Intervention de Claude Dilain

Réunion du 29 février 2012 à 21h30
Majoration des droits à construire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude DilainClaude Dilain :

Dans ces conditions, nous pourrions être tentés de soutenir votre proposition, mais l’étude de l’article unique qui constituait votre projet de loi a fait naître en moi de graves inquiétudes.

La première de ces inquiétudes a trait au respect du principe de la libre administration des collectivités territoriales, garantie par l’article 72 de la Constitution. Vous me rétorquerez que votre projet de loi ne contrevient nullement à ce dernier, puisque vous daignez accorder aux collectivités territoriales le pouvoir de dire non. Dont acte, en tout cas sur le plan juridique !

Cependant, considérons le champ politique.

Il est tout de même surprenant de réduire la liberté de s’administrer des collectivités locales à la simple possibilité de faire jouer un droit de veto, alors que la France déploie depuis trente ans des efforts, parfois douloureux, pour tendre vers la décentralisation. Il s’agit là, mine de rien, au détour d’un projet de loi, d’amorcer un retour à la centralisation, au rebours du mouvement engagé par notre pays depuis trente ans. Il n’est pas neutre que l’on nous propose d’inverser ainsi le processus de décision.

J’y vois en outre une contradiction. Je pourrais comprendre que l’État impose aux collectivités territoriales des mesures conformes à l’intérêt supérieur du pays. Mais, dans cette hypothèse, il ne faut pas permettre aux collectivités territoriales de s’en exonérer grâce à une simple « note d’information »… Si l’intérêt supérieur de la nation est en jeu, la mesure doit être d’application générale ; sinon, il faut respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Ma deuxième inquiétude porte sur la densification, qui ne peut se résumer à une simple augmentation du nombre des logements : il faut aussi que les équipements publics suivent. Les communes riches pourront faire face à cette exigence, mais pas les autres ; il faudra les y aider.

J’espère que les maires bâtisseurs ne seront pas tous aidés de la même façon. Vous avez parlé de péréquation, monsieur le ministre : il aurait fallu l’instaurer dans le même mouvement. Sinon, nous risquons de l’attendre aussi longtemps que Godot… Ne renouvelez pas les erreurs commises dans les années soixante, quand on a construit des logements, sous la pression de l’urgence, en se disant que le reste suivrait. Or « le reste » n’a jamais suivi, et l’on sait ce qu’il est advenu de nombreux grands ensembles construits à cette époque, qui se sont totalement paupérisés.

Ma troisième inquiétude concerne la nature des logements devant être construits. Rien n’est prévu pour orienter le type de construction et améliorer la pluralité de l’offre. Le risque est grand que l’on continue à construire des logements privés là où l’on en a déjà réalisé beaucoup dans le passé, et des logements conventionnés dans les secteurs où ils représentent déjà une forte proportion du parc. Au pire, on ne construira rien du tout.

Monsieur le ministre, je n’oppose nullement le logement social au logement privé, au contraire de ceux qui stigmatisent le logement social en racontant n’importe quoi à son sujet ! §

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