nous peut convenir qu’il puisse être nécessaire de réduire la masse salariale pour faire face à une baisse structurelle de la demande ou pour s’adapter à une demande fluctuante.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui vise, quant à lui, les licenciements boursiers. Je le conçois, ce concept n’est pas facile à définir. Il renvoie aux débats sur L’Horreur économique de Viviane Forrester, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… à la « dictature des marchés », mais aussi à notre quotidien.

Pour ma part, je retiendrai la définition des économistes Cappelle-Blanchard et Couderc, à savoir « la réduction d’effectif salarié subordonnée à une logique boursière ou financière indépendante de toute nécessité économique ou industrielle. Dans cette optique, les licenciements massifs sont annoncés dans le seul but de satisfaire les actionnaires, de doper la capitalisation boursière de l’entreprise à court terme, sans se préoccuper des fondamentaux économiques, voire au détriment de ces derniers ».

C’est l’esprit de cette définition que nous retrouvons à l’alinéa premier de l’article 1er de ce texte. Sa rédaction nous invite à exclure du champ de définition des licenciements économiques ceux qui sont effectués par des sociétés ayant distribué des dividendes aux actionnaires dans l’exercice comptable précédent.

À ce titre, l’exposé des motifs de la proposition de loi donne un certain nombre d’exemples de politiques managériales et économiques totalement immorales, abusives et indécentes.

Chacun a en mémoire les salariés de Danone, de Molex, de Michelin, d’Alstom et de tant d’autres sociétés. Tous, ici, nous avons été choqués par ces drames. Je pense notamment à ArcelorMittal, à ces salariés du site de Gandrange auxquels le Président de la République avait promis un soutien sans faille et qui a fermé définitivement le 31 mars 2009.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et le reclassement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Pourtant, ce groupe réalisera en 2011 un bénéfice net de 2, 3 milliards de dollars. C’est – veuillez excuser le mauvais jeu de mot – un scandale total !

Je pense également aux salariés d’Honeywell, à Condé-sur-Noireau, commune administrée par un maire UMP, dont l’usine a été fermée en dépit d’un bénéfice atteignant 900 millions de dollars à la fin de l’année 2011. L’entreprise, pour sa part, a été délocalisée en Hongrie !

Ainsi se pose la question des exigences des actionnaires. Comment exiger d’encaisser une plus-value à deux chiffres alors que la croissance actuelle peine à atteindre 1 % ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Derrière ces exigences folles se bâtissent des fortunes pour les actionnaires et se nouent des drames pour des milliers de salariés. Quelle est cette logique financière qui considère les salariés comme de simples variables d’ajustement, des salariés jetables, des salariés kleenex ? Et que dire du partage de la valeur ajoutée ?

Dès 2006, la Banque des règlements internationaux affirmait : « La part des profits est inhabituellement élevée à présent et la part des salaires inhabituellement basse ». Plus récemment, la Commission européenne estimait que, depuis quinze ans, la part dévolue au salaire avait chuté de 8, 6 % en Europe et de 9, 3 % en France.

Face à cette logique injuste et à terme mortifère, le texte prévoit, à l’alinéa 2 du même article 1er, que le salarié auquel un licenciement pour motif économique a été notifié puisse saisir l’inspection du travail, charge à elle de vérifier si le licenciement peut être prononcé.

Cette démarche administrative ne constitue en rien une réintroduction de l’autorisation administrative de licenciement supprimée en 1986. En la matière, il y a saisine optionnelle du salarié et non pas automaticité. Si tel était le cas, les quelque 2 200 inspecteurs et contrôleurs du travail ne pourraient y faire face.

Enfin, l’article 2 insère un nouvel article au code du travail. Ce dernier prévoit un engagement a priori de l’entreprise qui reçoit une aide publique à ne pas effectuer de licenciement boursier. À défaut, elle serait contrainte de rembourser les subventions publiques perçues.

Cette proposition, nous l’avons souvent faite, et vous l’avez régulièrement rejetée. Combien de collectivités ont-elles été bafouées ? Néanmoins, compte tenu des modifications susceptibles d’affecter l’entreprise, il serait sage de préciser réglementairement une modulation de cet engagement en fonction du niveau de l’aide.

« La question de la justice est cardinale dans les décisions de politique économique », déclarait Nicolas Sarkozy le 4 décembre 2008 à Douai. Certes, il a raison, mais son bilan prouve qu’il n’a jamais mis son assertion en pratique.

Pour notre part, nous ne nous berçons pas de belles paroles ou de vaines promesses. Cette proposition de loi est un passage à l’acte. Elle rend justice aux salariés et aux collectivités qui, n’en déplaise au Gouvernement, soutiennent l’emploi et représentent près de 70 % de l’investissement public.

Au final – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre –, deux conceptions de l’action politique se confrontent : d’un côté, celle d’une majorité sénatoriale qui veut remettre l’égalité au cœur de la société, de l’autre, celle d’une majorité présidentielle – plus pour longtemps, espérons-le – qui veut faire de l’ultra-liberté le vecteur économique essentiel permettant à chacun de s’enrichir – sachant toutefois qu’il est plus facile de devenir plus riche quand on est riche que quand on est pauvre !

Aussi comprendra-t-on que le groupe socialiste soutienne cette proposition de loi en se fondant sur des thèmes qui lui tiennent à cœur : le partage, la solidarité et la redistribution. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces dernières années, de nombreux cas de licenciements économiques incompréhensibles et manifestement injustes ont fortement marqué les esprits. M. le rapporteur et les collègues qui m’ont précédé à la tribune ont très bien rappelé ces situations dramatiques, qui ne peuvent laisser personne indifférent.

Comment expliquer à un salarié la perte de son travail alors que son entreprise continue de faire des bénéfices et de rémunérer ses actionnaires ? C’est impossible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Récemment, plusieurs décisions de justice ont d’ailleurs conforté les droits des salariés en invalidant des licenciements économiques dont le « motif économique » n’était pas avéré.

Il convient donc de condamner les abus de certaines entreprises qui n’hésitent pas à recourir à des plans sociaux, malgré leur coût financier et social, pour augmenter leur rentabilité.

Qu’une entreprise qui licencie sans motif économique avéré puisse être condamnée à rembourser les aides publiques qu’elle a perçues, qu’il s’agisse de subventions ou d’allégements fiscaux, nous semble tout à fait justifié même si, à notre avis, l’application pratique de cette mesure risque d’être quelque peu complexe.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je comprends très bien la logique qui guide les auteurs de cette proposition de loi ainsi que notre rapporteur. C’est une logique de justice, et même de justice sociale, à laquelle les membres de mon groupe sont très attachés, tout comme à la protection des salariés.

Cependant, nous émettons quelques réserves quant à l’efficacité d’une telle proposition de loi. Nous nous inquiétons notamment du fait qu’elle risque d’être contournée. Si ce texte doit finalement se résumer à un simple signal, ce n’est pas du bel ouvrage parlementaire : dans ce cas, mieux vaut utiliser la possibilité de voter des propositions de résolution.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En l’espèce, la proposition de loi prévoit qu’un licenciement économique ne peut avoir lieu que si l’entreprise n’a pas versé de dividendes au titre de son dernier exercice comptable. Cependant, les multinationales, les grands groupes cotés ne pourront-ils pas s’arranger pour contourner cette mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Ne faut-il pas s’inquiéter de la possibilité pour certaines entreprises d’afficher des résultats comptables négatifs pour justifier des licenciements alors que leurs finances sont saines ?

Il est très probable, pour ne pas dire certain, que de nombreuses entreprises réussiront à contourner la loi. À la suite des arrêts rendus récemment condamnant les licenciements boursiers, certaines d’entre elles ont déjà anticipé le contournement de telles condamnations en remplaçant le recours au licenciement économique par des ruptures conventionnelles et des procédures individuelles de plus en plus nombreuses. Dans ce cas, l’adoption de ce texte aurait un effet pervers évident…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… puisqu’il en résulterait l’effet inverse de celui qui est recherché.

En outre, on peut s’interroger sur une opposition systématique entre salariés et actionnaires. Comment établir le lien entre des licenciements et le cours d’une action ? Les chefs d’entreprise sont-ils vraiment tous si peu scrupuleux qu’ils licencient uniquement pour mieux rémunérer leurs actionnaires ? Affirmer que « la rémunération du capital est toujours privilégiée sur la défense de l’emploi », comme cela figure dans l’introduction du rapport, me semble quelque peu exagéré. Certes, il y a eu des abus, que la justice a d’ailleurs condamnés, et je m’en réjouis.

Le cadre légal actuel n’est-il pas suffisant ? Comme le souligne très bien le rapport, la Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que, s’il ne lui appartient pas d’apprécier le choix opéré par l’employeur entre différentes solutions de réorganisation, l’employeur doit néanmoins clairement établir que la compétitivité de l’entreprise est menacée. « Il ne peut décider des licenciements dans le seul but d’améliorer la rentabilité de l’entreprise ou d’accroître ses profits ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

C’est ainsi que le groupe Danone a été condamné par la cour d’appel de Paris, le 2 décembre 2010, pour la suppression en 2001de postes de l’entreprise LU-France, qui réalisait alors 132 millions d’euros de profits, un exemple caractéristique de ce que les auteurs du texte appellent « licenciement boursier », qui avait scandalisé l’opinion publique. Au regard de ces jugements, il nous semble que l’état du droit actuel est donc bien protecteur des salariés.

Je comprends la préoccupation des auteurs de la proposition de loi quant au caractère long et parfois dissuasif des procédures judiciaires. Cependant, est-il vraiment possible de légiférer sur cette question ? Que signifie réellement le « licenciement boursier » ? Définir ce terme est un exercice bien difficile, comme l’ont constaté les auteurs du texte et M. le rapporteur. C’est d’ailleurs pourquoi il n’est pas repris dans le dispositif de la proposition de loi.

En outre, on peut s’interroger sur l’impact réel de la mesure. Combien d’emplois sont véritablement concernés par les « licenciements boursiers » ? Il nous semble que l’évaluation est très difficile. Les 500 000 emplois perdus en cinq ans dans le secteur industriel que mentionne M. le rapporteur ne sont certainement pas tous liés à des licenciements boursiers.

Si la croissance dramatique du chômage doit être au centre de notre attention, je ne suis pas certain que l’interdiction des licenciements boursiers soit une mesure efficace et adaptée pour stopper l’hémorragie des pertes d’emplois qui frappe durement notre pays.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, si tous les membres du RDSE condamnent fermement les licenciements abusifs pratiqués par les entreprises, ils sont très réservés sur l’efficacité et la portée de cette proposition de loi ; c’est pourquoi la grande majorité de notre groupe s’abstiendra. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui vise à interdire les licenciements dits « bousiers » et prévoit le remboursement des aides publiques par les entreprises qui auront procédé à de tels licenciements.

Votre texte, madame la présidente de la commission des affaires sociales, pourrait sembler, au premier examen, nourri de bonnes intentions. Pourtant, il présente un véritable risque d’inconstitutionnalité, il fait peser sur les chefs d’entreprise des contraintes excessives et il nie la réalité du droit positif qui protège déjà les salariés contre les licenciements abusifs.

Le principe de liberté d’entreprendre est un principe de valeur constitutionnelle, ce que ne manque jamais de rappeler le Conseil constitutionnel.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Lorsque le législateur a souhaité proposer une nouvelle définition du licenciement pour motif économique, les dispositions adoptées ont été systématiquement invalidées au motif de l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre. Ne doutons pas un instant qu’il en sera de même pour cette proposition de loi dont la rigidité et la contrainte ne vous ont certainement pas échappé, mes chers collègues.

Le texte que nous examinons aujourd’hui nous semble par ailleurs porter atteinte de manière tout à fait excessive au pouvoir de gestion des dirigeants d’entreprise.

Bien entendu, nous condamnons les conséquences parfois dramatiques d’une gestion qui n’aurait d’autre objet que la rentabilité immédiate et la satisfaction d’intérêts purement financiers. Mais, encore une fois, gardons-nous de considérer que derrière chaque décision de licencier se cachent des intentions malignes de la part des dirigeants d’entreprise.

