Séance en hémicycle du 29 février 2012 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • construire
  • foncier
  • logement
  • majoration

La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.

Photo de Charles Guené

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la majoration des droits à construire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire ne saurait constituer à nos yeux une déclaration recevable d’achèvement des travaux de la session législative.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

S’il est un sujet sensible pour les collectivités locales du bloc communal, c’est bien celui de l’urbanisme, du droit des sols, des permis de construire.

Comment le Gouvernement peut-il justifier l’absence de toute réelle concertation avec les associations d’élus locaux, lesquelles ont d’ailleurs clairement fait savoir, en l’état, leur opposition à ce projet de loi ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce projet de loi est la dernière cerise sur le gâteau indigeste des textes pré-élection présidentielle. Il constitue très clairement une mauvaise réponse à un véritable problème, celui du logement en France.

Certes, il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

M. Martial Bourquin. Il n’est jamais trop tard pour ne rien faire !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Toutefois, après les cinq années nécessaires pour parvenir à ce diagnostic tardif, nous étions au moins en droit d’espérer un projet permettant d’apporter un réel progrès sur le dossier du logement. Tel n’est pas le cas.

Il est vrai qu’il est plus facile de déposer un projet de loi visant à majorer les droits à construire que de faire appliquer par les communes réfractaires les dispositions de la loi SRU concernant le pourcentage de logements sociaux.

Le vrai problème, c’est la situation des 3, 6 millions de personnes non ou mal logées. Ainsi 600 000 Français sont-ils privés de domicile personnel, plus de 2, 5 millions de nos concitoyens vivent dans des logements inconfortables ou surpeuplés, plus de 1, 2 million de locataires se trouvent en situation d’impayés de loyers et nombre de propriétaires occupent un logement dans une copropriété en difficulté. En outre, 3, 8 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique.

Élus locaux, nous savons tous cela. Il n’est pas une agglomération où la question de la demande de logement social ne se pose pas, y compris, monsieur le ministre, dans les zones que vous avez qualifiées de « détendues ».

Les dix dernières années ont été caractérisées par une flambée des prix et des loyers. Les prix d’acquisition des logements anciens ont plus que doublé, voire triplé, dans certaines communes. Le niveau des loyers moyens dans le parc privé a, pour sa part, progressé de 50 %. Le taux d’effort des ménages en locatif après déduction de l’APL, l’aide personnalisée au logement, frôle les 50 % dans le parc privé et dépasse les 25 % dans le parc social.

Constatons aussi que, dans le domaine de l’accession à la propriété, la rareté du foncier, des taux d’intérêt faibles et une fiscalité de niches ont alimenté la demande.

Comme l’emploi, la santé et l’éducation, le logement constitue une préoccupation fondamentale et légitime de nos concitoyens. Ce que l’on peut qualifier de grande cause nationale mérite mieux que ce projet de loi tardif révélant surtout, de notre point de vue, l’échec d’une politique.

Le rapport public annuel de la Cour des comptes de février 2012, dont je vous recommande la lecture, mes chers collègues – mais je sais que vous êtes nombreux à l’avoir lu ! –, est on ne peut plus clair. Concernant le financement du logement social, il y est relevé que « le contexte des finances publiques a conduit en 2011 et pour 2012 à prévoir une sensible réduction de cet effort budgétaire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Par ailleurs, la Cour des comptes fustige la politique menée en faveur du recentrage des priorités en matière de logement social, considérant que celle-ci a été « conduite de manière paradoxale, par référence non au zonage conçu spécifiquement pour les logements sociaux, mais à une cartographie du territoire dessinée pour les aides à l’investissement locatif privé ».

Elle ajoute : « La politique de concentration des financements sur les zones les plus tendues, mise en œuvre de façon effective depuis 2010, s’appuie ainsi sur des instruments inadaptés, parfois même contre-productifs, et ses résultats sont, à ce jour, modestes. »

Au lieu de tirer la substantifique moelle de ce rapport de la Cour des comptes, vous avez préféré rebondir avec ce projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

Monsieur le ministre, comment oublier que vous avez mis en place une mesure conduisant à ponctionner financièrement nombre d’organismes HLM publics et privés, ce qui met en péril leur capacité d’autofinancement, donc de construction de logements sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Dans le département dont je suis l’élu, deux organismes – l’un est public, l’autre est une société anonyme –, sont ainsi ponctionnés de 2 millions d’euros. Et je vois là-haut, sur les travées de l’UMP, un autre responsable de cette situation !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce projet de loi témoigne tout d’abord d’un profond mépris pour les collectivités locales, qui, pour la plupart d’entre elles, définissent leurs orientations en matière d’urbanisme et de logement par les POS, les PLU, les PLH, et les SCOT.

Non seulement vous passez outre leurs orientations et paraissez oublier qu’il existe déjà des dispositifs de majoration des droits à construire, mais, alors même que vous prônez à juste titre la simplification du droit et l’allégement des normes, vous infligez à nos collectivités la charge d’une nouvelle usine à gaz par l’obligation, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, de mettre à la disposition du public une note d’information présentant les conséquences de l’application de la majoration de 30 % des droits à construire, avec note de synthèse sur les observations, publication dans les conditions prévues en ce qui concerne la modification des règles d’urbanisme et présentation à l’organe délibérant.

C’est la simplification par la complexification et la multiplication des recours préservant les intérêts particuliers, sans parler des chantages au recours, déjà observés dans certaines de nos métropoles, alors même que nous avons tous, y compris, très certainement, le Gouvernement, la volonté de mettre fin à de telles pratiques !

Comment, d’autre part, imaginer qu’une telle augmentation, aussi soudaine, de 30 % des droits à construire n’aurait pas d’effet sur la valeur du foncier, en particulier dans les zones où le terrain nu est déjà très cher, trop cher ?

L’effet de hausse du foncier sera inéluctable. En la matière, seule la fiscalité foncière peut accélérer la mise sur le marché de terrains constructibles.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Tout à fait d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. C’est aussi parfois le cas du recours à l’expropriation, pour laquelle, depuis fort longtemps, l’utilisation obligatoire en parallèle d’une procédure administrative pour obtenir la DUP, la déclaration d’utilité publique, et d’une procédure judiciaire pour obtenir l’ordonnance d’expropriation valant transfert de propriété ainsi que, le cas échéant, le jugement sur le prix constituent des mécanismes lents et complexes qui mériteraient d’être simplifiés. À tout le moins, le recours à la procédure d’urgence devrait être facilité.

Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comment, par ailleurs, ne pas rester perplexe devant une mécanique s’imposant, sauf délibération contraire, à une grande partie de nos collectivités, alors que vous-même, monsieur le ministre, avez signalé les distorsions considérables qui existent entre les territoires ?

Comment oublier aussi que chaque permis de construire est délivré sans préjudice des droits des tiers, et que, ainsi, sur le bâti existant, cette augmentation aveugle de droits à construire risque de se faire souvent en contradiction absolue non seulement avec les règlements de lotissement et de copropriété horizontale et verticale, mais aussi, et surtout, avec les servitudes de droit privé découlant de l’application stricte du code civil ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je note que vous avez heureusement exclu du dispositif les zones exposées au bruit et les secteurs sauvegardés.

Vous n’avez pas prévu de modifier les règles édictées par l’une des servitudes d’utilité publique prévues à l’article L. 126-1 du code de l’urbanisme, alors que, dans certains cas – je pense, par exemple, aux ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager –, il serait opportun de pouvoir modifier ces dispositifs beaucoup plus facilement et rapidement.

Monsieur le ministre, comment concevez-vous l’intercommunalité, comment avoir une vision prospective du territoire lorsque le III de l’article unique du projet de loi initial dispose que « les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peuvent décider d’appliquer [la majoration de droits à construire], nonobstant toute délibération contraire de l’établissement public, ou d’écarter cette application » ?

Par cette mesure, vous introduisez volontairement des éléments de conflit dans la gestion intercommunale. C’est, une fois de plus, une illustration de votre politique de rupture.

Alors que, globalement, un consensus existe sur la nécessité d’aller, en matière d’urbanisme et de logement, vers la densification, du niveau des métropoles à celui des bourgs centres de nos communes rurales, pour permettre, en particulier, une meilleure gestion du développement durable et des services au public, en matière d’eau, d’assainissement, de déchets, de politique des transports, d’énergie, votre projet ne résout rien, bien au contraire.

Oui, ce que nous attendons, c’est un engagement fort de l’État pour faire du logement une priorité, avec un accroissement fort du budget des aides à la pierre, l’augmentation du plafond du livret A, les incitations, y compris par les pénalités, en direction des communes qui renâclent à développer le logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le chantier du logement, celui des économies d’énergie dans les logements, c’est cumuler les avantages d’une politique sociale et d’une politique économique.

Mes chers collègues, d’ici à une quinzaine d’années, la population de la France devrait avoir augmenté d’environ 10 %. C’est une chance ; c’est aussi un devoir pour nous tous de faire face, par des mesures fortes, prospectives et innovantes, à cet enjeu. À cet égard, la proposition de notre collègue Thierry Repentin va dans ce sens.

Votre texte, monsieur le ministre, ne répond pas à ces enjeux. C’est pour cette raison que, très majoritairement, notre groupe le rejettera et votera celui qu’a élaboré la commission.

Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique menée depuis bientôt cinq ans par le Gouvernement a permis de produire plus de logements locatifs privés, plus de logements sociaux, et de faciliter l’accession à la propriété.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Très juste !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Si la crise financière a eu des conséquences sur le secteur de la construction, aucun pays n’a mieux résisté que la France en matière de production de logements, notamment grâce au plan de relance, qui a permis de soutenir ce secteur.

Le Gouvernement a déposé un projet de loi qui s’inscrit dans le cadre de la politique menée depuis 2007, avec, successivement, la loi de cohésion sociale, la loi portant engagement national pour le logement, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion et le volet urbanisme de la loi Grenelle II portant engagement national pour l’environnement, auxquelles s’ajoutent l’ensemble des mesures fiscales adoptées en lois de finances.

Ce texte traduit une volonté forte, affirmée par le Président de la République, celle de relancer encore davantage la construction de logements.

La crise du logement étant une crise de l’offre, c’est du côté de cette dernière que le Gouvernement souhaite agir, en augmentant les possibilités de construire sur un terrain donné. Il s’agit donc de renforcer les possibilités de « construire plus », pour « habiter mieux ».

Le dispositif du texte présenté par le Gouvernement s’adresse aux communes couvertes par un PLU ou par un POS ; les autres ne sont pas concernées, puisqu’elles ont déjà la faculté d’appliquer la densification qu’elles souhaitent, avec le taux qu’elles décident.

Ce sont aujourd’hui environ 17 000 communes qui sont concernées par ce projet de loi, dont l’article unique porte à 30 % la majoration des règles de constructibilité, cela pour une durée de trois ans, sauf délibération contraire de la collectivité. Celle-ci peut d’ailleurs revenir à tout moment sur son choix initial, soit pour écarter l’application de la majoration, soit pour l’introduire. Le principe de libre administration des collectivités locales est donc totalement respecté.

Il est bien entendu que la majoration ne sera applicable que dans les zones constructibles, où les autorisations d’urbanisme devront toujours être sollicitées et seront délivrées selon les mêmes règles.

Elle ne sera donc pas applicable dans les zones agricoles, ni dans les zones naturelles, ni dans les secteurs sauvegardés, ni sur les territoires couverts par un plan de prévention des risques ou un plan d’exposition au bruit.

Cette mesure est particulièrement intéressante, puisqu’elle s’adresse aussi bien au particulier qui souhaite agrandir sa maison qu’à la collectivité qui développe un programme de logements sur son territoire ou au professionnel de l’immobilier.

Elle donne également aux copropriétaires qui le souhaitent la possibilité de surélever leur immeuble ou de le réhabiliter avec une augmentation des surfaces permettant la création de logements supplémentaires.

La majoration de constructibilité est susceptible de se traduire pour les maisons individuelles par l’ajout de surfaces, qui peuvent être une réponse aux besoins de familles recomposées plus nombreuses, ou permettre la création de petits logements indépendants accueillant une personne âgée ou un jeune actif.

Elle peut également permettre, après une division de terrain, la construction d’un nouveau logement.

Cette mesure devrait donc aider non seulement à augmenter le nombre de logements offerts, mais aussi à diversifier l’offre, entre neuf et ancien, petits et grands logements, logements pour personnes âgées ou pour jeunes actifs ou étudiants.

De son côté, l’État montre l’exemple, puisqu’il s’est engagé à libérer, entre 2012 et 2016, 1 500 hectares de terrains qu’il détient, dont 880 hectares en Île-de-France, afin de dynamiser la construction.

Par ailleurs, le recours proposé aux baux emphytéotiques de longue durée est également très positif.

L’architecture générale du projet de loi est de bon sens, puisqu’il s’agit d’augmenter l’offre de logements sans augmenter la dépense publique, de densifier les constructions sur le territoire et de favoriser un mécanisme moins consommateur d’espace, permettant ainsi de limiter les déplacements et de rentabiliser les équipements existants.

Il s’agit aussi de favoriser les économies d’échelle, en permettant par exemple la transformation de bureaux en logements, de manière à améliorer l’équilibre financier des opérations de réhabilitation.

De plus, ce texte permet de répondre à l’évolution de notre société, dans laquelle l’accroissement des familles recomposées est notoire, tandis que les besoins d’adaptation des logements pour le maintien des personnes âgées ou handicapées à domicile sont, eux aussi, grandissants.

L’objectif de la mesure est bien d’accroître l’offre de logements tout en permettant une meilleure utilisation de l’espace, en densifiant la ville et en prévenant l’étalement urbain.

On ne peut pas, en effet, d’un côté, s’alarmer de la disparition tous les sept ans environ de l’équivalent d’un département en espace agricole, et, de l’autre, refuser la densification. Il y aurait une certaine incohérence dans tout cela.

Une autre conséquence de la mise en place de cette mesure est la relance de la construction, parce que le bâtiment est un secteur essentiel à la croissance et représente, sur l’ensemble de la chaîne, 2, 4 millions d’emplois, dont 1, 5 million pour le seul BTP. Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé, chaque nouveau logement représente 1, 5 emploi.

Cette disposition va donc profiter au secteur du BTP et, en amont, aux architectes, qui se verront confier de nouvelles opérations, lesquelles n’étaient pas nécessairement programmées dans leurs carnets de commandes.

Il y a, par ailleurs, un point qui me tient à cœur et que je souhaite aborder, monsieur le ministre, car il constitue un frein considérable à la construction de logements : il s’agit des recours, plus particulièrement des recours abusifs. J’ai d’ailleurs cosigné avec mon collègue Daniel Dubois un amendement à ce sujet.

En effet, il n’est pas une opération de zone d’aménagement concerté, une opération de lotissement ou même de simples permis de construire qui ne fassent l’objet d’un ou de plusieurs recours, généralement infondés, venant soit d’un voisin, soit d’un groupe de riverains, soit encore d’associations ayant un intérêt masqué. C’est ainsi que les constructions sont fortement retardées, au minimum de plusieurs mois, voire bloquées ou abandonnées.

S’ajoute souvent, dans les opérations d’aménagement, le délai de procédure de la déclaration d’utilité publique : sa durée minimum d’un an peut geler un projet souvent pour une seule parcelle dont le propriétaire fait de la résistance, laquelle bloque l’ensemble du périmètre d’opération, sauf à pouvoir commencer une première tranche où le foncier est maîtrisé avant de disposer de l’arrêté préfectoral de DUP, ce qui ne semble pas être autorisé. Peut-être pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?

Enfin, si ce texte n’est pas le bon vecteur pour traiter des recours et des délais qui freinent les constructions de logements, quelles possibilités entrevoyez-vous pour qu’un commencement de solution soit apporté ? J’ai pris note qu’un décret devrait être prochainement publié ; c’est peut-être un début.

Enfin, et pour en revenir à la version initiale du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, texte simple et pragmatique, compte tenu des garde-fous mis en place avec le dispositif, mes collègues du groupe UMP et moi-même souhaitions y apporter notre soutien.

Or le rapporteur de la commission lui a trouvé tous les défauts possibles…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Et même d’autres encore !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

… et a décidé, purement et simplement, de le rejeter et de le remplacer par un nouveau dispositif permettant à l’État de céder ses terrains et ses immeubles, avec une décote de 100 % de la valeur vénale pour la construction de logements sociaux.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Rien que ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Et pouvant atteindre 100 % de la valeur vénale de l’immeuble !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Le texte initial prévoyait pourtant cette possibilité de mise à disposition de terrains de l’État pour favoriser la construction de logements. De plus, celle-ci est déjà effective depuis quatre ans. Dans le cadre du programme 2008-2012, près de 55 000 logements auront été mis en chantier sur des terrains publics en cinq ans, malgré la crise majeure qui a frappé le secteur de l’immobilier.

L’État a donc déjà la possibilité de céder ses terrains à une valeur inférieure à leur valeur vénale. La décote peut aller jusqu’à 25 % pour faire du logement social, et même 35 % en zone tendue. Ce mécanisme fonctionne et permet le financement équilibré des opérations de logements sociaux.

Votre dispositif, monsieur le rapporteur, n’apporte donc pas grand-chose de nouveau et, surtout, il ne prévoit aucune incitation à utiliser les droits à construire pour les collectivités locales, ce qui est tout à fait regrettable, dans le contexte actuel, pour le logement social, pour les particuliers comme pour le secteur de la construction.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Vous avez raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Il s’agit, en fait, d’un véritable hold-up sur le projet de loi initial…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

… destiné à le remplacer par une bien fade proposition, que le groupe UMP ne votera pas.

