Intervention de Joël Labbé

Réunion du 29 février 2012 à 21h30
Majoration des droits à construire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Je vous répondrai tout à l’heure, si vous me reposez votre question, monsieur le ministre.

Troisièmement, cette mesure fait abstraction de la notion de paysage urbain dense et de qualité.

La densification a déjà mauvaise presse. Or il convient de produire des espaces denses de qualité si l’on souhaite réhabiliter cette idée. Car oui, la densification est une réponse dans la lutte contre le phénomène d’étalement urbain, très consommateur d’espaces, agricoles notamment. Mais celle-ci ne doit pas se faire partout de manière uniforme, sans discernement ni concertation. Certains secteurs, reconnaissons-le, souffrent déjà de surdensité.

Une densité de qualité se construit sur la base d’un projet partagé et doit prendre en compte le contexte et l’existant. C’est bien tout le rôle des documents d’urbanisme et en particulier des orientations d’aménagement et de programmation. Cette mesure vient perturber ces travaux de fond, qui sont du ressort des élus locaux.

Monsieur le ministre, vous vous vantez que votre dispositif n’aurait pas d’incidence sur les finances publiques. C’est faux, car, de fait, ce que l’on appelle le document préalable, ou tout autre document qui n’est plus une étude d’impact, aura un coût réel pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles, dépourvues de services administratifs.

Le mécanisme de mise en œuvre de la mesure est par ailleurs inadapté. Le délai qu’il instaure vient s’ajouter à ceux qui sont en cours dans les procédures d’élaboration ou de révision des PLU – je le sais d’autant mieux que le PLU de la commune dont je suis le maire est en cours de révision –, alors que l’on manque déjà de moyens pour les faire adopter dans de bonnes conditions.

Le risque est de produire, sans réelle concertation, des documents toujours plus techniques. Or la faible participation des citoyens aux enquêtes publiques est déjà la preuve d’un manque de concertation et de pédagogie, laquelle est pourtant bien nécessaire. Les populations sont à même d’admettre la densification à condition d’être consultées et écoutées.

J’en viens à l’essentiel de notre discussion, à savoir son enjeu. Aujourd’hui, on recense 3, 6 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants ; par ailleurs, 5 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement. Vous le savez, monsieur le ministre, vous en êtes conscient, tout comme nous : il s’agit là d’un enjeu majeur.

Aujourd’hui, il manque près de 900 000 logements. La mesure que vous nous proposez est une sorte de trompe-l’œil qui ne permettra pas, vous le savez, de réduire ce déficit.

Il convient, c’est entendu, de construire 400 000 à 500 000 logements par an. La réalisation d’un tel objectif doit s’appuyer notamment sur une véritable stratégie foncière.

En France, ce n’est pas parce qu’un terrain est déclaré constructible qu’il sera construit. Si l’on observe la situation de certains pays voisins, les Pays-Bas ou la Suède en particulier, on constate que, là-bas, c’est la collectivité qui achète les terrains ouverts à l’urbanisation, qui les aménage, crée les équipements, puis les revend à des prix différenciés selon l’usage.

La législation française nous permet de faire de même. Dans la commune dont je suis le maire, qui compte 3 800 habitants répartis sur 2 500 hectares, aujourd’hui, nous avons sous le coude tous les terrains qui seront urbanisables à l’avenir. Nous ne menons plus que des opérations publiques d’aménagement.

Cette situation résulte d’une politique volontariste, parce que je considère aussi la commune comme un laboratoire. Les opérations d’achat ont été conduites avant les dernières élections. Cela montre que, au final, les populations sont à même d’entendre et de comprendre ces actions, dans la mesure où il y a une véritable communication. Néanmoins, une telle politique ne peut pas être conduite à la hussarde.

En France, nous en avons tous l’expérience, lorsque, dans le cadre d’un plan local d’urbanisme, un terrain est classé en zone constructible, le propriétaire ne peut que se réjouir, car son patrimoine est multiplié par dix, vingt, trente, voire cent, sans la moindre obligation en retour.

Nos collègues MM. Braye et Repentin en faisaient déjà le constat en 2005.

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