M. René-Paul Savary applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

L’économie, mes chers collègues, ne se vit pas en vase clos. La vie d’une entreprise, comme celle de l’économie en général, comporte des cycles de prospérité ou de ralentissement, et des périodes difficiles où des choix stratégiques doivent être effectués dans le seul intérêt de l’entreprise et de sa survie.

Veillons donc à laisser les entreprises bénéficier d’une certaine liberté d’action qui leur permette de s’adapter à l’évolution de leurs marchés, à l’évolution concurrentielle et à l’évolution des processus de production.

Faisons confiance à ceux qui assument la lourde charge de présider aux destinées de leur entreprise et qui sont, dans leur très grande majorité, des personnes responsables dans leurs décisions.

Je voudrais également rappeler que le droit français est particulièrement protecteur des salariés. L’article L. 1233-3 du code du travail définit avec précision le motif économique du licenciement et, en cas de litige, le juge apprécie la cause réelle et sérieuse du licenciement pour le qualifier de licenciement économique.

Plusieurs décisions de justice sont venues récemment renforcer cette protection, en durcissant les conditions du licenciement économique. Parmi ces décisions, on peut noter le jugement du tribunal de grande instance de Troyes qui, en février 2011, a ni plus ni moins annulé le plan social élaboré par une entreprise, arguant l’absence de motif économique. La réalité du motif économique est donc étudiée dès le plan social, avant même le licenciement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

En revanche, il ne peut être reproché à un employeur d’anticiper des difficultés économiques prévisibles et de vouloir adapter ses structures à l’évolution de son marché pour rendre sa situation financière saine. Il lui incombera néanmoins d’apporter la preuve du risque qui pèse sur son activité.

Dans ce cadre, il semble particulièrement dangereux d’interdire à une entreprise qui a distribué des dividendes au titre de son dernier exercice de procéder à des licenciements économiques. Cela revient à nier la réalité de la soudaineté des crises ou des retournements de marché qui peuvent frapper une entreprise, exigeant de sa part des adaptations rapides.

Enfin, cessons de stigmatiser, voire de caricaturer, les relations entre les salariés et les dirigeants. §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Utilisons et développons les outils qui favorisent la cohésion dans l’entreprise et qui permettent le partage des responsabilités et des bénéfices tels que la participation, l’intéressement, les plans d’épargne salariale et l’actionnariat salarié.

La compétitivité de nos entreprises est essentielle pour assurer des emplois productifs dans une économie de marché mondiale, concurrentielle et dynamique.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, vous comprendrez aisément que le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la meilleure pédagogie passe sans doute par l’exemple. Dans le cadre de cette discussion, je ne peux donc que faire état d’une situation rencontrée dans mon département, qui montre à quel point la financiarisation est porteuse de dommages pour l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Cela fait plusieurs décennies que le département de Seine-Maritime accueille, sur le territoire de la commune de Petit-Couronne, une raffinerie qui traite une bonne partie du pétrole brut arrivé sur notre territoire par le terminal pétrolier du port du Havre. La transformation du pétrole brut s’avère décisive et essentielle pour une grande part de l’économie seinomarine, notamment dans le domaine de la chimie, mais aussi de ses multiples dérivés.

Dans son intervention, à laquelle je souscris pleinement, M. Desessard a mentionné cette entreprise, Petroplus, et indiqué qu’à son sens la situation actuelle recelait sûrement quelque chose de frauduleux. Je le remercie d’en avoir parlé.

N’oublions pas que, sans les produits raffinés de base que fournissent des unités comme celle de Petit-Couronne, nous n’aurions pas, dans l’ensemble de la vallée de la Seine, entre Haute-Normandie, Eure-et-Loir et même Loir-et-Cher ou Loiret, ce que d’aucuns appellent le « pôle de compétitivité » que représente la Cosmetic Valley, ensemble constitué d’usines de productions de parfums, d’emballages, de produits de beauté, entre autres.

Cet établissement industriel, propriété initiale de la Société maritime des pétroles, nous ramène, je dois le dire, à une partie de l’histoire industrielle de notre pays. Derrière la Société maritime se trouve en effet la Société des pétroles Jupiter, créée, en un temps ancien, par la famille Deutsch de la Meurthe, dont on connaît le rôle déterminant dans le développement de l’automobile et de l’aviation dans notre pays. Cette société, associée au groupe Royal Dutch, a passé un accord avec Shell pour créer la Shell France, premier exploitant du site de Petit-Couronne.

Le site de Petit-Couronne était donc la porte d’entrée principale sur le marché français du groupe anglo-hollandais, tirant de l’activité concernée des bénéfices importants, année après année.

Seulement, les exigences de rentabilité sont telles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… y compris en matière de pétrole, produit où les bénéfices sont pourtant aisés à réaliser, dans un contexte de pénurie organisée et de poussée continue de la demande – il faudrait peut-être songer à faire quelque chose, monsieur le ministre, car tous les Français se plaignent de l’augmentation du prix de l’essence –, que Shell, comme d’autres grands groupes pétroliers, a décidé de changer son mode de fonctionnement.

L’essentiel des profits pétroliers étant réalisés sur l’exploitation – en général dans des pays où la législation sociale et les contraintes salariales sont limitées –, les Exxon Mobil, Royal Dutch Shell, BP et autres Total ont décidé de changer leur fusil d’épaule et d’abandonner peu à peu leurs activités de raffinage en France et, de manière générale, en Europe, d’autant que les États producteurs avaient tendance à associer les nouveaux permis de prospection et d’exploitation à des demandes renforcées de raffinage sur place. Shell ne fit évidemment pas exception à la règle, car l’existence d’un accord commercial privilégié entre l’Europe et les Antilles néerlandaises, où le groupe jouit du monopole du raffinage, lui permettait en outre d’inonder le marché européen de produits offrant une plus grande rentabilité.

Sachant, de plus, que le marché chinois, en pleine émergence, semble plus juteux, le groupe Shell ne rencontre aucune difficulté, pour se refaire une bonne santé financière, à vendre le site de Petit-Couronne en 2008, tout comme il vend, d’ailleurs, sa raffinerie de Berre.

Il vend le site de Petit-Couronne à Petroplus, groupe raffineur domicilié dans l’accueillant canton suisse de Zoug, un endroit que nous appelons, avec d’autres, un paradis fiscal, béni des dieux de la finance, où le taux d’impôt sur les sociétés maximal est de 7 %. Il est largement financé par le fonds américain Blackstone Capital Partners, dont le siège se situe dans l’État américain du Delaware.

Il vend également celui de Berre à LyondellBasell. Ma collègue Isabelle Pasquet pourrait d’ailleurs parler longtemps des agissements de ce groupe pétrochimique américain, qui s’est placé pendant plus de quinze mois sous la protection de la loi américaine sur les faillites.

Ce qui est en jeu dans l’affaire du site de Petit-Couronne, monsieur le ministre, mes chers collègues, est particulièrement net.

Premièrement, un groupe pétrolier, largement bénéficiaire, a procédé à la cession d’unités de production essentielles pour notre économie nationale – le raffinage pétrolier induit, vous le savez, cinq emplois pour un poste sur site en moyenne – et, plus spécialement, l’économie régionale de la Haute-Normandie et de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Deuxièmement, les opérateurs choisis, malgré toutes les « garanties » dont ils avaient entouré leur activité – implantation dans des paradis fiscaux, séparation juridique des activités permettant de jouer sur les flux de TVA et les prix de transferts entre entités du groupe –, n’ont pas résisté à la pression spéculative sur les prix du brut ni à la volonté de leurs actionnaires comme de leurs prêteurs en dernier ressort, des fonds de pension notamment, et se sont ainsi trouvés en situation de difficulté financière majeure.

Aujourd’hui, des centaines d’emplois directs – 550 à Petit-Couronne, sans compter les sous-traitants, au nombre de 1 500 environ –…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… sont directement menacés par les pressions boursières qui s’exercent sur Petroplus, matérialisées par l’effondrement de l’action, qui a perdu 83 % de sa valeur, et par la dégradation de sa note par les agences de notation. Cerise sur le gâteau, en effet, Standard & Poor’s, en fin d’année 2011, a dégradé la note de Petroplus de B à CCC+, montrant, une fois encore, que la finance peut être sans pitié.

À ce propos, monsieur le ministre, vous avez tout à l'heure évoqué la situation de la gauche. Au lieu de vous occuper d’elle, je serais tenté de vous dire…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… que la pluralité de la gauche est notre affaire, et non la vôtre !

Je vous rappelle que, durant ce quinquennat, et même pendant la crise, les patrons ont vu leur rémunération augmenter de 34 %, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… jusqu’à 240 SMIC annuels. Cela, vous omettez de le dire !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et que proposez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je propose de prendre un peu aux patrons pour augmenter les salaires.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Est-ce dans le programme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Entre 2010 et 2011, le CAC 40 a augmenté de plus de 13 % et Total a enregistré un bénéfice de 12 milliards d’euros en 2011. Il y a de l’argent ! Votre problème, monsieur le ministre, n’est pas simplement d’avoir laissé les gros trusts et les patrons s’en mettre plein les poches.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

S’il fallait d’ailleurs résumer le quinquennat qui vient de s’écouler, on pourrait dire que la droite s’est occupée de la droite, au détriment des Françaises et des Français !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les heures supplémentaires, c’est de la faute de la droite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le ministre, le PDG de l’Oréal, Jean-Paul Agon, a touché une rémunération s’élevant à 10, 7 millions d’euros, soit l’équivalent de 637 SMIC, 29 135 euros par jour et 1 221 euros de l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

1 000 euros de l’heure, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Les heures supplémentaires, c’est de la faute des patrons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voilà la situation !

Dans son intervention, Annie David a évoqué la question du bouclier fiscal, qui, d’ailleurs, existe encore. La simplification du barème de l’ISF que le Gouvernement a fait voter coûte à la France 1, 8 milliard d’euros !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cette somme est intégralement compensée par les mesures sur les droits de succession !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le bouclier fiscal fait encore sentir ses effets à hauteur de 650 millions d’euros, ce qui représentera, au total, un coût de 2, 4 milliards d’euros à inscrire dans le budget pour 2013.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Épargnez-nous vos pleurs sur les grands patrons, le manque de compétitivité des salariés et le coût horaire du travail ! Les salariés voient leur pouvoir d’achat amputé, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si la gauche passe en mai, oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… alors, de grâce, arrêtez !

Pour terminer, devant les risques sociaux et industriels auxquels le pays fait face, il est nécessaire de voter la présente proposition de loi, mais aussi de faire en sorte que l’État s’engage clairement en faveur du maintien de la capacité de raffinage dans notre pays. Cela passe par le soutien au site Petroplus de Petit-Couronne, abandonné aujourd'hui par l’État.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’affaire dont nous traitons aujourd'hui est extrêmement importante. Les licenciements boursiers concernent non seulement les salariés qui en sont victimes, mais aussi l’avenir du pays et de son industrie.

Les chiffres ont été donnés : la France a perdu 700 000 emplois industriels en dix ans. Cette situation n’est pas tombée du ciel. Elle est, pour une large part, liée aux délocalisations que le Gouvernement a laissé faire, sans intervenir ni donner les moyens à la puissance publique ou aux salariés de pouvoir réellement résister.

Je dois d’ailleurs dire que votre discours, monsieur le ministre, sur la non-compétitivité de la France est quelque peu pousse-au-crime. Si le gouvernement de la France déclare que le pays n’est pas compétitif et que les coûts sont trop élevés, il justifie l’injustifiable !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il faudrait mener une stratégie à la fois offensive, qui vise à réinvestir massivement dans la recherche et l’innovation pour créer des emplois et de nouvelles filières industrielles, et défensive, tendant à rendre beaucoup plus coûteux tous les licenciements économiques, à obliger au remboursement strict de toutes les aides publiques et à donner aux salariés de vrais pouvoirs pour s’opposer aux licenciements boursiers injustifiés économiquement. Or vous ne faites rien. Pis encore, vous justifiez qu’on ne peut rien faire !