En revanche, nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement visant à revenir au dispositif initial.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de rappeler les propos tout à fait stupéfiants par lesquels a été annoncé le texte que nous examinons ce soir : « Nous avons décidé […] que tout terrain, toute maison, tout immeuble verra ses possibilités de construction augmenter de 30 %. […] Cela va donner un travail formidable à toute l’industrie du bâtiment. Deuxièmement, cela va augmenter considérablement le nombre de logements, donc cela fera pression sur les prix. Et enfin, les prix de l’immobilier à l’achat, à la vente, et les prix à la location vont pouvoir baisser. »

Tels étaient les propos que le Président de la République tenait voilà juste un mois. Je suppose, monsieur le ministre, que pour rattraper ce coup-là, vous avez dû vous raccrocher aux branches !

Je sais que vous avez participé au Grenelle de l’environnement, dont j’aurais sans doute partagé les conclusions si elles avaient été adaptées et véritablement mises en œuvre. D'ailleurs, le temps qui a été perdu ne l’a, en fait, pas vraiment été, car, dans un futur proche, nous pourrons travailler dans la perspective d’une véritable réforme de l’urbanisme et du logement.

La déclaration du Président de la République, au début de la campagne du candidat Nicolas Sarkozy, sonne comme un constat d’échec. J’ai pensé qu’il s’était demandé ce qu’il devait dire durant cette campagne et qu’il avait décidé de faire une annonce : d’un coup de baguette magique, avec un chiffre – 30 % –, il allait résoudre tous les problèmes ! Or ce n’est pas tenable, et vous le savez, monsieur le ministre.

Le droit à l’urbanisme se fonde sur un équilibre précaire entre plusieurs intérêts antagonistes que la majoration de 30 % des droits à construire fragiliserait durablement. Cette mesure ne serait certes applicable que pour une période transitoire de trois ans, ce qui est étrange d'ailleurs, mais une fois l’équilibre cassé, les effets seraient irrémédiables !

Cette mesure, proposée par le Gouvernement et supprimée par la commission, ne peut que nous frapper par sa brutalité. Elle n’a en effet été précédée d’aucune concertation, ni avec les professionnels, ni avec les populations, ni, surtout, avec les élus des collectivités territoriales pourtant directement concernés.

Cette mesure est par ailleurs inutile et dangereuse, pour plusieurs raisons.

Premièrement, son impact serait faible. Dans les secteurs qu’il serait nécessaire de densifier, à savoir la plus grande partie du tissu pavillonnaire sur le modèle duquel les villes se sont développées au cours des dernières décennies, les droits à construire sont de l’ordre d’un coefficient d’occupation des sols de 0, 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Il s’agit d’une moyenne nationale, mon cher collègue. Augmenter les possibilités d’un tiers ne changera pas grand-chose et, en tout état de cause, ne permettra pas la création d’un nombre suffisant de logements.

Il est des secteurs pavillonnaires sur lesquels il serait très facile de construire deux maisons sur un terrain aujourd’hui alloué à une seule maison.

Deuxièmement, cette majoration des droits à construire serait pernicieuse de par son caractère systématique.

La mesure valoriserait les secteurs où les droits à construire sont élevés. On ferait le bonheur de quelques opérateurs sur certains aménagements ponctuels, lorsque le terrain est déjà acheté sur la base des prix actuels et le permis pas encore déposé. Et le marché, comme à son habitude, s’adapterait, avec une augmentation des prix du foncier sur lesquels on a déjà une forte valorisation des droits à construire. Il s’agit donc bien d’une mesure qui provoquerait une spéculation foncière accrue.

Monsieur le ministre, vous l’avez d’ailleurs reconnu voilà quelques jours devant l’Assemblée nationale, en affirmant qu’une hausse de 30 % ne serait finalement pas si grave car, dans la mesure où elle prévaudrait dans toutes les zones tendues, la situation tendrait à s’équilibrer.

Par ailleurs, il deviendra plus difficile de faire aboutir des projets de logement social, mais aussi des projets immobiliers privés soucieux de construire des logements pour un prix abordable.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Je vous répondrai tout à l’heure, si vous me reposez votre question, monsieur le ministre.

Troisièmement, cette mesure fait abstraction de la notion de paysage urbain dense et de qualité.

La densification a déjà mauvaise presse. Or il convient de produire des espaces denses de qualité si l’on souhaite réhabiliter cette idée. Car oui, la densification est une réponse dans la lutte contre le phénomène d’étalement urbain, très consommateur d’espaces, agricoles notamment. Mais celle-ci ne doit pas se faire partout de manière uniforme, sans discernement ni concertation. Certains secteurs, reconnaissons-le, souffrent déjà de surdensité.

Une densité de qualité se construit sur la base d’un projet partagé et doit prendre en compte le contexte et l’existant. C’est bien tout le rôle des documents d’urbanisme et en particulier des orientations d’aménagement et de programmation. Cette mesure vient perturber ces travaux de fond, qui sont du ressort des élus locaux.

Monsieur le ministre, vous vous vantez que votre dispositif n’aurait pas d’incidence sur les finances publiques. C’est faux, car, de fait, ce que l’on appelle le document préalable, ou tout autre document qui n’est plus une étude d’impact, aura un coût réel pour les communes, notamment pour les plus petites d’entre elles, dépourvues de services administratifs.

Le mécanisme de mise en œuvre de la mesure est par ailleurs inadapté. Le délai qu’il instaure vient s’ajouter à ceux qui sont en cours dans les procédures d’élaboration ou de révision des PLU – je le sais d’autant mieux que le PLU de la commune dont je suis le maire est en cours de révision –, alors que l’on manque déjà de moyens pour les faire adopter dans de bonnes conditions.

Le risque est de produire, sans réelle concertation, des documents toujours plus techniques. Or la faible participation des citoyens aux enquêtes publiques est déjà la preuve d’un manque de concertation et de pédagogie, laquelle est pourtant bien nécessaire. Les populations sont à même d’admettre la densification à condition d’être consultées et écoutées.

J’en viens à l’essentiel de notre discussion, à savoir son enjeu. Aujourd’hui, on recense 3, 6 millions de personnes mal logées, dont 600 000 enfants ; par ailleurs, 5 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement. Vous le savez, monsieur le ministre, vous en êtes conscient, tout comme nous : il s’agit là d’un enjeu majeur.

Aujourd’hui, il manque près de 900 000 logements. La mesure que vous nous proposez est une sorte de trompe-l’œil qui ne permettra pas, vous le savez, de réduire ce déficit.

Il convient, c’est entendu, de construire 400 000 à 500 000 logements par an. La réalisation d’un tel objectif doit s’appuyer notamment sur une véritable stratégie foncière.

En France, ce n’est pas parce qu’un terrain est déclaré constructible qu’il sera construit. Si l’on observe la situation de certains pays voisins, les Pays-Bas ou la Suède en particulier, on constate que, là-bas, c’est la collectivité qui achète les terrains ouverts à l’urbanisation, qui les aménage, crée les équipements, puis les revend à des prix différenciés selon l’usage.

La législation française nous permet de faire de même. Dans la commune dont je suis le maire, qui compte 3 800 habitants répartis sur 2 500 hectares, aujourd’hui, nous avons sous le coude tous les terrains qui seront urbanisables à l’avenir. Nous ne menons plus que des opérations publiques d’aménagement.

Cette situation résulte d’une politique volontariste, parce que je considère aussi la commune comme un laboratoire. Les opérations d’achat ont été conduites avant les dernières élections. Cela montre que, au final, les populations sont à même d’entendre et de comprendre ces actions, dans la mesure où il y a une véritable communication. Néanmoins, une telle politique ne peut pas être conduite à la hussarde.

En France, nous en avons tous l’expérience, lorsque, dans le cadre d’un plan local d’urbanisme, un terrain est classé en zone constructible, le propriétaire ne peut que se réjouir, car son patrimoine est multiplié par dix, vingt, trente, voire cent, sans la moindre obligation en retour.

Nos collègues MM. Braye et Repentin en faisaient déjà le constat en 2005.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Je n’étais pas sénateur à l’époque, mais j’ai lu ce rapport. Ses auteurs soulignent que la rétention foncière « est favorisée par une fiscalité quasiment indolore pour la détention, et fortement dégressive dans le temps pour la taxation ». C’est bel et bien l’inverse qu’il faut faire !

À cet égard, le « durcissement » de la taxe foncière sur le foncier non bâti urbanisable en zones tendues voté à l’Assemblée nationale n’est qu’une mesure de faible portée. Il faut aller bien au-delà.

Dans de nombreuses villes européennes, une grande partie du sol est propriété publique : c’est le cas de 90 % du sol à Amsterdam et de 70 % à Stockholm. C’est là que l’on peut mettre en œuvre des politiques de planification.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Vous oubliez la Grande-Bretagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

M. Joël Labbé. En effet ! Merci de me rappeler l’exemple de ce pays, monsieur le ministre. En tout cas, c’est toute la différence entre l’appropriation publique du développement et l’abandon aux lois du marché qui, nous le savons, ne fonctionnent pas. Nous, écologistes, sommes de ceux qui demandent l’intervention de la force de la puissance publique pour servir l’intérêt public.

M. Charles Revet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Pourtant, on pourrait encourager la collectivité à conserver au moins la propriété de ce qu’elle possède déjà en offrant le terrain sous forme de baux de longue durée. Une telle disposition serait tout à fait adaptée à la production de logements sociaux ou à celle des coopératives d’habitat.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Enfin un point d’accord entre nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

J’espère que vous serez également d’accord sur le point suivant, monsieur le ministre, même s’il peut vous paraître anecdotique.

Cette mesure serait aussi une réponse au regard des attentes des personnes et des ménages, de plus en plus nombreux, souvent jeunes, qui, par choix de sobriété de vie ou par obligation, se retrouvent en logement alternatif en dehors de toute législation. Derrière ces situations, il y a des choix de vie auxquels il va bien falloir apporter une réponse. Dans une société en mutation, ce sont des expériences que nous devons encourager.

Les établissements publics fonciers sont aussi susceptibles de jouer un rôle accru dans la création de réserves foncières. Ils acquièrent et cèdent des terrains à des collectivités ou des opérateurs en vue de la réalisation d’opérations de logement sur les parcelles acquises.

Lorsque l’on passe par la puissance publique, on a également recours aux promoteurs privés, métier au demeurant fort respectable, mais la collectivité publique garde la main et la signature. Je sais ce que cela représente, pour le vivre dans la commune dont je suis le maire. On peut alors réaliser une densification et une mixité pensées.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé tout à l’heure que vous envisagiez d’aider les maires bâtisseurs. Sachez que vous êtes attendu sur ce sujet. Toutefois, vous ne pouvez pas dire que vous allez aider les maires bâtisseurs et délaisser les autres. En effet, certains maires bâtisseurs sont à la tête de communes dont les besoins sont moindres que ceux d’autres zones, où les maires sont moins engagés sur le front du logement. Cette déclaration reste donc purement formelle.

En revanche, les collectivités locales ont besoin d’un véritable soutien. Actuellement – j’ai reçu un tel dossier avant-hier –, lorsqu’une commune veut construire un logement social, on lui demande 20 000 euros pour la construction proprement dite et 20 000 euros d’aide sur le foncier aménagé. Ces collectivités, que le Président de la République accuse d’être dépensières, …

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

… il faudra bien les aider d’une manière ou d’une autre.

Monsieur le ministre, je vais oublier votre dispositif, car la commission nous en présente un autre, selon moi plus intéressant.

L’application réelle des dispositions du Grenelle de l’environnement dans le domaine de l’urbanisme et du logement représentera une avancée forte intéressante. Il conviendra, dans le cadre d’une véritable politique du logement, avec un autre choix de société, de faire passer l’intérêt public avant l’intérêt privé. §

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je ne perdrai pas de temps avec l’article unique désormais proposé à la discussion, tant, à mes yeux – je l’ai souligné tout à l’heure en commission –, il est entaché d’irrégularités, sur le fond comme sur la forme.

Néanmoins, puisque le texte initial et celui de la commission sont respectivement simple et simpliste, je vais ici renouveler les questions, simples, que j’ai déjà posées en commission.

J’anticipe peut-être un peu, mais je crains, monsieur le ministre, que la production de logements pour l’année 2012 ne soit en légère baisse. Cela va-t-il renforcer une demande déjà insatisfaite ? La réponse paraît évidente : c’est oui !

Faut-il construire plus de logements ? Oui, évidemment, puisque la politique de l’offre est la seule qui permettra à terme, mais pas dans l’immédiat, de colmater le déficit de logements actuels et d’agir sur le niveau des prix.

Y a-t-il des zones particulièrement touchées ? La réponse est, là aussi, évidemment positive dans les agglomérations urbaines, notamment en Île-de-France, sans oublier les stations classées de tourisme.

Enfin, faut-il construire plus tout en limitant la consommation des espaces agricoles et l’étalement urbain ? Nous répondons tous oui à cette question. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres qui figuraient dans Les Échos de lundi dernier, à la suite de l’étude réalisée par les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural : depuis quinze ans, pour étendre les villes, on utilise en moyenne 78 000 hectares par an, soit la consommation d’un département moyen tous les quatre ans ; en parallèle – c’est aussi précisé dans l’étude –, depuis 2005, les villes se sont étendues de 3, 5 fois en surface.

On consomme donc de plus en plus de terrains agricoles, on ne produit pas assez de logements, mais, dans le même temps, les villes sont en train de s’étendre.

Mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur la réponse à apporter à ces questions. Il faut sans aucun doute, si l’on veut répondre à la crise du logement, construire plus en milieu urbain, et pour cela, c’est-à-dire pour résoudre ces contradictions et ce paradoxe, faire plus dense et plus haut. C’est incontournable !

Le problème soulevé est celui d’un urbanisme plus dense et de constructions – légèrement – plus hautes. Nous connaissons tous les difficultés liées à la construction de ces immeubles très élevés en région parisienne, pour lesquels il est difficile d’obtenir des réponses positives de la part des populations concernées.

Mes chers collègues, selon nous, l’intérêt du texte initial était donc de mettre en exergue un débat qui s’impose : celui de la densification urbaine, qui, je le répète, ne pourra être poursuivie sans une évaluation préalable des possibilités de constructions supplémentaires sur les terrains préexistants. C’est la quadrature du cercle !

Cela dit, monsieur le ministre, il est vrai que l’application du présent texte pose un certain nombre de difficultés, que l’on ne peut pas ignorer.

Déjà, en tant que telle, une seule mesure de ce type ne suffirait évidemment pas à régler la crise du logement. En effet, les maires, on le sait bien, sont confrontés aux problèmes suscités par leurs administrés. Par exemple, chaque fois qu’un immeuble locatif est construit dans un quartier, une association de défense se constitue.

En revanche, monsieur le ministre, j’ai retenu que vous réfléchissiez à l’idée d’un bonus pour les maires bâtisseurs. Aujourd’hui, on parle de malus. Mettons plutôt en place un bonus pour ceux qui osent, pour ceux qui font plus, pour ceux qui créent de la densité et qui, naturellement, financent et mettent en œuvre les services publics qui en découlent. Si vous pouviez mener une réflexion sur ce sujet, ce serait parfait !

De toute évidence, cette mesure seule ne permet pas de répondre aux enjeux de la construction de logements. Il faut un arsenal de solutions complémentaires pour agir sur les différents leviers de la construction. Je voudrais en citer trois, que vous avez abordées, monsieur le ministre.

Premièrement, il faut libérer plus de foncier. Au sein du groupe de travail sur l’urbanisme, il avait été envisagé, dans le cadre de la fiscalité sur les plus-values, de revenir sur la règle en vigueur et de décider que, moins longtemps un terrain serait conservé, moins la plus-value payée serait importante. C’est l’inverse du dispositif actuellement en place. Il faut absolument changer ce système, sous peine de bloquer fortement le foncier.

Deuxièmement, j’en discute souvent avec certains de nos collègues, il faut favoriser l’urbanisme de projet au détriment de l’urbanisme procédurier. Il n’est nullement question de mettre en cause la politique volontariste des élus, mais, dans un certain nombre de documents d’urbanisme, la règle est tellement contraignante que des projets de qualité ne peuvent aboutir. Parfois, il faut le dire, les agents « se refilent » les règlements, qui sont parfois imposés dans les PLU sans raison.

Troisièmement, et enfin, monsieur le ministre, je voudrais revenir, si vous me le permettez, sur les recours abusifs.

Les procédures abusives sont aujourd’hui inacceptables, et il serait possible de faciliter la réalisation des opérations sans que cela coûte trop cher – a priori le prix acquitté serait nul – si l’on avait un peu de volonté. Même si la situation est complexe, à un moment donné il faut agir : 15 % des programmes immobiliers ne voient pas le jour à cause des recours « abusifs », c’est-à-dire qui ne sont pas fondés sur des moyens sérieux.

Les exemples pleuvent, mais je ne citerai pas ceux que j’avais prévu de vous livrer avec force détails, monsieur le ministre, pour ne pas allonger le débat.

Quoi qu’il en soit, ce type de recours non seulement empêche 15 % du stock de projets de voir le jour, mais aussi contribue à la fermeture de nombreuses petites agences d’architectes qui ne peuvent plus faire face à ces procédures.

Les recours abusifs entraînent des surcoûts d’assurance ou de contreparties répercutées sur le prix de vente. Certains promoteurs – cela va loin ! – intègrent même le prix des recours dans leurs bilans, parce qu’ils savent que, de toute façon, ils vont devoir monnayer leurs projets.

