Prenons le cas des aides personnelles au logement, dont on ne parle pas souvent. Leur attribution est certes soumise à des critères, notamment de surface et de ressources, mais elles sont versées même si les loyers sont manifestement exorbitants.
Monsieur le ministre, je vous ai déjà donné l’exemple d’un appartement de trente-huit mètres carrés, en piteux état, à la limite de l’indécence, loué pour près de 750 euros par mois –soit quelque 20 euros du mètre carré – et situé aux Pavillons-sous-Bois, en plein cœur de la Seine-Saint-Denis. Cet appartement est loué à une famille disposant de peu de ressources, mais solvabilisée grâce aux quelque 500 euros d’aide personnalisée au logement dont elle bénéficie. Dans un tel cas, le propriétaire ne s’inquiète guère du risque de non-versement de la part restant à la charge du locataire, puisqu’il a l’assurance que la collectivité lui paiera au moins 500 euros par mois pour ses trente-huit mètres carrés. Recourir à un système tel que la garantie contre le risque locatif ou la garantie contre les loyers impayés ne l’intéresse même pas, car la seule aide personnalisée au logement lui assure déjà un niveau de rentabilité suffisamment élevé…
Il faut que nous mettions un terme à ces abus insupportables. À mon sens, il est possible de le faire sans encadrer brutalement les loyers, mesure qui, même assortie d’un zonage, entraînerait à l’évidence des effets pervers, monsieur Repentin.
Il suffirait de ne plus verser d’aide personnelle au-delà d’un certain niveau de loyer. Croyez-moi, en l’absence d’APL, le propriétaire qui, aujourd’hui, utilise les possibilités qu’offre le système ne trouverait aucun preneur. Il serait alors bien obligé de baisser le montant du loyer. C’est pour lutter contre ce genre d’abus qu’il faut corriger notre système d’aides personnelles.
Mes chers collègues, entre la fixation ou l’encadrement strict des prix et le libre jeu de la loi du marché, il y a certainement une troisième voie, que nous n’avons pas encore véritablement explorée. Malheureusement, le texte dont nous débattons ne nous permet pas, en l’état, de le faire. Je crois pourtant sincèrement que c’est là l’une des solutions pour rendre plus efficaces les sommes considérables d’argent public que nous consacrons chaque année, directement ou indirectement, aux aides au logement de toute nature.
J’en viens maintenant au texte proposé par le Gouvernement et adopté par l’Assemblée nationale.
Est-ce un texte utile ? Je répondrai, monsieur le ministre, par l’affirmative à cette question. S’il faut vous rassurer après tout ce que je viens de dire, je vous indique d’ores et déjà que je soutiendrai vos amendements visant à rétablir la rédaction initiale du projet de loi.
Je les voterai parce qu’il s’agit d’une mesure facultative, qui constituera donc un outil de plus à la disposition de ceux qui souhaiteront y recourir. Cela étant, je ne crois pas que sa mise en œuvre donnera les résultats que certains semblent en attendre, c'est-à-dire une accélération forte de la construction permettant enfin une baisse des prix.
Je ne le crois pas, tout d’abord, parce qu’il est fort probable que très peu d’élus utiliseront ce nouveau dispositif. Monsieur le ministre, les élus locaux ont tous une politique du logement, certes plus ou moins volontariste et parfois malthusienne, qui peut d’ailleurs également résulter de contraintes locales, mais ils en ont une. Cette politique est traduite, comme l’impose la loi, dans les documents d’urbanisme.
Dans ces conditions, offrir aux élus la possibilité de construire 30 % de plus permettra à ceux dont l’action s’inscrivait déjà dans cette logique de gagner du temps, mais au détriment de la concertation, tandis que cela ne changera rien pour les autres.