Le texte dont nous débattons aujourd'hui est extrêmement important, car il représente une rupture avec la logique de la fatalité. §

Il est proposé de réaffirmer que les aides publiques doivent être strictement remboursées, ce qui est important, mais insuffisant.

Ces remboursements sont nécessaires, mais nous sommes confrontés à un problème de définition, car le droit européen interdit les aides publiques. Ainsi, les allégements de cotisations sociales ne sont pas considérés comme des aides publiques. Dès lors, le « remboursement des aides publiques », pour utile qu’il soit, n’est pas suffisant.

Par conséquent, il est fondamental d’accorder de nouveaux droits aux salariés, ce qui peut prendre plusieurs formes.

La présente proposition de loi crée un premier recours utile, en permettant aux salariés de saisir l’inspection du travail pour contrôler si le licenciement économique est oui ou non fondé. C’est une avancée majeure de notre droit.

Pour ma part, je trouverais utile de prévoir une deuxième étape : la possibilité de saisir le juge en référé pour se prononcer sur l’absence de motif du licenciement.

Quoi qu’il soit, la possibilité de saisir l’inspection du travail est déjà très utile et peut se révéler efficace. En effet, on constate une évolution de la jurisprudence. Deux cours d’appel viennent ainsi d’annuler des licenciements infondés économiquement !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Simplement, l’annulation d’un plan social par un tribunal pour motif juridique n’est pas une garantie de sauvegarde de l’emploi. Une fois que le juge s’est prononcé, il peut quand même y avoir un nouveau plan social, mais cette fois dans des formes légales, avec des licenciements effectifs.

De même, des plans sociaux sont annulés pour cause d’absence de concertation ou d’insuffisance des indemnités versées aux salariés. Là encore, cela permet d’éviter que les personnes licenciées ne soient trop maltraitées, mais cela ne sauvegarde pas l’activité industrielle et l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Avec la nouvelle jurisprudence, des licenciements infondés économiquement et juridiquement peuvent être annulés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mais, dans la mesure où la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée, il importe de consolider une telle jurisprudence dans la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est pourquoi il faut offrir aux salariés la possibilité, d’abord, de saisir l’inspection du travail pour constater l’absence de justification économique sérieuse d’un licenciement et, ensuite, d’aller en référé pour empêcher la fermeture ou le départ de l’entreprise.

Par ailleurs, le facteur temps est essentiel : des entreprises – il y a beaucoup d’exemples – ont été condamnées pour licenciement abusif alors qu’elles étaient déjà fermées et que les salariés n’étaient plus là.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non seulement les personnes concernées n’ont pas pu faire valoir leurs droits

Mme Maryvonne Blondin opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le ministre, vous nous parlez de « compétitivité française » et de « valeur travail ». En fait, vous n’avez que le mot « valeur » à la bouche. Pas le « travail » !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne m’avez pas écouté !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Valoriser le travail, c’est permettre aux travailleurs d’être dignement traités ! C’est leur reconnaître de vrais droits ! C’est faire en sorte que l’emploi reste en France !

Comme l’indique Mme Isabelle de Kerviler dans un rapport adopté à l’unanimité par le Conseil économique, social et environnemental, l’un des gros problèmes de notre pays est le fait que la richesse soit captée par les dividendes

Effectivement ! sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Et c’est dans notre pays que la richesse créée est la moins réinvestie dans la modernisation de l’outil de production des entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, après avoir écouté les intervenants qui se sont exprimés et lu la proposition de loi dont nous sommes saisis, je note que l’article 1er est un article d’interdiction – vous voulez interdire les licenciements économiques

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est ça ! Il faut subventionner les entreprises pour qu’elles licencient ensuite…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je pensais que cela avait disparu de notre pays depuis un certain temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

J’ai évidemment écouté avec beaucoup d’intérêt – je partage d’ailleurs certains des diagnostics – plusieurs orateurs décrire les drames humains et sociaux que notre pays connaît. D’aucuns ont évoqué les entreprises du CAC 40, les multinationales, l’Oréal, Caterpillar, le Grand Couronné… En revanche, j’ai peu entendu parler du tissu de PME qui irrigue l’économie de notre pays.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

C’est normal : les PME ne sont pas concernées par la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

En revanche, elles subissent la politique du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Que M. Bertrand nous parle des sous-traitants des entreprises industrielles !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Les termes « licenciements boursiers », que vous utilisez, relèvent du pur effet d’annonce ! Et le drame est que, dans votre esprit, le texte s’appliquerait indistinctement à toutes les entreprises constituées en société, qu’il s’agisse des sociétés faisant appel à l’épargne ou des sociétés constituées par des entrepreneurs.

Je ne vous ferai pas un cours de micro-économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Simplement, pour qu’une entreprise existe, il faut qu’un entrepreneur en porte le projet. Pour cela, il a besoin de financer ses investissements, son fonds de roulement et ses stocks. C’est seulement ensuite, si tout se passe bien, qu’il pourra créer des emplois.

Il lui faut donc des capitaux. Et les banquiers qu’il va solliciter lui prêteront d’abord avec des garanties solides et seulement à la condition que lui-même investisse sur son propre patrimoine les sommes dont il a besoin pour former le capital. Ce n’est ni plus ni moins que le mécanisme normal de la création de toute entreprise.

Aujourd'hui, des milliers de petits entrepreneurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

… travaillent bien plus de trente-cinq heures par semaine et risquent leur patrimoine personnel pour faire vivre des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Ce sont eux qui subissent votre politique aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Et vous voulez leur dénier la possibilité d’ajuster des effectifs quand ils sont confrontés à des difficultés. C’est un signe de régression économique ! C’est une vision fermée de l’approche des entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Il est normal que les investisseurs perçoivent des dividendes. Après tout, on ne pourrait pas leur reprocher de placer leurs fonds sur des produits financiers sans risque, comme les livrets A ou les contrats d’assurance vie s’ils le faisaient. En l’occurrence, les dividendes rémunèrent simplement le risque qui est pris en investissant dans une entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Par conséquent, ce texte, s’il était adopté, constituerait un mauvais signal adressé…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

… aux dizaines de milliers de petits entrepreneurs de notre pays.

J’en viens à présent à la suppression des subventions aux entreprises ayant procédé à des licenciements économiques. Je prendrai seulement l’exemple de la recherche.

Combien en France d’entreprises innovantes, porteuses de projet ont besoin d’aides publiques pour financer leur recherche-développement ? §

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Les fonds d’investissement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

La recherche-développement est une activité à risques. On ne réussit pas forcément ; on tâtonne, on est confronté à des difficultés.

Malheureusement, il arrive parfois qu’il faille ajuster les effectifs dans le cadre d’un programme de recherche-développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je comprends vos réactions, mes chers collègues : vous n’êtes pas accessibles au monde de l’entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Oh ça va, les sénateurs représentants du patronat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

En outre, une telle loi serait inutile.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, la jurisprudence est désormais bien rodée pour trier entre les vrais licenciements économiques et les faux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Surtout, et M. Jean-Claude Requier l’a rappelé à juste titre, si la loi était votée, les services juridico-financiers et fiscaux des grands groupes se mettraient à l’ouvrage pour trouver d’autres manières…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et nous voyons ce que ça donne quand on ne fait rien : 1 million de chômeurs en plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Au lieu d’avoir une vision restrictive, vous devriez opter pour une vision dynamique et évolutive. Il faut sortir du problème par le haut, et non en nivelant par le bas avec une approche passéiste.

À mon sens, deux grandes options peuvent être retenues. Je vous entendais crier, mais vous allez hurler.

Premièrement, le Sénat sera bientôt saisi, après le vote hier soir de l’Assemblée nationale, de la fameuse TVA anti-délocalisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

C’est « les petites sœurs des riches » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

La loi du 28 juillet 2011 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 a apporté une ébauche de solution en ce sens. Une évaluation sera menée au mois de juillet 2013. Je pense qu’il faudra aller beaucoup plus loin dans cette voie.

Voilà des solutions qui témoignent d’une économie en mouvement et qui correspondent à la réalité à laquelle nous serons confrontés au cours du XXIe siècle.

Compte tenu des turbulences économiques auxquelles notre pays sera confronté dans les années à venir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai indiqué un certain nombre d’éléments tout à l’heure, mais j’ai l’impression que certains orateurs ne m’ont pas écouté. Peut-être est-ce parce leur intervention était rédigée d’avance…

Madame Lienemann, vous affirmez que je n’ai pas parlé du travail. Or, la valeur travail était au cœur de mon discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Vous en avez peut-être parlé ; parler, c’est tout ce que vous savez faire !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Écoutez, en matière d’emploi, personne n’est bien placé pour jouer au plus malin !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Si la situation était facile, cela se saurait !

Je pourrais rappeler dans combien de régions et de départements vous êtes en responsabilité. Nombre de départements avaient pris des engagements pour sortir du chômage les bénéficiaires du RSA. Ces engagements n’ont pas été tenus partout.

Mais l’enjeu de notre débat n’est pas de nous livrer à une telle comptabilité. §Simplement, moi, je n’appartiens pas à un gouvernement qui soutient l’action d’un Président de la République ayant déclaré : « Contre le chômage, on a tout essayé. »

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Non, c’est pire ! Vous, vous parlez, et le chômage augmente !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame Lienemann, je ne partage pas vos convictions, mais je sais que le fatalisme ne vous ressemble pas. Pourtant, vous avez soutenu le président de la République qui a fait cette déclaration !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comme l’ont montré les différents orateurs qui se sont succédé, notamment sur les travées de l’opposition sénatoriale, l’idéologie en matière d’emploi et d’économie est très mauvaise conseillère et le pragmatisme, accompagné d’une vision claire des enjeux de l’économie, a beaucoup plus de crédibilité !

Permettez-moi de remettre les pendules à l’heure à propos de deux sujets sur lesquels j’ai entendu beaucoup d’erreurs.

S’agissant de Gandrange, peut-être parce que le temps de parole est limité au Sénat, vous n’avez pas rappelé que 99 % des salariés de l’usine Arcelor-Mittal – je dis bien « 99 % » – ont obtenu un reclassement à l’intérieur du groupe, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… que ce soit en France ou au Luxembourg.

Je connais ce site – j’y suis allé à deux reprises –, où j’avais même accompagné le Président de la République. §L’arrêt d’une partie de l’activité s’est fait sans aucun licenciement. Ça vous gêne de le dire, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… ça vous gêne de le reconnaître ? Ou bien cherchez-vous à noircir la situation pour essayer de faire croire que ces salariés ont été abandonnés !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ne parlez pas de Lejaby : 350 salariés ont été laissés sur le carreau !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous, nous avons trouvé une autre activité

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Par ailleurs, qui a obtenu du groupe Arcelor-Mittal la signature d’une convention d’ancrage territorial avec 30 millions d’euros d’investissements à la clé ? §C’est vous ou le Président de la République ? C’est le Président de la République ! Pourquoi cela vous dérange-t-il de le dire ou à tout le moins de m’écouter ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Madame Borvo Cohen-Seat, vous comptez parmi les chômeurs les travailleurs à temps partiel, ce qui leur fera particulièrement plaisir !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

1 million de chômeurs de plus sous le quinquennat Sarkozy !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous avons aussi le droit de ne pas se tromper dans les chiffres qui concernent l’emploi et le chômage.

Est-ce vous qui avez obtenu d’Arcelor-Mittal une dotation de 10 millions d’euros au bénéfice du Fonds lorrain des matériaux pour faire émerger les activités industrielles de demain ? Certainement pas !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Monsieur Kerdraon, vous avez parlé de la TVA sociale. Je ne sais depuis combien de temps vous êtes membre du parti socialiste. Je ne sais quelles ont été vos préférences passées. Je ne sais si vous étiez au congrès du Mans. Mais, je tiens à vous le dire, en octobre 2005, lors de ce congrès, a été présentée une motion intitulée « Volonté, vérité, unité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Occupez-vous de l’unité de l’UMP, monsieur Bertrand !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comme ces mots résonnent aujourd’hui ! La « vérité », monsieur Kerdraon ! Justement, dans cette motion A, il y avait la TVA sociale : il était dit qu’il fallait alléger les charges pesant sur les cotisations patronales pour les transférer sur la consommation, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

… et que c’était aussi une façon de restaurer la compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Elle devait porter sur la valeur ajoutée des entreprises ! Ce n’est pas ce que vous faites.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

C’était la motion A présentée par François Hollande, qui était à l’époque favorable à la TVA sociale.