En arriver à de telles situations est tout à fait insupportable ! On ne peut plus se voiler la face sur ces pratiques qui gangrènent le secteur. En ces temps de crise, je rappelle que la construction d’un immeuble de près de 80 appartements, vous le savez bien, monsieur le ministre, représente 50 emplois pendant deux ans. Il faut donc impérativement créer un électrochoc pour faire cesser de tels usages.

Dans cette perspective, j’ai déposé, avec mes collègues du groupe UCR, trois amendements dont l’un est cosigné par Élisabeth Lamure.

Le premier a pour objet d’encadrer plus strictement l’intérêt à agir contre des décisions d’urbanisme. Saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le juge a rappelé dans sa décision du 17 juin dernier…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je termine, monsieur le président.

Le juge a rappelé, disais-je, que l’intérêt à agir pouvait être encadré par la loi.

Un amendement de repli, quant à lui, a une portée beaucoup plus limitée, puisque cette disposition exclut les associations et ne concerne que les cas de non-opposition.

Le dernier amendement, enfin, vise à durcir les sanctions lorsque le recours a été qualifié d’abusif par le juge.

En tout état de cause, si ces amendements étaient adoptés, monsieur le ministre, ils auraient des répercussions immédiates sur le climat des affaires dans la construction de logements. Il est de notre devoir de statuer dans la loi sur ce sujet, pour ne pas laisser proliférer ce type de pratiques malveillantes, dont les professionnels et les demandeurs de logements sont les premières victimes.

Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques jours avant la fin de la session parlementaire, nous débattons de la nouvelle marotte du Président de la République : l’augmentation de 30 % des droits à construire.

Vous aviez donné le ton, monsieur le ministre, en déclarant lors de l’examen des crédits budgétaires que l’« on ne doit plus financer le logement par le budget public ».

C’est maintenant chose faite, et vous souhaitez, à deux mois de l’élection présidentielle, aller plus loin en tentant de faire la démonstration que l’on peut promouvoir une politique du logement sans pour autant faire appel à des investissements publics.

Nous verrons que cette posture se révèle n’être que de pur affichage et qu’un tel projet de loi ne sera en rien susceptible de répondre à la crise du logement. Au contraire, il risque de l’aggraver encore. Comment ne pas voir, en outre, qu’il s’agit d’une annonce à bon compte pour le Gouvernement, puisqu’elle vous permet de faire croire que le manque de construction relève non pas de votre responsabilité, mais de celle des élus locaux ?

Aussi, de prime abord, nous souhaiterions revenir sur la méthode employée.

Il y a un mois, jour pour jour, le Président de la République annonçait au journal de 20 heures son projet pour le logement. Ce texte est ainsi débattu à la hussarde : il était examiné la semaine dernière à l’Assemblée nationale, hier en commission, aujourd’hui en séance, et il reviendra la semaine prochaine pour une ultime lecture.

Les délais sont bien trop courts pour permettre aux parlementaires de remplir leur mission, c'est-à-dire d’accomplir leur travail législatif. En agissant ainsi, vous considérez nos assemblées comme de simples chambres d’enregistrement. Nous estimons qu’il s’agit là d’une grave dérive de nos institutions vers une présidentialisation que nous jugeons très négativement, puisqu’elle s’apparente au fait du prince.

Aussi, avant d’en venir au cœur des dispositions du présent texte, il est utile de faire une mise au point.

En effet, loin du grand satisfecit que vous vous attribuez en permanence en la matière, la situation du logement en France est dramatique, comme le soulignait encore très récemment la Fondation Abbé Pierre.

Ainsi, depuis 2002, la politique du Gouvernement s’est incarnée dans une réduction des crédits, les aides à la pierre ne représentant plus aujourd’hui que 320 millions d’euros, en baisse d’un milliard d’euros en cinq ans. À l’inverse, les exonérations fiscales représentent près de 13 milliards d’euros.

On voit donc bien la logique à l’œuvre : favoriser la marchandisation du logement. Ce faisant, vous êtes responsable de la création d’une bulle immobilière, entretenant le logement cher.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Rien que ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Oui, monsieur le ministre. Ceux qui paient leur loyer chaque fin de mois le savent.

En complément, vous menez une charge sans précédent contre le logement public, prônant une France des propriétaires qui se trouve être un mirage.

Je me souviens que, lors de la dernière élection présidentielle, le candidat qui devait être élu vantait l’intérêt des prêts hypothécaires pratiqués outre-Atlantique, présentés comme le nec plus ultra de la politique du logement. C’est dire la pertinence de l’analyse de Nicolas Sarkozy en la matière…

Ainsi, c’est bien votre politique de désengagement et de marchandisation qui a favorisé la spéculation. Toute votre action est tendue vers la valorisation du foncier, notamment dans le cadre de projets récents comme celui du Grand Paris.

Cette politique s’incarne également dans l’asphyxie de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dans le dépeçage du 1 % logement, et dans la paralysie des offices HLM, lourdement taxés et si peu aidés.

Les conséquences pour nos concitoyens sont particulièrement lourdes et se conjuguent avec leur précarisation au travail et la baisse de leur pouvoir d’achat.

Le logement, comme le dénonce la Fondation Abbé Pierre, est devenu une machine à exclusion, puisque, loin de constituer un droit, l’accès au logement relève aujourd’hui du parcours du combattant. En témoignent les chiffres : 700 000 personnes sont privées de logement personnel, plus de 3 millions de Français sont en situation de mal-logement et 1, 4 million de nos compatriotes sont toujours dans l’attente d’un logement social.

Pour ceux qui ont la chance d’être logés, la charge de l’habitation dans le budget s’est largement accrue ces dernières années. Ainsi, le prix des logements dans l’ancien a crû de 107 %, le loyer moyen du parc privé de 47 %, les loyers HLM de 29 % et le prix à la consommation de 19 % selon l’INSEE entre 2000 et 2010, alors même que le revenu médian n’augmentait, lui, que de 13 %. Quant aux prix des terrains, ils ont bondi de 31 % entre 2006 et 2010.

Le résultat de tout cela est que, entre 2002 et 2006, le nombre d’impayés de loyers a progressé de 83 % dans le secteur privé. Le nombre de décisions d’expulsion a également dépassé les 100 000 sur une année, en hausse de près de 43 % en dix ans.

Toutefois, rien n’y fait, vous êtes contents de vous ! Après la maison à 15 euros par jour, nous voilà donc prêts à examiner un nouveau dispositif permettant la majoration des droits à construire de 30 %. Cette mesure concerne ainsi les règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou encore de COS, c'est-à-dire de coefficient d’occupation des sols, pour les communes couvertes par un plan d’occupation des sols ou un plan local d’urbanisme.

Selon vous, une telle mesure serait à même de favoriser la construction de logements, en permettant de relancer l’offre de logements par une meilleure rentabilité de l’investissement consenti par les investisseurs immobiliers.

Je ne m’attarderai pas ici sur les conséquences d’une telle disposition pour les logements déjà bâtis. Une telle mesure est en effet inapplicable pour le logement collectif, tandis que, pour les habitations individuelles, elle s’apparente simplement à un effet d’aubaine, sans permettre la création de logements supplémentaires.

Plus grave, elle sous-tend l’idée que tout un chacun peut « valoriser » son propre bien, y compris au détriment du droit au logement et à la ville.

Une telle conception nous semble particulièrement contestable et en rupture avec la notion même de la qualité architecturale et patrimoniale, qui doit pourtant être au cœur de toute politique d’aménagement.

Vous déployez l’argument selon lequel une telle mesure favoriserait la densité, tout en oubliant que, si la densification doit être un objectif permettant de lutter contre l’étalement urbain, une telle politique ne peut être uniforme et n’est qu’un levier parmi tant d’autres, bien plus efficaces.

Tous ceux qui sont engagés dans l’élaboration des plans d’occupation des sols savent bien que les politiques d’aménagement relèvent d’un travail fin et minutieux, respectant les spécificités de chaque territoire.

Aussi, sur le fond, à qui bénéficiera cette mesure ?

Concernant le logement public, une telle disposition ne résoudra rien ; pis encore, elle accroîtra les difficultés des maires bâtisseurs et des offices HLM dans l’acquisition de terrains, dont l’augmentation des droits de constructibilité renchérira le prix.

Concernant le logement privé, nous doutons également de la pertinence d’un tel dispositif.

Ainsi, vous affirmez que les promoteurs amortiront la majoration du prix des terrains par la construction de davantage de logements. Cet argument est contestable dans la mesure où, à l’heure actuelle, la plupart des promoteurs n’utilisent pas l’ensemble des droits à construire.

Une telle logique néglige également un élément déterminant : vous n’influez nullement sur les prix finaux, alors que nombre de nos concitoyens ne peuvent déjà plus se loger dans le parc privé.

Il s’agit ainsi avant tout d’une règle économique dont la mise en œuvre entraînera une augmentation des prix des terrains et de la construction, ce que vous ne niez pas. Dès lors, cette dernière sera encore un peu plus étroitement soumise à la loi du marché, à la concurrence, à la spéculation. Les seuls gagnants seront les spéculateurs, les promoteurs immobiliers, les banques. §

Plus grave encore, ce projet de loi constitue une nouvelle manifestation de défiance à l’égard des élus locaux. Je rappelle à ce titre qu’en vertu de la loi, ce sont les communes qui sont compétentes en matière de droit des sols, et non l’État.

De plus, nombre de communes n’ont pas de COS et, lorsqu’il en existe un, il s’agit avant tout d’un simple indicateur, d’un plafond qui, dans la plupart des cas, n’est pas atteint, tant il est vrai qu’assurer la qualité urbaine, l’équilibre de développement de la ville et le vivre-ensemble ne peut se réduire à appliquer une règle arithmétique.

Il existe d’ores et déjà des possibilités de renforcement des droits à construire, notamment pour la réalisation de logements sociaux, avec l’article L. 127-1 du code l’urbanisme, et pour les constructions répondant aux normes de confort thermique « bâtiment basse consommation », avec les articles L. 128-1 et L. 128-2 du code précité. Force est de constater que ces possibilités n’ont été que peu utilisées par les collectivités. De surcroît, les SCOT imposent à nos PLU une véritable densification de la construction.

En outre, la consultation du public que vous proposez d’instituer, tout en restant particulièrement flou sur ce point, ne constitue pas un gage de transparence. Je rappelle que, lors de l’élaboration des PLU, cette consultation s’engage dans le cadre d’une enquête publique autrement plus contraignante et que c’est bien sur l’objectif de la politique d’aménagement que les habitants doivent pouvoir s’exprimer.

Par ailleurs, aucune indication n’est fournie quant au financement de cette consultation. Nous en déduisons que, selon toute vraisemblance, il reviendra là encore aux collectivités d’assumer cette nouvelle charge, alors même que vos politiques fiscales les asphyxient chaque jour davantage.

Pis, en instaurant le principe d’une majoration des droits à construire, l’exception étant permise par une délibération du conseil municipal, vous contrevenez au principe de libre administration des collectivités locales : nous nous élevons contre cette ingérence gouvernementale.

Vous l’aurez compris, nous sommes totalement opposés à ce projet de loi.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

On l’avait compris, en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Nous avons besoin non pas d’une nouvelle règle pour favoriser la densification et le renouvellement urbain, mais de subventions de l’État, d’une aide à la pierre renforcée et de prêts bancaires à taux très bas, voire à taux zéro, pour les constructeurs publics.

Nous avons besoin d’outils administratifs, juridiques, fiscaux et économiques pour bloquer la spéculation foncière et la flambée des prix de la construction et de l’immobilier.

Nous avons besoin que l’on fasse réellement confiance aux élus locaux dans le cadre de l’élaboration des PLU, afin que ces derniers ne soient plus pris en otage par les chambres d’agriculture, en particulier. Nous sommes suffisamment responsables pour ne pas gaspiller les terres agricoles !

Nous le savons tous, le principal obstacle à la construction de logements réside aujourd’hui dans le coût du foncier. En effet, la bulle spéculative entretenue par vos politiques fiscales a conduit à une flambée du prix des terrains, pesant lourdement sur les opérations des bailleurs.

Il est donc également impératif, par exemple, de repenser le rôle des établissements fonciers, porteurs de projets pour les collectivités, en permettant un renforcement tant de leurs missions que de leurs moyens, afin de réaffirmer la nécessité d’accroître la maîtrise publique sur le foncier.

Cette maîtrise publique ne passe pas uniquement par la mise à disposition des collectivités des terrains de l’État ; elle suppose également une utilisation des sols socialement utile, que permettrait la mise en application du dispositif de l’article récrit par la commission, en n’autorisant la décote de 100 % que pour les programmes de logements sociaux.

À ce titre, la réécriture de l’article unique du présent projet de loi nous paraît pertinente.

Sur le fond, tout nous conduit à considérer qu’il faut sortir le logement de la sphère marchande. L’urgence est bien d’assurer un financement public du logement public. À cet égard, nous avions formulé des propositions qui avaient été adoptées par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, mais supprimées à l’Assemblée nationale par le biais du vote d’un amendement du rapporteur.

En effet, nous avions proposé d’ouvrir aux organismes d’HLM la faculté de souscrire à des emprunts à taux zéro : voilà une mesure qui aurait réellement desserré l’étau qui entrave l’action des offices et permis par conséquent la construction de davantage de logements publics.

Vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe CRC préconisent une autre politique du logement. Celle-ci passe par l’affirmation de certaines priorités, en particulier le respect de la loi SRU, voire le renforcement de son dispositif. Au contraire, vous n’avez eu de cesse de tenter de contourner, sinon d’abroger, cette loi précieuse.

Nous préconisons également l’abrogation de la loi Boutin, qui a enfermé le logement social dans une logique financière.

Toutes les aides fiscales favorisant la spéculation dans le domaine du logement privé doivent être supprimées et les moyens correspondants réaffectés à l’aide à la pierre, afin de permettre la construction de 200 000 logements par an pendant cinq ans, un tel programme comprenant un volet spécifique dédié au logement des étudiants et des jeunes.

Nous préconisons en outre l’encadrement des loyers dans le privé comme dans le public, par le plafonnement des prix à la vente et à la location, en fonction du degré de tension constaté sur le marché dans les différents territoires.

Pour garantir l’égalité d’accès pour tous à un logement de qualité, assurer la mixité sociale de l’habitat et permettre la baisse des loyers pour le plus grand nombre, nous souhaitons fixer pour objectif que la part du loyer et des charges dans le budget des familles n’excède pas 20 %.

Nous voulons que tout soit mis en œuvre afin de permettre la réquisition des logements vacants.

Enfin, nous exigeons la fin de la pratique barbare des expulsions locatives des personnes n’ayant pas les moyens de se maintenir dans leur logement.

Telle est, monsieur le ministre, la politique du logement qui nous permettrait d’endiguer réellement la crise que nous connaissons et d’affirmer un véritable droit au logement : elle se situe aux antipodes de vos politiques de marchandisation ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire n’est, en définitive, qu’un texte d’affichage. Le Président de la République veut ainsi donner à croire qu’il prend en compte l’une des préoccupations essentielles de nos concitoyens, outre le chômage et le pouvoir d’achat. Mais le présent texte ne permettra en rien de répondre aux problèmes du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Cette mesure présentée dans la précipitation rappelle d’autres effets d’annonce. Chacun ici se souvient des maisons à quinze euros par jour de Mme Boutin, qui ont connu le succès que l’on sait, ainsi que des maisons à 100 000 euros de M. Borloo, dont le nom rime malheureusement avec fiasco !

On dit, monsieur le ministre, que vous êtes l’inspirateur de la version initiale du texte dont nous discutons ce soir. Cela vous épargne d’aller chercher trop loin des arguments pour défendre cette initiative hasardeuse d’un Président de la République qui, manifestement, ne connaît pas les problèmes urbains ! Votre projet de loi suscite le scepticisme et recueille des avis mitigés de la part des professionnels. Ceux qui ont été consultés sont pour le moins dubitatifs. Ils redoutent surtout les effets d’une mesure technocratique qui méconnaît les réalités de l’urbanisme et des politiques d’aménagement du territoire.

Les maires, les adjoints chargés de l’urbanisme, les équipes municipales qui ont engagé un travail de deux ou trois ans afin d’aboutir à l’approbation d’un PLU estiment que l’on se moque d’eux, une fois de plus. Ils admettent mal de voir leurs prérogatives remises en cause.

Prenons l’exemple d’un quartier d’une petite ville faisant l’objet d’une politique d’intégration urbaine. Il s’agit du projet majeur du mandat municipal, bien évidemment. Tout a été mis en œuvre pour le mener à bien, y compris sa présentation aux riverains et plus largement à l’ensemble de la population, ainsi qu’aux services de l’État. Le projet adopté est conforme au PLU pour l’implantation, au programme local de l’habitat pour l’évolution du nombre de ménages. Si l’on prenait votre texte à la lettre, il faudrait réviser les gabarits, la hauteur des immeubles, l’emprise au sol du projet en question : ce n’est pas possible, monsieur le ministre ! Sa conception globale est cohérente : il prend en compte la mixité sociale, les normes environnementales et autres, les espaces publics, les besoins en places de stationnement, sans parler de la planification scolaire, des structures de multi-accueil, des déplacements et des réseaux.

Dans ces conditions, comment voulez-vous augmenter de 30 % le nombre de logements en surélevant, en agrandissant ou en densifiant les constructions ? Les structures des immeubles ne le permettent pas toujours.

