Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme elle le fait pour tous les textes relatifs au droit de l’urbanisme dont l’examen au fond revient à la commission de l’économie, la commission des lois s’est saisie pour avis de ce projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.
Si le constat d’une pénurie de logements en France est amplement partagé, la réponse de circonstance que le Gouvernement souhaite apporter à ce problème n’est pas à la hauteur des enjeux.
Force est de constater que, lors de toutes les auditions auxquelles Thierry Repentin et votre serviteur ont procédé, les acteurs du secteur de la construction et de l’urbanisme ont fait preuve d’un véritable scepticisme, et même, pour certains d’entre eux, ont exprimé leur rejet de la proposition du Gouvernement. Quant aux élus locaux et leurs associations, ils n’ont pas été consultés avant l’annonce du chef de l’État ; autant dire que les élus du terrain ne souhaitent pas la mise en œuvre de cette réforme à l’élaboration de laquelle le Gouvernement ne les a pas associés. Tous ont souligné, lors des auditions, l’absence de concertation préalable, le caractère improvisé de la mesure et, surtout, sa déconnexion des réalités locales.
La mesure principale du projet de loi est la majoration de 30 % des droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou de coefficient d’occupation des sols, fixés par les PLU.
Cette hausse généralisée des droits à construire prend deux voies. D’une part, le projet de loi prévoit une modification de l’actuel article L. 123-1-11 du code de l’urbanisme, qui a été introduit – cela vient d’être rappelé – par la loi MOLLE de 2009 et qui permet déjà aux autorités locales de décider une majoration pouvant aller jusqu’à 20 % ; ce taux maximal serait porté à 30 %. D'autre part, le projet de loi prévoit d’insérer un nouvel article L. 1231-11-1 dans le même code, qui imposerait une majoration automatique de 30 % des droits à construire sur l’ensemble du territoire national pendant trois ans, sauf délibération contraire de l’autorité locale compétente, commune ou EPCI. Ces deux majorations ne pourraient pas se cumuler puisque, en tout état de cause, l’ensemble des majorations existantes et à venir resteraient limitées à un plafond de 50 %.
Pour respecter la Charte de l’environnement de 2004, et plus précisément son article 7, qui dispose que la population a le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, le projet de loi prévoit une consultation du public, qui consistera essentiellement à recueillir les observations de la population pendant un mois.
Lors de l’examen en commission de ce texte à l’Assemblée nationale, les députés, qui ont bien perçu le coût important que cette procédure risque d’entraîner pour les collectivités territoriales, ont remplacé l’obligation de réaliser une étude d’impact par celle de rédiger une simple note d’information.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté en séance publique un amendement visant à lever une autre ambiguïté rédactionnelle. En effet, dans sa version initiale, le projet de loi prévoyait que l’assemblée délibérante statuerait « au vu des résultats » de la consultation du public, ce qui pouvait laisser penser que l’organe délibérant devait se conformer à l’avis de la population. Il est désormais précisé que l’organe délibérant se prononcera « à l’issue » de la consultation.
Vous l’aurez compris, la commission des lois ne partage pas l’enthousiasme du Gouvernement quant à l’utilité de ce projet de loi. La situation du logement est pourtant préoccupante : selon la Fondation Abbé Pierre, 3, 6 millions de personnes sont sans logement ou mal-logées en France, soit plus de 5 % de nos concitoyens !
On estime que, pour faire face à cette pénurie, il faudrait construire 400 000 à 500 000 logements par an pendant dix ans.