Sans la campagne pour l’élection présidentielle, nous n’assisterions pas à ces torrents de démagogie. La vérité, il serait temps que vous la pratiquiez ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

La valeur ajoutée dans les entreprises n’a rien à voir avec la consommation !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Mes chers collègues, afin de calmer un peu les choses, je reviendrai sur les propos tenus par les uns et par les autres, sans bien sûr reprendre l’ensemble des arguments.

Je remercie tous les orateurs qui se sont exprimés dans ce débat, particulièrement les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste et du groupe écologiste, qui ont apporté leur soutien sans réserve à cette proposition de loi présentée par le groupe CRC.

Parmi les quelques questions abordées, une a retenu particulièrement mon attention tant elle est légitime.

Le groupe RDSE s’est inquiété d’un possible effet pervers de la loi : le risque de contournement du dispositif, une entreprise décidant d’afficher des résultats négatifs une année afin de pouvoir licencier l’année suivante. Connaissant l’avidité des actionnaires, une telle éventualité est, selon moi, peu probable. En effet, l’objectif des actionnaires est de gagner de l’argent : pourquoi se priveraient-ils de dividendes une année pour contourner la loi ?

À vous entendre, monsieur le ministre, tout va bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Selon vous, le Gouvernement fait tout pour l’emploi : circulez, il n’y a rien à voir !

Toutes nos propositions, notamment le texte présenté aujourd’hui par le groupe CRC, sont dénigrées, caricaturées, sans doute pour éviter de parler de votre bilan !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Justement, j’y reviens à la crise !

Votre bilan, sur lequel nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord, est le suivant : suppression de 700 000 emplois en cinq ans et augmentation de 2 points du chômage. Ces chiffres sont édifiants, et je comprends que vous préfériez éviter le sujet ! Quoi qu’il en soit, les Françaises et les Français ne se trompent pas !

Votre argument implicite est que Gouvernement a échoué en raison de la crise. La crise a bon dos ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Mon collègue Thierry Foucaud l’a rappelé, elle ne concerne pas tout le monde, 40 milliards d’euros de dividendes ayant été distribués aux actionnaires du CAC 40 en 2011.

Monsieur le ministre, regardons au-delà de ces cinq dernières années pour voir d’où vient la crise et pour savoir de quoi il est question lorsqu’on parle de crise. Vous le savez parfaitement, mais vous vous gardez bien de le dire, ce que nous vivons aujourd’hui est non pas une crise passagère, mais la crise d’un système.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Les courbes comparatives des rémunérations du capital et du travail depuis vingt-cinq ans sont claires : d’un côté, stagnation des salaires ; de l’autre, envolée des dividendes et des rémunérations des actionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

C’est ça la crise du système, et elle sera durable, effectivement, tant qu’on ne s’y attaquera pas. Or, avec vous, il faut laisser aller, il faut laisser faire.

La crise de notre économie vient d’abord de la faiblesse du pouvoir d’achat. En trente ans, la richesse produite par les salariés est allée, pour 10 % de sa masse – ce qui représente des centaines de milliards d’euros –, de la poche des salariés vers celle des actionnaires. Il ne s’agit pas d’un procès, il s’agit d’un constat, tout cela pouvant être vérifié par les Françaises et les Français.

Le deuxième grand argument que vous avancez contre cette proposition de loi, c’est qu’il ne faut surtout pas réglementer l’économie, que le texte serait idéologique. Je note, néanmoins que vous ne cessez de réglementer les contraintes qui pèsent sur les salariés. Je pense au détricotage du droit du travail, qui a été cité tout à l’heure, aux accords de compétitivité dans l’entreprise, etc. On ne peut pas, d’un côté, réglementer et imposer des contraintes toujours plus fortes aux salariés et aux demandeurs d’emploi et, de l’autre, laisser faire les actionnaires des grands groupes, qui imposent leur loi à l’économie ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Dans mon propos liminaire, j’ai cité l’exemple du groupe Danone, qui a été également évoqué par d’autres orateurs.

Dans les deux usines Danone de Ris-Orangis et de Calais, des centaines de salariés ont été sacrifiés sur l’autel de la rentabilité financière !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Par Jospin, par la gauche !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Non, par l’entreprise et par les patrons !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Or ces deux usines étaient parfaitement rentables. Celle de Calais atteignait 8 % de rentabilité. Seulement, l’actionnaire a voulu plus…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

M. Dominique Watrin, rapporteur. … et a souhaité aligner le taux de profits du secteur « biscuit » sur celui du secteur laitier. Il a exigé 12 % ou 13 % de rentabilité. Pour le satisfaire, les deux usines ont été fermées et 400 à 500 personnes ont été licenciées !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Telle est la logique que vous défendez, monsieur le ministre ! En tout cas, vous ne voulez pas vous y opposer. Selon moi, c’est une dictature de l’économie sur l’emploi.

Au nom de la liberté d’entreprendre, au nom de la concurrence libre et non faussée, vous vous accommodez trop facilement d’une économie où les prédateurs de la finance tuent notre tissu économique et l’emploi au nom de leurs seuls intérêts.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’exemple de Gandrange. Je ne peux pas ne pas vous répondre. Ce qui m’intéresse avec Gandrange, ce n’est pas tant de rappeler à Nicolas Sarkozy, Président de la République, les promesses qu’il n’a pas tenues, encore que, vous me l’accorderez, cela pose tout de même un grave problème de crédibilité pour celui qui voulait défendre la France qui se lève tôt ! Non, ce qui m’intéresse surtout, c’est que le groupe Arcelor-Mittal est l’un des plus riches du monde. Il a réalisé 1, 7 milliard d’euros de bénéfices nets en 2011. En 2008, il ferme Gandrange malgré 880 millions d’euros de dividendes versés et, l’année suivante, il distribue neuf fois le montant de ses bénéfices aux actionnaires. Il est vrai que les bénéfices étaient moindres, mais les actionnaires ont tout de même touché neuf fois la part des bénéfices réalisés. §

Ce qui me révolte, c’est que le groupe Arcelor-Mittal, qui supprime massivement des emplois en Europe et en France ces dernières années – 6 000 emplois menacés en 2012 pour l’ensemble de l’Europe –, bat, cela est aisément vérifiable, tous les records pour la redistribution de ses bénéfices aux actionnaires, avec 205 % de redistribution en moyenne sur les dernières années.

Ce n’est donc pas un phénomène ponctuel, résultante d’une année avec moins de bénéfices : chaque fois, les actionnaires s’en tirent ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

… chaque fois, les salariés, l’emploi et les territoires sont sacrifiés !

La proposition de loi que nous soumettons à votre examen est une réponse à ces abus. Ce que nous vous proposons, c’est un mécanisme simple et efficace pour mettre fin à ces pratiques. Je le dis clairement : qui prendra la responsabilité de ne pas voter ce texte aura aussi à s’en expliquer sur son territoire auprès des salariés concernés ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Vous avez évoqué le programme du Front de gauche, L’humain d’abord. C’est un programme humaniste, que nous devons ensemble mettre en œuvre. L’humain d’abord, je veux en parler moi aussi, car je suis l’élu d’un secteur du Pas-de-Calais aujourd’hui sinistré, celui d’Hénin-Beaumont. En quelques années, sur ce seul secteur, 2 000 emplois ont été supprimés à la suite de décisions uniquement financières prises par de grands groupes multinationaux.

Metaleurop, 890 emplois directs rayés de la carte parce qu’une holding sous les ordres de l’actionnaire Glencore situé en Suisse lâche définitivement sa filiale. Le président Sarkozy, qui a visité le site dévasté, avait décidé que les holdings ne devaient plus avoir la possibilité de lâcher leurs filiales. À cet effet, il avait promis de légiférer. Rien n’est venu !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Samsonite, 205 salariés victimes d’une cession frauduleuse du fonds de pension américain qui a repris l’entreprise.

Sublistatic, vampirisé par trois opérations LBO, Leverage Buy Out, qui l’ont complètement saigné et acculé à la fermeture.

Certes, ces salariés se battent depuis près de dix ans et vont, enfin, voir leurs droits reconnus et obtenir des indemnités. Mais la triste réalité est que les emplois ont disparu définitivement et que les entreprises ont fermé. Aujourd’hui, ce territoire est sinistré et compte près de 30 % de demandeurs d’emploi, monsieur le ministre du travail. Quel gâchis économique et humain !

Pour conclure, cette proposition de loi est la première pierre – nous ne prétendons pas régler en une seule fois tous les problèmes de l’emploi – d’un édifice que la gauche, j’en suis sûr, aura à cœur de compléter une fois arrivée au pouvoir. C’est un engagement pour l’avenir. C’est surtout un espoir pour que, à l’avenir, les intérêts des salariés, de l’emploi et des territoires passent enfin avant ceux décidément trop égoïstes des actionnaires et des privilégiés de l’argent ! §

L’article L. 1233–3 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Est réputé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique prononcé par une entreprise qui a distribué des dividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé.

« Le salarié auquel un licenciement pour motif économique a été notifié peut saisir l’inspection du travail afin qu’elle vérifie si le licenciement peut être prononcé en application de l’alinéa précédent. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Effectivement, nous constatons tous la destruction d’emplois sur nos territoires. Aussi, nous pouvons examiner l’application d’une telle mesure.

Dans la Marne, le tissu rémois doit faire face à des fermetures d’entreprise et à des licenciements. M. le ministre connaît bien les difficultés puisqu’il nous a aidés à les régler en partie, notamment pour l’entreprise Hebdoprint ou pour l’entreprise Bosal Le Rapide

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je me suis posé la question suivante : cette loi aurait-elle permis d’éviter un certain nombre de licenciements ? La réponse est non ! Au contraire, il me semble qu’elle engendrerait la préméditation des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

On l’a vu dans certaines entreprises. En effet, on diminue les investissements, ce qui fait baisser le chiffre d’affaires et on produit dans d’autres sites ; on contourne la loi et les investisseurs continuent à bénéficier de taux de rentabilité intéressants à l’extérieur pendant qu’on ferme en France !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. Deuxième point négatif, ces mesures de pénalisation supplémentaires vont décourager l’investissement de capitaux étrangers dans notre pays alors que nous sommes dans un monde où, plus que jamais, il nous faut être compétitif.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

M. René-Paul Savary. C’est pourquoi je rejoins tout à fait M. le ministre à propos des actions visant, au contraire, à renforcer notre compétitivité sur le plan international.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Telles sont les raisons pour lesquelles mon groupe et moi-même voterons contre cette proposition de loi. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Le groupe UMP votera effectivement contre cette proposition de loi qui a une utilité plus politique que juridique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Bien évidemment, il faut dénoncer les licenciements qui seraient imposés par des entrepreneurs à la recherche de leur seul profit et qui ne seraient pas justifiés par des questions économiques. Toutefois, ce contrôle est déjà assuré par le juge, qui apprécie systématiquement la « cause réelle et sérieuse » du licenciement. La jurisprudence est même très rigoureuse en la matière.

Dans diverses décisions, les juges ont ainsi refusé de reconnaître comme économiques des licenciements intervenant dans le cadre d’une « réorganisation destinée exclusivement à réaliser une économie sur le salaire » ou visant à « réaliser des bénéfices plus importants par la réduction de charges sociales, en l’absence de difficultés ».

Il faut retenir de ces décisions que le juge apprécie la situation au cas par cas. Il fait bien la part des choses entre, d’une part, les nécessités économiques et les besoins d’adaptation des entreprises dans une économie mondialisée, d’autre part, la protection de l’emploi des salariés touchés par des restructurations.