Quant aux clients du programme, comment accepteraient-ils une modification aussi substantielle du projet sur lequel ils se sont engagés financièrement ? Quel maire réunira la population et les riverains pour annoncer, après un simulacre de concertation, que, finalement, il modifie le projet afin de répondre aux exigences fixées par ce texte, à deux ans de la fin de son mandat ?

Les associations d’élus ne sont pas en reste. Comme leurs représentants, je regrette la méthode employée pour annoncer le dépôt de ce projet de loi. L’absence de concertation préalable inquiète les organisations professionnelles, qui se sentent mises à l’écart. Le rapporteur de la commission de l’économie a déploré, à juste titre, que ce texte soit examiné par le Parlement dans une telle précipitation.

Je voudrais insister sur la question de la densité. Celle-ci se détermine à l’issue d’un long processus d’évaluation des PLU, et non en six mois, sans enquête publique. La méthode proposée n’est-elle pas largement dérogatoire à la procédure classique de modification des PLU ? Je m’interroge sur les risques juridiques qu’elle pourrait comporter.

Par ailleurs, même si les élus cédaient à cette facilité, agrandir la maison familiale ne crée pas un logement supplémentaire : c’est simplement, pour certains, une bonne occasion à saisir. Votre texte offre des droits à construire à ceux qui auront les moyens d’en profiter. Son application entraînera une augmentation des prix des terrains. Les professionnels voient les négociations stoppées, au mieux prolongées, y compris après la conclusion d’un accord amiable. Les propriétaires fonciers sont ravis : en l’absence de compromis, leurs terrains sont 30 % plus chers ! Leurs exigences en matière de constructibilité sont également à la hausse, alors qu’il faudrait pouvoir disposer de lots à des prix raisonnables.

Lors de votre audition par la commission, mercredi dernier, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que le coût du foncier augmenterait, mais pas forcément celui de l’opération, grâce à l’augmentation de la densité. Ce ne sont là que des mots, j’en suis certain : je relève que le prix des maisons individuelles a augmenté de 52 % entre 2000 et 2010.

Tout cela ne « colle » pas, d’autant que, dans un lotissement datant de moins de dix ans, l’autorisation des autres propriétaires est nécessaire pour procéder à un agrandissement.

Décidément, ce texte ne constitue en rien une réponse à la crise du logement. Il fallait faire respecter la loi SRU, adoptée en 2000, particulièrement son article 55 : pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Vous auriez dû convaincre les communes récalcitrantes, afin qu’elles respectent les objectifs fixés : par exemple, construire en vue de garantir la mixité sociale, pour que chacun puisse se loger décemment sans se ruiner dans les villes où les logements manquent. Observons tout de même que l’avancée opérée par la loi SRU a permis la construction d’environ 300 000 logements sociaux en dix ans.

Dans son rapport, Thierry Repentin préconise en fait de ne pas en rester à votre proposition et de passer à autre chose. L’amendement qu’il a présenté et que la commission a adopté va à l’essentiel : l’État doit fournir de nouveaux espaces pour la construction de logements sociaux. Une telle mesure permettrait de construire mieux, à des prix modérés, là où les besoins, qui restent considérables, sont les plus vifs.

En outre, pourquoi réduire les moyens de l’État ? En effet, les subventions destinées à la réalisation de logements sociaux sont en voie d’extinction. Vous-même, lors de votre audition portant sur le projet de loi de finances pour 2012, aviez déclaré être favorable à un nouveau modèle économique. §Monsieur le ministre, vous y êtes presque ! Ainsi, l’État ne participe qu’à hauteur de 4 % au financement de la réalisation d’un immeuble HLM. Les crédits destinés à la construction locative et à l’amélioration du parc ont fondu : depuis 2007, ils sont passés de 827 millions d’euros à 322 millions d’euros. C’est le parc social qui en subit les conséquences. Le Gouvernement pratique le double langage, une fois de plus ! Une autre réponse aurait pu consister à réhabiliter les 2 millions de logements vacants.

Monsieur le ministre, les élus de la République veulent construire, et ces contradictions les désespèrent. Ils veulent bâtir, y compris dans les plus petits villages. Vous ne pouvez pas l’ignorer. Le monde rural a changé : pourquoi vos services s’opposent-ils à ce que quelques parcelles situées à proximité immédiate du centre-bourg soient déclarées constructibles ? Pour un maire, les lotir au cours de son mandat représente une ambition raisonnable, modeste au regard des besoins. Néanmoins, cela insufflerait un surcroît de dynamisme. La construction joue un rôle à cet égard. Nous en revenons naturellement au problème prioritaire du foncier disponible.

L’amendement présenté par Thierry Repentin va dans le bon sens. Nous attendons tous la grande loi foncière en faveur du développement de l’offre de logement abordable réclamée par le mouvement HLM.

Elle permettrait de lutter contre la hausse des prix des terrains, de décourager la rétention foncière par la mise en place d’une fiscalité progressive sur les terrains constructibles laissés nus. Chacun le déplore, la rareté des terrains entretient la spéculation. Dans cet esprit, il conviendrait aussi de s’appuyer sur d’autres mesures, comme la remise en location des logements vides et la taxation des logements vacants là où l’offre ne permet pas de répondre à la demande.

La crise du logement touche 10 millions de personnes dans notre pays : 3, 6 millions de nos concitoyens sont mal logés, 1, 2 million de ménages sont inscrits sur des listes d’attente et vivotent en espérant accéder un jour à un logement social décent. Nous le voyons dans nos communes : les familles peinent, le nombre des impayés de loyers ne cesse de progresser et les menaces d’expulsion locative se multiplient.

Selon le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, la situation est devenue dramatique. Elle l’est non seulement pour les ménages les plus modestes, les personnes isolées, les jeunes, les femmes seules avec enfants, mais aussi – c’est un phénomène récent – pour les classes moyennes, et pas seulement dans les zones tendues. La part des ressources des ménages consacrée au logement atteint un niveau historique, représentant souvent un quart de leur budget. Le loyer peut même s’élever à 50 % de celui-ci pour un couple avec deux enfants gagnant 1, 5 fois le SMIC et se logeant dans le privé.

Le président sortant n’avait-il pas promis que plus personne ne coucherait à la belle étoile d’ici à la fin de son mandat ? Le soir, lorsque je quitte le Sénat pour rejoindre l’hôtel, je vois des personnes allongées à même le sol. Elles dorment dans le froid, se protégeant tant bien que mal des courants d’air. Nous sommes bien loin des engagements de 2007 ! Votre proposition ne fera pas davantage évoluer cette situation que ne l’a fait la politique terriblement inhumaine que vous avez conduite depuis cinq ans, monsieur le ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le ministre, nous savons d’avance quel sort funeste la majorité de la Haute Assemblée va réserver à votre texte… Avant de le défendre, je voudrais tenter d’analyser la situation et de tracer quelques pistes de réflexion pour l’avenir.

En matière de logement, notre pays connaît un véritable paradoxe.

En effet, jamais nous n’avions autant construit que ces dernières années, la France étant même le pays d’Europe où l’on bâtit le plus. Pourtant, nos concitoyens ont toujours énormément de mal à se loger, qu’ils soient accédants à la propriété ou qu’ils cherchent à louer.

Puisqu’il n’est jamais inutile d’établir des comparaisons, je voudrais citer quelques chiffres relatifs à deux périodes choisies au hasard, 1997-2001 et 2007-2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Au cours de la première de ces périodes, 1 604 000 logements ont été construits, dont 285 000 logements sociaux, contre 1 937 418 logements, dont 626 000 logements sociaux, au cours de la seconde.

Pour être tout à fait précis et parfaitement honnête, il faudrait toutefois déduire les 80 000 logements reconstruits dans le cadre des opérations de renouvellement urbain. Quoi qu’il en soit, la comparaison entre ces deux périodes montre que nous avons davantage construit ces dernières années que dans le passé. Il serait bon que chacun reconnaisse cette réalité : même si l’on constate des difficultés, le Gouvernement n’est pas resté inactif dans le domaine du logement, non plus d’ailleurs qu’en matière d’hébergement d’urgence, le nombre de places ayant notablement augmenté grâce au plan d’action renforcée pour les sans-abri, le PARSA. Dès lors, il me semble excessif de qualifier d’inhumaine la politique du Gouvernement.

Cependant, cette progression sensible n’a pas suffi, dans les zones tendues ou très tendues, notamment en Île-de-France, à résorber une crise dont l’origine ne date pas d’hier, ni permis de contenir les prix, qui ont augmenté de manière très importante, trop importante.

Ainsi, malgré de nombreux dispositifs d’aide, beaucoup de nos concitoyens ne peuvent plus accéder à la propriété, alors qu’ils auraient pu le faire, à ressources équivalentes, il y a seulement cinq ans. Quant à ceux dont les revenus ne leur permettaient déjà pas, à l’époque, d’accéder à la propriété, ils ont subi de plein fouet la hausse des loyers s’ils n’ont pas la chance de bénéficier d’un logement social. Enfin, il y a tous ceux dont le logement n’est pas adapté à la taille de leur famille ou est en mauvais état.

Mes chers collègues, on voit bien que le nombre de demandeurs de logement, et plus encore le terme de mal-logement, souvent utilisé par les associations, recouvrent en réalité des situations bien différentes. Toutefois, dans la majorité des cas, c’est d’abord le problème du prix des loyers ou des biens qui est mis en avant.

Pour définir les bonnes réponses à un problème aussi complexe, il faut tenter d’analyser les causes de celui-ci sans a priori, sans tabou et sans dogmatisme.

Non, nous ne construisons pas encore suffisamment ; oui, les prix sont trop élevés : là-dessus, nous sommes tous d’accord. Comment remédier à cette situation ? Les points de vue divergent.

Les plus libéraux répondent que le prix n’est que la conséquence du jeu de la loi de l’offre et de la demande et qu’il suffit donc d’augmenter le nombre des biens offerts pour que la tension sur les prix retombe.

Les plus dirigistes affirment que le logement n’est pas un bien comme les autres, point de vue que je partage, mais, au nom de ce principe, certains vont jusqu’à envisager d’imposer, par la loi, une baisse de 20 % des loyers à la relocation.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je ne peux les suivre sur ce point, car ce serait faire peu de cas de ceux que l’on appelle les « petits » propriétaires, qui ont souvent emprunté pour acheter le bien loué ou qui complètent leur retraite grâce au loyer perçu. Ils subiraient de plein fouet les effets d’une telle mesure.

Alors, que faire ? Attendre que la progression de l’offre amène une baisse des prix ou infliger, par la loi, une purge au marché ? Je dois dire que ni l’une ni l’autre de ces deux options ne me convainc.

S’en remettre à l’autorégulation du marché, c’est prendre le risque de voir durer longtemps encore cette crise. Notre société ne le supporterait pas.

Utiliser des méthodes d’encadrement drastique des prix serait la garantie de tuer dans l’œuf tout effort d’amélioration durable de la situation du marché locatif.

La bonne réponse est à l’évidence, me semble-t-il, d’essayer d’agir à la fois sur le volume de l’offre et sur les prix, sans tuer le marché locatif, ce qui est le plus délicat.

S’agissant tout d’abord de l’offre, il est vrai que nous ne construisons pas assez, particulièrement en Île-de-France. Pourquoi ? Nous avons manifestement un problème de foncier, tout le monde le reconnaît. Il faut donc inciter les propriétaires – à commencer par l’État, qui est, directement ou indirectement, le plus gros d’entre eux – à vendre.

Il me semble d’ailleurs que l’État a besoin d’argent pour se désendetter : cela devrait donc l’incliner à bouger, ce qu’il fait pour l’heure trop lentement au gré des élus. Consentir une décote de 20 %, de 25 % ou de 30 % représenterait déjà de sa part un effort significatif. Étant donné la situation budgétaire du pays, il ne serait à mon avis pas raisonnable, monsieur Repentin, qu’il aille jusqu’à donner les terrains, fût-ce pour réaliser des logements sociaux.

Nous avons également, mais l’on en parle peu, un problème de gouvernance de la politique du logement en Île-de-France, particulièrement dans la zone dense. Ce problème n’a jamais été abordé au Parlement.

Qui pis est, faute d’avoir réglé cette question, nous avons, au travers de la loi relative au Grand Paris, confié au préfet de région le soin de territorialiser les objectifs de construction de logements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

En quelque sorte, nous avons fait de l’anti-décentralisation, alors que ce sont les maires qui délivrent les permis de construire.

Je prends le pari, mes chers collègues, que cette démarche ne sera guère plus efficace que la fixation d’objectifs par la région d’Île-de-France dans son schéma directeur : des chiffres sur du papier…

Quant à ceux qui plaident pour la création d’un syndicat du logement d’Île-de-France à l’image du STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… je leur répondrai que ce n’est pas avec un comité Théodule de plus que l’on résoudra un problème aussi difficile que celui-là. À une question politique, il faut une réponse politique, sûrement pas une réponse technocratique.

Mes chers collègues, en Île-de-France, nous n’en sortirons pas tant que nous n’aurons pas traité le problème de la gouvernance de la politique du logement, comme il nous faudra d’ailleurs traiter celui de la gouvernance des autres grandes politiques publiques.

Il faudra certainement faire de la peine à ceux qui, à droite comme à gauche, ne veulent rien changer en ce domaine, mais ne sommes-nous pas ici pour promouvoir l’intérêt général ? Il faudra faire comprendre à un certain nombre d’élus, présidents de région ou de conseil général, que le système actuel est dépassé.

Dans mon rapport sur le Grand Paris, rendu voilà maintenant quatre ans, j’avais formulé des propositions fortes dans ce domaine, malheureusement restées lettre morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Mais, au-delà du manque de foncier disponible et du problème de la gouvernance, il y a aussi un autre facteur à prendre en considération : la capacité financière des collectivités locales à assumer la charge représentée par l’arrivée de nouveaux habitants.

En effet, il est bien beau de construire, mais encore faut-il que les équipements publics suivent. Pardonnez-moi de prendre l’exemple de ma commune, que je crois significatif.

En 1995, lorsque je suis devenu maire, elle comptait 17 365 habitants, contre 21 470 aujourd’hui, soit une augmentation de près de 25 % en un peu plus de quinze ans. Nous avons dû construire une salle de sports, un conservatoire, une crèche, réaliser une nouvelle école et en agrandir deux autres, tandis que nous attendons un collège depuis dix ans. Mais pour financer tous ces équipements, nous n’avons rien reçu de plus que ce qui était prévu au titre de la part « population » de la dotation globale de fonctionnement, la DGF. En conséquence, nous avons été contraints d’opposer un sursis à statuer à nombre de demandes de permis de construire, parce que les équipements publics, notamment les écoles, ne pouvaient pas suivre.

M. le rapporteur pour avis marque son approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Libération du foncier, réforme de la gouvernance en Île-de-France, aides aux maires bâtisseurs : tant que nous n’agirons pas simultanément sur ces trois points et que nous nous en remettrons à l’évolution naturelle du marché, fût-elle dopée par une mesure du type de celle qui est proposée par le Gouvernement, nous ne réglerons rien à brève échéance, pas plus que nous n’apporterons de réponse au problème de la flambée des prix, qu’il convient, à mon sens, d’analyser autrement que sous l’angle unique du déséquilibre entre l’offre et la demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Oui, les prix sont élevés parce que l’offre est insuffisante, c’est une certitude. Mais est-ce bien la seule raison ? Nos politiques publiques n’ont-elles pas, depuis des années, contribué à cette flambée des prix ? La question mérite d’être posée et, pour ma part, je suis aujourd’hui tenté d’y répondre par l’affirmative.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La logique suivie jusqu’à présent a toujours consisté à renforcer ou à garantir la solvabilité tant des accédants à la propriété que des locataires.

Mais, ce faisant, je crains que nous n’ayons poussé le marché à la hausse, jusqu’à des excès que nous venons de corriger, notamment pour le dispositif Scellier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… qui cependant n’est pas seul en cause.

Ajoutez à cela des taux d’intérêt extrêmement bas sur une longue période, et vous obtiendrez l’explication de cette flambée des prix.

La quasi-totalité des avantages ainsi accordés à coups de dépenses budgétaires ou fiscales ont aussitôt été digérés par le marché, qui a instantanément transformé cet apport d’argent public en hausse des prix des biens et des loyers.

Il nous faut donc sortir de cette logique, mais comment ?

Certaines municipalités tentent de réguler les prix pour les primo-accédants en négociant avec les promoteurs. La démarche est simple : pas d’accord, pas de permis de construire !

Outre qu’imposer un tel bras de fer est à la limite de l’abus de pouvoir, cela favorise uniquement le primo-accédant, en le faisant bénéficier d’une belle plus-value latente, tandis que les acheteurs suivants subiront la stricte loi du marché. Ce type de système a donc des effets pervers.

Je crois qu’il faut plus simplement utiliser les règles du marché pour jouer contre le marché. Les choses sont simples : s’il n’y a pas de preneur pour un bien, le prix baisse. Nous devrions en tirer la leçon et, systématiquement, assortir les aides publiques, toutes les aides publiques, qu’elles soient consenties à l’acheteur, au vendeur, au bailleur ou au locataire, d’un barème qui ne se bornerait pas à les plafonner, mais qui les supprimerait au-delà d’un certain montant de loyer ou de prix de vente.

Nous pourrions également moduler le montant de chacune de ces aides en fonction d’un indice synthétique qui prendrait en compte les ressources de chacun, le prix, mais aussi la qualité du bien concerné, afin de pousser à l’amélioration de celle-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Prenons le cas des aides personnelles au logement, dont on ne parle pas souvent. Leur attribution est certes soumise à des critères, notamment de surface et de ressources, mais elles sont versées même si les loyers sont manifestement exorbitants.