Ce n’est pas le cas de cette proposition de loi, qui retient uniquement comme situation incriminante la distribution de dividendes par l’entreprise. On ne se préoccupe alors nullement de savoir la cause des licenciements, qui peut être la nécessité de s’adapter à des mutations technologiques ou d’anticiper des difficultés prévisibles...

Les entreprises doivent bénéficier d’une certaine liberté d’action stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Eh oui, je sais bien que c’est une notion qui vous est tout à fait étrangère !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

En ne tenant pas compte de la nécessité d’une réorganisation, ce texte aurait pour conséquence de mettre finalement en péril la situation de l’entreprise, conduisant ainsi à des licenciements plus nombreux, effets réellement contre-productifs.

Le même flou entoure les conditions de retrait des aides publiques ou le refus d’en accorder. Il me semble absolument nécessaire d’apprécier la situation et les besoins de l’entreprise au cas par cas, et de se placer au moment de l’attribution de l’aide.

Les entreprises, dans la période difficile que nous traversons, n’ont pas besoin qu’on leur crée de nouveaux handicaps.

Pour ces raisons, nous estimons que ce texte est dangereux et, je le répète, nous voterons contre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. Je n’ignore pas que la majorité sénatoriale a changé

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

… mais je me pose certaines questions.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, c’est la deuxième proposition de loi que vous nous proposez. La première visait à annuler les dérogations au repos dominical, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Texte de régression !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

… texte tellement fait à la va-vite qu’il était truffé d’erreurs, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

… que vous avez, il faut le reconnaître, ou que nous avons corrigées.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Eh oui, madame Borvo Cohen-Seat, sur les aspects, non pas politiques, mais juridiques, nous nous attachons à corriger les erreurs et à veiller à ce que les textes soient conformes à la réalité ! C’est le rôle du Sénat de le faire et, même si nous ne sommes plus dans la majorité, nous avons corrigé des erreurs d’ordre juridique dans votre proposition de loi sur le repos dominical.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Il peut arriver à tout le monde de se tromper !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Absolument !

La proposition de loi que vous nous présentez aujourd'hui est, comme la précédente, floue, inapplicable et elle nie tout autant la réalité économique, ce qui m’amène à faire une simple réflexion.

Hier, alors que nous examinions la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, vous nous avez qualifiés d’opportunistes. Mais qui sont les véritables opportunistes ? Ne l’êtes-vous pas en nous proposant de tels textes en pleine campagne électorale ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Est-ce de l’idéologie politique ? Est-ce une précampagne ? Est-ce un préprogramme ?

Je n’irai pas jusqu’à utiliser le même qualificatif que vous, car j’essaie de rester correcte, mais, encore une fois, regardez devant vous, et regardez-vous ! Peut-être pourrions-nous donner une image autre aux étudiants, aux élèves qui voient nos débats et constatent l’irresponsabilité de votre attitude ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mais qui êtes-vous pour nous donner des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mme Isabelle Debré. Vous voyez ! Est-ce en vociférant que l’on donne l’exemple aux jeunes qui nous regardent, à la télévision ou ailleurs ? Pour ma part, mes chers collègues, je n’adopterai jamais une telle attitude !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si l’on peut faire un reproche à la proposition de loi qui nous est présentée, c’est qu’elle est, bien sûr, insuffisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Madame Debré, vous nous avez demandé, non pas dans votre dernière intervention, mais dans la précédente, d’arrêter de caricaturer les relations entre dirigeants et salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il n’y a évidemment pas lieu de caricaturer les relations dans les SCOP, les sociétés coopératives et participatives, où le rapport entre les salaires est de 1 à 4 ou de 1 à 5 et où les dividendes sont partagés entre tous les salariés, mais permettez-moi de vous dire que, dans les sociétés dont les dirigeants gagnent encore plus et où les salariés travaillent dans des conditions plus difficiles, voient leur salaire baisser ou sont licenciés, il ne s’agit pas d’une caricature : c’est la réalité !

Dans les dix dernières années, les dirigeants ont bel et bien vu leur rémunération augmenter alors que les salaires les plus faibles ont encore diminué. Ce n’est pas normal, mais ce n’est pas nouveau : cela s’appelle le capitalisme !

Cela signifie une compétition économique à laquelle vous vous êtes rangés : vous avez accepté le jeu de la mondialisation et de la compétitivité à tout prix, comme vous l’avez vous-mêmes clairement dit et répété, pour l’ensemble des activités économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais comment peut-on prétendre être compétitif par rapport à des entreprises au Brésil, au Mexique ou en Chine, alors que les salaires sont si bas dans ces pays, et préserver notre système de protection sociale ? En fait, vous avez tout dit : être compétitif, cela signifie casser le droit du travail en France, et notamment éviter les grèves et réduire les salaires ! Bref, c’est tout un autre système économique et social que vous voulez mettre en place !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

En effet, si l’on veut être compétitif par rapport à ces pays, soit on délocalise, et c’est ce que font plusieurs entreprises, comme Airbus, qui va le faire, ou Renault, qui reçoit pourtant des subventions publiques, soit on fait en sorte que les salaires soient plus bas et les conditions de travail plus difficiles en France. Et, pendant ce temps-là, les dirigeants, eux, ne se gênent pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quelle est l’autre option ? Eh bien, la présente proposition de loi est justement une première étape dans la voie de cette autre option ! Pour reprendre vos termes, monsieur Cardoux, il vaut effectivement mieux sortir par le haut que niveler par le bas.

Niveler par le bas, c’est pourtant ce que vous faites au niveau mondial, puisque vous voulez que l’ensemble des salaires des ouvriers soient tirés vers le bas…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mais si ! Bien entendu, vous ne le voulez pas avec le cœur, et vous vous plaignez des délocalisations, mais, dans la politique que vous mettez en œuvre, c’est ce que vous favorisez.

Je ne dis pas que vous vous en réjouissez, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Dans ce genre de débat, on peut se laisser aller à faire des petites phrases, des retours en arrière, d’ailleurs toujours très intéressants. M. le ministre nous a ainsi fait l’amabilité de nous rappeler le congrès du Mans, où je ne me rappelle pas l’avoir croisé, mais je ne doute pas qu’il ait de bonnes lectures…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Effectivement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. le ministre lit toutes les motions du Parti socialiste. Je peux d’ailleurs aussi lui communiquer celles des écologistes !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. On voit que ce sont des sujets qui suscitent beaucoup d’émotion, à défaut de motion.

Nouveaux rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le ministre, je veux tout de même préciser que le texte du congrès du Mans auquel vous faisiez référence précisait qu’il s’agissait de transférer une partie des cotisations patronales qui pesaient sur les seuls salaires sur l’ensemble de la richesse produite par l’entreprise, à savoir la valeur ajoutée, qu’elle rémunère le travail ou le profit.

Puis, à citation égale, je pourrais rappeler une vidéo réalisée au club de l’Expansion dans laquelle vous disiez qu’instaurer la TVA sociale entraînerait une baisse du pouvoir d’achat… §

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Voilà ! Très bien !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Oui, à 5 % !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Pourquoi le groupe socialiste va-t-il voter ce texte ?

D’abord, tout simplement, c’est une proposition de loi qui tranche avec les logiques mises en œuvre au cours de ce quinquennat.

Je pense, par exemple, à la loi TEPA, qui a coûté la bagatelle de 4 milliards d’euros par an aux finances publiques, soit l’équivalent de 100 000 emplois, à la casse des services publics que vous menez depuis cinq ans, aux 80 000 postes supprimés dans l’éducation nationale…

Par ailleurs, un de nos collègues parlait tout à l’heure des PME. Je veux rappeler qu’elles ne sont absolument pas concernées par ce texte… si ce n’est qu’il constituerait une protection pour elles puisqu’elles sont souvent les victimes des délocalisations. §

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je veux rappeler que c’est tout de même votre gouvernement qui a institué le statut de l’auto-entrepreneur, qui légalise, voire institutionnalise la concurrence déloyale ! Alors, de qui se moque-t-on donc ?

Monsieur le ministre, le quinquennat de Nicolas Sarkozy a été le quinquennat des actionnaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… des riches. En revanche, pour les salariés, cela a été le quinquennat des désillusions.

Eh bien, le texte que nous examinons ce matin…

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

… répond à ce que j’oserai appeler l’injonction d’un élu local, Pascal Allizard, maire de Condé-sur-Noireau, vice-président du conseil général du Calvados, qui n’appartient ni au Parti socialiste, ni au Parti communiste, ni au Front de gauche, ni au RDSE, ni aux Verts, mais tout simplement à l’UMP, qui a dit, à propos du départ d’Honeywell de sa commune : « Il me semblerait justifié que le législateur s’empare de la jurisprudence et grave dans le marbre de la loi […] l’interdiction des licenciements boursiers. »

Cette seule citation suffit à expliquer que nous votions la présente proposition de loi ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Si j’interviens, alors que je n’avais pas pensé m’exprimer dans ce débat, c’est parce que j’ai travaillé dans une usine de textile qui a dû fermer ses portes en 1986 – c’est d’ailleurs pourquoi je suis devenu agriculteur – et je sais donc ce que c’est de perdre son travail. J’ai connu des familles en désarroi, victimes des premières avancées de la concurrence dans le secteur du textile !

Mes chers collègues, je n’ai pas de leçon à donner, mais je veux vous dire, avec beaucoup de simplicité, que je suis un peu contrarié que, ce matin ici, alors qu’il s’agit de sujets qui concernent l’avenir et à propos desquels nous devrions nous rassembler, nous commentions surtout le passé.

Madame Lienemann, pensez-vous qu’une entreprise licencie par plaisir ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

M. Jean Boyer. Je le dis simplement, ayant vécu ces événements contrariants dans un passé lointain. Quand tout allait bien, quand les débouchés étaient nombreux, avant que les pays sous-développés ne soient devenus nos plus terribles concurrents – et le textile fut l’un des premiers secteurs touchés

Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est ça ! Patrons et ouvriers travaillaient main dans la main…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Vous verrez que je ne changerai jamais d’avis, quel que soit le gouvernement. On n’a pas le droit d’être responsable et désespéré : on a le devoir d’être responsable et vrai !

Si le gouvernement actuel – et il en sera de même du suivant – ne fait pas tout, c’est qu’il ne le peut pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Que le Président de la République fasse un référendum sur les licenciements boursiers !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

M. Jean Boyer. Il est tellement facile de critiquer, madame Lienemann – d’un côté comme de l’autre, d'ailleurs ! Je ne vous ai pas interrompue, madame la sénatrice. Je suis seulement un paysan de la Haute-Loire, mais j’ai le droit d’être écouté quand je m’exprime dans cet hémicycle !

Mme Isabelle Debré applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Nous ne devons pas regarder dans le rétroviseur, mais devant nous. Quel que soit le gouvernement en place au mois de juin, nous devrons essayer de travailler pour l’avenir et non consacrer notre temps à remettre le passé en cause. Aucun gouvernement n’aurait pu empêcher ce qui est arrivé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Il faut surtout réduire les inégalités en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il est tout de même assez regrettable que, chaque fois que nous défendons une proposition de loi ou simplement un point de vue dont nous pensons qu’il est partagé par la grande majorité de nos concitoyens, des gardes non pas rouges, évidemment, …

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Des gardes bleus !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… des gardes présidentiels déplorent que la droite ne soit plus majoritaire au Sénat. C’est un fait, il faut vous y faire parce que vous allez devoir faire avec !

Hier, j’ai entendu les vociférations de Marie-Hélène Des Esgaulx quand nous avons défendu le droit de grève. Oui, nous défendons le droit de grève alors que vous ne le défendez pas ! Marie-Hélène Des Esgaulx peut vociférer si elle veut, mais ce n’est pas à son honneur, car beaucoup de gens défendent le droit de grève dans ce pays.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Et le droit des usagers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Aujourd'hui, au début de la séance, M. Xavier Bertrand, ministre d’un gouvernement en campagne, puisque le Président de la République est désormais en campagne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… a tenu un petit meeting, comme aiment le faire les ministres lorsqu’ils viennent au Sénat. Comme nous ne sommes pas très nombreux dans l’hémicycle, je ne sais pas si c’est très intéressant.

Que nous a dit M. Bertrand lors de ce petit meeting ? Ce que dit le Président de la République, et ce que dit encore mieux le MEDEF : Mme Parisot a déclaré voilà quelques mois qu’elle était heureuse de constater que Nicolas Sarkozy avait appliqué mot pour mot, au cours de son premier quinquennat, le programme « Besoin d’air » du MEDEF. Dont acte !

Aujourd'hui, le même M. Sarkozy, candidat à un second quinquennat, nous dit qu’il appliquera le nouveau programme du MEDEF, qui consiste à abaisser encore le coût du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cela a été dit, ce n’est pas nous qui l’inventons ! Il suffit de lire vos classiques, c'est-à-dire les déclarations du patronat, de Nicolas Sarkozy et de ceux qui empochent des dividendes.

Nos concitoyens en ont assez du double langage ! Monsieur le sénateur de la Marne, vous êtes allé dans l’usine de Bosal pour dire aux salariés que vous défendez leurs emplois, mais le patron hollandais de cette entreprise, qui est tout à fait rentable puisqu’elle dégage des bénéfices et que son carnet de commandes est plein, a décidé de fermer l’usine. Il va la fermer !

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Votre proposition de loi n’empêchera pas les licenciements !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Et où va-t-il délocaliser la production ? En Allemagne et en Hongrie !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je le sais, puisque j’ai rencontré ces salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ne croyez pas que vous pouvez dire dans vos départements que vous défendez l’emploi, alors que vous déclarez dans cet hémicycle qu’on ne peut rien faire…

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous ne sommes pas socialistes, nous ne disons pas qu’on ne peut rien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… et qu’il faut permettre aux patrons de distribuer plus d’argent aux actionnaires et moins aux salariés, et même de licencier ces derniers.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’écart entre les riches et les pauvres s’est aggravé durant ce quinquennat. Nous sommes revenus au temps de Zola : il y a un rapport de 1 à 400 entre les salaires les plus faibles et les salaires les plus élevés, alors que ce rapport était de 1 à 20 en 1970 ! Voilà la réalité !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Nous ne sommes plus au temps du rapport Villermé !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous critiquez notre proposition de loi ; c’est votre droit, et d'ailleurs nous n’en attendions pas moins de vous. Mais je vous assure que nos concitoyens ne peuvent pas comprendre qu’une entreprise qui distribue des dividendes licencie.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ils ne peuvent pas le comprendre ! Votre vote sera regardé : faites bien attention !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous ne demandons pas l’étatisation des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avez-vous bien compris ? Nous demandons qu’une entreprise qui continue de distribuer des dividendes ne puisse pas licencier et, surtout, que, si elle licencie, elle rembourse les aides publiques directes ou indirectes qu’elle a reçues.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est clair, net et honnête ! Tous nos concitoyens le comprennent, et tous sont d'accord sur ce point. Faites attention, car nos concitoyens vous regardent quand vous votez !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Quel est cet actionnariat ? Le plus souvent, il n’est pas français. En quelques années, la part de l’actionnariat étranger dans l’économie française s’est considérablement accrue, notamment par des prises de participation de fonds de pension. C’est l’un des points de vulnérabilité de notre économie.

Si je ne suis pas une fanatique du modèle allemand, je constate néanmoins que, en Allemagne, le capital industriel appartient toujours, pour l’essentiel, à des ressortissants de ce pays. En France, à l’inverse, la privatisation massive des grandes entreprises a transféré un capital qui, historiquement – depuis Colbert –, était plutôt public vers un capital financier généralement étranger.

Je vous le dis : quand le rapport entre le capital et le travail est défavorable à ce dernier, et donc favorable au capital, la plupart des grandes entreprises de ce pays se gavent – pardonnez-moi cette expression un peu brutale – sur le travail des salariés français…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

… pour financer les retraites des Irlandais, notamment. Je n’ai rien contre eux, mais ce n’est pas à nous de payer !

Empêcher ces grandes entreprises, dont l’essentiel du capital est la plupart du temps étranger, de piller le pays puis de partir quand elles considèrent qu’elles peuvent faire encore plus de profit grâce au dumping social et environnemental, c’est non seulement une mesure sociale légitime, mais aussi une mesure d’intérêt national et public ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

L’idée de cette proposition de loi est intéressante, mais la notion de licenciement boursier est floue. Je suis d'accord avec Jean Desessard : c’est un avant-texte qui doit être corrigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

La majorité des chefs d’entreprise ne sont pas animés par la volonté de licencier leurs employés. Ce que je reproche à cette proposition de loi, c’est qu’elle ne fait pas de distinction entre les grandes et les petites entreprises. Or il existe des petites entreprises qui ont des actionnaires, qui distribuent des dividendes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

… qui sont cotées sur le second marché.

La situation d’une PME ayant reçu des aides publiques mais devant s’adapter à une conjoncture économique défavorable ou à une diminution de ses commandes n’est pas comparable à la situation d’une multinationale qui, tout en recevant des aides importantes de l’État, met en place des plans sociaux dans le seul but d’accroître ses profits afin de distribuer des dividendes à ses actionnaires.

Nous sommes d'accord pour dire que des grandes entreprises profitent du système : celles qui licencient des salariés pour faire plaisir à leurs actionnaires. Bien sûr que cela existe ! Nous le voyons comme vous ; vous n’avez rien inventé ! Toutefois, il faut faire une distinction entre ces entreprises et les autres, et la proposition de loi demeure floue à ce sujet.

La proposition de loi n’établit pas davantage de distinction en fonction de la valeur des aides apportées par l’État. Par exemple, certaines aides aux petites entreprises concernent la formation ; or, si une entreprise qui en a reçu rencontre des difficultés, qui peuvent être passagères, elle doit licencier et ne peut donc tenir ses engagements.

La proposition de loi doit être précisée car elle est trop floue. Le dispositif est bien trop général et emporte trop de risques juridiques. Par conséquent, il serait très difficile à mettre en œuvre ; chacun le sait.

Par ailleurs, il s'agit d’un texte d’opportunité. J’ai entendu M. Laurent présenter, à la télévision, un programme extraordinaire pour les élections. Si vous gagnez les élections, nous verrons bien ! Mais je pense qu’il sera difficile de mettre en place un tel programme.

En somme, l’objectif de cette proposition de loi est louable, mais une réflexion plus large est nécessaire. C'est la raison pour laquelle je m’abstiendrai sur ce texte.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Contrairement à ce qu’a dit Marie-Noëlle Lienemann, cette proposition de loi vise – et plusieurs d’entre vous ont pointé les difficultés juridiques que cela soulève – toutes les sociétés qui versent des dividendes. Le dispositif n’est pas réservé aux entreprises du CAC 40 ; une PME ou une PMI qui verse des dividendes est intégralement concernée.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Là est le problème !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous avez produit un effet d’affichage en citant quelques cas, mais votre proposition de loi vise toutes les sociétés françaises qui, d’une façon ou d’une autre, versent des dividendes. En outre, vous liez les dividendes versés l’année précédente aux licenciements de l’année en cours ou à venir… Il faut ne pas connaître l’entreprise pour ignorer que cela serait source de complexités sans pareilles !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Comprenez-vous ce que cela représente ? Votre dispositif ne fonctionne tout simplement pas !

Tout à l'heure, j’ai axé mon intervention sur l’aspect politique, mais, si l’on aborde cette proposition de loi du point de vue juridique, il est clair que le mécanisme qu’elle prévoit ne « tourne » pas ! L’adoption de ce texte serait un désastre pour les entreprises françaises. §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Voilà pourquoi nous ne pouvons pas le voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix l'article 1er.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici le résultat du scrutin n° 104 :

Le Sénat n'a pas adopté. §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

On reconnaît là la sagesse du Sénat !

Après l’article L. 1233–3 du même code, il est inséré un article L. 1233-3–1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233–3–1. – L’établissement ou l’entreprise qui bénéficie d’aides publiques, sous quelque forme que ce soit, ne les conserve que s’il ne réalise pas de licenciement pour motif économique interdit par le troisième alinéa de l’article L. 1233–3. À défaut, il est tenu de rembourser la totalité des aides perçues aux autorités publiques qui les ont octroyées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Comme l'article 1er, cet article semble intéressant à première vue et les intentions qui le sous-tendent sont louables. Pourtant, en interdisant les licenciements boursiers et en condamnant les entreprises, il va à contre-courant.

Lors de nos travaux en commission, les masques sont tombés ! Cette volonté démagogique de mettre en cause ceux qui entreprennent est inacceptable et produirait l'effet inverse de celui qui est recherché.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

C'est la raison pour laquelle nous voterons contre l'article 2.

Je rappelle que, lorsque des aides sont accordées par les collectivités locales, des conventions sont signées, qui prévoient des contreparties. Elles doivent être respectées. De tels dispositifs existent donc déjà ; ils sont d’ailleurs tout à fait nécessaires. En outre, il faut prendre en compte les aides directes qui sont accordées aux entreprises mais aussi les aides annexes, par exemple en matière d'aménagement.

Pour autant, ce n'est pas en adoptant ce texte que l'on empêchera les comportements contre-nature.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur Savary, vous avez raison : en commission, les masques sont tombés ! Dois-je rappeler que vous étiez prêt à voter cet article ? D’ailleurs, l'article 1er ne vous paraissait pas non plus inapproprié. Vous avez évoqué la situation dont vient de parler Nicole Borvo Cohen-Seat. En commission, vous aviez rappelé la situation dramatique de l’une des entreprises de votre département confrontée à ce type de licenciements. Vous étiez donc prêt à nous suivre. Mais vous avez été vite rappelé à l'ordre, notamment par Mmes Procaccia et Debré, qui ont argué qu’il s’agissait d’une loi d'affichage.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Ce texte a été examiné à l'Assemblée nationale en 2009. Comment prétendre alors que c’est une loi opportuniste ? C’est un peu fort ! Je ne suis pas intervenue tout à l'heure, parce que cela ne sert à rien d'en rajouter. Mais, là, trop c'est trop !

Cette loi n'est pas opportuniste, pas plus qu’elle n’est démagogique. Aujourd'hui, on voit bien qui choisit de rester aux côtés des salariés pour lutter contre les licenciements motivés par des raisons de stratégie financière.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Oui, cette proposition de loi s'adresse à l'ensemble des entreprises. Monsieur Cardoux, nous savons bien que les entreprises dont vous parliez tout à l'heure, qu’il s’agisse de PME ou de PMI, versent des dividendes lorsqu’elles peuvent le faire et y renoncent lorsqu’elles rencontrent des difficultés économiques et que ce n'est pas possible.

C’est à dessein que la rédaction de l'article 2 est large. Il s’agit de contraindre l'ensemble des entreprises à respecter le droit du travail avant de privilégier le droit des financiers. Si, parmi les petites entreprises, certaines souhaitent se transformer en entreprise rentière, elles devront, comme les autres, sauvegarder d’abord l'emploi.

Alors, oui, aujourd'hui, les masques sont tombés. Je m’en réjouis. Nous savons désormais qui cherche à privilégier la finance, en acceptant le départ de l'industrie française vers d'autres pays plus rentables et bien moins soucieux de la protection des travailleurs et de l'environnement. À l'issue de ce vote, nous aurons pris position. Ceux qui ont voté cet article pourront se rendre dans leurs territoires et dire aux ouvriers et aux salariés qu'ils ont tout fait pour défendre l'emploi en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mon intervention est dans le droit fil de celle de ma collègue Annie David.

Aux termes de cet article, une entreprise qui licencie ou délocalise alors qu'elle réalise des bénéfices doit rembourser les aides qu'elle a reçues de la collectivité. C’est bien le minimum !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Cela existe déjà !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous pourriez considérer que ce n’est pas suffisant, mais ce n'est pas le cas ! Mme David a raison : les masques tombent. Vous quittez le double langage et, de ce point de vue, c'est positif. Vous vous contentez de dire : on n'y peut rien ; il n'y a plus rien à faire ; il faut s'adapter ; la mondialisation est là ; les délocalisations, c'est normal ; réduire le coût du travail, c'est normal ; on verra bien ce qui se passera, etc.