Monsieur le ministre, je vous ai déjà donné l’exemple d’un appartement de trente-huit mètres carrés, en piteux état, à la limite de l’indécence, loué pour près de 750 euros par mois –soit quelque 20 euros du mètre carré – et situé aux Pavillons-sous-Bois, en plein cœur de la Seine-Saint-Denis. Cet appartement est loué à une famille disposant de peu de ressources, mais solvabilisée grâce aux quelque 500 euros d’aide personnalisée au logement dont elle bénéficie. Dans un tel cas, le propriétaire ne s’inquiète guère du risque de non-versement de la part restant à la charge du locataire, puisqu’il a l’assurance que la collectivité lui paiera au moins 500 euros par mois pour ses trente-huit mètres carrés. Recourir à un système tel que la garantie contre le risque locatif ou la garantie contre les loyers impayés ne l’intéresse même pas, car la seule aide personnalisée au logement lui assure déjà un niveau de rentabilité suffisamment élevé…

Il faut que nous mettions un terme à ces abus insupportables. À mon sens, il est possible de le faire sans encadrer brutalement les loyers, mesure qui, même assortie d’un zonage, entraînerait à l’évidence des effets pervers, monsieur Repentin.

Il suffirait de ne plus verser d’aide personnelle au-delà d’un certain niveau de loyer. Croyez-moi, en l’absence d’APL, le propriétaire qui, aujourd’hui, utilise les possibilités qu’offre le système ne trouverait aucun preneur. Il serait alors bien obligé de baisser le montant du loyer. C’est pour lutter contre ce genre d’abus qu’il faut corriger notre système d’aides personnelles.

Mes chers collègues, entre la fixation ou l’encadrement strict des prix et le libre jeu de la loi du marché, il y a certainement une troisième voie, que nous n’avons pas encore véritablement explorée. Malheureusement, le texte dont nous débattons ne nous permet pas, en l’état, de le faire. Je crois pourtant sincèrement que c’est là l’une des solutions pour rendre plus efficaces les sommes considérables d’argent public que nous consacrons chaque année, directement ou indirectement, aux aides au logement de toute nature.

J’en viens maintenant au texte proposé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale.

Est-ce un texte utile ? Je répondrai, monsieur le ministre, par l’affirmative à cette question. S’il faut vous rassurer après tout ce que je viens de dire, je vous indique d’ores et déjà que je soutiendrai vos amendements visant à rétablir la rédaction initiale du projet de loi.

Je les voterai parce qu’il s’agit d’une mesure facultative, qui constituera donc un outil de plus à la disposition de ceux qui souhaiteront y recourir. Cela étant, je ne crois pas que sa mise en œuvre donnera les résultats que certains semblent en attendre, c'est-à-dire une accélération forte de la construction permettant enfin une baisse des prix.

Je ne le crois pas, tout d’abord, parce qu’il est fort probable que très peu d’élus utiliseront ce nouveau dispositif. Monsieur le ministre, les élus locaux ont tous une politique du logement, certes plus ou moins volontariste et parfois malthusienne, qui peut d’ailleurs également résulter de contraintes locales, mais ils en ont une. Cette politique est traduite, comme l’impose la loi, dans les documents d’urbanisme.

Dans ces conditions, offrir aux élus la possibilité de construire 30 % de plus permettra à ceux dont l’action s’inscrivait déjà dans cette logique de gagner du temps, mais au détriment de la concertation, tandis que cela ne changera rien pour les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

J’ai tenté tout à l’heure de vous convaincre du fait que je faisais partie des maires bâtisseurs. J’ai bien l’intention de poursuivre sur cette voie, mais votre texte ne me sera pas utile ; il pourrait même me créer un certain nombre de problèmes.

Dans ma commune, la superficie moyenne des parcelles en secteur pavillonnaire est de 265 mètres carrés, avec un COS de 0, 60. Autoriser un accroissement de la densité dans un tel contexte poserait des difficultés.

En ce qui concerne le logement collectif, ce sont davantage les équipements publics que la volonté de construire qui nous manquent.

Si l’on considère que, de surcroît, ma commune est devenue, cette année, contributrice au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, on mesure que les moyens dont je dispose ne vont pas aller en s’accroissant, alors que la population a déjà fortement progressé.

On nous demande de construire plus : j’y suis prêt, monsieur le ministre, comme beaucoup d’autres élus. Il faut simplement, si j’ose dire, que l’on nous y aide !

Voilà pourquoi je n’utiliserai pas l’outil que nous présente ce texte. Je m’en expliquerai auprès de la population de ma commune, et je pense pouvoir la convaincre sans trop de difficulté du bien-fondé de cette décision, d’abord parce que nous construisons déjà beaucoup. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que mon opposition municipale de gauche me le reproche…

En outre, si je suis persuadé qu’il faut lutter contre l’étalement urbain, je sais aussi que le concept de densification doit être manié avec prudence. Quand vous habitez au cœur de la Seine-Saint-Denis, cette notion évoque malheureusement davantage les horreurs architecturales et urbanistiques des années soixante et soixante-dix que le Paris d’Haussmann, pourtant plus dense que la cité des 4 000 de La Courneuve. C’est ainsi !

Enfin, monsieur le ministre, je vous soutiendrai, mais j’éprouve néanmoins une forte réticence à favoriser un enrichissement sans cause des heureux propriétaires de terrains, qui n’en demandaient pas tant et qui vont profiter de cette aubaine en augmentant le prix de vente de leur bien. §

Certes, cela ne devrait pas avoir d’incidence sur le prix de vente des appartements, puisque l’on construira plus. Il aurait cependant été judicieux, et même d’intérêt public, surtout si l’on souhaite aussi voir les prix de vente diminuer, de taxer intégralement la plus-value en question et d’attribuer le produit de cette taxe à la collectivité locale concernée, afin de l’aider à construire les équipements publics nécessaires. Cela reviendrait en quelque sorte à recréer un versement pour dépassement du plafond légal de densité, dont beaucoup de communes ne disposent pas ou plus, malheureusement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, décidément, cette période pré-électorale ne nous permet pas de légiférer dans de bonnes conditions, c’est le moins que l’on puisse dire ! La situation est même surréaliste, voire caricaturale.

Moins de quinze jours après la déclaration du Président de la République du 29 janvier, le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire a été présenté en urgence à l’Assemblée nationale.

Les élus, comme beaucoup de socioprofessionnels, ont regretté cette précipitation et le manque de concertation en amont de l’élaboration d’un texte qui vise à modifier considérablement les compétences fondamentales des communes, à savoir le droit des sols et l’urbanisme, sans parler des conséquences immédiates qu’a eues l’annonce de cette mesure : blocage des promesses de vente des terrains dans l’attente d’une majoration des droits à construire, mais surtout augmentation des prix, avec la perspective d’une belle inflation du coût du foncier !

Aujourd’hui, moins d’une semaine après la discussion du texte à l’Assemblée nationale et seulement vingt-quatre heures après son examen en commission au Sénat, c’est un autre sujet qui nous est soumis en séance publique. J’en veux pour preuve que même le titre du projet de loi initial a été modifié et qu’il n’est plus question de droits à construire dans le texte issu des travaux de la commission.

Certes, l’aliénation du domaine privé de l’État à un prix inférieur au marché lorsqu’elle est destinée à permettre la réalisation de programmes de logements au moins pour partie sociaux est une démarche positive, mais elle ne constitue qu’une réponse partielle à la crise du logement, comme d’ailleurs l’augmentation des droits à construire initialement prévue par le projet de loi.

En réalité, au-delà de cette modification profonde apportée au texte, c’est une promesse électorale qui s’est substituée à une autre, et je pense sincèrement que le Parlement ne peut légiférer efficacement en suivant le rythme des déclarations successives des candidats à l’élection présidentielle.

Cela étant dit, la France compte aujourd’hui 3, 5 millions de demandeurs de logement, dont 1, 4 million attendent l’attribution d’un logement social. Monsieur le ministre, je profite de cette occasion pour vous dire que cette situation concerne aussi les habitants de l’Auvergne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Il sera d’autant plus difficile de répondre à leurs attentes en matière de logement social que nos organismes d’HLM ont subi un prélèvement de 2 millions d'euros au titre de la fameuse péréquation, parfaitement injuste, qui a été mise en place l’an dernier.

Nous approuvons donc l’objectif de créer rapidement des logements. La densification, donc l’augmentation des droits à construire, peut constituer une réponse adaptée si elle satisfait à plusieurs conditions : être en cohérence avec le projet urbain défini par les élus ; reposer sur une base juridique solide pour éviter les contentieux, déjà nombreux en matière de droit des sols ; faire l’objet d’une concertation avec la population, dans le respect de notre Constitution ; enfin, être mise en œuvre dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et de leur compétence en matière de droit des sols.

Force est de constater que ces conditions ne sont pas vraiment réunies dans le cadre du dispositif qui nous a été proposé, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, ce dispositif est applicable de façon arbitraire sur l’ensemble du territoire, et ignore ainsi les spécificités locales. De ce fait, il remet en cause les choix opérés par les assemblées délibérantes à l’issue d’une réflexion collective sur le développement de leur territoire, qu’il s’agisse de la forme urbaine, de la mixité sociale ou de l’habitat. Nous sommes là bien loin de la politique d’urbanisme de projet que vous préconisez, monsieur le ministre !

En deuxième lieu, le dispositif impose, avant même que l’organe délibérant ne décide du champ d’application de la mesure, une concertation avec les habitants sur la base d’une note d’information, alors que c’est précisément l’inverse qu’il faudrait faire. À l’évidence, la pression d’intérêts particuliers risque de s’exercer, en l’absence de définition préalable d’un cadre compatible avec l’esprit du projet urbain défini dans le PLU. Nous sommes, là encore, bien loin de l’urbanisme de projet.

En troisième lieu, cette mesure ne contraindra pas les collectivités qui, par principe, se prononceront contre, non pas parce qu’elles ont déjà mis en œuvre la densification sur leur territoire, comme le permet déjà le droit existant, mais parce qu’elles sont fondamentalement opposées à toute contrainte de ce type, malgré le manque patent de logements, notamment sociaux, sur leur territoire. Ce sont d'ailleurs souvent les mêmes qui n’appliquent pas l’article 55 de la loi SRU.

Ce sont pourtant ces communes que le texte devrait viser spécifiquement. La mesure sera donc vraisemblablement inefficace là où elle devrait être appliquée en priorité.

Ce constat m’amène à proposer à notre assemblée l’adoption d’un article additionnel qui tend à réintroduire sous une autre forme le principe de la majoration des droits à construire dans le projet de loi.

Il s’agit d’abord de cibler la mise en œuvre de la majoration des droits à construire sur les secteurs tendus qui connaissent un déséquilibre manifeste entre l’offre et la demande de logements.

Je propose ensuite d’instaurer dans ces secteurs un débat préalable obligatoire en conseil municipal pour définir les modalités de cette densification.

Une telle mesure serait doublement utile.

D’une part, la tenue de ce débat assurerait la cohérence de la majoration des droits à construire avec le projet urbain, notamment avec les objectifs fixés à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui est le pivot du projet d’aménagement et de développement durable, le PADD, en matière de respect des objectifs de développement durable, de mixité sociale, de diversité des formes urbaines.

D’autre part, cela permettrait que le dispositif puisse concerner toutes les communes situées en secteur tendu sans qu’une délibération puisse s’y opposer, dès lors que son champ d’application serait défini par l’organe délibérant. Ainsi, la concertation pourrait se dérouler sur la base d’objectifs fixés par les élus.

Cette méthode aurait de surcroît l’avantage de privilégier l’intérêt général de la commune et de la prémunir contre la pression des intérêts particuliers qui ne manquera pas de se manifester si le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale est rétabli.

Enfin, le principe de spécialité des compétences des établissements publics de coopération intercommunale n’est pas compatible avec la possibilité, pour une commune, de prendre une décision contraire à celle de l’EPCI compétent en matière d’urbanisme. Une telle possibilité est pourtant prévue dans le texte initial ; il faut évidemment supprimer cette disposition.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle que soit l’issue de nos débats de ce soir sur une approche trop réductrice et segmentée de la crise du logement dans notre pays, il est temps de placer le logement au rang de grande cause nationale et de préparer à ce titre un grand projet de loi sur ce sujet, ainsi que sur la mobilisation du foncier, intégré dans un nouveau plan de cohésion sociale. Je forme le vœu que ce soit une priorité de la prochaine législature, quel que soit le résultat des élections à venir.

Applaudissements sur les travées de l'UCR, du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le ministre, nous sommes au moins d’accord sur un constat : certains territoires de notre pays manquent cruellement de logements.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Nous sommes d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Dans ces conditions, nous pourrions être tentés de soutenir votre proposition, mais l’étude de l’article unique qui constituait votre projet de loi a fait naître en moi de graves inquiétudes.

La première de ces inquiétudes a trait au respect du principe de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par l’article 72 de la Constitution. Vous me rétorquerez que votre projet de loi ne contrevient nullement à ce dernier, puisque vous daignez accorder aux collectivités territoriales le pouvoir de dire non. Dont acte, en tout cas sur le plan juridique !

Cependant, considérons le champ politique.

Il est tout de même surprenant de réduire la liberté de s’administrer des collectivités locales à la simple possibilité de faire jouer un droit de veto, alors que la France déploie depuis trente ans des efforts, parfois douloureux, pour tendre vers la décentralisation. Il s’agit là, mine de rien, au détour d’un projet de loi, d’amorcer un retour à la centralisation, au rebours du mouvement engagé par notre pays depuis trente ans. Il n’est pas neutre que l’on nous propose d’inverser ainsi le processus de décision.

J’y vois en outre une contradiction. Je pourrais comprendre que l’État impose aux collectivités territoriales des mesures conformes à l’intérêt supérieur du pays. Mais, dans cette hypothèse, il ne faut pas permettre aux collectivités territoriales de s’en exonérer grâce à une simple « note d’information »… Si l’intérêt supérieur de la nation est en jeu, la mesure doit être d’application générale ; sinon, il faut respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ma deuxième inquiétude porte sur la densification, qui ne peut se résumer à une simple augmentation du nombre des logements : il faut aussi que les équipements publics suivent. Les communes riches pourront faire face à cette exigence, mais pas les autres ; il faudra les y aider.

J’espère que les maires bâtisseurs ne seront pas tous aidés de la même façon. Vous avez parlé de péréquation, monsieur le ministre : il aurait fallu l’instaurer dans le même mouvement. Sinon, nous risquons de l’attendre aussi longtemps que Godot… Ne renouvelez pas les erreurs commises dans les années soixante, quand on a construit des logements, sous la pression de l’urgence, en se disant que le reste suivrait. Or « le reste » n’a jamais suivi, et l’on sait ce qu’il est advenu de nombreux grands ensembles construits à cette époque, qui se sont totalement paupérisés.

Ma troisième inquiétude concerne la nature des logements devant être construits. Rien n’est prévu pour orienter le type de construction et améliorer la pluralité de l’offre. Le risque est grand que l’on continue à construire des logements privés là où l’on en a déjà réalisé beaucoup dans le passé, et des logements conventionnés dans les secteurs où ils représentent déjà une forte proportion du parc. Au pire, on ne construira rien du tout.

Monsieur le ministre, je n’oppose nullement le logement social au logement privé, au contraire de ceux qui stigmatisent le logement social en racontant n’importe quoi à son sujet ! §

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Certains stigmatisent le logement privé ! Cela marche dans les deux sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le ministre, il faut à la fois préserver la cohésion de la société française et accorder l’offre et la demande de logements sociaux. À mon départ de la mairie de Clichy-sous-Bois, j’ai calculé qu’il faudrait vingt et un ans pour épuiser la liste d’attente, sans tenir compte des nouveaux demandeurs !

En conclusion, j’estime que la mise en œuvre du dispositif proposé par le Gouvernement présente des risques énormes en regard de bénéfices faibles, même s’ils sont réels. Dans ces conditions, je voterai contre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France compte aujourd'hui 3, 6 millions de personnes non logées ou très mal logées, tandis que près de 10 millions de Français sont en situation de fragilité à cet égard.

La crise du logement est notamment due à la hausse exponentielle des prix depuis près d’une décennie – dans l’ancien, ils ont augmenté de 117 % entre 2000 et 2011 –, ainsi qu’au manque chronique de logements sociaux. Se loger est de plus en plus difficile et coûte de plus en plus cher. Jamais le logement n’a occupé une telle place dans le budget des Français.

Eu égard à cette situation catastrophique, nous avons non pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultat. Cela étant posé, reste à savoir comment agir efficacement.

Il n’y a pas de recette miracle. Une loi ne résout rien si elle ne s’appuie pas sur une politique publique cohérente. Or une telle politique ne s’élabore pas en quelques jours : elle est le fruit d’un intense travail de concertation, de réflexion et de coopération entre tous les acteurs concernés.

Au lieu de cela, on nous présente un texte qui ne permettra pas du tout de résoudre les problèmes. Ce projet de loi est l’exemple type, monsieur le ministre, de la fausse bonne idée.

Tout d’abord, son examen intervient dans un contexte particulier, vous le savez bien. Sur un sujet aussi sensible et complexe que le logement, on aurait pu s’attendre à un débat serein, plutôt qu’à la discussion à marche forcée et en urgence d’un projet de loi parcellaire et redondant.

Ensuite, ce texte clôture de la pire des manières cinq années d’échec en matière de logement. Il y a cinq ans, on nous avait promis une France de propriétaires : où est-elle ? Nous avons également eu droit à des réformes, suivies de contre-réformes, de l’accès au crédit : quels ont été leurs effets ?