Les entreprises fermeront ou en seront réduites à proposer des conditions de travail effrayantes, comme celles que l'on a pu connaître il y a une centaine d'années. Vous l'admettez. Vous considérez qu'il n’y a rien à faire. C’est ce que signifie votre refus de voter l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si, de surcroît, on ne demande même plus aux entreprises, lorsqu’elles n’ont pas créé d’emploi, de rembourser les subventions qu’elles avaient perçues pour en créer, on va loin ! Une telle attitude est très surprenante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Sur le fond, évidemment, nous sommes parfaitement d’accord avec vous. Le problème n'est pas là.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je le répète, nous approuvons la finalité de la proposition de loi, qui est de faire en sorte que les licenciements abusifs soient condamnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Aujourd'hui, de nombreux outils existent pour protéger les salariés, vous le savez.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’en ai parlé, j’ai même cité des exemples de la jurisprudence qui prouvent que nous avons les moyens de sanctionner ces licenciements abusifs.

Encore une fois, croyez-vous vraiment que les chefs d'entreprise licencient par plaisir ? En connaissez-vous ? Pour ma part, je n'en ai jamais rencontré ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Mais la question n'est pas là ! Le problème, c'est qu'aujourd'hui nous sommes devant une proposition de loi qui est inapplicable. S’agissant de l’article 2, sur le fond, je le répète, nous sommes d’accord, mais votre rédaction, madame la présidente de la commission des affaires des sociales, est totalement flou et est juridiquement impossible à mettre en œuvre. C’est sur ce constat que nous nous appuierons pour fonder notre position.

Il nous faudra rendre des comptes, selon vous. Mais on ne cesse de nous dire que nous légiférons pour un oui ou pour un non et que la loi est trop bavarde ; essayons au moins d’adopter des textes applicables sur le terrain ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Lors de mon arrivée au Sénat, il y a deux ans, j’avais été très surpris par la frénésie législative qui nous animait, sur des sujets parfois mineurs. À un fait divers devait répondre un projet ou une proposition de loi !

Aujourd’hui, nous avons l’occasion de légiférer à partir non pas d’un fait divers, mais de drames sociaux que les salariés vivent au quotidien, c’est-à-dire les licenciements pour motif boursier, avec leur cohorte de conséquences, notamment les délocalisations dans les pays émergents ou dans d’autres pays d’Europe.

Face à ces situations dramatiques, nous ne nous payons pas de mots ! Nous ne nous contentons pas de nous agiter et de gesticuler ! Nous agissons, nous proposons et nous votons !

Si les masques sont tombés, selon l’expression de notre collègue René-Paul Savary, cela a au moins le mérite de la clarté.

Nous avons dit, les uns et les autres, que deux logiques s’opposaient : celle qui place le salariat, les employés, les petites gens au cœur de l’action et celle qui profite des failles du système pour enrichir toujours plus les uns sur le dos des autres.

Certes, les tribunaux peuvent condamner certains abus, mais pas tous. Tout dépend de l’interprétation qui est faite de la loi.

Pour l’instant, il n’y a aucune véritable jurisprudence en la matière. Des jalons ont été posés par un certain nombre de juridictions, que je qualifierai de courageuses, mais elles ne sont pas majoritaires.

L’article 1er avait pour objet d’inscrire dans la loi une véritable interdiction de licenciement pour motif boursier. Que certains aient voté contre, je peux l’admettre, mais je comprends moins que d’autres se soient abstenus ou aient refusé de prendre part au vote.

En l’occurrence, la question à trancher est relativement simple ; elle aurait même pu faire l’objet d’un référendum : êtes-vous contre les licenciements boursiers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je pense que les Français, à une très forte majorité, auraient fait part de leur refus de telles pratiques.

Lorsqu’on veut être le candidat du peuple, on doit se battre contre les « patrons voyous ».

Après avoir été « bling-bling », le candidat-président nous fait maintenant croire qu’il va rendre la parole au peuple : le grand écart ainsi proposé est catastrophique pour l’image de la France ! Heureusement, les débats que nous avons eus ici ont été d’une autre qualité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Boyer, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Mes chers collègues, si les aides publiques octroyées aux entreprises afin de soutenir leurs projets, notamment pour innover, ont été illégalement utilisées, alors, elles doivent être remboursées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Dans cet hémicycle, personne ne détient de monopole pour défendre telle ou telle catégorie sociale. Lorsqu’une entreprise va bien, tout le monde va bien. Mais, ayant été confronté à cette situation comme, je pense, tout le monde ici, je me demande bien comment l’entreprise en phase de dépôt de bilan accompagné de licenciements collectifs, à qui il ne reste bien souvent que ses quatre murs et des dettes, pourra rembourser les aides publiques.

Concrètement, il lui sera bien difficile de rendre un argent qu’elle n’a plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 2, tel qu’il est rédigé, n’a, selon moi, plus d’objet, puisque nous avons rejeté l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Madame la présidente, j’allais justement vous demander une suspension de séance, ou tout au moins, si cela est possible, proposer une rectification de l’article 2 en séance.

À l’alinéa 2 de cet article, il conviendrait de supprimer les mots : « interdit par le troisième alinéa de l’article L. 1233–3 ». En effet, l’article 1er n’ayant pas été adopté, cet alinéa n’a pas été introduit dans le code du travail.

En revanche, l’article L. 1233–3 dudit code, qui définit les licenciements économiques, existe bel et bien, et l’alinéa 1 de l’article 2 reste donc en l’état.

L’alinéa 2 de l’article 2 serait ainsi rédigé : « Art. L. 1233–3–1. - L'établissement ou l'entreprise qui bénéficie d'aides publiques, sous quelque forme que ce soit, ne les conserve que s'il ne réalise pas de licenciement pour motif économique. À défaut, il est tenu de rembourser la totalité des aides perçues aux autorités publiques qui les ont octroyées, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État. »

Cela étant dit, une suspension de séance me paraît préférable.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Aussi, madame la présidente, je demande une suspension de séance d’une dizaine de minutes, afin de réunir la commission salon Victor-Hugo pour qu’elle puisse discuter de cette rectification.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je vais bien sûr accéder à votre demande, madame la présidente de la commission, mais, auparavant, je donne la parole à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

La vérité est simple : l’article 1er ayant été repoussé, ce texte n’a plus aucun sens. Je l’ai dit, l’adoption des deux articles qui le composent aurait conduit à un fiasco économique.

Avec le seul article 2, c’est un fiasco juridique. Mais vous avez du mal à reconnaître qu’il s’agit avant tout d’un fiasco politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants.

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La séance est reprise.

J’ai été saisie d’un amendement n° 1, présenté par M. Watrin, au nom de la commission, et qui est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 1233-3 du même code, il est inséré un article L. 1233-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1233 -3 -1. - L’établissement ou l’entreprise qui bénéficie d’aides publiques, sous quelque forme que ce soit, doit les restituer s’il réalise des licenciements pour motif économique, alors qu’il a distribué des dividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé. Les modalités d’application de cet article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Nous prenons acte du non-vote de l'article 1er de cette proposition de loi. Cet article visait à interdire les licenciements boursiers, c'est-à-dire les licenciements pour motif économique prononcés par des entreprises ayant distribué des dividendes à leurs actionnaires.

L’article 2 traite d’un sujet différent, car il cible les entreprises ayant reçu de l’argent public. Nous demandons que celles-ci soient tenues de le restituer dès lors qu’elles ont réalisé des licenciements boursiers, alors qu’elles ont versé des dividendes. La modification rédactionnelle que nous proposons a été rendue nécessaire par le fait que le Sénat n’a pas souhaité adopter l'article 1er.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, comment voulez-vous bien légiférer quand tout se décide, comme aujourd'hui, au dernier moment ? C’est impossible !

Imaginons que cet amendement soit adopté. Je ne prendrai qu’un seul exemple : dans un tel cas de figure, toutes les entreprises ayant pris des apprentis et bénéficié pour ce faire d’un certain nombre d’aides publiques devront rembourser l’État.

En réalité, vous éprouvez beaucoup d’amertume parce que vous avez été battus sur l'article 1er. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous n’avez pas tort, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je n’irai pas jusqu’à dire que votre nouvelle rédaction de l’article 2 équivaut à un déni du vote de la Haute Assemblée, mais rendez-vous compte : vous essayez, par cet amendement, de fondre les deux articles en un seul !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Dans cet esprit, il est normal que vous ne puissiez pas aboutir à une bonne solution. Les entreprises procédant à des licenciements devront rembourser les aides reçues pour des apprentis qui, eux, resteront dans les effectifs.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne semblez pas avoir une idée claire du nombre d’entreprises concernées, en France, par l’apprentissage. Quoi d’étonnant, d’ailleurs, quand on sait que, dans le projet de M. Hollande, le mot « apprentissage » n’apparaît qu’une seule fois. Si vous croyiez à l’apprentissage, cela se saurait !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vergoz

Vous êtes bien agressif, monsieur le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le ministre, vous ne m’avez pas écoutée ou, du moins, pas suffisamment.

Dans quel secteur se trouvent les entreprises qui prennent de nombreux apprentis ? Dans l’artisanat, principalement. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a voulu augmenter le pourcentage d’apprentis dans les grands groupes, car ils n’arrivent même pas à atteindre le seuil de 4 %.

Que je sache, les entreprises artisanales ne sont pas les plus concernées par le versement des dividendes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

… ni même par ce que nous avons l’habitude de qualifier d’aides publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

L'article 1er visait, je le redis, à empêcher les licenciements boursiers. Il n’a pas été adopté ; nous en prenons acte. Chacun devra assumer son vote une fois retourné dans son département.

L'article 2 porte sur un sujet bien différent, le remboursement des aides publiques, auquel seront tenues les entreprises qui auront procédé à des licenciements pour motif économique après avoir versé des dividendes à leurs actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Monsieur le ministre, la nouvelle rédaction est plus claire, plus conforme puisqu’elle ne fait plus référence à un alinéa non adopté, et plus transparente.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Bien sûr que non !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Je crois n’avoir jamais pratiqué cela moi-même, mais je sais que, souvent, les demandes de seconde délibération formulées par le Gouvernement provoquent des hurlements sur certaines travées.

En fin de compte, qu’est-ce que cette réécriture de l'article 2, sinon une forme de seconde délibération ?

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Sur le fond, vous avez été battus, l'article 1er a été rejeté parce qu’il était mauvais et nocif. La porte vous ayant été fermée, vous cherchez tout simplement à entrer par la fenêtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, je vais mettre aux voix l'amendement n° 1, sur lequel j’ai été saisie d’une demande de scrutin public.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Par le groupe UMP.

Je vous propose de considérer que le vote sur l’amendement n° 1 vaudra vote sur l'article 2. S’il n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explication de vote sur l'ensemble.

La parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous comprenons la hargne, la rage que vous mettez, monsieur le ministre, à combattre cette proposition de loi, tant vous semblez assumer, sans la moindre gêne, cette politique qui aboutit effectivement à ce que des salariés soient licenciés alors que des dividendes ont été distribués.

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous ne pouvez pas dire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Peut-être est-ce le credo de la campagne du candidat-président : enrager contre les salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Même Mme Debré, avec d’autres, semble être d’accord avec nous, reprochant simplement à la proposition de loi d’être mal rédigée.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je n’ai pas dit cela : ne parlez pas pour moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Notre collègue de la Marne a, lui, évoqué la situation d’une entreprise, Bosal Le Rapide, qui s’apprête à licencier 93 salariés alors qu’elle est rentable.

Vous savez, en matière économique comme partout ailleurs, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour ! §

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Justement !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or, depuis que vous dirigez le pays, vous ne donnez que des preuves de désamour. Pis, vous avez réussi le tour de force d’enrichir les plus riches, avec à la clé un million de chômeurs supplémentaires !