Voici maintenant que l’on nous soumet, à quelques jours de l’élection présidentielle, un texte qui méconnaît ou même piétine les politiques d’urbanisme mises en place par les collectivités, qui introduit une insécurité juridique patente et qui, surtout, ne répondra pas aux besoins des Français.

Ce projet de loi repose sur un principe en apparence si simple, si évident, que l’on se demande bien pourquoi le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, n’y a pas pensé plus tôt !

La vérité, c’est que ce texte a pour finalité d’habiller juridiquement une annonce de campagne du président sortant. Je trouve donc particulièrement malvenu, sur un sujet aussi sensible que celui du logement, que le Gouvernement agisse avec une telle précipitation et dans une telle improvisation. Ce texte a été si mal préparé que tous les acteurs du secteur du logement s’accordent à considérer qu’il n’améliorera en rien la situation existante.

En effet, ce projet de loi n’est tout simplement pas en résonance avec les besoins actuels. Pis, il n’est qu’une accumulation de vices de construction – permettez-moi cette formule – qui le rendent inopérant.

La France a besoin de beaucoup plus de logements sociaux, nous le savons tous. Aujourd’hui, des dérogations en matière de majoration des droits à construire, à hauteur de 50 %, sont déjà en vigueur pour favoriser la réalisation de ce type de logements, et les collectivités, qu’il s’agisse des communes ou des intercommunalités, font déjà de gros efforts dans ce domaine, on ne peut le nier. Qu’apportera donc de plus la majoration des droits à construire de 30 % prévue dans le présent projet de loi ? Rien, ou si peu ; en tout cas, elle ne favorisera pas la construction de logements sociaux.

Que dire aussi de l’absence de prise en considération des dérogations déjà accordées pour la construction et les équipements « verts » ? Votre texte vient les concurrencer très directement, monsieur le ministre, réduisant d’autant l’incitation à la construction écologique, en totale contradiction avec la Charte de l’environnement.

Enfin, que penser de la procédure retenue et du calendrier proposé ? Une fois de plus, vous compliquez la tâche des collectivités locales au-delà de toute logique, et au mépris de l’une de leurs compétences fondamentales, l’urbanisme.

Les communes et les intercommunalités ont fait beaucoup d’efforts, vous le savez, pour mettre en place des plans locaux d’urbanisme cohérents, lesquels dessinent, avec les SCOT et les PLH, les contours futurs de leurs territoires, dans le respect des exigences de développement durable, de développement de l’habitat et de renforcement des services et des transports. Or voilà que vous proposez une mesure dont l’application sera limitée dans le temps, qui mettra à mal la cohérence de ces projets urbains patiemment élaborés, et ce sans que les premiers acteurs concernés, les communes et les intercommunalités, puissent véritablement en débattre dans des conditions sereines. Ce n’est pas acceptable !

La procédure envisagée est inadmissible, parce qu’elle va à l’encontre de l’action des collectivités, en ouvrant de plus une brèche dans les politiques menées par les EPCI qui exercent la compétence d’urbanisme. Les collectivités n’auront plus qu’une seule liberté, celle de refuser d’appliquer la majoration des droits à construire. C’est là une bien curieuse liberté, on en conviendra : si elles refusent d’appliquer la majoration des droits à construire, les collectivités se verront accusées de ne pas vouloir bâtir et seront alors considérées comme responsables de la crise du logement…

Ce projet de loi constitue donc un contresens. La mise en œuvre de son dispositif risque même d’aboutir à l’effet inverse de celui qui est escompté, puisque le nombre de logements construits grâce à lui sera toujours insuffisant. Autrement dit, il y aura peut-être un peu plus de logements, mais certainement pas de baisse significative des prix !

Au final, on constate que, une fois de plus, le Gouvernement mène une politique en contradiction totale avec les besoins des Français.

Pour sa part, M. Repentin propose un dispositif visant à développer la réalisation de logements, notamment sociaux, grâce à la cession avec décote d’immeubles bâtis ou non bâtis appartenant à l’État. Je ferai observer à M. Dallier, qui s’inquiétait du coût d’un tel dispositif pour les finances publiques, que nombre de communes sont déjà obligées de céder gratuitement des terrains pour permettre la construction de logements sociaux. Elles vont même jusqu’à assumer les surcoûts engendrés par le respect de normes de qualité exigeantes, notamment sur le plan thermique, afin de réduire le poids des charges pour les locataires. J’estime donc que l’État pourrait très bien consentir le même effort que les collectivités.

Cette solution, assez simple, aurait pour effet de libérer du foncier, ce dont les collectivités ont véritablement besoin. Elle devra bien entendu s’inscrire dans un cadre plus global, comme l’exige la problématique du logement, mais, contrairement à votre proposition, monsieur le ministre, elle présente d’ores et déjà l’avantage de répondre aux problèmes actuels des Français, ce qui est beaucoup.

En conséquence, je voterai, comme l’ensemble des membres de la majorité sénatoriale, en faveur de l’adoption des propositions de M. le rapporteur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention dans ce débat s’appuiera sur mon expérience de maire.

Mon conseil municipal et moi-même menons une politique très incisive en termes de densification urbaine et de création de logements nouveaux. Ce n’est pas un projet de loi comme celui que vous nous présentez, monsieur le ministre, qui permettra de régler d’un coup de baguette magique, grâce à une recette supposée imparable, la question du mal-logement.

Selon vous, la majoration de 30 % des droits à construire dynamiserait l’industrie du bâtiment, permettrait d’augmenter spectaculairement le nombre de logements et conduirait logiquement à une baisse des prix. Dans ce cas, pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? En outre, pourquoi 30 % plutôt que 25 % ou que 40 % ? J’espère que vous répondrez tout à l’heure à ces questions, monsieur le ministre.

En matière d’urbanisme et de construction, la vitesse et la précipitation sont très mauvaises conseillères. Je vous rappelle que nous remédions aujourd'hui à très grands frais aux errements des années soixante ; il ne faudrait pas reproduire les mêmes erreurs.

À mes yeux, monsieur le ministre, non seulement votre projet de loi est inopérant, mais il comporte un grand nombre de vices cachés, sans offrir la moindre garantie décennale… S’il devait entrer en vigueur, cela susciterait inévitablement un grand nombre de recours.

Son dispositif est inopérant, car il est tout simplement impossible de construire de nouveaux logements dans un grand nombre de zones urbaines, en particulier dans les zones tendues où l’on observe une hausse insupportable des loyers.

Pourquoi ne pas plutôt commencer par le début, en procédant à un véritable recensement des terrains propres à supporter une densification, sans dommage pour les équilibres urbains et ruraux, dans le respect de l’aménagement du territoire ? Je reconnais que le délai est un peu court pour mettre en œuvre cette démarche que nous propose M. le rapporteur, mais elle aurait été beaucoup plus efficace que la vôtre, monsieur le ministre.

Par ailleurs, le dispositif que vous nous présentez est dangereux parce que, en l’absence de mesures volontaristes pour maîtriser les coûts d’acquisition des terrains et créer un choc d’offre, vous ouvrez les vannes de la spéculation. Les prix des terrains ne baisseront pas d’eux-mêmes et votre projet de loi ne contribuera pas à abaisser le coût des constructions. En effet, ce que les promoteurs achètent, c’est de la constructibilité. Il existe un risque réel de créer, à côté d’une bulle immobilière insupportable, une bulle foncière, déjà amorcée par le gel d’opérations par certains promoteurs.

À ce titre, l’État se doit d’être exemplaire. Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que Réseau ferré de France propose de vendre à la ville dont je suis maire des terrains en friche pour un prix dix fois supérieur à l’estimation réalisée par France Domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Sur cet espace, de 300 à 400 logements pourraient sortir de terre très rapidement. Une partie des logements démolis dans le cadre des opérations de l’ANRU pourraient être reconstruits sur ce site. La négociation avec RFF dure depuis plusieurs années : le prix demandé est passé de 90 euros le mètre carré à 50, puis à 25, pour des terrains évalués à 8 euros le mètre carré par France Domaine… On se croirait dans La vérité si je mens !

Voilà comment les choses se passent, monsieur le ministre ! C’est pourquoi la proposition faite par M. le rapporteur me semble bonne. Il faut pouvoir mobiliser plus facilement des terrains pour la construction de logements.

Enfin, votre dispositif est injuste. Qui peut croire que les 40 000 logements par an que vous escomptez relèveront du parc social ? Là encore, il faut un engagement fort de l’État. Sur ce plan, le relèvement du plafond du livret A est une bonne mesure.

Je voudrais maintenant formuler une remarque qui me tient à cœur.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, qui relève à cet égard du même esprit que le texte relatif à l’urbanisme commercial, vous tournez manifestement le dos à l’urbanisme de projet. Vous ignorez sans états d’âme les PLU, les PLH, les SCOT, qui ont pourtant quelques vertus et dont l’élaboration a requis un important travail de prospective. La mise en œuvre de la mesure que vous préconisez les rendrait nuls et non avenus… À mon sens, les SCOT et les PLU sont les outils d’un urbanisme de projet.

Je suis favorable à une densification, mais pas n’importe laquelle et dans n’importe quelles conditions ! Elle doit être raisonnée, concertée, respectueuse des PLU et s’inscrire dans une démarche de qualité urbaine, ainsi que d’esthétique urbaine.

Le professeur Michel Lussault, qui a mené des travaux tout à fait intéressants sur ce sujet, explique que « pour réussir aujourd’hui une densification qui ne soit pas vécue comme une souffrance, il faut repenser les formes architecturales ». De même, il faut repenser les formes urbaines.

En l’absence de réflexion esthétique, permettre une majoration de 30 % des droits à construire pour des maisons ou des immeubles peut aboutir à des résultats catastrophiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

L’augmentation du volume de construction est certes une nécessité, mais elle n’aura de sens que si elle s’inscrit dans une démarche plus globale d’équilibre entre les habitations, les espaces publics et les services publics, attendus fort logiquement par la nouvelle population accueillie. Une ville est un ensemble complexe, vivant. Penser le logement isolément, sans prendre en considération les autres paramètres, est une erreur ; il doit être pensé dans sa globalité.

Au total, ce texte conjoncturel et dangereux fait la part belle à la dérégulation et ouvrira de nouveaux espaces de spéculation. Surtout, il oublie l’essentiel : le bien-être des habitants, auquel il nous incombe, en tant qu’élus, de veiller. L’aspect quantitatif a bien sûr son importance, surtout dans cette période difficile, mais la dimension qualitative, tant sur le plan énergétique que du point de vue architectural, doit être omniprésente dans nos réflexions et nos décisions. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.

I. – Le premier alinéa de l’article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi rédigé :

« L'État peut procéder à l'aliénation d’immeubles bâtis ou non bâtis de son domaine privé à un prix inférieur à la valeur vénale lorsque ces immeubles sont destinés à la réalisation de programmes de constructions comportant essentiellement des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social. Le montant de la décote peut atteindre 100 % de la valeur vénale de l’immeuble, pondérée par le rapport de la surface de plancher affectée au logement social à la surface de plancher totale du programme immobilier. L'avantage financier résultant de la décote est exclusivement et en totalité répercuté dans le prix de revient des logements sociaux réalisés sur l'immeuble aliéné. »

II. – La perte de recettes qui pourrait résulter pour l'État de l'application du présent article est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Le dispositif adopté par la commission n’apporte rien de nouveau : l’État a déjà la possibilité de céder ses terrains à un prix inférieur à leur valeur vénale, en particulier en vue de la construction de logements. Nous venons ainsi de lancer une programmation pour la période 2012-2016, qui fait suite à celle de 2008-2012, afin de favoriser l’utilisation du foncier public pour la réalisation de 100 000 logements, dont 50 000 en Île-de-France.

En outre, la commission a prévu que la décote puisse aller jusqu'à 100 % pour les bailleurs sociaux. Je peux comprendre que l’on veuille consentir à ces derniers une décote supérieure à celle dont peuvent bénéficier des investisseurs privés. Il en est d’ailleurs déjà ainsi dans le droit positif actuel : la décote peut atteindre 35 %.

Cependant, porter à 100 % la décote maximale amputerait les recettes de l’État, ce qui ne me semble pas souhaitable à l’heure où la réduction des déficits publics est un objectif essentiel. Je rappelle que les cessions de terrains rapportent à l’État la bagatelle de 1, 15 milliard d’euros par an.

J’observe qu’une évolution importante est intervenue par rapport à un certain discours prononcé non loin de Paris voilà quelques semaines : il avait alors été question d’une gratuité générale des cessions de terrains. Il est vrai que l’on constate une modulation analogue sur nombre d’autres points ayant été évoqués au Bourget…

En conclusion, le Gouvernement demande la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Je voudrais souligner que la commission a adopté ce dispositif hier sans qu’aucun vote contre soit émis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

J’y reviendrai.

Il s’agit de donner la possibilité à l’État de céder avec décote ses immeubles – et non pas seulement ses terrains, ce qui étend considérablement le champ de la mesure par rapport à l’état actuel du droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

La décote pourra aller jusqu'à 100 %.

Ce sera uniquement une faculté, l’État gardant la maîtrise des conditions de cession, qui sont fixées par un décret en Conseil d’État. Par ailleurs, il est précisé que la décote de 100 % ne concernera que la partie du programme dédiée au logement social, ce qui empêchera tout détournement de la plus-value latente par des acteurs privés, voire publics.

Je ne comprends pas, monsieur le ministre, comment on peut, d’un côté, appeler à une mobilisation du foncier pour la réalisation de logements, et, de l’autre, s’opposer à la cession de terrains inutilisés en vue de permettre à nos compatriotes d’accéder au logement, qui est un droit fondamental.

Je voudrais aussi revenir sur l’argument invoqué par le Gouvernement, selon lequel la situation actuelle des finances publiques ne permet pas à l’État de céder gratuitement les terrains qui lui appartiennent, l’objectif visé étant d’augmenter l’offre de logements sans peser sur la dépense publique.

Je récuse cette argumentation.

D’une part, la cession avec décote d’immeubles inutilisés n’engendre aucune dépense ou charge publique supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Je pense même que, dans des cas où l’État délaisse son patrimoine, elle permet de réduire les dépenses publiques grâce à des économies de charges d’entretien ou de gardiennage.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

D’autre part, si l’on raisonne de façon globale, la perte d’actifs que représente la cession d’immeubles est largement compensée par la dynamisation de l’activité économique nationale.

Le mal-logement coûte une fortune à la collectivité nationale, sous forme de dépenses d’intervention pour aider les ménages à se loger et de dépenses sociales induites, liées par exemple à la difficulté d’accéder à l’emploi ou à l’échec scolaire. Il coûte cher en pouvoir d’achat, et donc en consommation et en croissance, car le logement constitue une dépense contrainte, qui absorbe une part grandissante du revenu des ménages. Il pèse aussi sur la compétitivité des territoires et des entreprises. Enfin, le manque de foncier disponible freine les projets de construction, et donc la création de richesses par le secteur du bâtiment, gros pourvoyeur d’emplois.

Pour ces raisons, je rejette l’idée que faciliter les cessions d’immeubles pour permettre la construction de logements sociaux appauvrirait l’État.

Par ailleurs, j’ai cherché à savoir comment l’État avait jusqu’à présent utilisé la possibilité, qui lui est ouverte depuis l’entrée en vigueur en 2009 de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi « MOLLE », de céder des terrains avec décote pour favoriser la construction de logements, notamment sociaux, dans notre pays. Il est très difficile d’obtenir des indications sur ce point. Pourtant, monsieur le ministre, la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 prévoyait la remise au Parlement d’un « rapport annuel indiquant la totalité des opérations de cession des actifs fonciers et immobiliers de l’État, partiellement ou totalement destinés à la création de nouveaux logements ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Or le Gouvernement ne nous a jamais remis ce rapport ! Il s’agit sans doute là d’un sujet d’investigation pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Vous avez raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

J’ai néanmoins essayé de trouver des éléments de réponse.

Au cours de l’année 2008, l’État a cédé 131 terrains, dont 16 seulement ont fait l’objet d’une décote, allant de 1 % à 35 %.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

C’est moins que le nombre de terrains ayant été mis gratuitement à disposition de bailleurs sociaux par des communes de mon département ! J’ajoute que chacune de ces cessions gratuites a été accompagnée d’une subvention de la commune et du conseil général pour assurer l’équilibre financier de l’opération. Il s’agit pourtant là d’une compétence d’État…

J’estime qu’il serait légitime que l’État consente lui aussi, à son échelle, un tel effort de solidarité. Nous proposons seulement de lui permettre d’accorder au cas par cas, si cela se justifie, des décotes pouvant aller jusqu’à 100 %, notamment dans les zones tendues. Il ne s’agira pas, je le répète, d’une obligation.

Monsieur le ministre, vous comprendrez donc que la commission ne puisse émettre qu’un avis défavorable sur cet amendement. Je vous suggère même de le retirer. §

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

J’avoue être assez surpris par la comparaison entre les collectivités territoriales et l’État qu’a établie M. le rapporteur. Peut-être ai-je mal lu le texte adopté par la commission, mais il ne m’a pas semblé qu’il fasse référence aux collectivités territoriales : pourquoi ne pas les autoriser également à pratiquer des décotes allant jusqu’à 100 % ?

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Étendez-leur donc la mesure que vous préconisez pour l’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Si M. le ministre observait davantage ce qui se passe sur le terrain, il constaterait que l’essentiel des logements sociaux sont construits avec une aide foncière des collectivités territoriales, qui équivaut à une décote.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

L’État fait de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Le Gouvernement dit souvent qu’il faut éviter de légiférer quand cela n’est pas nécessaire. En l’occurrence, l’intervention de la loi s’impose, car l’attitude de l’État est souvent plutôt malthusienne en la matière : il consent rarement une décote sur les terrains qu’il cède.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Pour ma part, je trouve assez choquant d’inscrire dans la loi que l’État aura la possibilité de céder gratuitement des terrains.

En tant que rapporteur de la mission d’information sur la création de la direction générale des finances publiques, j’ai eu l’occasion de me pencher sur la gestion du patrimoine immobilier de l’État. Chaque fois que l’État vend une propriété, le Parlement exige d’être informé sur les conditions de la cession, ce qui me semble d’’ailleurs normal. Mme Bricq, notamment, est très vigilante sur ce point.

J’admets tout à fait que l’on puisse autoriser une décote par rapport à l’évaluation de France Domaine dans des limites bien déterminées, mais ici il s’agit d’accorder un blanc-seing : certains terrains seraient cédés à titre gratuit, d’autres non, sans que l’on puisse savoir les motifs de ces différences de traitement. Drôle de proposition !

Par ailleurs, il est peut-être vrai que la cession de terrains dynamise l’activité économique, comme l’a dit M. le rapporteur. Cela étant, notre pays est confronté à un très lourd problème d’endettement, qu’il doit impérativement régler. L’État peut certes vendre des terrains pour favoriser la construction de logements, notamment sociaux, mais considérer qu’il doit systématiquement les donner serait, à mon avis, aller bien trop loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

En tant que président d’une petite communauté de communes rurale, j’achète des terrains pour les donner ensuite aux organismes d’HLM, parce que je mène une politique de construction de logements. Cela me paraît assez normal.

Je n’ai donc pas été choqué lorsque M. le rapporteur nous a présenté son amendement en commission. Après tout, pourquoi l’État ne consentirait-il pas lui aussi dans certains cas une décote pouvant aller jusqu’à 100 % ?

Toutefois, à l’instar de nos collègues de l’UMP, les membres de mon groupe et moi-même nous sommes abstenus sur cette disposition en commission, en raison de la manière dont les différents amendements nous ont été présentés. Je conteste la méthode de la commission, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, on a soumis à notre examen un premier amendement, devenu l’article 1er A, sans nous indiquer que son dispositif avait en fait vocation à se substituer au texte du Gouvernement, qui a été supprimé seulement dans un second temps, par un autre amendement de la commission !

M. le rapporteur fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Sur le fond, la commission a retoqué un certain nombre d’amendements en arguant qu’ils n’avaient pas de lien avec le texte en discussion. Mais son amendement tendant à permettre à l’État de céder des terrains gratuitement a-t-il un quelconque rapport avec le projet de loi initial, dont l’objet était la majoration de 30 % des droits à construire ?

Le troisième alinéa de l’article 48 du règlement du Sénat stipule que « les amendements sont recevables s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou, en première lecture, s’ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion ». L’amendement de la commission aurait dû lui aussi être déclaré irrecevable.

Dans ces conditions, même si le texte du Gouvernement me paraît difficilement applicable, je voterai l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. En commission, nous avons en effet d’abord examiné un premier amendement déposé par M. le rapporteur visant à insérer un article additionnel, puis un deuxième tendant à supprimer l’article unique du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Mais mon cher collègue, vous disposiez de la liasse des amendements depuis la veille : tout était donc parfaitement clair !

M. Claude Bérit-Débat acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Je n’ai donc pas l’intention de battre ma coulpe sur ce sujet : tout était clair et transparent depuis la veille. Je n’accepte pas un tel procès d’intention !

Applaudissements

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 6, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-1. - I. - Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si, cumulativement :

« - le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;

« - son objet statutaire est en lien direct avec des préoccupations ou des considérations d'urbanisme ;

« - le recours comporte la justification de la décision des instances compétentes de l'association d'agir en justice contre la décision concernée, ainsi que du pouvoir donné à son représentant pour signer et déposer la requête.

« II. - Une personne physique n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si elle justifie cumulativement lors du dépôt du recours :

« - de l’occupation antérieure à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire d’un bien immobilier ;

« - de la co-visibilité directe de ce bien avec le terrain d'assiette du projet ayant fait l'objet de la décision concernée.

« III. - Les éléments constitutifs de l’intérêt à agir sont appréciés au jour de la délivrance de la décision contestée. »

« Les dispositions prévues aux I et II sont applicables aux recours administratifs et aux recours contentieux. »

La parole est à M. Daniel Dubois.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaiterais présenter en même temps les amendements n° 9 rectifié et 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’appelle donc en discussion les amendements n° 9 rectifié et 7.

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 600-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-2. - Une personne physique ou morale autre qu’une association n'est recevable à agir à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou à un permis de construire, d’aménager, ou de démolir que si elle justifie, lors du dépôt de sa requête et à peine d’irrecevabilité de son recours, que cette décision aura des incidences directes sur les conditions d’occupation ou d’utilisation du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement, ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente ou de bail. »

L'amendement n° 7, présenté par M. Dubois et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 600-1-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 600-1-3. - Le juge peut, à la demande du défendeur, infliger à l'auteur d'une requête contre une autorisation d’urbanisme qu'il estime abusive, une amende dont le montant ne peut être inférieur à 15 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »

Veuillez poursuivre, monsieur Dubois.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Ces trois amendements concernent les recours abusifs.

L’amendement n° 6 vise à inscrire dans la loi les critères retenus par la jurisprudence pour définir l’intérêt à agir d’un tiers contre une autorisation d’urbanisme.

Sont ainsi reprises les exigences jurisprudentielles, tel le fait que l’objet statutaire d’une association requérante soit lié à des questions d’urbanisme. De même, un particulier introduisant un recours doit justifier qu’il occupe un bien concerné avant que n’intervienne la demande d’autorisation. En outre, le requérant doit justifier de la co-visibilité du projet contesté avec le bien qu’il occupe.

En portant de telles exigences au niveau légal, il s’agit de renforcer la force juridique de la pratique prétorienne.

Par ailleurs, la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme sera renforcée par l’introduction d’un critère temporel à l’intérêt à agir. Il devra être constitué lors de la délivrance de la décision contestée, et non lors de l’introduction du recours, comme cela est prévu en l’état actuel du droit.

Comme le juge constitutionnel l’a rappelé, l’encadrement de l’intérêt à agir n’est pas inconstitutionnel. Il s’agit seulement de distinguer plus facilement, par un faisceau d’indices, une requête abusive d’une requête fondée sur des moyens sérieux.

L’idéal serait même de prévoir une procédure accélérée, la procédure pour ce type de recours durant actuellement deux ans, ce dont pâtissent les architectes et promoteurs, les élus locaux et les demandeurs de logement.

L’amendement n° 9 rectifié est un amendement de repli par rapport au précédent, dont il est une version édulcorée, à la portée plus limitée. Il vise à porter au niveau législatif les conditions de recevabilité des requêtes des personnes physiques ou morales autres que les associations contre les décisions de non-opposition.

Enfin, l’amendement n° 7 tend à prévoir que le montant des amendes sanctionnant les recours abusifs ne puisse être inférieur à 15 000 euros, alors qu’il est aujourd'hui plafonné à 3 000 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Certes, une réforme du fonctionnement de la justice administrative pour lutter contre les recours abusifs en matière d’urbanisme est sans doute attendue par nombre d’élus locaux.

Toutefois, une réforme aussi complexe ne peut certainement pas se faire par voie d’amendement, au détour de l’examen d’un tel projet de loi. Il convient de prendre le temps de l’analyse et de la concertation avec les juristes, les élus et les corps intermédiaires, si nécessaires à la démocratie.

En effet, en matière d’urbanisme, le diable se cache toujours dans les détails. Une réforme précipitée pourrait se révéler un remède pire que le mal.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements. Mais sans doute s’agit-il d’amendements d’appel au Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Il me semble également qu’il s’agit là d’amendements d’appel. Cet appel a été largement entendu par le Gouvernement, puisque, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, un décret est en cours de préparation. Il sera transmis au Conseil d'État d’ici à la fin du mois de mars.

Je rappelle qu’un atelier spécifique sur le contentieux, qui est aujourd’hui la plaie du secteur de la construction dans notre pays, avait été mis en place dans le cadre de la démarche « urbanisme de projet » ; vous y avez d’ailleurs largement participé, monsieur Dubois.

En d’autres termes, monsieur le rapporteur, la concertation avec les élus, les juristes et les corps intermédiaires a déjà eu lieu. Nous disposons d’un certain nombre d’outils pour mieux lutter contre les contentieux « mafieux » ou, en tout cas, abusifs.

À mon sens, les deux premiers amendements vont trop loin en matière de limitation du droit au recours. Quant au troisième, il me paraît être d’ordre réglementaire.

Pour sa part, le décret en préparation va aussi loin que possible tout en restant dans le cadre juridique pertinent. Ainsi que je l’ai déjà indiqué à l’Assemblée nationale, ces amendements étant assez éloignés de l’objet du texte, ils risquent d’être considérés comme des cavaliers. Tout en reconnaissant la justesse de votre constat et de votre analyse, je vous demande donc, monsieur Dubois, de bien vouloir les retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Pourquoi parler de précipitation ? Cela fait quinze ans que l’on évoque ce sujet et que l’on s’abrite derrière de bons arguments pour ne jamais légiférer !

Certes, le problème est complexe, mais la réflexion a progressé. Une question prioritaire de constitutionnalité a été posée et le ministère de la justice a été consulté sur le montant des amendes. Prendre de telles dispositions constituerait un signal extrêmement fort pour les maîtres d’ouvrage. Dans certains secteurs, notamment en Île-de-France, la quasi-totalité des permis de construire font l’objet de recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Chez moi, aucun n’a jamais été attaqué en quinze ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Le législateur doit apporter des solutions à ce problème. Il faut augmenter le montant des amendes, car il est actuellement ridicule. Après deux ans de procédure, un promoteur, même s’il a gagné en justice, est souvent épuisé et renonce à l’opération sans se retourner contre l’association requérante. C’est un cercle dont on ne sort pas.

Il est urgent d’agir. Les dispositions que nous proposons de mettre en œuvre ne coûtent rien et auraient des effets tout à fait positifs sur la promotion immobilière, qu’elle soit sociale ou privée.

Cela étant dit, j’accepte de retirer mes amendements, puisqu’un décret est en cours de préparation. J’espère, monsieur le ministre, qu’il nous permettra d’avancer.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L’article 1er a été supprimé en commission, et nous nous en félicitons.

En effet, le texte initial du Gouvernement relevait de la supercherie dans la mesure où il donnait à croire que les collectivités, en maintenant un niveau de constructibilité trop bas, empêcheraient la réalisation de logements et seraient donc responsables de la crise du logement.

Une telle approche est pour le moins contestable.

Le véritable problème tient au désengagement de l’État du domaine du logement, qui se traduit par un assèchement des crédits destinés aux aides à la pierre et une limitation draconienne de la participation des pouvoirs publics au financement de programmes de logements sociaux.

Ainsi, le financement des prêts locatifs aidés d’intégration est passé de 10 760 euros à 9 600 euros dans la dernière loi de finances. Ce montant est très insuffisant, sachant que la construction d’un logement coûte, en moyenne, 150 000 euros.

La substitution à l’article 1er de l’article 1er A ouvre d’autres pistes tout à fait pertinentes pour répondre à la crise du logement, notamment la mise à disposition gratuite de terrains ou d’immeubles appartenant à l’État.

Une telle mesure apparaît justifiée lorsque l’on sait que si des logements se construisent aujourd’hui, ce n’est pas grâce à votre action, monsieur le ministre, mais bien parce que les collectivités interviennent et financent lourdement les programmes de construction. À titre d’exemple, nos communes rurales vendent leurs terrains viabilisés à perte, sinon elles ne trouvent pas preneur.

Pour répondre aux besoins, plutôt que de stimuler l’offre privée de logement, il faut favoriser la production de logements publics accessibles à tous. À cet égard, l’action des collectivités est déterminante ; l’article 1er A constitue une piste intéressante pour la soutenir. En effet, la faiblesse des aides à la pierre, les ponctions opérées sur les ressources des offices d’HLM afin de financer l’ANRU, la hausse du taux de TVA pesant sur les travaux plongent les bailleurs sociaux et les collectivités dans une situation inextricable, qui ne leur permet pas de fournir un effort de construction de logements sociaux qui soit à la hauteur des besoins. La semaine dernière, l’office d’HLM des Côtes-d’Armor m’a adressé un courrier faisant état de ces difficultés.

Il arrive aussi fréquemment aux collectivités locales de céder des terrains pour un euro symbolique aux offices d’HLM départementaux afin que ceux-ci y construisent des logements sociaux. Nous montrons ainsi l’exemple à l’État.

Le nombre de personnes pouvant encore se loger dans le privé diminuant chaque jour en raison de l’envolée des loyers, la situation ne risque pas de s’arranger et la file des demandeurs d’un logement social n’est pas près de se réduire.

Si cette situation est, pour partie, la conséquence de la crise qui a entraîné une perte de pouvoir d’achat pour nos concitoyens, elle est également liée à la spéculation implacable qui sévit dans le secteur du logement et permet des hausses des loyers vertigineuses dans le privé.

Il nous faut donc envisager les moyens concrets de retrouver des marges de manœuvre pour financer la construction de logements publics, notamment par le biais des PLAI et des PLUS.

Je ferai d’abord observer que, parmi les quatre postes constitutifs du prix de revient d’un logement neuf – le foncier, les études, la construction et les intérêts d’emprunts –, deux ne correspondent à aucun travail ni à aucune production matérielle. La valeur du foncier et les intérêts d’emprunts sont purement spéculatifs. Nous pouvons donc actionner deux leviers pour favoriser la construction de logements : il faut agir pour inverser la tendance en matière d’évolution du coût du foncier, préoccupation à laquelle répond pour partie l’article 1er A, et obtenir une réduction de la charge des intérêts d’emprunts.

Sur ce second point, force est de constater que, comme cela a été rappelé précédemment, tous les dispositifs fiscaux d’accompagnement de l’immobilier ont visé à casser la notion même de « parc social », à banaliser celui-ci pour l’intégrer dans la sphère marchande de l’immobilier privé et à encourager dans le même temps l’investissement rentier.

Toutes ces évolutions ont conduit l’État à financer toujours plus l’accession à la propriété et l’investissement locatif à but lucratif, au détriment de la construction sociale et solidaire.

Pourquoi ne pas modifier la destination de ces aides fiscales en instaurant un prêt à taux zéro pour la construction sociale ? §(Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.) Ce dispositif pourrait être mis en œuvre par la Caisse des dépôts et consignations, à condition de réaffirmer la nécessaire centralisation totale des ressources du livret A par cet organisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, un amendement allant dans ce sens déposé par notre groupe avait été adopté. Une telle mesure a toute sa pertinence ici.

Quoi qu’il en soit, nous approuvons le texte de la commission, car il vise à un renforcement de l’intervention publique en faveur de la construction de logements publics accessibles au plus grand nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

II. - Après le même article L. 123-1-11, il est inséré un article L. 123-1-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-11-1. - I. - Les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol ou de coefficient d'occupation des sols fixées par le plan local d'urbanisme, le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone sont majorés de 30 % pour permettre l'agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d'habitation, dans les conditions prévues au présent article. Cette majoration s'applique dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi n° … du … relative à la majoration des droits à construire.

« La majoration de 30 % prévue au premier alinéa du présent I n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

« Elle ne s'applique pas si le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme a pris, avant la promulgation de la loi n° … du … précitée, une délibération faisant application du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« II. - Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée, l'autorité compétente, en application de l'article L. 123-6, pour élaborer le plan local d'urbanisme met à la disposition du public une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration de 30 % prévue au I du présent article sur le territoire de la ou des communes concernées, notamment au regard des objectifs mentionnés à l'article L. 121-1. Le public dispose d'un délai d'un mois pour formuler ses observations à compter de la mise à disposition de cette note.

« Les modalités de la consultation du public prévue au premier alinéa du présent II et du recueil et de la conservation de ses observations sont précisées, selon le cas, par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et portées à la connaissance du public au moins huit jours avant le début de cette consultation. Elles peuvent prendre la forme d'une mise en ligne du dossier de consultation ou d'une présentation au cours d'une réunion publique.

« À l'issue de la mise à disposition de la note d'information mentionnée au même premier alinéa, le président de l'établissement public ou le maire présente la synthèse des observations du public à l'organe délibérant de l'établissement public ou au conseil municipal. Cette synthèse est publiée dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme.

« III. - La majoration mentionnée au premier alinéa du I est applicable huit jours après la date de la séance au cours de laquelle la synthèse des observations du public a été présentée à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou au conseil municipal et au plus tard à l'expiration d'un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … précitée, sauf si l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le conseil municipal décide, à l'issue de la consultation du public prévue aux deux premiers alinéas du II du présent article, qu'elle ne s'applique pas sur tout ou partie du territoire de la ou des communes concernées ou s'il adopte la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« À tout moment, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l'application de la majoration prévue au I du présent article sur tout ou partie du territoire de la commune ou des communes concernées. Il en est de même s'il décide d'adopter la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11. Dans les deux cas, cette délibération est précédée de la consultation du public prévue, respectivement, au II du présent article ou au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peuvent décider d'appliquer la majoration prévue au I du présent article sur leur territoire, nonobstant toute délibération contraire de l'établissement public, ou d'écarter cette application.