Il ne faut jamais cesser de rappeler votre bilan, car, maintenant que vous êtes en campagne, vous semblez vouloir vous dédouaner. Vous devriez plutôt vous excuser auprès de vos électeurs. Allez leur expliquer, sur le terrain, votre action !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

D’ailleurs, nous nous ferons fort d’en parler de notre côté !

Cela fait cinq ans maintenant que l’exécutif s’adonne à une certaine logorrhée législative, en faisant voter des lois tous azimuts, au gré des événements, de la pluie et du beau temps. Ce sont des textes sans aucune cohérence, qui viennent contredire les dispositions votées précédemment. Vous avez donc beau jeu de nous reprocher de déposer trop de propositions de loi : quel comble !

Jusqu’au terme de la discussion, jusqu’au dernier moment, vous aurez tout essayé. Ceux qui auront voté contre nos propositions prendront leurs responsabilités et s’expliqueront dans le cadre des campagnes présidentielle et législatives, car ils entendent continuer à assumer le fait que des entreprises, celles du CAC 40 principalement, licencient en distribuant des dividendes à tout-va.

Il ne suffit pas de soutenir que l’on ne licencie pas par plaisir. De quoi parlons-nous ici ? Des fonds de pension ! Or, je l’ai dit, ils n’ont pas d’âme. Partout, dans le monde, ils déplacent les capitaux d’une entreprise à l’autre, en fonction de la rentabilité du capital. Si celle-ci ne dépasse pas un certain seuil – 15 %, en général –, ils licencient, et hop placent leurs capitaux ailleurs !

Voilà ce que c’est que le capitalisme financier actuel, et c’est bien de cela qu’il s’agit à cet article 2, pas des petits patrons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Exactement ! Nous ne parlons pas des plombiers de quartier, même si certains pratiquent des tarifs abusifs !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Voilà la réalité à l’œuvre depuis des années, c'est la raison pour laquelle nous en sommes là aujourd'hui. Le capitalisme financier a provoqué la crise qui touche les pays européens et le monde. Parlons donc de la même chose, s’il vous plaît, et n’essayez pas de dire que nous serions contre les petits patrons.

Pour les salariés, la situation sera encore pire, c’est sûr ! La hausse de la TVA va leur faire encore perdre du pouvoir d'achat. Permettez-moi de rappeler le montant du salaire moyen mensuel dans notre pays : 1 800 euros ! Or, actuellement, 9 millions de nos concitoyens vivent avec moins de 900 euros par mois. Beaucoup ont été mis à la porte, en général par les grandes entreprises du CAC 40, ou contraints de travailler à temps partiel. Voilà la réalité !

N’essayez donc pas de tergiverser. Clairement, vous ne voulez rien faire contre les licenciements boursiers, contrairement à la majorité de nos concitoyens, qui, eux, veulent que nous agissions ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Madame la présidente du groupe CRC, je n’ai jamais dit que cette proposition de loi était légitime. J’aimerais donc que vous ne parliez pas pour moi, surtout si c’est pour travestir mes propos. Je sais m’exprimer seule. J’ai juste indiqué que nous étions, bien évidemment, totalement contre les licenciements abusifs. Je persiste et je signe !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous avez dit que vous étiez contre les licenciements abusifs ; je vous ai dit qu’il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour !

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

J’irai expliquer moi-même, sur le terrain, notre position !

Je m’adresse maintenant à vous, madame la présidente de la commission des affaires sociales. Que l’article 2 soit modifié ou non, l’intitulé même de la proposition de loi – « interdire les licenciements boursiers » – ne veut plus rien dire. Ou alors c’est à n’y plus rien comprendre !

Par conséquent, le groupe UMP ne votera pas, bien évidemment, cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Je le répète encore une fois, la mesure proposée est inapplicable sur le terrain, car elle vise toutes les entreprises qui ont des actionnaires. Oui, nous sommes contre les licenciements abusifs. Mais la jurisprudence est suffisamment claire aujourd'hui pour que les licenciements économiques qui n’ont pas lieu d’être soient interdits.

Vous avez réécrit, une fois de plus, je le dis sans aucune agressivité, un nouveau texte à la va-vite, toujours aussi flou et inopérant. Nous ne le voterons pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

M. Ronan Kerdraon. Je tiens à saluer comme il se doit l’abnégation de M. le ministre, qui défend bec et ongles, mordicus, le triste bilan du gouvernement auquel il appartient. C’est un peu « Il faut sauver le capitaine Sarko », si vous me permettez cette allusion cinématographique !

Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche. Ce n’est pas un « capitaine de pédalo », lui !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je suis, quant à moi, un peu plus dubitatif.

Il n’est pas utile, monsieur le ministre, de faire de la provocation ou manifester de l’agressivité à l’égard des parlementaires de gauche ! Nous sommes des parlementaires comme les autres, et nous avons autant de droits que les autres, notamment le droit d’être respectés.

Je pourrais éventuellement comprendre votre position si le bilan de ce quinquennat était à la hauteur des problèmes des Français. Malheureusement, on est loin, très loin du compte, très loin des discours de 2007 et de 2008 !

Que sont vos belles promesses devenues ?

Rien !

Malheureusement, monsieur le ministre, alors que s’ouvre cette période électorale, vous allez radicaliser encore plus vos propos. Or, qu’observe-t-on autour de nous ? L’injustice à tous les étages, de plus en plus de chômeurs ... Vous n’êtes plus le ministre du travail, vous êtes le ministre du chômage ! C’est bien malheureux pour notre pays.

On nous reproche de faire de la politique. Mme Debré s’étonnait même il y a quelques jours, en commission des affaires sociales, que l’on puisse faire de la politique au Sénat... §

Alors, oui, madame Debré, nous sommes ici pour faire de la politique, et ce au service de l’intérêt général et de nos concitoyens !

Mme Isabelle Debré proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Le groupe socialiste votera bien évidemment l’amendement 1er, c’est-à-dire l’article 2 réécrit par la commission. C’est une question de morale, une question de morale politique, une question de morale financière.

Mes chers collègues, combien de collectivités ont été dupées par des entreprises auxquelles elles accordaient des aides et qui, au motif qu’elles étaient contraintes de procéder à des licenciements économiques – en réalité, des licenciements boursiers ! –, ont fermé les sites et sont parties s’installer dans de lointaines contrées, en l’occurrence des pays émergents !

Il faudrait donc applaudir ces entreprises, et en plus régler l’addition du déménagement ? Nous nous y refusons ! Voilà pourquoi nous voterons cet amendement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, je constate que la liste des demandes de parole pour explication de vote s’allonge. C’est tout à fait légitime, mais je tiens à rappeler que les conclusions de la conférence des présidents nous imposent d’interrompre nos débats à treize heures.

La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Mes chers collègues, vous voulez combattre les licenciements boursiers. Je pense, pour ma part, qu’il convient de lutter contre les licenciements abusifs.

Par ailleurs, je ne comprends pas le sens de cet amendement n° 1.

Lorsqu’une entreprise procède à des licenciements économiques, c’est qu’elle va mal. J’en connais peu qui, alors, distribuent des dividendes !

Vous avez dit, madame Borvo Cohen-Seat, que les fonds de pension n’avaient pas d’âme. Je suis d’accord avec vous, mais, je vous pose la question, pourquoi ces fonds existent-ils en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Pourquoi n’y a-t-il plus d’investissement familial dans les entreprises en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

Pourquoi n’encourage-t-on pas nos créateurs d’entreprises à les laisser grandir en France ? Pourquoi vendent-ils leurs entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Houpert

M. Alain Houpert. La raison est simple : l’impôt de solidarité sur la fortune a fait fuir hors de France 100 milliards d’euros de capitaux. Ces entreprises ont donc été vendues à des multinationales et à des fonds de pension qui veulent des rendements à deux chiffres !

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Nous ne voterons bien évidemment pas cet amendement, qui fait se réduire la proposition de loi comme une peau de chagrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Le principe de conditionnalité de l’attribution des aides publiques que l’on nous propose est toujours aussi flou, et ce n’est pas l’amendement qui permettra de le préciser.

Ainsi, les dispositions proposées s’appliquent à toutes les aides publiques et il n’est fait référence, à aucun moment, à l’objectif recherché au travers de l’aide publique accordée. Il serait préférable d’examiner la situation de l’entreprise au moment où cette aide est attribuée, et en fonction de cet objectif.

Vous n’apportez pas plus de précisions sur la procédure de remboursement que vous préconisez. Or celle-ci présente le double inconvénient de ne fixer aucun terme calendaire à l’engagement de ne pas licencier et de n’être accompagnée d’aucune modalité d’exonération.

Ainsi réduite à peu de chose, à l’issue du vote sur l’article 1er, cette proposition de loi n’a plus aucun sens. Nous ne pouvons donc pas l’approuver.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je tiens à confirmer notre opposition aux licenciements abusifs. Or l’article 2 de la proposition de loi ne répond pas plus que l’article 1er aux difficultés que posent ces licenciements !

Madame Borvo Cohen-Seat, cet amendement ne permet aucunement de régler le cas de l’entreprise de la Marne que vous citez, car celle-ci n’a pas touché d’argent public !

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Les collectivités ont aidé les entreprises à s’implanter en aménageant des zones d’activité. Pensez-vous vraiment que votre amendement puisse d’une quelconque manière nous servir de moyen de pression pour tenter de récupérer une partie des fonds ?

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Ce qui démontre encore une fois que ce n’est pas avec un texte rédigé dans la précipitation que nous pourrons résoudre les graves problèmes économiques qui existent sur le territoire.

Il nous appartiendra de réfléchir à nouveau, ensemble, aux solutions permettant de lutter contre les licenciements abusifs, mais dans la sérénité, et non dans la précipitation !

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On pourrait parler aussi, cher collègue, de la précipitation avec laquelle l’Europe agit en Grèce, au risque de l’enfoncer davantage... Mais passons !

Monsieur le ministre, j’ai l’impression que l’état de grâce dans lequel vous vous trouvez après l’annonce, hier soir, de la candidature du Président de la République, vous a empêché de bien lire l’amendement n° 1 !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Non, l’amendement n° 1 ne ressemble en rien à l’article 1er. Il ne s’agit donc pas d’une redite !

Vous vous êtes aussi réjoui, avec force sourires, que le premier vote ait été en notre défaveur. Vous l’attribuez au fait que la proposition de loi ne serait pas bonne. Monsieur le ministre, pardonnez-moi, mais lorsque l’une de vos propositions est rejetée, ce qui arrive souvent, vous n’attribuez pas cet échec à la mauvaise qualité de ce que vous défendez !

Debut de section - Permalien
Xavier Bertrand, ministre

Vous êtes majoritaires, il paraît...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La portée du présent amendement, tendant à rédiger l’article 2, est différente de celle de l’article 1er. Il s’agissait, dans un premier temps, d’interdire les licenciements boursiers. À présent, nous demandons au Sénat de se prononcer – et nous avons besoin de l’avis de tous - pour que l’entreprise qui procède à des licenciements pour motif économique, alors qu’elle a distribué des dividendes – cela répond à votre question, monsieur Houpert ! –, restitue les aides publiques qu’elle a perçues.

En votant contre cet amendement, vous signifierez clairement que vous ne souhaitez pas qu’une entreprise qui a licencié restitue les aides publiques qu’elle a perçues.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je veux rappeler, brièvement et sans passion, les doutes de mon groupe, non sur la philosophie de la présente proposition de loi, mais sur son efficacité et son applicabilité. Ainsi, il paraît difficile de différencier un licenciement économique d’un licenciement boursier.

Nous aurions préféré une proposition de résolution, qui nous aurait permis de préparer, durant quelques semaines, une loi plus réfléchie.

Dans ces conditions, à l’occasion de ce vote, notre groupe maintiendra sa diversité d’expression.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je mets aux voix l’amendement n° 1, tendant à rédiger l’article 2.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Voici le résultat du scrutin n° 105 :

Le Sénat n’a pas adopté l’amendement n° 1, non plus que l’article 2.

Les deux articles de la proposition de loi ayant été rejetés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.

La proposition de loi est rejetée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.