« IV. - Le présent article s'applique aux demandes de permis et aux déclarations déposées en application de l'article L. 423-1 avant le 1er janvier 2016. »

III. - L'article L. 128-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même de l'application combinée des articles L. 123-1-11-1, L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Il s’agit simplement de rétablir la rédaction du texte issue des travaux de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 5, présenté par MM. Jarlier et Dubois, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

II. - Après le même article L. 123-1-11, il est inséré un article L. 123-1-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 123-1-11-1. - I. - Les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d'emprise au sol ou de coefficient d'occupation des sols fixées par le plan local d'urbanisme, le plan d'occupation des sols ou le plan d'aménagement de zone sont majorés de 30 % pour permettre l'agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d'habitation, dans les conditions prévues au présent article. Cette majoration s'applique dans les communes situées dans des zones géographiques caractérisées par un déséquilibre manifeste entre l'offre et la demande de logements définies par décret et dotées d'un plan local d'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan d'aménagement de zone en vigueur à la date de promulgation de la loi n° … du … relative à la majoration des droits à construire.

« La majoration de 30 % prévue au premier alinéa du présent I n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

« Elle ne s'applique pas si le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme a pris, avant la promulgation de la loi n° … du … précitée, une délibération faisant application du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« II. - Dans un délai de trois mois après l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la majoration des droits à construire, l’autorité compétente en application de l’article L. 123-6 procède à un débat sur les moyens à mettre en œuvre en vue d’augmenter la densification urbaine dans les communes et établissements de coopération intercommunale visés au premier alinéa du I.

« Dans le cadre de ce débat, elle détermine les secteurs situés en zone urbaine à l’intérieur desquels s’appliquera la majoration visée au I du présent article, dans le respect des dispositions mentionnées à l’article L. 121-1 et au regard de l’équilibre entre l’offre et la demande de logements, en particulier en matière de logement social.

« Dans un délai d’un mois après ce débat, elle met à la disposition du public une note d’information présentant le contenu, l’impact et la sectorisation de l'application de la majoration des droits à construire.

« Le public dispose d’un délai d’un mois pour formuler ses observations à compter de la mise à disposition.

« Les modalités de la consultation du public et du recueil et de la conservation de ses observations sont précisées par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent et portées à la connaissance du public au moins huit jours avant le début de cette consultation. Elles peuvent prendre la forme d'une mise en ligne du dossier de consultation ou d'une présentation au cours d'une réunion publique.

« Dans un délai d’un mois à l'issue de la consultation du public, le président de l'établissement public ou le maire présente la synthèse des observations du public à l'organe délibérant qui fixe les secteurs dans lesquels la majoration s’appliquera. Cette synthèse est publiée dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d'urbanisme.

« III. - La majoration mentionnée au premier alinéa du I est applicable dans les secteurs définis par la délibération visée aux précédents alinéas, huit jours après la date de la séance au cours de laquelle la synthèse des observations du public a été présentée à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou au conseil municipal.

« À tout moment, le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l'application de la majoration prévue au I sur tout ou partie du territoire de la commune ou des communes concernées. Il en est de même s'il décide d'adopter la délibération prévue au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11. Dans les deux cas, cette délibération est précédée de la consultation du public prévue, respectivement, au II du présent article ou au sixième alinéa de l'article L. 123-1-11.

« IV. - Le présent article s'applique aux demandes de permis et aux déclarations déposées en application de l'article L. 423-1 avant le 1er janvier 2016. »

III. - L'article L. 128-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il en est de même de l'application combinée des articles L. 123-1-11-1, L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2. »

La parole est à M. Pierre Jarlier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Cet amendement vise à rétablir la majoration des droits à construire initialement proposée par le Gouvernement, en modifiant quelque peu le dispositif, notamment pour limiter son application aux secteurs tendus. En effet, pourquoi imposer des procédures complexes et coûteuses à des collectivités lorsqu’une densification n’est pas nécessaire ?

Par ailleurs, préalablement à la concertation avec la population, il est important qu’un débat puisse avoir lieu en conseil municipal en vue d’adopter une délibération établissant, en conformité avec le PADD, où et dans quelles conditions une densification est envisageable. Notre amendement vise également à instaurer une telle procédure, qui permettra de respecter l’esprit de l’urbanisme de projet tel qu’il a notamment été défini par la loi SRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Lors de la discussion générale, plusieurs orateurs ont exposé pourquoi le dispositif proposé par le Gouvernement n’était pas judicieux.

Il a été élaboré de manière précipitée, sans consultation, il est redondant avec le droit existant et sa mise en œuvre ferait courir de lourds risques de contentieux aux particuliers et aux collectivités territoriales, en particulier du fait des incertitudes qui entourent les modalités de consultation du public. Il va à l’encontre d’une démarche urbanistique de qualité. Enfin, il place les communes en position d’accusées.

La commission est donc totalement défavorable à l’amendement n° 3, qui vise à le rétablir.

Quant à l’amendement n° 5, il tend à éliminer certaines scories du texte du Gouvernement et à améliorer son dispositif en en limitant le champ d’application à certains secteurs tendus, en rendant plus cohérent le processus d’information et de délibération et en supprimant une disposition totalement incompréhensible qui permet à une commune d’appliquer éventuellement la majoration des droits à construire alors même que l’EPCI dont elle est membre aurait pris une décision contraire !

Cela étant, dans la mesure où il s’agit seulement d’améliorer quelque peu un mauvais texte, la commission émet un avis défavorable.

Néanmoins, je précise à notre collègue Jarlier, dont l’une des motivations, je le sais, est d’ouvrir un débat sur la densification à l’occasion de l’examen de ce texte, qu’il existe dans la loi MOLLE une disposition, hélas ! trop méconnue des maires et de nos concitoyens, permettant d’ores et déjà d’augmenter la densité des constructions. Cette méconnaissance procède sans doute d’un manque de « service après-vote » de la part du Gouvernement.

En effet, l’article L. 123-1-1 du code de l’urbanisme, tel que modifié par cette loi, dispose que le conseil municipal peut délibérer sur l’opportunité d’une application des dispositions prévues au sixième alinéa, c'est-à-dire du dispositif de majoration des droits à construire créé par l’article 10 de la loi MOLLE. De nombreuses communes ignorent l’existence de cette disposition, qui a été adoptée en 2009. Les services décentralisés de l’État devraient diffuser l’information nécessaire.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

M. Benoist Apparu, ministre. Si la Haute Assemblée devait ne pas adopter l’amendement du Gouvernement, ce que je ne saurais imaginer

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Nous voterons l’amendement du Gouvernement.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur les propos qu’a tenus M. Dubois sur la méthode de discussion des amendements en commission.

Pourquoi, monsieur le rapporteur, avez-vous présenté un amendement, qui a été adopté par la majorité de la commission, visant à prévoir que l’État mette du foncier à disposition pour la construction de logements, avant de rejeter nos amendements tendant à instaurer, sous une autre forme, des dispositifs ayant un objet analogue, au motif qu’ils étaient, selon vous, hors sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Où sont ces amendements ? Vous pouviez les redéposer !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

J’aimerais comprendre la logique de votre démarche. Manifestement, il y a deux poids, deux mesures, ce qui n’est pas acceptable.

J’en reviens à l’amendement du Gouvernement.

À l’évidence, son dispositif ne suffira pas, à lui seul, à provoquer la relance que tout le monde attend et qui permettrait de répondre aux besoins de nos concitoyens. Cela étant, il présente l’avantage, à mes yeux très important, d’ouvrir à de nombreuses familles la possibilité d’agrandir leur logement. En effet, à l’heure actuelle, elles ne peuvent le faire si le COS est saturé, alors qu’elles en auraient grand besoin quand elles accueillent un nouvel enfant ou comptent en leur sein une personne handicapée, par exemple. Tous les maires ont été un jour confrontés à de tels cas.

Certes, monsieur le rapporteur, il existe déjà, dans la législation actuelle, des dispositifs permettant aux collectivités d’adopter une délibération afin de majorer le COS. Toutefois, cela prend du temps et tous les ménages ne sont pas placés sur un pied d’égalité, puisqu’il s’agit là d’une simple faculté ouverte aux communes.

Nous soutenons donc l’amendement du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

S’agissant tout d’abord de la méthode, je vous renvoie, monsieur Revet, au compte rendu des travaux de la commission. Les choses ont été très claires : la liasse des dix amendements déposés a été distribuée la veille de la réunion de la commission et, lors de celle-ci, j’ai indiqué que je proposerais l’insertion d’un article additionnel et que je demanderais la suppression de l’article unique adopté par l’Assemblée nationale. Il ne pouvait donc pas y avoir d’ambiguïté. Je le redis, afin que mes propos figurent au Journal officiel.

Par ailleurs, je répète que le code de l’urbanisme permet déjà de répondre à la situation que vous avez évoquée : le conseil municipal peut prendre une délibération autorisant le propriétaire d’un pavillon à procéder à des travaux d’agrandissement même si le potentiel de construction offert par le COS a déjà été entièrement utilisé. Cette procédure est simple et rapide, puisque le délai est d’un mois.

Par conséquent, la disposition présentée par le Gouvernement est redondante par rapport au droit existant.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Amoudry et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les communes touristiques et stations classées de tourisme couvertes par un plan local d'urbanisme, l’organe délibérant compétent peut décider de la majoration de 30 % des droits à construire, et conditionner le bénéfice de cette mesure au versement par les bénéficiaires au profit de la collectivité d’une contribution affectée obligatoirement au financement de logements sociaux.

Dans un délai d’au moins deux mois avant cette décision, l’assemblée délibérante établit, en conformité avec son projet urbain tel qu’il résulte de l’application de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, une proposition de zonage et les modalités d’application de la majoration des droits à construire, et le cas échéant de sa contrepartie financière.

Cette proposition fait l’objet d’une note d’information mise à la disposition du public.

Au moins un mois après cette mise à disposition, et préalablement à la décision mentionnée au premier alinéa du présent article, l’assemblée délibérante examine la synthèse des observations du public et la publie dans les conditions prévues pour la publication des documents modifiant les règles d’urbanisme.

La majoration de 30 % prévue au premier alinéa n'est applicable ni dans les zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mentionnées à l'article L. 147-4, ni dans les secteurs sauvegardés. Elle ne peut avoir pour effet de modifier une règle édictée par l'une des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1, ni de déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre Ier.

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

Cet amendement concerne tout particulièrement les communes touristiques, qui sont soumises à une forte pression immobilière et où l’accès des résidents permanents et des travailleurs saisonniers au logement représente un grave problème, tant humain que sociologique.

En effet, dans les stations de montagne et les stations balnéaires, le développement du marché de la résidence secondaire, souvent dopé par l’existence d’une clientèle aisée, engendre une hausse très importante des prix du foncier et de l’immobilier.

En conséquence, les actifs, notamment les saisonniers, ne peuvent plus se loger et les politiques publiques mises en œuvre ne permettent pas de contenir la raréfaction du foncier constructible et la hausse des prix.

En outre, l’augmentation des droits à construire pour des habitats mixtes s’exerce plus difficilement dans les communes touristiques que dans les grandes cités, en raison de la nature et de la destination des projets immobiliers, souvent de haut de gamme, éloignés des transports et des commodités.

C’est pourquoi le présent amendement vise à permettre la majoration de la constructibilité dans ces communes, tout en la subordonnant au versement d’une contribution au profit de la collectivité. Le montant de cette contribution serait affecté obligatoirement au financement de logements sociaux, dissociés de l’habitat résidentiel touristique.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Monsieur Amoudry, votre proposition, qui vise à faire participer les bénéficiaires de droits à construire majorés au financement du logement social, est intéressante et j’y suis très sensible. Toutefois, je le répète une nouvelle fois, il existe déjà des dispositifs permettant d’augmenter les droits à construire, et ce jusqu’à 50 % s’il s’agit de construire des logements sociaux.

Plutôt que de créer une nouvelle taxe, il serait plus efficace de s’assurer que la contrepartie de l’augmentation des droits à construire soit affectée en totalité au logement social.

Cela étant, je connais bien le sujet du logement des travailleurs saisonniers. Peut-être pourrons-nous trouver un jour, au sein du groupe d’études sur le développement économique de la montagne, un consensus sur une réponse efficace, pour l’ensemble des massifs, à cette difficile question.

J’émettrai un avis défavorable sur cet amendement s’il est maintenu.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, ministre

Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.

La problématique de la production de logements dans les communes touristiques et dans les zones de montagne est en effet très particulière. Il me semble toutefois que la mesure présentée par le Gouvernement, qui est pleinement applicable à ces zones, constitue une réponse intéressante, et je ne crois pas souhaitable d’instaurer un dispositif spécifique.

En outre, le Gouvernement n’est pas favorable à la création de la taxe proposée, d’autant qu’une augmentation des droits à construire implique mécaniquement une majoration de la taxe d’aménagement. Je rappelle que la taxe d’aménagement a fait l’objet d’une réforme d’ampleur à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, offrant d’importantes marges de manœuvre aux collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

La mesure que je propose est indispensable pour débloquer la situation. Certes, un certain nombre de dispositifs figurent déjà dans la loi MOLLE, mais, pour diverses raisons, ils ne fonctionnent pas.

D’une part, la densification n’est pas une solution pertinente s’agissant d’immeubles résidentiels situés à trois ou quatre kilomètres des centres de vie et des moyens de transport. En effet, de telles constructions sont destinées à accueillir des vacanciers à la recherche de repos et de contact avec la nature. Les actifs, surtout les saisonniers, ont besoin, eux, d’être à proximité des transports et des services au public. Il faut donc dissocier le cas des logements destinés aux actifs de celui des résidences touristiques.

D’autre part, la mesure proposée, qui est attendue par des milliers de salariés en quête de logement, est indolore pour les finances publiques. Pourquoi, dès lors, ne pas la mettre en œuvre ?

Vous avez évoqué l’existence d’un certain nombre de dispositifs, monsieur le ministre. Beaucoup de maires de ma connaissance, qui participent aux travaux des associations d’élus, devraient normalement être bien informés par vos services. Or je n’en ai jamais entendu un seul déclarer qu’il avait trouvé une solution adéquate dans la législation existante.

J’ajoute enfin que majorer de 30 % les droits à construire, comme le propose le Gouvernement, sans faire en même temps un effort en faveur du logement des travailleurs saisonniers serait impossible à justifier politiquement ou même au regard du simple bon sens, surtout dans des zones où la densité est déjà forte.

Je maintiens donc mon amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle que l’intitulé du projet de loi, dans le texte de la commission, est ainsi rédigé : « projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement ».

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, tend à le rédiger ainsi :

Projet de loi relatif à la majoration des droits à construire

Je constate que cet amendement n’a plus d’objet.

En conséquence, l’intitulé du projet de loi, dans le texte de la commission, demeure inchangé.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Filleul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Monsieur le ministre, malgré vos efforts et ceux de votre majorité, nous ne sommes toujours pas convaincus du bien-fondé d’un texte visant à augmenter de 30 % les droits à construire.

L’élaboration de cette réforme n’a donné lieu à aucune consultation digne de ce nom. Votre proposition n’est qu’un texte d’opportunité ; nous ne pouvons espérer un seul instant qu’il permette de favoriser la construction de logements.

Toutes les conditions sont donc réunies pour que le groupe socialiste vote le texte présenté par la commission de l’économie, qui permettra d’ouvrir des lots à construire pour le logement social. §

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

L’objet initial du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale était d’accroître l’offre de logements, tout en permettant une meilleure utilisation de l’espace, en densifiant la ville et en prévenant l’étalement urbain, c’est-à-dire en préservant les espaces naturels et agricoles. Il tendait à confirmer la volonté du Gouvernement de multiplier les dispositifs, avec un double objectif : accroître sensiblement l’offre de logements, dans une démarche sociale, et apporter une contribution au développement économique de notre pays.

Outre qu’il témoignait d’un bon sens évident, ce projet de loi était pragmatique puisque la majoration de 30 % des droits à construire pour les collectivités locales disposant d’un POS ou d’un PLU n’impactait pas, bien évidemment, les terrains non constructibles, afin d’empêcher toute spéculation.

Ce bon sens et ce pragmatisme se retrouvaient dans une disposition fondamentale, celle qui respecte la libre administration des collectivités locales. Une liberté totale était offerte aux communes, lesquelles étaient simplement incitées à utiliser les droits à construire par un rappel des possibilités qui leur étaient offertes.

La majorité de gauche du Sénat a rejeté ce dispositif pourtant souple et pragmatique, et surtout facultatif. Pour cette raison, le groupe de l’UMP ne pourra apporter son soutien au texte de la commission, …

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

… qui a détourné le projet de loi initial de son objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Que de grands mots : avant, c’était un hold-up, maintenant c’est un détournement, bientôt ce sera du racket !

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Ayant déjà suffisamment argumenté, au nom du groupe écologiste, contre l’effet d’annonce que constitue le projet du Gouvernement, je serai bref.

La version Repentin de ce texte est pour nous l’annonce d’une véritable loi sur le logement pour tous. Nous avons hâte de commencer à y travailler. En attendant, nous voterons le projet de loi dans le texte de la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

J’informe le Sénat que la commission de l’économie a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement que nous venons d’adopter.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 1er mars 2012 :

À neuf heures trente :

1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet (442, 2011 2012) ;

Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (448, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 449, 2011-2012).

À quinze heures et le soir :

2. Questions d’actualité au Gouvernement

3. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles ;

Rapport de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat (418, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 419, 2011-2012).

4. Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 1 er mars 2012, à zéro heure trente.